ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
25 février 1999 (1)
«Sixième directive TVA Ensemble de prestations de services Prestation de
service unique Notion Exonérations Opérations d'assurance Activités
d'assistance Prestations de services effectuées par les intermédiaires
d'assurance Limitation de l'exonération des opérations d'assurance à celles
effectuées par des assureurs agréés»
Dans l'affaire C-349/96,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177
du traité CE, par la House of Lords (Royaume-Uni) et tendant à obtenir, dans le
litige pendant devant cette juridiction entre
Card Protection Plan Ltd (CPP)
et
Commissioners of Customs & Excise,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 2, paragraphe 1, et
13, B, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en
matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur
le chiffre d'affaires Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette
uniforme (JO L 145, p. 1),
LA COUR (sixième chambre),
composée de MM. P. J. G. Kapteyn, président de chambre, G. Hirsch (rapporteur),
G. F. Mancini, H. Ragnemalm et R. Schintgen, juges,
avocat général: M. N. Fennelly,
greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,
considérant les observations écrites présentées:
pour Card Protection Plan Ltd (CPP), par M. Roderick Cordara, QC, et
Mme Perdita Cargill-Thompson, barrister, mandatés par Mme Clare
Mainprice, solicitor,
pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. John E. Collins, Assistant
Treasury Solicitor, en qualité d'agent, assisté de MM. Stephen Richards et
Christopher Vajda, barristers,
pour le gouvernement allemand, par M. Ernst Röder, Ministerialrat au
ministère fédéral de l'Économie, en qualité d'agent,
pour la Commission des Communautés européennes, par MM. Richard Lyal
et Enrico Traversa, membres du service juridique, en qualité d'agents,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de Card Protection Plan Ltd (CPP),
représentée par Mme Clare Mainprice et M. Roderick Cordara, du gouvernement
du Royaume-Uni, représenté par MM. John E. Collins et Nicholas Paines, QC, et
de la Commission, représentée par M. Richard Lyal, à l'audience du 24 mars 1998,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 11 juin 1998,
rend le présent
Arrêt
- 1.
- Par ordonnance du 15 octobre 1996, parvenue à la Cour le 21 octobre suivant, la
House of Lords a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, quatre questions
préjudicielles sur l'interprétation des articles 2, paragraphe 1, et 13, B, sous a), de
la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière
d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre
d'affaires Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO
L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).
- 2.
- Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Card Protection
Plan Ltd (ci-après «CPP») aux Commissioners of Customs & Excise (ci-après les
«Commissioners»), compétents en matière de perception de la taxe sur la valeur
ajoutée (ci-après la «TVA») au Royaume-Uni, au sujet de l'application d'une
exonération de la TVA, prévue à la section 17 et au groupe 2 du «Schedule 6» du
Value Added Tax Act de 1983 (loi sur la TVA, ci-après le «VAT Act 1983»).
La réglementation nationale
- 3.
- A l'époque des faits au principal, la section 17 et le groupe 2 du «Schedule 6» du
VAT Act 1983 exonéraient notamment de la TVA:
«1. Les prestations d'assurance et de réassurance effectuées par des personnes
autorisées, conformément à la section 2 de l'Insurance Companies Act de
1982, à exercer l'activité d'assureur.
2. ...
3. La prise de dispositions destinées à permettre les prestations d'assurance ou
de réassurance au sens des paragraphes 1 et 2.
4. Le traitement des demandes par les courtiers en assurance, les agents
d'assurance et les personnes autorisées à exercer l'activité d'assureur, telles
que décrites au point 1.»
La réglementation communautaire
- 4.
- Aux termes de l'article 2 de la sixième directive:
«Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:
1. les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre
onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel;
...»
L'article 13 de la sixième directive, qui traite des exonérations à l'intérieur du pays,
prévoit:
«...
