ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

27 septembre 2017 (*)

« Renvoi préjudiciel – Propriété intellectuelle – Règlement (CE) n° 6/2002 – Article 20, paragraphe 1, sous c), article 79, paragraphe 1, ainsi que articles 82, 83, 88 et 89 – Action en contrefaçon – Limitation des droits conférés par le dessin ou modèle communautaire – Notion d’“illustration” – Règlement (CE) n° 44/2001 – Article 6, point 1 – Compétence à l’égard du codéfendeur domicilié en dehors de l’État membre du for – Étendue territoriale de la compétence des tribunaux des dessins ou modèles communautaires – Règlement (CE) n° 864/2007 – Article 8, paragraphe 2 – Loi applicable aux demandes visant l’adoption des ordonnances relatives aux sanctions et aux autres mesures »

Dans les affaires jointes C‑24/16 et C‑25/16,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf, Allemagne), par décisions du 7 janvier 2016, parvenues à la Cour le 18 janvier 2016, dans les procédures

Nintendo Co. Ltd

contre

BigBen Interactive GmbH,

BigBen Interactive SA,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. M. Ilešič (rapporteur), président de chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la deuxième chambre, Mmes A. Prechal, C. Toader et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 décembre 2016,

considérant les observations présentées :

–        pour Nintendo Co. Ltd, par Mes A. von Mühlendahl et H. Hartwig, Rechtsanwälte,

–        pour BigBen Interactive GmbH et BigBen Interactive SA, par Mes W. Götz, C. Onken et C. Kurtz, Rechtsanwälte,

–        pour la Commission européenne, par MM. T. Scharf et M. Wilderspin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 1er mars 2017,

rend le présent

Arrêt

1        Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 20, paragraphe 1, sous c), de l’article 79, paragraphe 1, ainsi que des articles 82, 83, 88 et 89 du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), de l’article 6, point 1, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1), ainsi que de l’article 8, paragraphe 2, et de l’article 15 du règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 11 juillet 2007, sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (« Rome II ») (JO 2007, L 199, p. 40).

2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant Nintendo Co. Ltd (ci-après « Nintendo »), société établie au Japon, à BigBen Interactive GmbH (ci-après « BigBen Allemagne »), société établie en Allemagne, et à BigBen Interactive SA (ci-après « BigBen France »), société mère de BigBen Allemagne établie en France, au sujet des actions en contrefaçon en raison de la prétendue violation par les défenderesses au principal des droits conférés à Nintendo par les dessins ou modèles communautaires dont celle-ci est titulaire.

 Le droit de l’Union

 Le règlement n° 44/2001

3        Le règlement n° 44/2001 a remplacé, dans les relations entre les États membres, la convention concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée à Bruxelles le 27 septembre 1968 (JO 1972, L 299, p. 32, ci-après la « convention de Bruxelles »). Il a lui-même été abrogé et remplacé par le règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1), applicable à partir du 10 janvier 2015. L’article 66 de ce dernier règlement, relatif aux dispositions transitoires, prévoit, à son paragraphe 1, que celui-ci « n’est applicable qu’aux actions judiciaires intentées, aux actes authentiques dressés ou enregistrés formellement et aux transactions judiciaires approuvées ou conclues à compter du 10 janvier 2015 ».

4        Le considérant 11 du règlement n° 44/2001 prévoyait :

« Les règles de compétence doivent présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur et cette compétence doit toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. [...] »

5        Aux termes de l’article 6, point 1, de ce règlement :

« [Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre] peut aussi être attraite :

1)      s’il y a plusieurs défendeurs, devant le tribunal du domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ».

6        Aux termes de l’article 68, paragraphe 2, dudit règlement :

« Dans la mesure où le présent règlement remplace entre les États membres les dispositions de la convention de Bruxelles, toute référence faite à celle-ci s’entend comme faite au présent règlement. »

 Le règlement n° 6/2002

7        Les considérants 6, 7 et 22 ainsi que 29 à 31 du règlement n° 6/2002 sont ainsi libellés :

« (6)      [...] les objectifs de l’action envisagée, à savoir notamment une protection d’un dessin ou d’un modèle pour un territoire unique comprenant tous les États membres, ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres en raison de l’importance et des effets de la création d’un dessin ou modèle communautaire et d’une autorité communautaire en la matière, [...]

(7)      Une protection accrue de l’esthétique industrielle a pour effet non seulement d’encourager les créateurs individuels à contribuer à établir la supériorité [de l’Union] dans ce domaine, mais également de favoriser l’innovation et le développement de nouveaux produits et l’investissement dans leur production.

[...]

(22)      Les mesures destinées à garantir l’exercice de ces droits sont du ressort du législateur national. Il est donc nécessaire de prévoir certaines sanctions de base uniformes dans tous les États membres. Ces sanctions devraient permettre, quelle que soit la juridiction saisie, de mettre fin aux actes délictueux. 

[...]

(29)      Il est essentiel que l’exercice des droits conférés par un dessin ou modèle communautaire puisse être garanti d’une manière efficace sur tout le territoire de [l’Union]. 

(30)      Le système de règlement des litiges devrait éviter dans toute la mesure du possible le “forum shopping”. Il est donc nécessaire d’établir des règles claires de compétence internationale. 

(31)      Le présent règlement n’exclut pas l’application aux dessins ou modèles protégés par le dessin ou modèle communautaire des réglementations relatives à la propriété industrielle ou d’autres réglementations pertinentes des États membres, telles que celles relatives à la protection acquise par voie d’enregistrement ou celles relatives aux dessins ou modèles non enregistrés, aux marques commerciales, aux brevets et aux modèles d’utilité, à la concurrence déloyale et à la responsabilité civile. »

8        L’article 1er, paragraphe 3, de ce règlement dispose :

« Le dessin ou modèle communautaire a un caractère unitaire. Il produit les mêmes effets dans l’ensemble de [l’Union]. Il ne peut être enregistré, transféré, faire l’objet d’une renonciation ou d’une décision de nullité et son usage ne peut être interdit que pour l’ensemble de [l’Union]. Ce principe s’applique sauf disposition contraire du présent règlement. »

9        Aux termes de l’article 19, paragraphe 1, dudit règlement :

« Le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l’utiliser et d’interdire à tout tiers de l’utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation ou l’utilisation d’un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins. »

10      L’article 20 du règlement n° 6/2002, intitulé « Limitation des droits conférés par le dessin ou modèle communautaire », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les droits conférés par un dessin ou modèle communautaire ne s’exercent pas à l’égard :

a)      d’actes accomplis à titre privé et à des fins non commerciales ;

b)      d’actes accomplis à des fins expérimentales ;

c)      d’actes de reproduction à des fins d’illustration ou d’enseignement, pour autant que ces actes soient compatibles avec les pratiques commerciales loyales, ne portent pas indûment préjudice à l’exploitation normale du dessin ou modèle et que la source en soit indiquée. »

11      L’article 79, paragraphe 1, de ce règlement dispose :

« À moins que le présent règlement n’en dispose autrement, les dispositions de la [convention de Bruxelles] sont applicables aux procédures concernant les dessins ou modèles communautaires et aux demandes d’enregistrement de dessins ou modèles communautaires, ainsi qu’aux procédures concernant les actions intentées sur la base de dessins ou modèles communautaires et de dessins ou modèles nationaux bénéficiant d’un cumul de protection. »

12      En vertu de l’article 79, paragraphe 3, dudit règlement, les articles 2 et 4, l’article 5, points 1 et 3 à 5, l’article 16, point 4, ainsi que l’article 24 de la convention de Bruxelles ne sont pas applicables aux procédures résultant des actions et des demandes visées à l’article 81 de ce même règlement. Il ressort également de cet article 79, paragraphe 3, que les articles 17 et 18 de ladite convention sont applicables dans les limites prévues à l’article 82, paragraphe 4, du règlement n° 6/2002.

13      Aux termes de l’article 80, paragraphe 1, de ce règlement :

« Les États membres désignent sur leurs territoires un nombre aussi limité que possible de juridictions nationales de première et deuxième instance (tribunaux des dessins ou modèles communautaires), chargées de remplir les fonctions qui leur sont attribuées par le présent règlement. »

14      L’article 81, sous a), dudit règlement dispose :

« Les tribunaux des dessins ou modèles communautaires ont compétence exclusive :

a)      pour les actions en contrefaçon et – si la législation nationale les admet – en menace de contrefaçon d’un dessin ou modèle communautaire ».

