ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

11 juillet 2024 (*)

« Procédure – Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑568/22 DEP,

XNT ltd., établie à St Julian’s (Malte), représentée par Mes A. Renck, C. Stöber et M.-A. de Dampierre, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

BNP Paribas SA, venant aux droits d’Exane SA, établie à Paris (France), représentée par Me N. Martin, avocate,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, R. Mastroianni et S. L. Kalėda (rapporteur), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu l’ordonnance du 8 juin 2023, XNT/EUIPO – Exane (EXANE) (T‑568/22, non publiée, EU:T:2023:325),

rend la présente

Ordonnance

1        Par sa demande fondée sur l’article 170 du règlement de procédure du Tribunal, BNP Paribas SA, venant aux droits de l’intervenante, Exane SA, demande au Tribunal de fixer à la somme de 16 974,40 euros le montant des dépens récupérables devant être payés par la requérante, XNT ltd., au titre des frais exposés par l’intervenante dans le cadre de la procédure dans l’affaire T‑568/22.

 Antécédents de la contestation

2        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 septembre 2022 et enregistrée sous le numéro T‑568/22, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 14 juin 2022 (affaire R 2093/2020-2).

3        Par ordonnance du 8 juin 2023, XNT/EUIPO – Exane (EXANE) (T‑568/22, non publiée, EU:T:2023:325), le Tribunal a rejeté le recours comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit et condamné la requérante à supporter les dépens exposés par l’intervenante.

4        Par lettre du 19 octobre 2023, l’intervenante a informé la requérante que le montant total des dépens récupérables s’élevait à 15 804,40 euros et lui a demandé le remboursement de ce montant.

5        Aucun accord n’est intervenu entre les parties sur le montant des dépens récupérables.

 Conclusions des parties

6        BNP Paribas conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        fixer le montant total des dépens récupérables à 16 974,40 euros au titre de la procédure principale et de la présente procédure ;

–        condamner la requérante aux intérêts de retard à compter de la date de la signification de l’ordonnance jusqu’au jour du paiement.

7        La requérante n’a pas déposé d’observations dans le délai imparti.

 En droit

8        Aux termes de l’article 170, paragraphe 3, du règlement de procédure, s’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, après avoir mis la partie concernée par la demande en mesure de présenter ses observations.

9        En l’espèce, la requérante a été mise en mesure de présenter ses observations sur la demande de taxation des dépens déposée par BNP Paribas, mais n’a pas déféré à l’invitation du Tribunal. Son silence ne saurait, toutefois, être interprété comme une absence de contestation et dès lors, il y a lieu de procéder à l’examen du bien-fondé de cette demande à la lumière des éléments factuels présentés au Tribunal par BNP Paribas [voir ordonnance du 25 mars 2021, Austria Tabak/EUIPO – Mignot & De Block (AIR), T‑800/19 DEP, non publiée, EU:T:2021:174, point 8 et jurisprudence citée].

10      Selon l’article 140, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ». Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et qui ont été indispensables à cette fin (voir ordonnance du 6 mars 2003, Nan Ya Plastics et Far Eastern Textiles/Conseil, T‑226/00 DEP et T‑227/00 DEP, EU:T:2003:61, point 33 et jurisprudence citée).

 Sur les dépens récupérables au titre de la procédure principale

11      BNP Paribas fait valoir que les montants réclamés en tant que dépens récupérables au titre de la procédure principale s’élèvent à 6 446,20 euros d’honoraire d’avocat expérimenté, 6 724,13 euros d’honoraire d’avocat collaborateur et 2 634,07 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

12      Il est de jurisprudence constante que le juge de l’Union européenne n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées auprès de l’autre partie. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils [voir ordonnance du 26 janvier 2017, Nürburgring/EUIPO – Biedermann (Nordschleife), T‑181/14 DEP, EU:T:2017:41, point 10 et jurisprudence citée].

13      À défaut de dispositions du droit de l’Union de nature tarifaire ou relatives au temps de travail nécessaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a présentés pour les parties (voir ordonnance du 26 janvier 2017, Nordschleife, T‑181/14 DEP, EU:T:2017:41, point 11 et jurisprudence citée).

14      C’est en fonction de ces considérations qu’il convient d’apprécier le montant des dépens récupérables en l’espèce.