B. Autres exonérations
Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent,
dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des
exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus
éventuels:
a) les opérations d'assurance et de réassurance, y compris les prestations de
services afférentes à ces opérations effectuées par les courtiers et les
intermédiaires d'assurance;
...»
- 5.
- L'annexe de la première directive 73/239/CEE du Conseil, du 24 juillet 1973,
portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives
concernant l'accès à l'activité de l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie,
et son exercice (JO L 228, p. 3), dans sa version résultant de la directive
84/641/CEE du Conseil, du 10 décembre 1984 (JO L 339, p. 21), dispose:
«A. Classification des risques par branches
...
18. Assistance
Assistance aux personnes en difficulté au cours de déplacements ou
d'absences du domicile ou du lieu de résidence permanente.»
- 6.
- La directive 77/92/CEE du Conseil, du 13 décembre 1976, relative à des mesures
destinées à faciliter l'exercice effectif de la liberté d'établissement et de la libre
prestation des services pour les activités d'agent et de courtier d'assurance (ex
groupe 630 CITI) et comportant notamment des mesures transitoires pour ces
activités (JO 1977, L 26, p. 14), détermine, en son article 2, les activités d'agent et
de courtier d'assurance auxquelles ladite directive s'applique.
Le litige au principal
- 7.
- CPP propose aux détenteurs de cartes de crédit, contre paiement d'une certaine
somme, un plan visant à assurer une protection contre le préjudice financier et les
inconvénients résultant de la perte ou du vol de leurs cartes et de certains autres
objets tels que des clés de voiture, un passeport ou des documents d'assurance.
- 8.
- Dans la mesure où ce plan de protection de cartes (ci-après le «plan») prévoit une
indemnisation destinée à compenser le préjudice financier du détenteur de carte
en cas de perte ou de vol, CPP obtient une couverture collective d'une compagnie
d'assurance. La police collective a été établie par un courtier d'assurance mandaté
par CPP. A l'époque des faits au principal, l'assureur était la Continental Assurance
Company of London (ci-après «Continental»). Ce sont les clients de CPP qui sont
mentionnés dans la police en qualité d'assurés. Lorsqu'un détenteur de carte
devient client de CPP, son nom est ajouté à la liste des assurés couverts par ladite
police. CPP verse par avance les primes à la compagnie d'assurance au début de
l'année pour laquelle la police est conclue; toutes les réévaluations nécessaires sont
effectuées à la fin de l'exercice en fonction du nombre de clients qui ont adhéré au
plan ou l'ont quitté.
- 9.
- Les prestations de services offertes par CPP et qui correspondent à la couverture
d'assurance exposée dans l'annexe de la police de Continental peuvent être
résumées comme suit:
paiement d'une indemnité en cas d'utilisation frauduleuse des cartes (le
montant assuré est de 750 UKL par sinistre pendant les premières 24
heures suivant la découverte de la perte; il est illimité à la suite de la
notification de la perte à CPP);
paiement d'une indemnité pour les frais exposés par le titulaire de la carte
pour retrouver ses bagages, sacs ou objets perdus, lorsque les étiquettes
délivrées par CPP y sont apposées (le montant assuré est de 25 UKL par
sinistre);
paiement d'une indemnité pour les frais engagés pour l'accomplissement des
formalités de réclamation et l'aide apportée à la police concernant les
articles de valeur et/ou les pièces importantes dont les numéros de série ont
été enregistrés auprès de CPP (le montant assuré est également de 25 UKL
par sinistre);
mise à disposition d'agents des assureurs chargés de fournir des conseils
téléphoniques 24 heures sur 24 pour l'accès à des services médicaux, y
compris l'organisation de rendez-vous pour des soins médicaux à l'étranger;
versement d'une indemnité à titre d'avance de liquidités en cas d'urgence
à la suite de la perte de cartes, d'un montant de 500 UKL maximal par
réclamation, remboursable dans les 14 jours;
versement d'une indemnité destinée à l'achat d'un billet d'avion pour
assurer le retour du titulaire de la carte, quel que soit son point de départ
dans le monde, au lieu de son domicile à la suite de la perte de cartes
(l'indemnité allouée est de 1 500 UKL au maximum par réclamation,
remboursable dans les 14 jours).