15      L’article 82 du règlement n° 6/2002 prévoit :

« 1.      Sous réserve des dispositions du présent règlement ainsi que des dispositions de la [convention de Bruxelles] applicables en vertu de l’article 79, les procédures résultant des actions et demandes visées à l’article 81 sont portées devant les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel le défendeur a son domicile ou, si celui-ci n’est pas domicilié dans l’un des États membres, de tout État membre sur le territoire duquel il a un établissement.

[...]

5.      Les procédures résultant des actions et demandes visées à l’article 81, points a) et d), peuvent également être portées devant les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel le fait de contrefaçon a été commis ou menace d’être commis. »

16      Aux termes de l’article 83 de ce règlement :

« 1.      Un tribunal des dessins ou modèles communautaires dont la compétence est fondée sur l’article 82, paragraphes 1, 2, 3 ou 4, est compétent pour statuer sur les faits de contrefaçon commis ou menaçant d’être commis sur le territoire de tout État membre. 

2.      Un tribunal des dessins ou modèles communautaires dont la compétence est fondée sur l’article 82, paragraphe 5, est compétent uniquement pour statuer sur les faits de contrefaçon commis ou menaçant d’être commis sur le territoire de l’État membre dans lequel est situé ce tribunal. »

17      L’article 88, paragraphes 2 et 3, dudit règlement énonce :

« 2.      Pour toutes les questions qui n’entrent pas dans le champ d’application du présent règlement, le tribunal des dessins ou modèles communautaires applique son droit national, y compris son droit international privé.

3.      À moins que le présent règlement n’en dispose autrement, le tribunal des dessins ou modèles communautaires applique les règles de procédure applicables au même type de procédures relatives à un enregistrement de dessin ou modèle dans l’État membre sur le territoire duquel ce tribunal est situé. »

18      Aux termes de l’article 89 du règlement n° 6/2002 :

« 1.      Lorsque, dans une action en contrefaçon ou en menace de contrefaçon, un tribunal des dessins ou modèles communautaires constate que le défendeur a contrefait ou menacé de contrefaire un dessin ou modèle communautaire, il rend, sauf s’il y a des raisons particulières de ne pas agir de la sorte, les ordonnances suivantes :

a)      une ordonnance interdisant au défendeur de poursuivre les actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon ;

b)      une ordonnance de saisie des produits de contrefaçon ;

c)      une ordonnance de saisie des matériaux et instruments [...]

d)      toute ordonnance infligeant d’autres sanctions indiquées dans le cas d’espèce et prévues par la loi, y compris le droit international privé, de l’État membre dans lequel les actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon ont été commis. 

2.      Le tribunal des dessins ou modèles communautaires prend, conformément à la loi nationale, les mesures propres à garantir le respect des ordonnances visées au paragraphe 1. »

 Le règlement n° 864/2007

19      Aux termes des considérants 6, 7, 13, 14, 16 et 19 du règlement n° 864/2007 :

« (6)      Le bon fonctionnement du marché intérieur exige, afin de favoriser la prévisibilité de l’issue des litiges, la sécurité quant au droit applicable et la libre circulation des jugements, que les règles de conflit de lois en vigueur dans les États membres désignent la même loi nationale, quel que soit le pays dans lequel l’action est introduite.

(7)      Le champ d’application matériel et les dispositions du présent règlement devraient être cohérents par rapport au [règlement n° 44/2001] et [aux] instruments relatifs à la loi applicable aux obligations contractuelles. 

[...]

(13)      L’application de règles uniformes, quelle que soit la loi désignée, permet d’éviter des risques de distorsions de concurrence entre les justiciables de [l’Union]. 

(14)      L’exigence de sécurité juridique et la nécessité de rendre la justice en fonction de cas individuels sont des éléments essentiels d’un espace de justice. Le présent règlement prévoit que les facteurs de rattachement les plus appropriés permettent d’atteindre ces objectifs. Par conséquent, le présent règlement prévoit une règle générale et des règles spécifiques ainsi que, pour certaines dispositions, une “clause dérogatoire” qui permet de s’écarter de ces règles s’il résulte de l’ensemble des circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un autre pays. Cet ensemble de règles crée donc un cadre flexible de règles de conflit de lois. Dans le même temps, la juridiction saisie est à même de traiter les cas individuels de manière appropriée. 

[...]

(16)      Le recours à des règles uniformes devrait améliorer la prévisibilité des décisions de justice et assurer un équilibre raisonnable entre les intérêts de la personne dont la responsabilité est invoquée et ceux de la personne lésée. Le rattachement au pays du lieu où le dommage direct est survenu (“lex loci damni”) crée un juste équilibre entre les intérêts de la personne dont la responsabilité est invoquée et ceux de la personne lésée et correspond également à la conception moderne du droit de la responsabilité civile et au développement des systèmes de responsabilité objective. 

[...]

(19)      Il convient de prévoir des règles spécifiques pour les faits dommageables pour lesquels la règle générale ne permet pas de trouver un équilibre raisonnable entre les intérêts en présence. »

20      L’article 4, paragraphe 1, de ce règlement dispose :

« Sauf dispositions contraires du présent règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent. »

21      L’article 8, paragraphes 1 et 2, dudit règlement prévoit :

« 1.      La loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle est celle du pays pour lequel la protection est revendiquée.

2.      En cas d’obligation non contractuelle résultant d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle communautaire à caractère unitaire, la loi applicable à toute question qui n’est pas régie par l’instrument communautaire pertinent est la loi du pays dans lequel il a été porté atteinte à ce droit. »

22      Aux termes de l’article 15, sous a), d) et g), du même règlement :

« La loi applicable à une obligation non contractuelle en vertu du présent règlement régit notamment :

a)      les conditions et l’étendue de la responsabilité, y compris la détermination des personnes susceptibles d’être déclarées responsables des actes qu’elles commettent ;

[...]

d)      dans les limites des pouvoirs conférés au tribunal par le droit procédural de l’État dont il relève, les mesures que ce tribunal peut prendre pour assurer la prévention, la cessation du dommage ou sa réparation ;

[...]

g)      la responsabilité du fait d’autrui ».

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

23      Nintendo est une société multinationale active dans la production et la commercialisation des jeux vidéo et des consoles de jeu vidéo, dont la console de jeux vidéo Wii et les produits accessoires à celle-ci. Elle est la titulaire de plusieurs dessins et modèles communautaires enregistrés concernant les accessoires Wii, tels que la télécommande Wii, l’accessoire dit « Nunchuck » pour la télécommande Wii, permettant de contrôler différemment les jeux compatibles, le connecteur dit « Wii Motion Plus » pouvant être branché sur la télécommande, ainsi que le Balance Board, un accessoire permettant au joueur de contrôler le jeu par les changements de poids.

24      BigBen France fabrique des télécommandes et d’autres accessoires compatibles avec la console de jeux vidéo Wii et les vend, par l’intermédiaire de son site Internet, directement à des consommateurs situés notamment en France, en Belgique et au Luxembourg ainsi qu’à sa filiale, BigBen Allemagne. Cette dernière revend les produits fabriqués par BigBen France, notamment par l’intermédiaire de son site Internet, à des consommateurs situés en Allemagne et en Autriche.

25      Il ressort du dossier soumis à la Cour que BigBen Allemagne ne dispose pas de stock propre de produits. Aussi, transmet-elle les commandes qu’elle reçoit des consommateurs à BigBen France. La livraison des produits prétendument contrefaisants s’effectue ainsi à partir de la France. BigBen Allemagne et BigBen France utilisent également des images de produits correspondant à des dessins et à des modèles protégés dont le titulaire est Nintendo, dans le contexte de la commercialisation licite, y compris à des fins de publicité, de certains autres produits qu’elles commercialisent.

26      Nintendo considère que la commercialisation par BigBen Allemagne et BigBen France de certains produits fabriqués par cette dernière viole les droits qu’elle tire des dessins et des modèles communautaires enregistrés dont elle est titulaire. Elle estime également que ces deux sociétés ne sauraient se voir reconnaître le droit d’utiliser, pour leur activité commerciale, les images des produits correspondant à ces dessins et modèles protégés. Par conséquent, elle a saisi le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf, Allemagne) de recours dirigés contre BigBen Allemagne et BigBen France visant à faire constater une violation, par celles-ci, des droits que lui confèrent lesdits dessins et modèles.