15      En premier lieu, s’agissant de l’objet et de la nature du litige, il y a lieu de relever que le litige en cause dans l’affaire au principal ne présentait pas une complexité particulière. En effet, comme il ressort de l’ordonnance du 8 juin 2023, EXANE (T‑568/22, non publiée, EU:T:2023:325), la requérante n’avait soulevé qu’un seul moyen au soutien de son recours, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), lu conjointement avec l’article 53, paragraphe 1, sous c), du même règlement, et l’affaire ne soulevait pas de questions de droit nouvelles ou complexes. De même, il y a lieu de constater que l’affaire ne revêtait pas une importance particulière au regard du droit de l’Union, dans la mesure où par l’ordonnance mettant fin à l’instance le Tribunal a rejeté le recours comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit, en appliquant une jurisprudence bien établie.

16      En deuxième lieu, s’agissant des intérêts économiques en jeu, il convient de relever, eu égard à l’importance des marques dans le commerce, que, si l’affaire présentait un intérêt économique certain pour l’intervenante, BNP Paribas n’a soumis au Tribunal aucun élément établissant que cet intérêt présentait, en l’espèce, un caractère inhabituel ou significativement différent de celui qui sous-tend toute procédure de nullité à l’encontre d’une marque de l’Union européenne.

17      En troisième lieu, en ce qui concerne l’ampleur du travail que la procédure a pu engendrer pour les représentants de l’intervenante, il importe de rappeler qu’il appartient au juge de l’Union de tenir principalement compte du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels les prestations effectuées ont pu être réparties [voir ordonnance du 29 novembre 2016, TrekStor/EUIPO – Scanlab (iDrive), T‑105/14 DEP, non publiée, EU:T:2016:716, point 16 et jurisprudence citée].

18      Il convient également de relever que, selon la jurisprudence, la possibilité pour le juge de l’Union d’apprécier la valeur du travail effectué par un avocat dépend de la précision des informations fournies. En particulier, il ressort de la jurisprudence qu’il est particulièrement important pour une partie demandant le remboursement des dépens, afin de démontrer la nécessité des heures de travail de ses avocats, de fournir des indications précises quant aux tâches accomplies par eux aux fins de la procédure, au nombre d’heures consacrées à chacune de ces tâches et aux taux horaires appliqués (voir ordonnance du 31 mars 2011, Tetra Laval/Commission, T‑5/02 DEP et T‑80/02 DEP, non publiée, EU:T:2011:129, points 68 et 72 et jurisprudence citée).

19      En l’espèce, BNP Paribas soutient que le nombre d’heures facturées pour le traitement de l’affaire au principal s’élève à 17,2 heures facturées par les représentants de l’intervenante à un taux horaire de 375 euros et à 33,6 heures à un taux horaire de 200 euros.

20      Toutefois, il convient de relever que la répartition des honoraires pour les diverses prestations fournies, le nombre d’heures allouées à chacune des prestations et le taux horaire retenu pour leur accomplissement n’ont fait l’objet d’aucun décompte détaillé par BNP Paribas dans sa demande de taxation des dépens. Dès lors, il y a lieu de constater que l’ampleur du travail que la procédure dans l’affaire au principal a engendré pour les avocats de l’intervenante n’est pas justifiée de manière détaillée.

21      L’absence de production des factures ou d’autres documents attestant le paiement effectif des honoraires et des frais d’avocats exposés ne fait pas d’obstacle à la fixation par le Tribunal, sur la base d’une appréciation équitable, du montant des dépens récupérables [voir ordonnance du 23 novembre 2022, Dr. Spiller/EUIPO – Rausch (Alpenrausch Dr. Spiller), T‑6/20 DEP, non publiée, EU:T:2022:751, point 27 et jurisprudence citée].

22      À cet égard, il convient de relever que la participation effective de l’intervenante à la procédure devant le Tribunal s’est limitée, en l’absence de tenue d’une audience, à la production d’un mémoire de seize pages, hors annexes.

23      Au regard des considérations qui précèdent et en l’absence de tout justificatif de nature à établir la répartition de la charge de travail entre deux conseils de l’intervenante, il sera fait une juste appréciation de l’ampleur du travail ayant été indispensable à la préparation et au dépôt du mémoire en réponse en la fixant à cinq heures de travail d’un conseil expérimenté, au taux horaire facturé de 375 euros, lequel n’apparaît pas manifestement excessif.