- 10.
- En outre, le plan comprend d'autres prestations qui sont en substance les suivantes:
tenue par CPP d'un état informatisé des cartes de crédit du client;
mise à disposition d'une ligne téléphonique pendant 24 heures pour la
réception des notifications de perte, de manière à permettre que les
mesures nécessaires soient prises pour transmettre l'information aux
émetteurs de cartes de crédit et fourniture d'autocollants portant l'indication
du numéro de cette ligne;
fourniture d'une aide en cas de perte pour obtenir des cartes de crédit de
rechange;
fourniture d'une aide en cas de changement d'adresse pour la notification
aux sociétés émettrices des cartes;
fourniture d'étiquettes préimprimées pour les clés en vue de les retrouver
en cas de perte;
fourniture au client d'un imprimé annuel de vérification;
fourniture d'une fiche médicale pour l'inscription des données médicales
personnelles;
l'indication des remises pour la location de véhicules.
- 11.
- Alors que depuis 1983 les Commissioners avaient considéré que les services fournis
par CPP étaient exonérés, ils ont, pour la première fois en 1990, soumis au taux
ordinaire de la TVA un «échantillon» de contrats de prestations de services
conclus entre CPP et l'un de ses clients pour une durée de trois ans contre
règlement d'une cotisation annuelle de 16 UKL. Cette décision était fondée sur
deux motifs principaux, à savoir, d'une part, que le plan comportait un «ensemble
de services», tous taxables, gravitant autour de la tenue, par CPP, d'un registre des
numéros de cartes et de la prestation d'un service de notification de perte pour
éviter toute responsabilité ultérieure du fait d'une utilisation frauduleuse en cas de
perte et, d'autre part, qu'il n'existait pas de relation contractuelle directe entre la
compagnie d'assurance et les clients de CPP, de nature à créer des liens de droit
spécifiques en rapport avec la police d'assurance, de sorte qu'il n'y avait pas de
prestation d'assurance envers le client.
- 12.
- CPP a contesté cette décision, au motif qu'il existait une telle relation contractuelle
directe et que la prestation devait être totalement ou en grande partie exonérée.Elle a, dès lors, engagé un recours devant le VAT and Duties Tribunal, London,
qui l'a déboutée de sa demande. Après que la High Court eut déclaré partiellement
fondé le recours formé par CPP, la Court of Appeal a, par arrêt du 23 novembre
1993, totalement débouté CPP en jugeant que le plan constituait un contrat de
prestation d'un «service d'enregistrement de cartes» et que les éléments
d'assurance n'étaient qu'un simple accessoire dudit service. CPP s'est donc pourvue
devant la House of Lords qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour
les quatre questions préjudicielles suivantes:
«1) Eu égard aux dispositions de la sixième directive TVA, et en particulier de
son article 2, paragraphe 1, quel est le critère adéquat pour décider si une
opération se compose, aux fins de la TVA, d'une prestation mixte unique
ou de deux ou plusieurs prestations distinctes?
2) La prestation par une entreprise d'un service ou de services du type de ceux
offerts par Card Protection Plan (CPP) par le biais du 'Plan (protégeant
le client en cas de perte de cartes de crédit) se compose-t-elle, aux fins de
la TVA, d'une prestation mixte unique ou de deux ou plusieurs prestations
distinctes? Certains traits particuliers au présent cas, tels que le versement
d'un prix unique par le client ou l'intervention de Continental Assurance
Company aux côtés de CPP, ont-ils une incidence sur la réponse à cette
question?
