DOCUMENT DE TRAVAIL
ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)
2 septembre 2014 (*)
« Accès aux documents – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Lettre de mise en demeure dans le cadre d’une procédure en manquement en cours concernant la conformité du droit aérien allemand au droit de l’Union – Refus d’accès – Exception relative à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit – Recours en partie manifestement irrecevable et en partie dépourvu de tout fondement en droit »
Dans l’affaire T‑538/13,
Verein Natura Havel eV, établie à Berlin (Allemagne),
Hans-Peter Vierhaus, demeurant à Berlin,
représentés par Me O. Austilat, avocat,
parties requérantes,
contre
Commission européenne, représentée initialement par MM. B. Martenczuk et C. Zadra, puis par MM. Martenczuk et J. Baquero Cruz, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande d’annulation, d’une part, de la décision de la Commission du 24 juin 2013 rejetant la demande initiale d’accès à une lettre de mise en demeure adressée à la République fédérale d’Allemagne en vertu de l’article 258 TFUE et, d’autre part, de la décision de la Commission du 3 septembre 2013 rejetant la demande confirmative d’accès à cette lettre,
LE TRIBUNAL (troisième chambre),
composé de MM. S. Papasavvas (rapporteur), président, N. J. Forwood et E. Bieliūnas, juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend la présente
Ordonnance
Antécédents du litige
1 La première requérante, Verein Natura Havel eV, est une association de droit allemand qui a pour objet la protection de l’environnement, de la nature et de la biodiversité, par la conservation des habitats naturels, ainsi que de la faune et de la flore sauvages, sur le territoire de la Havel, situé dans la région de Berlin-Potsdam, et, en particulier, les zones de protection spéciale « Grunewald » et « Westlicher Düppeler Forst », comprises dans le réseau européen Natura 2000 (ci-après les « zones FFH/SPA »).
2 Le 10 février 2012, le Bundesaufsichtsamt für Flugsicherung (Office fédéral de surveillance de la sécurité aérienne) a adopté le Zweihundertsiebenundvierzigste Durchführungsverordnung zur Luftverkehrs-Ordnung (Festlegung von Flugverfahren für An- und Abflüge nach Instrumentenflugregeln zum und vom Flughafen Berlin-Brandenburg, Bundesanzeiger n° 45, du 20 mars 2012, p. 1086) [247e règlement d’exécution pour le trafic aérien (Mise en place des procédures de vol pour les arrivées et les départs en vertu des règles de vol applicables aux appareils à destination et en provenance de l’aéroport de Berlin Brandebourg), ci-après le « règlement litigieux »].
3 Le 22 mars 2013, le second requérant, M. Hans-Peter Vierhaus, adhérent de la première requérante, a, en sa qualité de mandataire de cette dernière, introduit un recours devant l’Oberverwaltungsgericht Berlin-Brandenburg (Tribunal administratif supérieur de Berlin-Brandebourg) contre le règlement litigieux, enregistré sous la référence OVG 11 A 21.13, par lequel il a fait valoir, premièrement, que ledit règlement était illégal, puisqu’il aurait procédé à la fixation des routes aériennes sans qu’ait été effectuée d’évaluation préalable des incidences sur l’environnement, comme exigé par le droit de l’Union européenne, et, deuxièmement, que, en vertu de ce règlement, la route aérienne Wannsee aurait été retenue comme procédure de départ des aéronefs, de sorte que ces derniers seraient amenés à survoler les zones FFH/SPA.
4 Le 12 février 2013, le second requérant a saisi la Commission européenne d’une plainte au nom de la première requérante, enregistrée sous la référence CHAP(2013)00613 et dont il a été accusé réception le 26 février suivant, concernant la fixation des procédures de décollage et d’atterrissage par le règlement litigieux sans évaluation préalable des incidences sur l’environnement, en violation du droit de l’Union.
5 Le 30 mai 2013, la Commission a adressé, en vertu de l’article 258 TFUE, une lettre de mise en demeure aux autorités allemandes relative à la conformité du droit aérien allemand à la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 2012, L 26, p. 1), et à la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206, p. 7) (ci-après la « lettre de mise en demeure »), et a publié un communiqué de presse le même jour. Par ailleurs, à la même date, la direction générale (DG) « Environnement », représentée par le porte-parole du commissaire chargé de l’environnement, a donné, au sujet de cette procédure, une conférence de presse, dont des extraits ont été diffusés par les organismes de radiodiffusion télévisuelle allemande ainsi que par de nombreux quotidiens allemands.