27      Ladite juridiction a reconnu l’existence d’une violation par BigBen Allemagne et BigBen France des dessins et des modèles communautaires enregistrés de Nintendo. Cette juridiction a cependant rejeté les recours en tant qu’ils concernent l’utilisation des images des produits correspondant à ces dessins ou modèles par les parties défenderesses au principal. Ladite juridiction a ainsi condamné BigBen Allemagne à cesser d’utiliser lesdits modèles et dessins sur le territoire de l’Union et a également accueilli, sans limitation territoriale, les demandes annexes de Nintendo, visant à ce que lui soient communiqués divers renseignements, comptes et documents détenus par les défenderesses au principal, à ce que soit constatée l’obligation d’indemnisation de celle-ci, à ce que soient ordonnés la destruction et le rappel des produits en cause et la publication du jugement ainsi que le remboursement des frais d’avocat supportés par Nintendo (ci-après les « demandes annexes »).

28      S’agissant de BigBen France, le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) a reconnu sa compétence internationale à l’égard de celle-ci et l’a condamnée à cesser d’utiliser les modèles ou dessins protégés en cause, sur le territoire de l’Union. En ce qui concerne les demandes annexes, il a limité la portée de son jugement aux agissements de BigBen France liés aux produits en cause qu’elle livre à BigBen Allemagne, sans admettre de limitation territoriale de la portée de son jugement. Il a retenu comme droit applicable celui du lieu de la violation et a considéré qu’il s’agissait en l’occurrence du droit allemand, du droit autrichien et du droit français.

29      Tant Nintendo que les défenderesses au principal ont interjeté appel de ce jugement devant l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf).

30      Au soutien de son recours, BigBen France invoque l’absence de compétence des juridictions allemandes pour adopter des ordonnances à son égard ayant une portée dans toute l’Union et considère que de telles ordonnances ne sauraient avoir qu’une portée territoriale nationale. Nintendo, pour sa part, conteste la limitation de telles ordonnances aux seuls produits se trouvant dans la chaîne de livraison entre les défenderesses au principal. Nintendo fait également valoir que les défenderesses au principal ne sauraient se voir reconnaître le droit d’utiliser, dans le contexte de leur activité économique et à des fins de commercialisation de leurs propres produits, les images des produits correspondant à ses dessins et modèles communautaires enregistrés, tandis que les défenderesses au principal soutiennent qu’un tel usage est compatible avec le règlement n° 6/2002. En outre, Nintendo considère qu’il y a lieu d’appliquer le droit allemand à ses demandes relatives à BigBen Allemagne et le droit français à celles relatives à BigBen France, contrairement à ce qu’a jugé le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf).

31      Nintendo demande ainsi à la juridiction de renvoi d’ordonner aux défenderesses au principal de s’abstenir de produire, d’importer, d’exporter, d’utiliser ou de posséder à ces fins les produits en cause dans l’Union et/ou de représenter ces produits, voire d’utiliser des images desdits produits correspondant aux dessins et aux modèles communautaires de Nintendo, sur tout le territoire de l’Union. La demande de Nintendo relative à la cessation de la fabrication des produits violant selon elle les dessins et les modèles communautaires enregistrés dont elle est titulaire ne concerne que BigBen France.

32      Nintendo demande en outre qu’il soit fait droit à ses demandes annexes.

33      Dans ces circonstances, la juridiction de renvoi expose, en premier lieu, que sa compétence internationale pour ce qui concerne les demandes visant BigBen France découlerait de l’article 79, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, lu en combinaison avec l’article 6, point 1, du règlement n° 44/2001, au motif que les demandes de Nintendo visant BigBen Allemagne et BigBen France sont connexes en raison de l’existence de la chaîne de livraison des produits prétendument contrefaisants entre les deux défenderesses au principal. Cette juridiction doute cependant, eu égard aux arguments exposés devant elle tant par Nintendo que par BigBen France, que la portée du jugement rendu par le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) à l’égard de BigBen France, en ce qui concerne les demandes de Nintendo, soit conforme aux dispositions des règlements nos 44/2001 et 6/2002.

34      En deuxième lieu, la juridiction de renvoi précise que la question de savoir si et dans quelles circonstances un tiers peut utiliser de manière licite l’image d’un produit correspondant à un dessin ou à un modèle communautaire afin de faire de la publicité pour les produits qu’il commercialise et qui constituent des accessoires à des produits correspondant à un tel dessin ou modèle enregistré est inédite. Une interprétation de la notion d’« illustration », au sens de l’article 20, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 6/2002, serait ainsi nécessaire.

35      En troisième lieu, cette juridiction éprouve des doutes quant à la loi applicable aux demandes annexes de Nintendo en ce qui concerne tant la première que la deuxième défenderesse au principal et s’interroge, dans ce contexte, notamment sur la portée de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 864/2007.

36      Dans ces circonstances, l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes, rédigées en termes identiques dans les affaires C-24/16 et C-25/16 :

« 1)      Une juridiction d’un État membre, dans le cadre d’une procédure judiciaire visant à mettre en œuvre des droits découlant d’un dessin ou modèle communautaire, lorsque sa compétence à l’égard d’un défendeur ne découle que de l’article 79, paragraphe 1, du [règlement n° 6/2002], lu en combinaison avec l’article 6, point 1, du [règlement n° 44/2001], au motif que ledit défendeur établi dans un autre État membre livre à un second défendeur établi dans l’État membre concerné des produits susceptibles de violer des droits de propriété intellectuelle, peut-elle adopter contre le premier des défendeurs cités des décisions qui s’appliquent dans toute l’Union et qui ne se limitent pas aux relations de livraison ayant fondé la compétence juridictionnelle ?

2)      Le [règlement n° 6/2002], et notamment son article 20, paragraphe 1, sous c), doit-il être interprété en ce sens qu’un tiers peut reproduire à des fins commerciales le dessin ou modèle communautaire, lorsqu’il a l’intention de commercialiser des accessoires en relation avec des produits – correspondant au dessin ou au modèle – du détenteur ? Dans l’affirmative, quels sont les critères applicables ?

3)      Comment convient-il de déterminer le lieu “dans lequel il a été porté atteinte à ce droit”, au sens de l’article 8, paragraphe 2, du [règlement n° 864/2007], dans les cas de figure où :

a)      l’auteur de l’atteinte propose au moyen d’un site Internet des produits violant des droits protégés, lorsque ledit site Internet est également adressé à des États membres autres que celui où l’auteur de l’atteinte est établi ;

b)      l’auteur de l’atteinte fait transporter, dans un État membre autre que celui sur le territoire duquel il est établi, des produits violant des droits protégés ?

Convient-il d’interpréter l’article 15, sous a) et g), de ce règlement en ce sens que la loi applicable ainsi déterminée s’applique également aux actes de complicité d’autres personnes ? »

37      Par décision du président de la Cour du 1er février 2016, les affaires C‑24/16 et C‑25/16 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

38      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement n° 6/2002, lu en combinaison avec l’article 6, point 1, du règlement n° 44/2001, doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances où la compétence internationale d’un tribunal des dessins ou modèles communautaires saisi d’une action en contrefaçon est fondée, à l’égard d’un premier défendeur, sur l’article 82, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 et, à l’égard d’un second défendeur établi dans un autre État membre, sur cet article 6, point 1, lu en combinaison avec l’article 79, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, au motif que ce second défendeur fabrique et livre au premier les produits que ce dernier commercialise, ce tribunal peut, sur demande de la partie requérante, adopter des ordonnances à l’égard du second défendeur portant sur les mesures relevant de l’article 89, paragraphe 1, et de l’article 88, paragraphe 2, du règlement n° 6/2002, couvrant également des comportements de ce second défendeur autres que ceux liés à la chaîne de livraison susmentionnée et ayant, le cas échéant, une portée qui s’étend à l’ensemble du territoire de l’Union.

39      À cet égard, il convient de relever que, selon l’article 82 du règlement n° 6/2002, sous réserve des dispositions dudit règlement ainsi que de celles de la convention de Bruxelles applicables, la référence à cette convention devant s’entendre, en vertu de l’article 68, paragraphe 2, du règlement n° 44/2001, comme une référence à ce règlement, la compétence des tribunaux des dessins ou modèles communautaires prévus à l’article 80, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 pour connaître des actions et des demandes visées à l’article 81 de celui-ci résulte des règles prévues directement par ce règlement (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2017, Bayerische Motoren Werke, C‑433/16, EU:C:2017:550, point 39).

40      Cet article 82, paragraphe 1, prévoit que ces actions et ces demandes relèvent, à titre principal, de la compétence internationale des tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel le défendeur a son domicile ou, s’il n’est pas domicilié dans l’un des États membres, de l’État membre sur le territoire duquel il a un établissement.