3) Cette prestation ou ces prestations consistent-elles en des 'opérations
d'assurance ... y compris les prestations de services afférentes à ces
opérations effectuées par les ... intermédiaires d'assurance au sens de
l'article 13, paragraphe B, sous a), de la sixième directive TVA, ou incluent-elles pareilles 'opérations, et cela notamment aux fins de répondre aux
questions suivantes:
a) le terme 'assurance au sens de l'article 13, paragraphe B, sous a), de
la sixième directive TVA s'étend-il aux catégories d'activités,
notamment celle d''assistance, énoncées à l'annexe de la directive du
Conseil 73/239/CEE (première directive du Conseil sur l'assurance
'non-vie) telle que modifiée par la directive 84/641/CEE du Conseil?
b) les 'prestations de services afférentes ... effectuées par les ...
intermédiaires d'assurance de l'article 13, paragraphe B, sous a), de
la sixième directive TVA constituent-elles ou incluent-elles les activités
visées à l'article 2 de la directive 77/92/CEE du Conseil?
4) Un État membre peut-il, sans enfreindre l'article 13, paragraphe B, sous a),
de la sixième directive TVA, restreindre la portée de l'exonération des
'opérations d'assurances aux prestations effectuées par des personnes
autorisées, dans les conditions du droit national de cet État membre, à
exercer l'activité d'assureur?»
Sur la troisième question
- 13.
- Par sa troisième question, qu'il convient d'examiner en premier lieu, la juridiction
nationale demande en substance si l'article 13, B, sous a), de la sixième directive
doit être interprété en ce sens que des prestations de services telles que celles
décrites dans le plan que CPP fournit à ses clients constituent ou non des
opérations d'assurance ou des prestations de services afférentes à ces opérations
effectuées par un intermédiaire d'assurance.
- 14.
- CPP soutient que tous les aspects de ce que le client obtient au titre du plan
s'inscrivent directement dans une opération d'assurance au sens de l'article 13, B,
sous a), de la sixième directive. Les gouvernements allemands, du Royaume-Uni
ainsi que la Commission admettent que, en tout état de cause, le plan inclut des
éléments de prestations d'assurance. Le gouvernement du Royaume-Uni relève
qu'il reviendra à la juridiction nationale de déterminer si CPP agit en tant
qu'intermédiaire d'assurance. Selon la Commission, il semblerait toutefois clair que
ses activités normales ne soient pas celles d'un intermédiaire d'assurance au sens
strict ou technique du terme.
- 15.
- A titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu'il est de jurisprudence constante que les
exonérations prévues par l'article 13 de la sixième directive constituent des notions
autonomes du droit communautaire ayant pour objet d'éviter des divergences dans
l'application du régime de la TVA d'un État membre à l'autre (voir arrêt du 15
juin 1989, Stichting Uitvoering Financiële Acties, 348/87, Rec. p. 1737, point 11).
- 16.
- La sixième directive ne définit ni la notion d'«opérations d'assurance» ni celle
d'«intermédiaire d'assurance» utilisées à son article 13, B, sous a).
- 17.
- En ce qui concerne, en premier lieu, l'interprétation de la notion d'«opérations
d'assurance», il convient de relever que la directive 73/239 ne définit pas non plus
la notion d'assurance. Cependant, comme M. l'avocat général l'a relevé au point
34 de ses conclusions, une opération d'assurance se caractérise, de façon
généralement admise, par le fait que l'assureur se charge, moyennant le paiement
préalable d'une prime, de procurer à l'assuré, en cas de réalisation du risque
couvert, la prestation convenue lors de la conclusion du contrat.
- 18.
- Il n'est pas indispensable que la prestation que l'assureur s'est engagé à fournir en
cas de sinistre consiste en un paiement d'une somme d'argent, cette prestation
pouvant aussi être constituée par des activités d'assistance, soit en espèces, soit en
nature, telles que celles énoncées à l'annexe de la directive 73/239, dans sa version
résultant de la directive 84/641. En effet, aucune raison n'autorise une
interprétation différente du terme «assurance» selon qu'il figure dans le texte de
la directive relative à l'assurance ou dans celui de la sixième directive.