6 Le 30 mai 2013, le second requérant a présenté, au nom et pour le compte de la première requérante, une demande d’accès à la lettre de mise en demeure, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43).
7 Par lettre du 24 juin 2013, la DG « Environnement » a rejeté la demande d’accès en question (ci-après la « réponse à la demande initiale »).
8 Le 25 juin 2013, le second requérant a présenté, au nom et pour le compte de la première requérante, une demande confirmative, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, dont il a été accusé réception le 26 juin suivant.
9 Par lettre du 17 juillet 2013, la Commission a informé le second requérant que, conformément à l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, le délai de réponse à la demande confirmative était prolongé de quinze jours ouvrables.
10 Par lettre du 5 août 2013, la Commission a signalé au second requérant qu’elle n’était toujours pas en mesure de répondre à la demande confirmative.
11 Le 20 août 2013, le second requérant a, au nom et pour le compte de la première requérante, invité la Commission à se prononcer sur la demande confirmative avant le 30 août suivant et a précisé que, dans le cas contraire, il envisageait d’introduire un recours en vertu de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001.
12 Par décision du 3 septembre 2013, la Commission a confirmé le refus d’accès à la lettre de mise en demeure, rejetant ainsi la demande confirmative présentée par le second requérant pour le compte de la première requérante (ci-après la « décision de refus »). En substance, la Commission a constaté qu’une divulgation prématurée de la lettre de mise en demeure nuirait au dialogue instauré entre elle et les autorités allemandes et influencerait le climat de confiance mutuelle nécessaire pour tenter de parvenir à une solution à l’amiable. Selon la Commission, cette interprétation a été confirmée par la jurisprudence de l’Union, qui aurait reconnu l’existence d’une présomption générale selon laquelle la divulgation de documents du dossier administratif relatif à une procédure en manquement, lors de la phase précontentieuse de celle-ci, porterait atteinte, par principe, à la protection de l’objectif des activités d’enquête, au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, tant que cette procédure était en cours.
13 La Commission a, par ailleurs, relevé que la circonstance que l’ouverture de la procédure en cause avait été rendue publique était habituelle et répondait au besoin général d’information du public. En outre, la Commission a indiqué qu’aucun intérêt public supérieur n’avait été invoqué et qu’elle n’était pas non plus parvenue à reconnaître un tel intérêt. Partant, la Commission a constaté que la DG « Environnement » s’était à juste titre prévalue de l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001 et que l’accès partiel au document sollicité, en vertu de l’article 4, paragraphe 6, dudit règlement, était également exclu, dans la mesure où, à ce stade de la procédure, il tombait entièrement sous le coup de l’exception concernée.
Procédure et conclusions des parties
14 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 octobre 2013, les requérants ont introduit le présent recours.
15 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, les requérants ont présenté, en vertu de l’article 76 bis, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, une demande visant à ce qu’il soit statué selon une procédure accélérée.
16 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 12 novembre 2013, la Commission a présenté ses observations sur la demande de procédure accélérée.
17 La Commission a déposé le mémoire en défense le 4 décembre 2013.
18 Par décision du 9 décembre 2013 et conformément à l’article 76 bis, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal (troisième chambre) a rejeté la demande visant à ce qu’il soit statué selon une procédure accélérée et un délai supplémentaire a été imparti à la Commission pour qu’elle complète, le cas échéant, le mémoire en défense.
19 Par lettre du 7 janvier 2014, la Commission a informé le Tribunal qu’elle renonçait à compléter son mémoire en défense.
20 Par décision du 13 janvier 2014 et conformément à l’article 47, paragraphe 1, du règlement de procédure, il a été décidé de ne pas procéder à un deuxième échange de mémoires.
21 Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la réponse à la demande initiale et la décision de refus ;
– condamner la Commission aux dépens.
22 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer le recours comme étant partiellement irrecevable ;
– pour le surplus, rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner les requérants aux dépens.
En droit
23 Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.
24 En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.
Sur la recevabilité
25 Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité, la Commission soutient que le recours est partiellement irrecevable aux motifs que, d’une part, le second requérant ne serait pas directement et individuellement concerné par le refus d’accès au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, dès lors qu’il n’est intervenu, lors de la procédure administrative, qu’en sa qualité de représentant de la première requérante et qu’il n’a pas introduit de demande d’accès pour son propre compte. D’autre part, le recours serait partiellement irrecevable en ce qu’il vise l’annulation de la réponse à la demande initiale, qui constitue un acte préparatoire, non susceptible de recours.