24      S’agissant des montants réclamés au titre de la TVA, il y a lieu de relever que le montant réclamé au titre de la TVA est considéré comme des dépens récupérables uniquement si la personne physique ou morale qui réclame ce montant établit qu’elle n’est pas assujettie à la TVA  [voir, en ce sens, ordonnance du 29 juin 2015, Reber/OHMI – Klusmeier (Wolfgang Amadeus Mozart PREMIUM), T‑530/10 DEP, non publiée, EU:T:2015:482, point 51 et jurisprudence citée], ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

25      Il convient dès lors de retenir que le montant des honoraires des représentants de l’intervenante s’élève à 1 875 euros.

 Sur les frais afférents à la présente procédure de taxation des dépens

26      En ce qui concerne la somme de 975 euros réclamée par BNP Paribas pour la conduite de la présente procédure de taxation des dépens, il convient de rappeler que, en fixant les dépens récupérables, le Tribunal tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de la signature de l’ordonnance de taxation des dépens, y compris des frais indispensables afférents à la procédure de taxation des dépens [voir ordonnance du 11 avril 2019, Stada Arzneimittel/EUIPO – Urgo recherche innovation et développement (Immunostad), T‑403/16 DEP, non publiée, EU:T:2019:249, point 31 et jurisprudence citée].

27      Selon une jurisprudence constante, une demande de taxation des dépens présente un caractère plutôt standardisé et se distingue, en principe, par l’absence de toute difficulté pour l’avocat qui a déjà traité du fond de l’affaire (voir ordonnance du 11 avril 2019, Immunostad, T‑403/16 DEP, non publiée, EU:T:2019:249, point 32 et jurisprudence citée).

28      En l’espèce, il convient d’observer que la demande de taxation des dépens se limite à exposer brièvement les montants des dépens dont le remboursement est demandé et leur affectation globale. Dans ces circonstances, un montant total de 500 euros doit être considéré comme raisonnable pour couvrir les dépens liés à la présente procédure.

 Sur la demande d’intérêts de retard

29      BNP Paribas demande au Tribunal de condamner la requérante à lui verser des intérêts de retard sur le montant des dépens à rembourser, à compter de la date de notification de l’ordonnance statuant dans la présente affaire jusqu’au paiement des dépens dus, calculés au taux appliqué par la Banque centrale européenne (BCE) à ses opérations principales de refinancement applicable pendant la période concernée, majoré de 3,5 points de pourcentage.

30      Selon une jurisprudence bien établie, une demande de majoration de la somme due dans le cadre d’une procédure de taxation de dépens d’intérêts de retard doit être accueillie pour la période comprise entre la date de la signification de l’ordonnance de taxation des dépens et la date du remboursement effectif des dépens (voir ordonnance du 27 novembre 2020, Flabeg Deutschland/Commission, T‑103/15 DEP, non publiée, EU:T:2020:585, point 60 et jurisprudence citée).

31      Le taux d’intérêt applicable est calculé, compte tenu de l’article 99, paragraphe 2, sous b), du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1), sur la base du taux appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement et en vigueur le premier jour de calendrier du mois de l’échéance du paiement, majoré de 3,5 points (ordonnance du 25 septembre 2019, Bilbaína de Alquitranes e.a./Commission, T‑689/13 DEP, non publiée, EU:T:2019:698, point 58).

32      Par conséquent, le montant des dépens récupérables produira, à compter de la signification de la présente ordonnance, des intérêts de retard calculés sur la base du taux fixé par la BCE pour les opérations principales de refinancement applicable pendant la période concernée, majoré de 3,5 points de pourcentage.

 Conclusion

33      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables par BNP Paribas en fixant leur montant à 2 375 euros, lequel montant tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de l’adoption de la présente ordonnance. Ce montant sera majoré des intérêts de retard à compter de la date de signification de la présente ordonnance, comme précisé au point 32 ci-dessus.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le montant total des dépens à rembourser par XNT ltd. à BNP Paribas SA est fixé à 2 375 euros.

2)      Ladite somme portera intérêts de retard à compter de la date de la signification de la présente ordonnance jusqu’à la date du paiement.

Fait à Luxembourg, le 11 juillet 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

D. Spielmann


*      Langue de procédure : le français.