- 19.
- En outre, il est constant que le terme «opérations d'assurance» visé à l'article 13,
B, sous a), englobe en tout état de cause le cas où l'opération concernée est
effectuée par l'assureur même qui a pris en charge la couverture du risque assuré.
Ainsi que le gouvernement du Royaume-Uni l'a rappelé à juste titre, il appartient
à la juridiction nationale de déterminer si CPP a elle-même accepté des obligations
d'assureur.
- 20.
- Il convient cependant de constater que CPP reconnaît qu'elle s'est bornée à
promettre aux clients de faire le nécessaire pour qu'une assurance leur soit fournie
par un tiers et qu'elle ne s'est pas elle-même engagée à fournir la couverture
d'assurance. A ce titre, la Commission a souligné que CPP détient une police
collective pour ses clients.
- 21.
- Dans ces conditions, il y a lieu de relever que CPP est le preneur d'une assurance
collective dont ses clients sont les assurés. Elle procure à ces derniers moyennant
rétribution, en son nom propre et pour son propre compte, et dans toute la mesure
où les prestations de service figurant à la police de Continental sont concernées,
une couverture d'assurance en ayant recours à un assureur. Par conséquent, au
regard de la TVA, les prestations réciproques sont échangées, d'une part, entre
Continental et CPP et, d'autre part, entre CPP et ses clients, le fait que
Continental, selon les clauses du contrat conclu avec CPP, octroie la couverture
d'assurance directement aux clients de cette dernière demeurant sans incidence à
cet égard.
- 22.
- Il convient de constater qu'une telle prestation de service fournie par CPP constitue
une opération d'assurance au sens de l'article 13, B, sous a). Il est vrai que les
exonérations prévues à l'article 13 de la sixième directive sont d'interprétation
stricte (voir arrêt Stichting Uitvoering Financiële Acties, précité, point 13).
Toutefois, l'expression «opérations d'assurance» est en principe suffisamment large
pour inclure l'octroi d'une couverture d'assurance par un assujetti qui n'est pas lui-même assureur, mais qui, dans le cadre d'une assurance collective, procure à ses
clients une telle couverture en utilisant les prestations d'un assureur qui se charge
du risque assuré.
- 23.
- Cette interprétation est corroborée par la finalité de la sixième directive qui
exonère les opérations d'assurance tout en accordant aux États membres, par son
article 33, la possibilité de maintenir ou d'introduire une taxe sur les contrats
d'assurance. Par conséquent, si l'expression «opérations d'assurance» vise
uniquement les opérations effectuées par les assureurs eux-mêmes, le
consommateur final pourrait être frappé non seulement par cette dernière taxe,
mais, dans le cas d'assurances collectives, également par la TVA. Un tel résultat
serait contraire à la finalité de l'exonération prévue à l'article 13, B, sous a).
- 24.
- Eu égard à ce qui précède, il n'y a plus lieu d'examiner la question de savoir si
CPP a exercé une activité d'intermédiaire d'assurance mentionnée à l'article 13, B,
sous a), de la sixième directive.
- 25.
- Il y a donc lieu de répondre à la troisième question que l'article 13, B, sous a), de
la sixième directive doit être interprété en ce sens qu'un assujetti n'ayant pas la
qualité d'assureur qui, dans le cadre d'une assurance collective dont il est le
preneur, procure à ses clients, qui sont les assurés, une couverture d'assurance en
ayant recours à un assureur qui prend en charge le risque couvert effectue une
opération d'assurance au sens de ladite disposition. Le terme «assurance»
mentionné à cette disposition s'étend aux catégories d'activités d'assistance
énoncées à l'annexe de la directive 73/239, dans sa version modifiée par la directive
84/641.
Sur les première et deuxième questions
- 26.