26 Les requérants affirment que le recours est recevable et qu’ils ont un intérêt à obtenir l’annulation tant de la réponse à la demande initiale que de la décision de refus.
27 Il convient de relever, premièrement, que le recours est recevable en ce qu’il est introduit par la première requérante, ce que la Commission ne conteste pas, au demeurant. Or, selon une jurisprudence bien établie, s’agissant d’un seul et même recours, il n’y a pas lieu d’examiner la qualité pour agir des autres parties requérantes (voir arrêt du Tribunal du 19 janvier 2012, Xeda International et Pace International/Commission, T‑71/10, non publié au Recueil, point 60, et la jurisprudence citée).
28 Partant, il n’y a pas lieu, pour des raisons d’économie de procédure, d’examiner séparément la qualité pour agir du second requérant.
29 Deuxièmement, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, s’agissant d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, ne constituent, en principe, des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution concernée au terme de la procédure, les mesures préliminaires ou de nature purement préparatoire ne pouvant, elles, faire l’objet d’un recours en annulation (arrêts de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, points 9 et 10, et du 10 janvier 2006, Commission/Alvarez Moreno, C‑373/04 P, non publié au Recueil, point 42).
30 Il est également de jurisprudence constante que la procédure d’accès aux documents se déroule en deux temps. La réponse à une demande initiale d’accès aux documents ne constitue qu’une première prise de position, conférant aux requérants la possibilité d’inviter la Commission à réexaminer la position en cause, et seule la mesure adoptée par la Commission en réponse à une demande confirmative, qui remplace la prise de position initiale, présente la nature d’une décision et est susceptible de produire des effets juridiques de nature à affecter les intérêts des requérants et, partant, de faire l’objet d’un recours en annulation en vertu de l’article 263 TFUE (ordonnance de la Cour du 15 février 2012, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑208/11 P, non publiée au Recueil, points 29 et 30 ; arrêt du Tribunal du 19 janvier 2010, Co-Frutta/Commission, T‑355/04 et T‑446/04, Rec. p. II‑1, points 34 et 35).
31 Dès lors, ainsi que le fait valoir la Commission, la réponse à la demande initiale ne produit pas d’effets juridiques et ne peut être considérée comme constituant un acte attaquable. Il en résulte que le recours doit être rejeté comme manifestement irrecevable en ce qu’il est dirigé contre ladite réponse.
Sur le fond
32 À l’appui de leur recours, les requérants soulèvent, en substance, quatre moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, le deuxième, de la violation de l’article 4, paragraphe 6, dudit règlement, le troisième, de la violation de l’obligation de motivation et, le quatrième, de la violation de l’article 10, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »).
33 Il convient d’examiner tout d’abord le troisième moyen, puis, conjointement, les premier et deuxième moyens et, enfin, le quatrième moyen. Eu égard à la conclusion tirée au point 31 ci-dessus, le Tribunal limitera son examen aux moyens soulevés visant à contester la légalité de la décision de refus.
Sur le troisième moyen, tiré du défaut de motivation de la décision de refus
34 Les requérants font valoir que la décision de refus est entachée d’un défaut de motivation. En particulier, ils affirment que la Commission se serait bornée à affirmer que la divulgation de la lettre de mise en demeure porterait gravement atteinte à l’atmosphère de confiance mutuelle et à reproduire des passages de l’arrêt du Tribunal du 11 décembre 2001, Petrie e.a./Commission (T‑191/99, Rec. p. II‑3677), qui portait sur des faits différents. Par ailleurs, le point 5 de la décision de refus, relatif à la possibilité d’un accès partiel, ne contiendrait pas de motivation substantielle, mais ferait essentiellement référence à l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001.
35 La Commission conteste l’argumentation des requérants.
36 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences dudit article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du Tribunal du 7 juillet 2011, Valero Jordana/Commission, T‑161/04, non publié au Recueil, point 48, et la jurisprudence citée).
37 S’agissant d’une demande d’accès aux documents, lorsque l’institution en cause refuse un tel accès, elle doit démontrer dans chaque cas d’espèce, sur la base des informations dont elle dispose, que les documents auxquels l’accès est sollicité relèvent effectivement des exceptions énumérées dans le règlement n° 1049/2001 (voir arrêt Valero Jordana/Commission, précité, point 49, et la jurisprudence citée).