41      Quant au paragraphe 5 dudit article 82, il instaure, notamment, une compétence alternative au profit des tribunaux des dessins ou modèles communautaires de l’État membre sur le territoire duquel le fait de contrefaçon a été commis ou menace de l’être.

42      Ces règles de compétence ont le caractère de lex specialis par rapport aux règles énoncées par le règlement n° 44/2001 (arrêt du 13 juillet 2017, Bayerische Motoren Werke, C‑433/16, EU:C:2017:550, point 39).

43      Aux termes de l’article 79, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, sauf dispositions contraires de ce règlement, les dispositions du règlement n° 44/2001 sont applicables aux procédures concernant les dessins ou modèles communautaires. À cet égard, le paragraphe 3 de cet article 79 énumère les dispositions du règlement n° 44/2001 qui ne sont pas applicables aux procédures résultant des actions et des demandes visées à l’article 81 du règlement n° 6/2002.

44      L’article 6, point 1, du règlement n° 44/2001 ne figure pas au nombre des dispositions énumérées audit article 79, paragraphe 3. Par ailleurs, la lex specialis constituée par les règles prévues par le règlement n° 6/2002, rappelées aux points 40 et 41 du présent arrêt, ne comporte pas de précisions additionnelles concernant les conditions d’application dudit article 6, point 1. Un tribunal des dessins ou modèles communautaires, tel que la juridiction de renvoi dans les affaires au principal, peut de ce fait, en vertu de cette disposition et sous réserve que les conditions qu’elle prévoit soient remplies, être compétent pour connaître d’une action engagée à l’encontre d’un défendeur non domicilié dans l’État membre dans lequel se situe ce tribunal.

45      Aux fins de l’application de l’article 6, point 1, du règlement n° 44/2001, il y a lieu de vérifier s’il existe entre les différentes demandes, introduites par le même requérant contre différents défendeurs, un lien de connexité tel qu’il y a intérêt à les juger ensemble afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément. Pour que des décisions puissent être considérées comme inconciliables, il ne suffit pas qu’il existe une divergence dans la solution des litiges, mais il faut encore que cette divergence s’inscrive dans le cadre d’une même situation de fait et de droit (arrêt du 21 mai 2015, CDC Hydrogen Peroxide, C‑352/13, EU:C:2015:335, point 20 et jurisprudence citée).

46      À ce dernier égard, il ressort, certes, de la jurisprudence de la Cour en matière de brevets que, lorsque plusieurs juridictions de différents États membres sont saisies d’actions en contrefaçon d’un brevet européen délivré dans chacun de ces États, engagées à l’encontre de défendeurs domiciliés dans ces États pour des faits prétendument commis sur leur territoire, d’éventuelles divergences entre les décisions rendues par les juridictions en cause ne s’inscriraient pas dans le cadre d’une même situation de droit, dès lors que toute action en contrefaçon de brevet européen doit être examinée au regard de la réglementation nationale en vigueur dans chacun des États pour lesquels il a été délivré. Ainsi, d’éventuelles décisions divergentes ne sauraient être qualifiées de contradictoires (arrêt du 13 juillet 2006, Roche Nederland e.a., C‑539/03, EU:C:2006:458, points 30 à 32).

47      Dans le cadre de la procédure devant la Cour, les défenderesses au principal ont notamment fait valoir, en se référant à cette jurisprudence, que certaines des demandes formulées par la requérante au principal, visant à la fourniture de renseignements, de comptes et de documents par ces défenderesses, à la constatation de l’obligation d’indemnisation, à la destruction et au rappel des produits en cause, au remboursement des frais d’avocat et à la publication du jugement, dépendent de l’application par le juge compétent des dispositions du droit national et ne sauraient ainsi relever d’une même situation de droit. En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a observé aux points 45 à 52 de ses conclusions, de telles demandes sont visées soit par l’article 89, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 6/2002, soit par l’article 88, paragraphe 2, de celui-ci, chacune de ces dispositions renvoyant au droit national. Il s’ensuit que ces demandes ne sont pas régies de nature autonome par le règlement n° 6/2002, mais relèvent du droit national applicable (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2014, H. Gautzsch Großhandel, C‑479/12, EU:C:2014:75, points 52 à 54).

48      Toutefois, la juridiction de renvoi estime que la condition relative à l’existence d’une même situation de droit est remplie dans les affaires au principal, dès lors que les demandes de Nintendo introduites devant elle à l’encontre des deux défenderesses au principal s’inscrivent effectivement dans le cadre d’une même situation de droit, en raison notamment du caractère unitaire des droits conférés par un dessin ou modèle communautaire, ainsi qu’eu égard à l’harmonisation partielle des moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle, opérée par la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle (JO 2004, L 157, p. 45, et rectificatif JO 2004, L 195, p. 16).

49      À cet égard, il convient de relever que c’est le droit exclusif d’utiliser le dessin ou modèle communautaire dont il est titulaire et d’interdire aux tiers toute utilisation non autorisée de celui-ci, consacré à l’article 19 du règlement n° 6/2002, que ce titulaire vise à protéger par l’introduction d’une action en contrefaçon. Dès lors que ce droit produit les mêmes effets sur l’ensemble du territoire de l’Union, la circonstance selon laquelle certaines des ordonnances pouvant être adoptées par la juridiction compétente en vue de garantir le respect de ce droit dépendent des dispositions du droit national est sans pertinence en ce qui concerne l’existence d’une même situation de droit aux fins de l’application de l’article 6, point 1, du règlement n° 44/2001.

50      S’agissant de la condition relative à la même situation de fait, il ressort des demandes de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi part de la prémisse que l’existence des livraisons des produits prétendument contrefaisants effectuées, dans un premier temps, par BigBen France à BigBen Allemagne et, dans un second temps, par cette dernière à ses clients permet de considérer que cette condition est remplie. Elle s’interroge cependant sur la question de savoir si les ordonnances dont l’adoption est sollicitée par la requérante au principal peuvent porter uniquement sur ces livraisons, sur lesquelles se fonde sa compétence, ou si elles peuvent porter, en outre, sur d’autres livraisons, telles que celles effectuées par BigBen France seule.

51      Or, eu égard aux circonstances des affaires au principal, où l’une des défenderesses au principal est une société mère et l’autre sa filiale, auxquelles la requérante au principal reproche des actes de contrefaçon similaires, voire identiques, qui portent atteinte aux mêmes dessins et modèles protégés et qui se rapportent à des produits prétendument contrefaisants identiques, fabriqués par la société mère qui les commercialise pour son propre compte dans certains États membres et les vend également à sa filiale aux fins de leur commercialisation par cette dernière dans d’autres États membres, il convient de rappeler que la Cour a déjà considéré que le cas où des sociétés défenderesses appartenant à un même groupe ont agi de manière identique ou similaire, conformément à une politique commune qui aurait été élaborée par une seule d’entre elles, devait être regardé comme étant constitutif d’une même situation de fait (voir, notamment, arrêt du 13 juillet 2006, Roche Nederland e.a., C‑539/03, EU:C:2006:458, point 34).

52      Dès lors, et compte tenu de l’objectif poursuivi par l’article 6, point 1, du règlement n° 44/2001, visant notamment à éviter le risque de solutions inconciliables, l’existence d’une même situation de fait doit dans de telles circonstances, si ces dernières devaient être avérées, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, et lorsqu’une demande est formulée en ce sens, comprendre tous les agissements des différents défendeurs, y compris les livraisons effectuées par la société mère pour son propre compte, et ne pas se limiter à certains aspects ou certains éléments de ceux-ci.

53      S’agissant de la portée territoriale des ordonnances relatives aux sanctions et aux autres mesures sollicitées par la requérante au principal à l’égard de chaque défenderesse au principal, il convient de relever que la Cour a déjà jugé que la portée territoriale d’une interdiction de poursuivre des actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon d’une marque communautaire, au sens de l’article 98, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 3288/94 du Conseil, du 22 décembre 1994 (JO 1994, L 349, p. 83) (ci-après le « règlement n° 40/94 »), est déterminée tant par la compétence territoriale du tribunal des marques communautaires ordonnant cette interdiction que par l’étendue territoriale du droit exclusif du titulaire d’une marque communautaire, auquel il est porté atteinte par la contrefaçon ou la menace de contrefaçon, telle que cette étendue découle du règlement n° 40/94 (arrêt du 12 avril 2011, DHL Express France, C‑235/09, EU:C:2011:238, point 33).