- Par ses deux premières questions, qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction
de renvoi demande, en substance, s'agissant d'un plan tel que celui fourni par CPP
à ses clients, quels sont les critères adéquats pour décider, au regard de la TVA,
si une opération qui se compose de plusieurs éléments doit être considérée comme
une prestation unique ou comme deux ou plusieurs prestations distinctes devant
être appréciées séparément.
- 27.
- A titre liminaire, il convient de rappeler que la question concernant l'étendue d'une
opération revêt une importance particulière, du point de vue de la TVA, tant pour
localiser le lieu des prestations de services que pour l'application du taux de
taxation ou, comme en l'espèce, des dispositions relatives à l'exonération prévues
par la sixième directive. En outre, il y a lieu de relever que, eu égard à la diversité
des transactions commerciales, il est impossible de donner une réponse exhaustive
quant à la manière d'aborder correctement le problème dans tous les cas.
- 28.
- Cependant, ainsi que la Cour l'a jugé dans l'arrêt du 2 mai 1996, Faaborg-Gelting
Linien (C-231/94, Rec. p. I-2395, points 12 à 14), à propos de la qualification de
l'opération de restauration, lorsque l'opération en cause est constituée par un
faisceau d'éléments et d'actes, il y a lieu d'abord de prendre en considération toutes
les circonstances dans lesquelles se déroule l'opération en question.
- 29.
- A cet égard, compte tenu de la double circonstance que, d'une part, il découle de
l'article 2, paragraphe 1, de la sixième directive que chaque prestation de service
doit normalement être considérée comme distincte et indépendante et que, d'autre
part, la prestation constituée d'un seul service au plan économique ne doit pas être
artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la
TVA, il importe de rechercher les éléments caractéristiques de l'opération en cause
pour déterminer si l'assujetti livre au consommateur, envisagé comme un
consommateur moyen, plusieurs prestations principales distinctes ou une prestation
unique.
- 30.
- Il convient de souligner qu'il s'agit d'une prestation unique notamment dans
l'occurrence où un ou plusieurs éléments doivent être considérés comme
constituant la prestation principale alors que, à l'inverse, un ou des éléments
doivent être regardés comme une ou des prestations accessoires partageant le sort
fiscal de la prestation principale. Une prestation doit être considérée comme
accessoire à une prestation principale lorsqu'elle ne constitue pas pour la clientèle
une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du
service principal du prestataire (arrêt du 22 octobre 1998, Madgett et Baldwin,
C-308/96 et C-94/97, non encore publié au Recueil, point 24).
- 31.
- Dans ces conditions, le fait qu'un prix unique soit facturé n'a pas une importance
décisive. Il est vrai que, lorsqu'un prestataire fournit à ses clients une prestation de
service composée de plusieurs éléments contre paiement d'un prix unique, ce
dernier peut militer en faveur de l'existence d'une prestation unique. Toutefois,
nonobstant le prix unique, s'il découlait de circonstances telles que celles décrites
aux points 7 à 10 du présent arrêt que les clients entendent acheter deux
prestations distinctes, à savoir une prestation d'assurance et une prestation de
service d'enregistrement de carte, il conviendrait alors d'isoler la partie du prix
unique relative à la prestation d'assurance laquelle demeurerait, en tout état de
cause, exonérée. A cet effet, la méthode de calcul ou d'appréciation la plus simple
possible doit être retenue (voir, en ce sens, arrêt Madgett et Baldwin, précité,
points 45 et 46).
- 32.
- Il y a donc lieu de répondre aux deux premières questions qu'il appartient à la
juridiction de renvoi de déterminer, à la lumière des éléments d'interprétation qui
précèdent, si des opérations telles que celles effectuées par CPP doivent être
considérées au regard de la TVA comme comportant deux prestations
indépendantes, à savoir une prestation d'assurance exonérée ainsi qu'une prestation
taxable d'enregistrement de carte, ou si l'une de ces deux prestations est la
prestation principale à laquelle l'autre est accessoire, de sorte que celle-ci partage
le sort fiscal de la prestation principale.