38 En l’espèce, il convient de rappeler que, au point 3 de la décision de refus, la Commission, après avoir relevé que la lettre de mise en demeure marquait l’introduction formelle d’une procédure en manquement, concernant la conformité du droit aérien allemand au droit de l’Union, qui était, à ce moment-là, toujours pendante, a constaté, premièrement, qu’une divulgation prématurée de ladite lettre nuirait au dialogue instauré entre elle et les autorités allemandes, puisque ces dernières avaient été invitées à s’exprimer sur les griefs qui y étaient formulés. Elle a relevé, deuxièmement, que le but poursuivi par elle étant de faire respecter le droit de l’Union sans recourir à la procédure judiciaire visée à l’article 258, paragraphe 2, TFUE, il était indispensable qu’elle ait des entretiens approfondis avec l’État membre concerné, ce qui exigeait un climat de confiance mutuelle. Or, elle a constaté, en se référant à la jurisprudence de la Cour et du Tribunal relative à l’interprétation de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, que la divulgation dudit document influencerait ce climat de confiance et porterait, par principe, atteinte à la protection de l’objectif des activités d’enquête, tant que la procédure en cause était en cours. La Commission a constaté, troisièmement, que les requérants n’avaient pas invoqué l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation de la lettre de mise en demeure et qu’elle ne parvenait pas non plus à reconnaître un tel intérêt. Enfin, selon le point 5 de la décision de refus, bien que la Commission ait envisagé l’hypothèse d’un accès partiel audit document, elle a conclu que, à ce stade de la procédure, cela n’était pas possible, le document demandé tombant entièrement sous le coup de l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001.
39 Il s’ensuit que, contrairement à ce que font valoir les requérants, il est manifeste que la décision de refus comporte une motivation suffisante au regard de la jurisprudence citée aux points 36 et 37 ci-dessus, dans la mesure où elle identifie, à suffisance de droit, le motif de refus d’accès et fournit adéquatement les raisons pour lesquelles le document demandé relève, selon la Commission, effectivement et entièrement de l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, de sorte que l’application de l’article 4, paragraphe 6, dudit règlement est exclue.
40 Partant, le troisième moyen doit être rejeté comme manifestement non fondé.
Sur les premier et deuxième moyens, tirés de la violation de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, et paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001
41 Les requérants font valoir, tout d’abord, que la Commission a violé leur droit d’accès à l’information découlant de l’article 15 TFUE, de l’article 42 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne , de l’article 10 de la CEDH et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, dès lors que les conditions requises pour l’application de l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, de ce règlement n’étaient pas réunies.
42 À cet égard, les requérants soutiennent, d’une part, que, compte tenu de la publicité maximale créée autour de la lettre de mise en demeure et de la large diffusion de son contenu dans la presse et sur Internet par la Commission elle-même, il n’a pas été établi que la divulgation de cette lettre porterait gravement atteinte à l’intérêt protégé en l’espèce. D’autre part, ils prétendent que la divulgation de la lettre de mise en demeure présenterait un intérêt public supérieur que la Commission aurait omis de prendre en compte. Cet intérêt serait constitué tant par le fait que la première requérante est une association de protection de l’environnement habilitée, en vertu du droit allemand, à introduire des recours collectifs, que par le principe de démocratie. Ils affirment ainsi que la Commission n’a pas correctement mis en balance les intérêts divergents en cause.
43 Ensuite, les requérants demandent au Tribunal, conformément à l’article 65, sous c), du règlement de procédure, d’adopter une série de mesures d’instruction, consistant à ordonner l’audition du secrétaire général et de l’attaché de presse de la Commission afin d’établir, en substance, que la publication d’un communiqué de presse sur Internet et la tenue d’une conférence de presse à l’occasion de l’ouverture d’une procédure en manquement contre un État membre ne correspondent pas à la pratique administrative habituelle de cette institution. Par ailleurs, en vertu de l’article 67, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement de procédure, ils sollicitent l’adoption d’une mesure d’instruction consistant à ordonner la production de la lettre de mise en demeure.
44 Les requérants affirment, enfin, que la décision de refus est erronée en ce qu’elle refuse l’accès partiel à la lettre de mise en demeure, qu’elle est contraire au principe de proportionnalité et qu’elle souffre d’un défaut de motivation à cet égard.