54      Cette solution est directement transposable à l’analyse de la portée territoriale d’une interdiction de poursuivre des actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon des dessins ou des modèles communautaires, régie de manière autonome par l’article 89, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 6/2002, compte tenu de la similitude des dispositions des règlements nos 40/94 et 6/2002, régissant respectivement la protection juridictionnelle des droits conférés par les marques communautaires et les dessins ou modèles communautaires.

55      Une solution différente ne saurait non plus être admise en ce qui concerne la détermination de la portée territoriale des ordonnances rendues par un tribunal des dessins ou modèles communautaires à l’égard des demandes portant sur d’autres sanctions et mesures, telles que celles sollicitées dans les affaires au principal par Nintendo, qui ne sont pas régies de manière autonome par le règlement n° 6/2002.

56      À cet égard, il convient de rappeler que le règlement n° 6/2002 poursuit l’objectif, rappelé à son considérant 29, de garantir une protection efficace de l’exercice des droits conférés par un dessin ou modèle communautaire sur tout le territoire de l’Union. Cet objectif est essentiel compte tenu, ainsi que cela ressort de l’article 1er, paragraphe 3, de ce règlement, du caractère unitaire de tels dessins ou modèles et de la circonstance qu’ils produisent les mêmes effets dans toute l’Union. Ledit objectif est atteint, dans le système de la protection desdits droits établi par le règlement n° 6/2002, d’une part, par quelques sanctions de base uniformes prévues de manière autonome par ce règlement et, d’autre part, par d’autres sanctions et mesures qui sont du ressort du législateur national.

57      En effet, si ledit règlement reconnaît clairement, à son considérant 22, l’importance des sanctions de base uniformes qui visent, quelle que soit la juridiction saisie, à mettre fin aux actes délictueux, il reconnaît toutefois, à ce considérant, lu ensemble avec le considérant 29 du même règlement, que les mesures qui relèvent du droit national contribuent, de la même manière, à atteindre ce but.

58      Ainsi, il convient d’examiner la portée territoriale des ordonnances relatives à des sanctions et à d’autres mesures, telles que celles sollicitées par Nintendo dans les affaires au principal, eu égard aux critères rappelés au point 53 du présent arrêt.

59      S’agissant, en premier lieu, de la portée territoriale des droits du titulaire d’un dessin ou modèle communautaire, conférés en vertu du règlement n° 6/2002, ils s’étendent, en principe, à l’ensemble du territoire de l’Union, sur lequel les dessins ou modèles jouissent d’une protection uniforme et produisent leurs effets (voir, par analogie, arrêt du 12 avril 2011, DHL Express France, C‑235/09, EU:C:2011:238, point 39).

60      En effet, conformément à l’article 1er, paragraphe 3, de ce règlement, le dessin ou modèle communautaire a un caractère unitaire et produit les mêmes effets dans l’ensemble de l’Union. Il ne peut, selon cette disposition, être enregistré, transféré, faire l’objet d’une renonciation ou d’une décision de nullité et son usage ne peut être interdit que pour l’ensemble de l’Union, ce principe s’appliquant sauf disposition contraire dudit règlement.

61      S’agissant, en deuxième lieu, de la portée territoriale de la compétence d’un tribunal des dessins ou modèles communautaires, tel que celui en cause au principal, saisi d’une action en contrefaçon, au sens de l’article 81, sous a), du règlement n° 6/2002, dont la compétence est fondée à l’égard de l’un des défendeurs sur l’article 82, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 et devant lequel l’autre défendeur non domicilié dans l’État membre dudit tribunal a été valablement attrait en vertu de l’article 6, point 1, du règlement n° 44/2001, lu en combinaison avec l’article 79, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, il y a lieu de relever que l’article 83 du règlement n° 6/2002 régit, de manière autonome, l’étendue de la compétence des tribunaux des dessins ou modèles communautaires en matière de contrefaçon et précise, à son paragraphe 1, qu’un tribunal dont la compétence est fondée sur l’article 82, paragraphes 1, 2, 3 ou 4, de ce règlement est compétent pour statuer sur les faits de contrefaçon commis ou menaçant d’être commis sur le territoire de tout État membre.

62      En revanche, le paragraphe 2 dudit article 83 prévoit qu’un tribunal des dessins ou modèles communautaires, dont la compétence est fondée sur l’article 82, paragraphe 5, de ce règlement, est compétent uniquement pour statuer sur les faits de contrefaçon commis ou menaçant d’être commis sur le territoire de l’État membre dans lequel est situé ce tribunal.

63      Le règlement n° 6/2002 ne précise pas expressément quelle devrait être l’étendue territoriale de la compétence d’un tribunal des dessins ou modèles communautaires dans une situation, telle que celle décrite au point 61 du présent arrêt. Toutefois, il ne ressort ni du libellé de l’article 6, point 1, du règlement n° 44/2001 ni de la jurisprudence de la Cour y afférente que les juridictions qui ont été valablement saisies en vertu dudit article 6, point 1, voient ensuite leur compétence territoriale limitée à l’égard du défendeur non domicilié dans l’État membre du for.

64      Ainsi, il convient de considérer que la compétence territoriale d’un tribunal des dessins ou modèles communautaires, saisi d’une action en contrefaçon au sens de l’article 81, sous a), du règlement n° 6/2002, dans des conditions telles que celles rappelées au point 61 du présent arrêt, s’étend à l’ensemble du territoire de l’Union également en ce qui concerne le défendeur non domicilié dans l’État membre du for.

65      Une telle interprétation est conforme à l’économie et aux objectifs du règlement n° 6/2002. D’une part, selon l’article 83 de ce règlement et ainsi que cela a été rappelé aux points 61 et 62 du présent arrêt, ce n’est que lorsque la compétence d’un tribunal des dessins ou modèles communautaires se fonde sur l’article 82, paragraphe 5, dudit règlement qu’un tel tribunal dispose d’une compétence limitée aux faits de contrefaçon commis ou menaçant d’être commis sur le territoire dudit État membre.

66      D’autre part, cette interprétation est susceptible de garantir l’objectif consistant à assurer une protection efficace des dessins ou des modèles communautaires enregistrés sur l’ensemble du territoire de l’Union, poursuivi par le règlement n° 6/2002 (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Celaya Emparanza y Galdos International, C‑488/10, EU:C:2012:88, point 44).

67      Il découle de ce qui précède qu’il y a lieu de répondre à la première question que le règlement n° 6/2002, lu en combinaison avec l’article 6, point 1, du règlement n° 44/2001, doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles au principal où la compétence internationale d’un tribunal des dessins ou modèles communautaires saisi d’une action en contrefaçon est fondée, à l’égard d’un premier défendeur, sur l’article 82, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 et, à l’égard d’un second défendeur établi dans un autre État membre, sur cet article 6, point 1, lu en combinaison avec l’article 79, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, au motif que ce second défendeur fabrique et livre au premier les produits que ce dernier commercialise, ce tribunal peut, sur demande de la partie requérante, adopter des ordonnances à l’égard du second défendeur portant sur les mesures relevant de l’article 89, paragraphe 1, et de l’article 88, paragraphe 2, du règlement n° 6/2002, couvrant également des comportements de ce second défendeur autres que ceux liés à la chaîne de livraison susmentionnée et ayant une portée qui s’étend à l’ensemble du territoire de l’Union.

 Sur la deuxième question

68      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 20, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 6/2002 doit être interprété en ce sens qu’un tiers qui, sans le consentement du titulaire des droits conférés par un dessin ou modèle communautaire, utilise, y compris par l’intermédiaire de son site Internet, les images de produits correspondant à de tels dessins ou modèles, lors d’une mise en vente licite de produits destinés à être utilisés en tant qu’accessoires de produits spécifiques du titulaire des droits conférés par ces dessins ou modèles, afin d’expliquer ou de démontrer l’emploi conjoint des produits ainsi mis en vente et des produits spécifiques du titulaire desdits droits, effectue un acte de reproduction à des fins d’« illustration », au sens dudit article 20, paragraphe 1, sous c), et, dans l’affirmative, à quelles conditions un tel acte de reproduction peut être admis.

69      À cet égard, il y a lieu tout d’abord de relever que la limitation des droits conférés par les dessins ou modèles communautaires énoncée à l’article 20, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 6/2002 s’applique lorsque l’utilisation de tels dessins ou modèles protégés effectuée par un tiers à des fins d’illustration constitue un « acte de reproduction » de ceux-ci. Une représentation bidimensionnelle d’un produit correspondant à un dessin ou à un modèle communautaire peut constituer un tel acte.