Sur la quatrième question
- 33.
- Dans l'hypothèse où la juridiction nationale jugerait que CPP doit être regardée
comme agissant en tant qu'assureur, qui aurait pris en charge le risque assuré et
aurait donc effectué des opérations qui seraient considérées comme illicites selon
le droit national, il y a lieu de rappeler que la sixième directive est fondée sur le
principe de neutralité fiscale. En matière de TVA, ce principe s'oppose, ainsi que
la Cour l'a déjà jugé, à ce que, sauf dans des hypothèses qui ne sont pas
pertinentes en l'espèce, les opérations licites et les opérations illicites soient traitées
de manière différente (voir arrêt du 11 juin 1998, Fischer, C-283/95, Rec. p. I-3369,
point 22).
- 34.
- Le gouvernement du Royaume-Uni a toutefois fait valoir que la limitation de
l'exonération aux opérations effectuées par des assureurs agréés était justifiée au
regard de la phrase introductive de l'article 13, B, de la sixième directive.
- 35.
- A cet égard, il y a lieu de relever que cette disposition, conformément au principe
de neutralité fiscale, ne comporte, quant à l'exonération des opérations d'assurance
qu'elle prévoit, aucune distinction entre les opérations licites et celles qui seraient
considérées comme illicites selon le droit national. Il s'ensuit que ces deux
catégories d'opérations doivent être traitées de manière identique.
- 36.
- Il convient donc de répondre à la quatrième question que l'article 13, B, sous a),
de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu'un État membre ne peut
pas restreindre la portée de l'exonération des opérations d'assurance aux seules
prestations effectuées par les assureurs autorisés par le droit national à exercer
l'activité d'assureur.
Sur les dépens
- 37.
- Les frais exposés par les gouvernements du Royaume-Uni et allemand, ainsi que
par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire
l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au
principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il
appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre),
statuant sur les questions à elle soumises par la House of Lords, par ordonnance
du 15 octobre 1996, dit pour droit:
1) L'article 13, B, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du
17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États
membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires Système commun de
taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doit être interprété en ce sens
qu'un assujetti n'ayant pas la qualité d'assureur qui, dans le cadre d'une
assurance collective dont il est le preneur, procure à ses clients, qui sont les
assurés, une couverture d'assurance en ayant recours à un assureur qui
prend en charge le risque couvert effectue une opération d'assurance au
sens de ladite disposition. Le terme «assurance» mentionné à cette
disposition s'étend aux catégories d'activités d'assistance énoncées à
l'annexe de la première directive 73/239/CEE du Conseil, du 24 juillet 1973,
portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et
administratives concernant l'accès à l'activité de l'assurance directe autre
que l'assurance sur la vie, et son exercice, dans sa version modifiée par la
directive 84/641/CEE du Conseil, du 10 décembre 1984.
2) Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, à la lumière des
éléments d'interprétation qui précèdent, si des opérations telles que celles
en cause dans l'affaire au principal doivent être considérées au regard de
la taxe sur la valeur ajoutée, comme comportant deux prestations
indépendantes, à savoir une prestation d'assurance exonérée ainsi qu'une
prestation taxable d'enregistrement de carte, ou si l'une de ces deux
prestations est la prestation principale à laquelle l'autre est accessoire, de
sorte que celle-ci partage le sort fiscal de la prestation principale.
3) L'article 13, B, sous a), de la sixième directive 77/388, doit être interprété
en ce sens qu'un État membre ne peut pas restreindre la portée de
l'exonération des opérations d'assurance aux seules prestations effectuées
par les assureurs autorisés par le droit national à exercer l'activité
d'assureur.
KapteynHirsch
Mancini
Ragnemalm Schintgen
|
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 février 1999.
Le greffier
Le président de la sixième chambre
R. Grass
P. J. G. Kapteyn