45 La Commission conteste cette argumentation.
46 Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.
47 Par ailleurs, en vertu de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions visées aux paragraphes 1 à 5 de cette disposition, les autres parties du document sont divulguées.
48 En l’espèce, il est constant que, au moment de l’adoption de la décision de refus, une procédure en manquement ouverte contre la République fédérale d’Allemagne au titre de l’article 258 TFUE était en cours. Par conséquent, la Commission était, en principe, en droit d’invoquer l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, relative à la protection des objectifs des activités d’enquête (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 septembre 2011, LPN/Commission, T‑29/08, Rec. p. II‑6021, point 101, et la jurisprudence citée).
49 Toutefois, selon une jurisprudence bien établie, compte tenu de la nécessité d’interpréter et d’appliquer strictement toute exception au droit d’accès, la circonstance qu’un document concerne une activité d’enquête, au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, ne saurait, à elle seule, suffire à justifier l’application de cette exception, celle-ci n’étant applicable que si la divulgation des documents concernés est effectivement susceptible de porter atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête de la Commission concernant les manquements en cause (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission, T‑391/03 et T‑70/04, Rec. p. II‑2023, points 105 et 109, et du 12 septembre 2007, API/Commission, T‑36/04, Rec. p. II‑3201, point 127). En effet, ce risque d’atteinte à l’intérêt protégé doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (arrêt de la Cour du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, Rec. p. I‑4723, points 43 et 63). En outre, ainsi qu’il résulte de son libellé, cette exception ne vise pas à protéger les activités d’enquête en tant que telles, mais l’objectif de ces activités, qui consiste, dans le cadre d’une procédure en manquement, à amener l’État membre concerné à se conformer au droit de l’Union (voir arrêt LPN/Commission, précité, point 110, et la jurisprudence citée).
50 Par ailleurs, ainsi qu’il a été reconnu dans la jurisprudence, lorsque la divulgation d’un document est demandée à une institution, celle-ci est tenue d’apprécier, dans chaque cas d’espèce, si ce document relève des exceptions au droit d’accès énumérées à l’article 4 du règlement n° 1049/2001 (arrêt Suède et Turco/Conseil, précité, point 35). À cet égard, il a été précisé, d’une part, que l’examen d’une demande d’accès à des documents doit revêtir un caractère concret et individuel et porter sur le contenu de chaque document visé dans ladite demande et, d’autre part, que cet examen doit ressortir des motifs de la décision de l’institution, en ce qui concerne toutes les exceptions mentionnées aux paragraphes 1 à 3 de l’article 4 du même règlement sur lesquelles cette décision est fondée (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, Rec. p. II‑1121, points 69 à 74, et LPN/Commission, précité, point 112).
51 Il existe toutefois des exceptions à l’obligation de la Commission d’examiner concrètement et individuellement les documents pour lesquels un accès a été demandé.
52 En effet, il a été itérativement jugé que, dès lors que l’examen concret et individuel auquel l’institution doit en principe procéder en réponse à une demande d’accès formulée sur le fondement du règlement n° 1049/2001 a pour objet de permettre à l’institution concernée, d’une part, d’apprécier dans quelle mesure une exception au droit d’accès est applicable et, d’autre part, d’apprécier la possibilité d’un accès partiel, ledit examen peut ne pas être nécessaire lorsque, en raison des circonstances particulières de l’espèce, il est manifeste que l’accès doit être refusé ou bien au contraire accordé. Tel pourrait être le cas, notamment, si certains documents soit, tout d’abord, étaient manifestement couverts dans leur intégralité par une exception au droit d’accès, soit, à l’inverse, étaient manifestement accessibles dans leur intégralité, soit, enfin, avaient déjà fait l’objet d’une appréciation concrète et individuelle par la Commission dans des circonstances similaires (voir arrêt LPN/Commission, précité, point 114, et la jurisprudence citée).
53 En outre, il a été dit pour droit qu’il était en principe loisible à l’institution concernée de se fonder, y compris dans le cadre de la motivation de la décision de refus, sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature, à condition qu’elle vérifie dans chaque cas si les considérations d’ordre général normalement applicables à un type de documents déterminé sont effectivement applicables à un document donné dont la divulgation est demandée (voir arrêt LPN/Commission, précité, point 115, et la jurisprudence citée).