70      Il convient ensuite d’examiner si un tel acte de reproduction a été effectué à des fins d’« illustration ». À cet égard, l’article 20, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 6/2002 n’effectue aucun renvoi au droit des États membres en ce qui concerne la notion d’« illustration ». Or, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir, notamment, arrêts du 3 septembre 2014, Deckmyn et Vrijheidsfonds, C‑201/13, EU:C:2014:2132, point 14, ainsi que du 10 décembre 2015, Lazar, C‑350/14, EU:C:2015:802, point 21).

71      S’agissant des termes employés à l’article 20, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 6/2002, il résulte d’un examen comparé des différentes versions linguistiques de cette disposition que celles-ci présentent des divergences, dans la mesure où certaines de ces versions, notamment celles en langues française et néerlandaise, emploient l’expression « illustration », alors que d’autres versions renvoient à la notion de « citation », ainsi que l’a relevé également M. l’avocat général au point 74 de ses conclusions.

72      Or, selon une jurisprudence constante, une interprétation purement littérale d’une ou de plusieurs versions linguistiques d’un texte de droit de l’Union, à l’exclusion des autres, ne saurait prévaloir, l’application uniforme des normes de l’Union exigeant qu’elles soient interprétées à la lumière, notamment, des versions établies dans toutes les langues. En cas de disparité entre les versions linguistiques d’un texte de l’Union, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir, notamment, arrêts du 4 septembre 2014, Vnuk, C‑162/13, EU:C:2014:2146, point 46 et jurisprudence citée, ainsi que du 26 avril 2017, Popescu, C‑632/15, EU:C:2017:303, point 35).

73      S’agissant de l’objectif du règlement n° 6/2002, il convient de relever que celui-ci, selon ses considérants 6 et 7, établit une protection des dessins ou des modèles pour un territoire unique comprenant tous les États membres, une protection accrue de l’esthétique industrielle ayant pour effet de notamment favoriser l’innovation et le développement de nouveaux produits et l’investissement dans leur production. La Cour a aussi déjà précisé que l’objectif de ce règlement consiste à assurer une protection efficace des dessins ou des modèles communautaires (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Celaya Emparanza y Galdos International, C‑488/10, EU:C:2012:88, point 44).

74      Ainsi, les dispositions limitant les droits octroyés au titulaire de tels dessins ou modèles en vertu dudit règlement, telles que l’article 20, paragraphe 1, sous c), de celui-ci, doivent faire l’objet d’une interprétation stricte, sans pour autant qu’une telle interprétation puisse porter atteinte à l’effet utile de la limitation ainsi établie et méconnaître sa finalité (voir, par analogie, arrêt du 1er décembre 2011, Painer, C‑145/10, EU:C:2011:798, points 109 et 133).

75      À cet égard, il convient de relever que l’article 20, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 prévoit, à son point a), une limitation des droits conférés par les dessins ou modèles communautaires au profit d’actes accomplis à titre privé et à des fins non commerciales. La limitation des droits conférés par le dessin ou modèle communautaire, prévue au point c) de cet article 20, paragraphe 1, étant distincte de celle prévue audit point a), il doit être considéré que les actes de reproduction qui y sont visés doivent être effectués dans le contexte d’une activité commerciale.

76      S’agissant de la portée de la notion d’« illustration », au sens de l’article 20, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 6/2002, il y a lieu de relever, d’une part, que cette disposition vise à limiter les droits conférés par le dessin ou modèle communautaire au profit des actes de reproduction qui servent de base pour des explications ou des commentaires propres à celui qui vise à se prévaloir de cette limitation. D’autre part, eu égard à l’objectif du règlement n° 6/2002, mentionné au point 73 du présent arrêt, le fait d’empêcher une entreprise créatrice de nouveaux produits destinés à être compatibles avec des produits existants, qui correspondent à des dessins ou à des modèles communautaires dont le titulaire est une autre entreprise, d’utiliser les images de ces produits existants lors d’une mise en vente licite de ses propres produits, afin d’expliquer ou de démontrer l’emploi conjoint de ces deux catégories de produits, pourrait décourager l’innovation, situation que ledit règlement vise à éviter, ainsi que l’a observé également M. l’avocat général au point 75 de ses conclusions.

77      Dès lors, un tiers qui commercialise de manière licite des produits destinés à être utilisés avec des produits spécifiques correspondant à des dessins ou à des modèles communautaires et qui reproduit ces derniers afin d’expliquer ou de démontrer l’emploi conjoint des produits qu’il commercialise et d’un produit correspondant à un dessin ou à un modèle protégé accomplit un acte de reproduction à des fins d’« illustration », au sens de l’article 20, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 6/2002.

78      S’agissant des interrogations de la juridiction de renvoi relatives aux conditions encadrant la possibilité de se prévaloir de cette limitation, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de l’article 20, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 6/2002 que ladite limitation est subordonnée au respect de trois conditions cumulatives, à savoir la compatibilité des actes de reproduction avec les pratiques commerciales loyales, l’absence de préjudice indu porté à l’exploitation normale du dessin ou du modèle en raison de tels actes et l’indication de la source.

79      S’agissant, premièrement, de la condition relative à la compatibilité des actes de reproduction effectués à des fins d’illustration avec les pratiques commerciales loyales, la Cour a déjà interprété la notion d’« usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale », au sens, notamment, de l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), en ce sens qu’elle constitue l’expression d’une obligation de loyauté à l’égard des intérêts légitimes du titulaire de la marque (arrêt du 17 mars 2005, Gillette Company et Gillette Group Finland, C‑228/03, EU:C:2005:177, point 41 ainsi que jurisprudence citée). Il convient d’appliquer cette jurisprudence, mutatis mutandis, aux fins d’interpréter la notion de « pratiques commerciales loyales », au sens de l’article 20, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 6/2002.

80      Dès lors, un acte de reproduction à des fins d’illustration ou d’enseignement des dessins ou des modèles protégés n’est pas conforme aux pratiques commerciales loyales, au sens de ladite disposition, lorsqu’il est réalisé d’une manière telle qu’il donne l’impression qu’il existe un lien commercial entre le tiers et le titulaire des droits conférés par lesdits dessins ou modèles, ou lorsque le tiers, qui souhaite se prévaloir de la limitation prévue à cette disposition dans le contexte de la commercialisation de produits qui s’emploient conjointement avec des produits correspondant à des dessins ou à des modèles protégées, viole les droits conférés au titulaire du dessin ou du modèle protégé par l’article 19 du règlement n° 6/2002, ou encore lorsque ce tiers tire indûment profit de la renommée commerciale dudit titulaire (voir, par analogie, arrêt du 17 mars 2005, Gillette Company et Gillette Group Finland, C‑228/03, EU:C:2005:177, points 42, 43 45, 47 ainsi que 48).

81      Il appartient aux juridictions nationales de vérifier le respect de la condition relative à la compatibilité des actes de reproduction effectués à des fins d’illustration avec les pratiques commerciales loyales, en tenant compte, à cet égard, de toutes les circonstances pertinentes du cas d’espèce, notamment de la présentation globale du produit commercialisé par le tiers.

82      S’agissant, deuxièmement, de la condition exigeant que des actes de reproduction effectués à des fins d’illustration ne portent pas indûment atteinte à l’exploitation normale du dessin ou du modèle communautaire, il convient de relever que cette condition vise notamment à empêcher que l’acte de reproduction à des fins d’illustration affecte négativement les intérêts économiques que le titulaire des droits conférés par des dessins ou des modèles communautaires pourrait tirer d’une exploitation normale desdits dessins ou modèles. La juridiction de renvoi a déjà indiqué qu’elle estime que cette deuxième condition est remplie dans le cadre des affaires au principal.

83      En ce qui concerne, troisièmement, l’obligation d’indication de la source, il convient de constater que l’article 20, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 6/2002 ne prescrit pas la manière dont cette indication doit être effectuée. Ainsi que cela a été constaté au point 75 du présent arrêt, cette disposition vise à autoriser l’utilisation des dessins ou des modèles communautaires à des fins d’illustration et d’enseignement lors d’une activité commerciale, telle que celle en cause au principal.

84      Dans ces conditions, afin de satisfaire à la condition relative à l’indication de la source, il importe notamment que le type d’indication choisi à cette fin permette à un consommateur normalement informé, raisonnablement attentif et avisé d’identifier facilement l’origine commerciale du produit qui correspond au dessin ou au modèle communautaire.

85      Cependant, l’indication de la source étant, dans les affaires au principal, effectuée par l’apposition d’une marque de l’Union appartenant au titulaire des droits conférés par les dessins et modèles communautaires protégés, il appartiendra aussi à la juridiction de renvoi de déterminer si une telle indication est conforme à la réglementation en matière des marques.

