Affaire T198/21

Ancor Group GmbH

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle

 Arrêt Tribunal (cinquième chambre) du 23 février 2022

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Marque de l’Union européenne verbale CODE-X – Marques nationales verbale et figurative antérieures Cody’s – Marque internationale figurative antérieure Cody’s – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

1.      Marque de l’Union européenne – Définition et acquisition de la marque de l’Union européenne – Motifs relatifs de refus – Opposition par le titulaire d’une marque antérieure identique ou similaire enregistrée pour des produits ou services identiques ou similaires – Risque de confusion avec la marque antérieure – Marque verbale CODE-X et marques verbale et figuratives Cody’s

[Règlement du Parlement européen et du Conseil 2017/1001, art. 8, § 1, b)]

(voir points 36, 45, 53, 63, 65, 72-74)

2.      Marque de l’Union européenne – Définition et acquisition de la marque de l’Union européenne – Motifs relatifs de refus – Opposition par le titulaire d’une marque antérieure identique ou similaire enregistrée pour des produits ou services identiques ou similaires – Risque de confusion avec la marque antérieure – Pondération des éléments de similitude ou de différence des signes – Prise en compte des caractéristiques intrinsèques des signes ou des conditions de commercialisation des produits ou services – Secteur des boissons

[Règlement du Parlement européen et du Conseil 2017/1001, art. 8, § 1, b)]

(voir points 57-62)

Résumé

Ancor Group GmbH a présenté une demande d’enregistrement du signe verbal CODE-X, en tant que marque de l’Union européenne, pour des boissons. Cody’s Drinks International GmbH a formé opposition sur le fondement de ses marques allemandes verbale et figurative Cody’s, et d’un enregistrement international désignant l’Union européenne de ladite marque figurative, enregistrés pour des boissons. Elle faisait valoir qu’il existait un risque de confusion (1). L’opposition a été rejetée.

La chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle a annulé la décision de la division d’opposition. Ayant accordé une importance particulière au degré de similitude phonétique lors de l’appréciation globale du risque de confusion, elle a conclu qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent pour toutes les marques invoquées.

Saisi d’un recours d’Ancor Group, le Tribunal annule la décision de la chambre de recours au motif que cette dernière a commis une erreur en constatant l’existence d’un risque de confusion et précise qu’en matière de boissons, il n’y a pas lieu d’accorder dans tous les cas une importance prépondérante à la perception phonétique des marques.

Appréciation du Tribunal

Le Tribunal constate que les signes en conflit ne présentent qu’un faible degré, voire un degré moyen, de similitude sur le plan visuel ainsi qu’un degré moyen de similitude sur le plan phonétique et sont différents sur le plan conceptuel.

S’agissant de l’importance particulière accordée par la chambre de recours au degré de similitude phonétique, le Tribunal rappelle que, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, le poids respectif à accorder aux aspects visuel, phonétique ou conceptuel des signes en conflit peut varier en fonction des conditions objectives dans lesquelles les marques peuvent se présenter sur le marché. Cependant, doivent être prises comme référence, dans ce cadre, les modalités de commercialisation auxquelles il est normal de s’attendre pour les catégories des produits désignés par les marques en cause.

Le Tribunal précise que, s’il ne saurait certes être exclu que la perception de la différence phonétique existant entre les signes en conflit puisse ne pas être évidente dans des environnements particulièrement bruyants, tels que dans un bar ou une discothèque à une heure de grande affluence, une telle hypothèse ne saurait toutefois servir de seul fondement à l’appréciation d’un éventuel risque de confusion entre les signes en conflit. En effet, une telle appréciation doit nécessairement être effectuée en tenant compte de la perception qu’en a le public pertinent dans des conditions normales de commercialisation.

Le Tribunal reconnaît que, dans certaines affaires, il a été accordé une importance particulière à la similitude phonétique des signes en conflit, en raison du fait que les produits en cause, appartenant au secteur des boissons, et plus particulièrement des boissons alcoolisées, pouvaient être commandés oralement après que leur nom a été vu sur le menu ou sur la carte des vins. Il ajoute cependant, qu’il ressort également de la jurisprudence qu’aucun élément ne permet de considérer que, de manière générale, le consommateur de boissons achètera celles-ci dans le cadre d’une conversation portant sur leur commande dans un bar ou dans un restaurant bondé et bruyant.

En outre, même si les bars et les restaurants sont des filières de vente non négligeables pour ce type de produits, il est constant que le consommateur pourra percevoir visuellement les marques en cause dans ces lieux, notamment en examinant la bouteille qui lui sera servie ou par le biais d’autres supports, tels qu’un menu ou une carte des boissons, avant de passer la commande oralement. De surcroît, et surtout, les bars et les restaurants ne sont pas les seules filières de vente des produits concernés. En effet, ces produits sont également vendus dans des supermarchés ou d’autres points de vente au détail, où le consommateur choisit lui-même le produit et doit, dès lors, se fier principalement à l’image de la marque appliquée sur ce produit.

Partant, si une importance prépondérante a parfois été accordée à la perception phonétique de marques en matière de boissons, une telle considération ne saurait valoir dans tous les cas.

En l’espèce, aucun élément probant n’a été fourni visant à démontrer que les produits en cause sont commandés essentiellement à l’oral. Au contraire, si le public pertinent est amené à les commander oralement dans des bars et des restaurants, il le fera généralement après avoir vu leur nom sur une carte ou un menu, ou pourra examiner le produit qui lui sera servi, de sorte qu’il pourra percevoir visuellement la marque pour exprimer ce qu’il désire acquérir.

Par conséquent, le Tribunal conclut à l’absence de risque de confusion, annule la décision de la chambre de recours et, exerçant son pouvoir de réformation, rejette l’opposition formée par Cody’s Drinks International.


1      Au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).