86      Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 20, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 6/2002 doit être interprété en ce sens qu’un tiers qui, sans le consentement du titulaire des droits conférés par un dessin ou modèle communautaire, utilise, y compris par l’intermédiaire de son site Internet, les images de produits correspondant à de tels dessins ou modèles, lors d’une mise en vente licite de produits destinés à être utilisés en tant qu’accessoires de produits spécifiques du titulaire des droits conférés par ces dessins ou modèles, afin d’expliquer ou de démontrer l’emploi conjoint des produits ainsi mis en vente et des produits spécifiques du titulaire desdits droits, effectue un acte de reproduction à des fins d’« illustration », au sens dudit article 20, paragraphe 1, sous c), un tel acte étant ainsi autorisé au titre de cette disposition pour autant qu’il respecte les conditions cumulatives fixées à celle-ci, ce qu’il revient à la juridiction nationale de vérifier.

 Sur la troisième question

87      À titre liminaire, il convient de relever, premièrement, que la juridiction de renvoi précise qu’elle ne pose la troisième question que dans l’hypothèse où elle serait amenée à constater que BigBen Allemagne et BigBen France ont violé les droits conférés à Nintendo par les dessins ou modèles communautaires du fait, d’une part, de la fabrication, de l’offre, de la mise en circulation, de l’exportation, de l’importation et du stockage à ces fins des produits qu’elles commercialisent ou, d’autre part, du fait de l’utilisation des images des produits correspondant auxdits modèles et dessins dans le contexte de la commercialisation des produits qu’elles offrent à la vente.

88      Or, s’il est vrai que la juridiction de renvoi ne s’est pas encore prononcée sur l’existence d’une violation des droits de la requérante au principal conférés par des dessins ou des modèles communautaires, il ne saurait être considéré, contrairement à ce que suggère la Commission européenne, que la troisième question posée est, de ce fait, irrecevable. En effet, il appartient aux seules juridictions nationales qui sont saisies du litige d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu’elles posent à la Cour. Par ailleurs, le constat d’une telle violation dans les litiges au principal n’est pas de nature purement hypothétique (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2017, HanseYachts, C‑29/16, EU:C:2017:343, point 24).

89      Deuxièmement, il y a lieu de préciser que la troisième question ne vise que les sanctions et les mesures sollicitées par la requérante au principal qui sont exposées au point 47 du présent arrêt et qui ne sont pas régies de manière autonome par l’article 89, paragraphe 1, sous a) à c), du règlement n° 6/2002.

90      Troisièmement, cette question est fondée sur la prémisse selon laquelle l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 864/2007 est applicable à une situation telle que celle en cause au principal. La juridiction de renvoi s’interroge ainsi sur l’interprétation de la notion de « pays dans lequel il a été porté atteinte au droit », au sens de cet article 8, paragraphe 2, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, dans lesquelles plusieurs actes de contrefaçon commis dans différents États membres de l’Union sont reprochés à chaque défenderesse au principal. Elle demande également si la loi désignée en vertu de cette disposition s’applique, conformément à l’article 15 du règlement n° 864/2007, aux actes de complicité.

91      À cet égard, il importe de relever tout d’abord que, selon son libellé, l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 864/2007 détermine, en cas d’obligation non contractuelle résultant d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle communautaire à caractère unitaire, la loi applicable à toute question qui n’est pas régie par l’instrument de l’Union pertinent, en renvoyant à la loi du pays dans lequel il a été porté atteinte à ce droit.

92      Certes, les sanctions et les mesures sollicitées dans les affaires au principal à l’encontre des défenderesses au principal et qui font l’objet de la troisième question figurent au nombre des sanctions et des mesures relevant de l’article 88, paragraphe 2, et de l’article 89, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 6/2002 (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2014, H. Gautzsch Großhandel, C‑479/12, EU:C:2014:75, points 52 à 54).

93      Cela étant, ces dispositions ne régissent pas ces sanctions et ces mesures de manière autonome, mais renvoient, ainsi que cela a été relevé aux points 47 et 89 du présent arrêt, au droit des États membres qu’elles désignent, y compris leur droit international privé. Partant, dans la mesure où le droit international privé des États membres, à l’exclusion du Royaume de Danemark, en ce qui concerne les règles de conflit de lois applicables, en matière civile et commerciale, aux obligations non contractuelles, y compris à de telles obligations résultant des atteintes aux droits de propriété intellectuelle communautaire à caractère unitaire, a été unifié par l’adoption du règlement n° 864/2007 (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, ERGO Insurance et Gjensidige Baltic, C‑359/14 et C‑475/14, EU:C:2016:40, point 37), ce renvoi doit, pour autant qu’il concerne le droit international privé, être compris comme visant les dispositions de ce règlement.

94      En ce qui concerne la notion de « pays dans lequel il a été porté atteinte à ce droit », au sens de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 864/2007, cette notion ne comportant aucun renvoi au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée, les termes d’une telle disposition du droit de l’Union doivent, conformément à la jurisprudence rappelée au point 70 du présent arrêt, normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation dont elle fait partie.

95      À cet égard, il convient de relever que le libellé de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 864/2007 se réfère, dans sa version en langue française, à la loi du pays dans lequel « il a été porté atteinte à ce droit ». Un tel libellé ne permet pas de déterminer si cette notion implique un comportement actif de la part de l’auteur de la contrefaçon dans le pays ainsi désigné, à l’exclusion du lieu où cette contrefaçon produit ses effets. En revanche, d’autres versions linguistiques de ladite disposition, telles les versions en langues espagnole, allemande, italienne, lituanienne, néerlandaise, portugaise, slovène et suédoise, sont plus explicites à cet égard, dès lors qu’elles renvoient à la loi du pays où « la violation a été commise ». Il en va de même de la version en langue anglaise qui se réfère à la loi du pays « dans lequel l’acte de contrefaçon a été commis ».

96      S’agissant de l’économie générale et du contexte dans lequel s’inscrit l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 864/2007, il ressort du considérant 16 de ce règlement que le recours à des règles uniformes devrait améliorer la prévisibilité des décisions de justice et assurer un équilibre raisonnable entre les intérêts de la personne dont la responsabilité est invoquée et ceux de la personne lésée. À cette fin, ledit règlement établit comme principe général la règle de lex loci damni, consacrée à l’article 4, paragraphe 1, de celui-ci, en vertu duquel la loi applicable à une obligation non contractuelle est celle du pays où le dommage est survenu.

97      Ainsi que cela ressort du considérant 19 du règlement n° 864/2007, le législateur de l’Union a toutefois reconnu qu’il convient de prévoir des règles spécifiques pour les faits dommageables pour lesquels ce principe général ne permet pas de trouver un équilibre raisonnable entre les intérêts en présence, l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement constituant une telle règle en matière d’obligations non contractuelles résultant des atteintes aux droits de la propriété intellectuelle à caractère unitaire.

98      Il s’ensuit que, dans la mesure où l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 864/2007 prévoit un critère de rattachement spécifique qui diffère du principe général de lex loci damni, prévu à l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement, ce critère relatif à la loi du « pays dans lequel il a été porté atteinte à ce droit » doit être compris comme étant distinct du critère du pays « où le dommage est survenu », visé à l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement.En conséquence, il y a lieu d’interpréter la notion de « pays dans lequel il a été porté atteinte à ce droit », au sens de l’article 8, paragraphe 2, du même règlement, en ce sens qu’elle vise le pays du lieu où le fait générateur du dommage s’est produit, à savoir celui sur le territoire duquel l’acte de contrefaçon a été commis.

99      Il convient cependant d’indiquer que le contentieux relatif aux violations des droits de propriété intellectuelle est caractérisé par une complexité particulière, ainsi que l’a en substance relevé M. l’avocat général au point 64 de ses conclusions. Il n’est pas rare que plusieurs actes de contrefaçon soient reprochés à un même défendeur, de sorte que plusieurs lieux pourraient constituer, au titre du lieu où le fait générateur du dommage s’est produit, le point de rattachement pertinent aux fins de déterminer la loi applicable.

100    En effet, d’une part, en vertu de l’article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 6/2002, et ainsi que cela a été relevé au point 49 du présent arrêt, le droit octroyé par le dessin ou modèle communautaire confère à son titulaire le droit exclusif de l’utiliser et d’interdire à tout tiers de l’utiliser sans son consentement. Par « utilisation », au sens de cette disposition, il convient d’entendre en particulier, la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation ou l’utilisation d’un produit dans lequel le dessin ou le modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué ou le stockage à ces mêmes fins.

101    D’autre part, les titres de propriété intellectuelle à caractère unitaire sont protégés sur l’ensemble du territoire de l’Union, les actes de contrefaçon pouvant être réalisés dans de nombreux États membres, rendant ainsi peu prévisible la détermination de la loi matérielle applicable aux questions non régies de manière autonome par l’instrument de l’Union pertinent.

102    Or, la Cour a déjà précisé que le règlement n° 864/2007 vise, selon ses considérants 6, 13, 14 et 16, à garantir la prévisibilité de l’issue des litiges, la sécurité juridique quant à la loi applicable et l’application uniforme dudit règlement dans tous les États membres (arrêt du 17 novembre 2011, Homawoo, C‑412/10, EU:C:2011:747, point 34). Par ailleurs, le législateur de l’Union a, ainsi qu’il ressort des considérants 16 et 19 du règlement n° 864/2007, voulu, par l’établissement des critères de rattachement prévus par ce règlement, établir un équilibre raisonnable entre les intérêts de la personne dont la responsabilité est mise en cause et ceux de la personne lésée. Il convient, dès lors, d’interpréter le critère de rattachement prévu à l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement en tenant compte des objectifs rappelés ci-dessus, ainsi que des caractéristiques de la matière dans le contexte de laquelle il est censé s’appliquer.

103    Eu égard à ces objectifs, il convient, dans des circonstances où sont reprochés à un même défendeur différents actes de contrefaçon relevant de la notion d’« utilisation », au sens de l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, commis dans différents États membres, pour identifier le fait générateur du dommage, non pas de se référer à chaque acte de contrefaçon reproché, mais d’apprécier, de manière globale, le comportement dudit défendeur, afin de déterminer le lieu où l’acte de contrefaçon initial, qui est à l’origine du comportement reproché, a été commis ou risque d’être commis.

104    Une telle interprétation permet à la juridiction saisie d’identifier aisément la loi applicable en employant un critère de rattachement unique lié au lieu où l’acte de contrefaçon qui se trouve à l’origine de plusieurs actes reprochés à un défendeur a été commis ou risque d’être commis, conformément aux objectifs rappelés au point 102 du présent arrêt. Cette interprétation permet également de garantir la prévisibilité de la loi ainsi désignée pour toutes les parties aux litiges portant sur les atteintes aux droits de propriété intellectuelle de l’Union.

105    La juridiction de renvoi formule en outre certaines interrogations, visant à déterminer la loi applicable en vertu de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 864/2007 dans des circonstances telles que celles en cause au principal.

106    La première hypothèse de la juridiction de renvoi porte sur une situation dans laquelle il est reproché à un opérateur économique d’avoir proposé à la vente, sans le consentement du titulaire des droits conférés par les dessins ou modèles communautaires, par l’intermédiaire de son site Internet, des produits violant prétendument ces droits, ce site étant accessible à des consommateurs situés dans des États membres autres que celui où l’auteur de l’atteinte est établi.

107    À cet égard, il y a lieu de préciser que l’acte par lequel un opérateur recourt au commerce électronique en proposant à la vente, sur son site Internet, destiné à des consommateurs situés dans plusieurs États membres, des produits en méconnaissance des droits conférés par des dessins ou des modèles communautaires, qu’il est possible de visualiser sur écran et de commander au moyen dudit site, constitue une offre à la vente de tels produits. Un tel opérateur effectue ainsi, au sens de l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, une offre, ainsi qu’une mise sur le marché des produits prétendument contrefaisants sur son site Internet, de tels comportements relevant de la notion d’« utilisation », au sens de cette disposition.

108    Or, dans de telles circonstances, il convient de considérer que le fait générateur du dommage consiste dans le comportement d’un opérateur d’offrir à la vente des produits prétendument contrefaisants, notamment en mettant en ligne une offre à la vente sur son site Internet. Partant, le lieu où le fait générateur du dommage s’est produit, au sens de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 864/2007, est celui du déclenchement du processus de la mise en ligne de l’offre à la vente par cet opérateur sur le site lui appartenant.

109    S’agissant de la seconde hypothèse de la juridiction de renvoi, par laquelle elle s’interroge sur la loi applicable lorsqu’un opérateur fait transporter, dans un État membre autre que celui dans lequel il est établi, des produits violant prétendument des droits protégés par un dessin ou modèle communautaire par un entrepreneur tiers, il importe de souligner, à l’instar de ce qui a été précisé au point 103 du présent arrêt, qu’il y a lieu, pour identifier le fait générateur du dommage, au sens de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 864/2007, non pas de se référer à chaque acte de contrefaçon individuel reproché à un défendeur, mais d’apprécier, de manière globale, le comportement dudit défendeur, afin de déterminer le lieu où l’acte de contrefaçon initial, qui est à l’origine du comportement reproché, a été commis ou risque d’être commis par celui-ci.

110    S’agissant, finalement, de l’interrogation de la juridiction de renvoi quant à la loi applicable aux actes de complicité, il y a lieu de constater que la juridiction de renvoi n’a pas exposé les raisons qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation de l’article 15 du règlement n° 864/2007 et qui permettraient à la Cour de répondre utilement à cette interrogation, celle-ci devant par conséquent être, en vertu de l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, considérée comme irrecevable.

111    Eu égard à tout ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question que l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 864/2007 doit être interprété en ce sens que la notion de « pays dans lequel il a été porté atteinte à ce droit », au sens de cette disposition, vise le pays du lieu où le fait générateur du dommage s’est produit. Dans des circonstances où sont reprochés à un même défendeur différents actes de contrefaçon commis dans différents États membres, il convient, pour identifier le fait générateur du dommage, non pas de se référer à chaque acte de contrefaçon reproché, mais d’apprécier, de manière globale, le comportement dudit défendeur, afin de déterminer le lieu où l’acte de contrefaçon initial, qui est à l’origine du comportement reproché, a été commis ou risque d’être commis par celui-ci.

 Sur les dépens

112    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

1)      Le règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires, lu en combinaison avec l’article 6, point 1, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles au principal où la compétence internationale d’un tribunal des dessins ou modèles communautaires saisi d’une action en contrefaçon est fondée, à l’égard d’un premier défendeur, sur l’article 82, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 et, à l’égard d’un second défendeur établi dans un autre État membre, sur cet article 6, point 1, lu en combinaison avec l’article 79, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, au motif que ce second défendeur fabrique et livre au premier les produits que ce dernier commercialise, ce tribunal peut, sur demande de la partie requérante, adopter des ordonnances à l’égard du second défendeur portant sur les mesures relevant de l’article 89, paragraphe 1, et de l’article 88, paragraphe 2, du règlement n° 6/2002, couvrant également des comportements de ce second défendeur autres que ceux liés à la chaîne de livraison susmentionnée et ayant une portée qui s’étend à l’ensemble du territoire de l’Union européenne.

2)      L’article 20, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 6/2002 doit être interprété en ce sens qu’un tiers qui, sans le consentement du titulaire des droits conférés par un dessin ou modèle communautaire, utilise, y compris par l’intermédiaire de son site Internet, les images de produits correspondant à de tels dessins ou modèles, lors d’une mise en vente licite de produits destinés à être utilisés en tant qu’accessoires de produits spécifiques du titulaire des droits conférés par ces dessins ou modèles, afin d’expliquer ou de démontrer l’emploi conjoint des produits ainsi mis en vente et des produits spécifiques du titulaire desdits droits, effectue un acte de reproduction à des fins d’« illustration », au sens dudit article 20, paragraphe 1, sous c), un tel acte étant ainsi autorisé au titre de cette disposition pour autant qu’il respecte les conditions cumulatives fixées à celle-ci, ce qu’il revient à la juridiction nationale de vérifier.

3)      L’article 8, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 11 juillet 2007, sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (« Rome II »), doit être interprété en ce sens que la notion de « pays dans lequel il a été porté atteinte à ce droit », au sens de cette disposition, vise le pays du lieu où le fait générateur du dommage s’est produit. Dans des circonstances où sont reprochés à un même défendeur différents actes de contrefaçon commis dans différents États membres, il convient, pour identifier le fait générateur du dommage, non pas de se référer à chaque acte de contrefaçon reproché, mais d’apprécier, de manière globale, le comportement dudit défendeur, afin de déterminer le lieu où l’acte de contrefaçon initial, qui est à l’origine du comportement reproché, a été commis ou risque d’être commis par celui-ci.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.