54 Enfin, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence, il peut être présumé que la divulgation des documents afférents à une procédure en manquement, au cours de la phase précontentieuse de celle-ci, risque d’altérer le caractère de cette procédure ainsi que d’en modifier le déroulement et que, partant, cette divulgation porterait, en principe, atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête, au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001 (voir arrêt de la Cour du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, non encore publié au Recueil, point 65, et la jurisprudence citée).
55 En l’espèce, la demande d’accès a été présentée au stade de la phase précontentieuse de la procédure en manquement en cause, alors que cette dernière n’avait été ni classée ni portée devant la Cour au moment de l’adoption de la décision de refus. Or, ainsi que l’a relevé la Commission à bon droit, il résulte d’une jurisprudence constante que la procédure précontentieuse a pour but de donner à l’État membre concerné l’occasion, d’une part, de se conformer à ses obligations découlant du droit de l’Union et, d’autre part, de faire utilement valoir ses moyens de défense à l’encontre des griefs formulés par elle (voir arrêts de la Cour du 7 juillet 2005, Commission/Autriche, C‑147/03, Rec. p. I‑5969, point 22, et du 14 avril 2011, Commission/Roumanie, C‑522/09, Rec. p. I‑2963, point 15).
56 Partant, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a considéré que la présomption mentionnée au point 54 ci-dessus était applicable en l’espèce en ce qui concerne la lettre de mise en demeure, dès lors qu’il était manifeste qu’elle était couverte, pour l’intégralité de son contenu, par l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001.
57 En effet, il n’était pas concevable que la Commission puisse accorder l’accès à une partie du document sans remettre en cause les négociations en cours avec les autorités allemandes. À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte de la finalité assignée à la phase précontentieuse de la procédure en manquement que la lettre de mise en demeure a pour but de circonscrire l’objet du litige et d’indiquer à l’État membre qui est invité à présenter ses observations les éléments nécessaires à la préparation de sa défense (voir arrêt de la Cour du 26 septembre 2000, Commission/France, C‑225/98, Rec. p. I‑7445, point 68, et la jurisprudence citée). Ainsi, la divulgation de ladite lettre, fût-elle partielle, aurait été effectivement susceptible de porter atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête de la Commission concernant les manquements allégués de la République fédérale d’Allemagne (voir, en ce sens, arrêt LPN/Commission, précité, point 121).
58 Cette conclusion ne saurait être infirmée par les arguments des requérants selon lesquels la Commission aurait largement diffusé le contenu de la lettre de mise en demeure dans la presse et sur Internet. À cet égard, force est de constater que, ainsi que l’a relevé la Commission, la publicité générée autour de cette procédure à son initiative, par la publication d’un communiqué de presse et par l’organisation d’une conférence de presse à laquelle auraient assisté des représentants d’organismes publics allemands de radiodiffusion et de journaux, répondait au souci d’informer le public, conformément à sa pratique habituelle, sans pour autant que soit divulgué le contenu exact de la lettre de mise en demeure. Au demeurant, la circonstance que le représentant de la DG « Environnement » se serait livré à des déclarations dont les requérants considèrent qu’elles sont susceptibles d’avoir nui au climat de confiance ne permet pas de constater qu’une publication du contenu de ladite lettre aurait dépassionné le débat et rétabli ce climat de confiance.
59 En outre, contrairement à l’argument des requérants, le fait que les autorités allemandes avaient été invitées à se prononcer sur les griefs formulés dans la lettre de mise en demeure dans un délai de deux mois à compter de sa notification et que la Commission devait disposer de leur position lors de l’introduction du recours ne saurait être interprété comme signifiant que ladite lettre ne tombait plus sous le coup de l’exception visée par l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001. À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une procédure en manquement, l’exigence de confidentialité à laquelle sont en droit de prétendre les États membres perdure même après la saisine de la Cour au motif qu’il ne peut pas être exclu que les négociations entre la Commission et l’État membre concerné, visant à ce que celui-ci se conforme volontairement aux exigences du traité, puissent continuer au cours de la procédure judiciaire et jusqu’au prononcé de l’arrêt. La préservation de cet objectif, à savoir un règlement à l’amiable du différend entre la Commission et l’État membre concerné avant l’arrêt de la Cour, justifie donc le refus d’accès à ce document (voir arrêt API/Commission, précité, point 121, et la jurisprudence citée)
60 Dans ces circonstances, la Commission pouvait se fonder sur la présomption générale selon laquelle l’accès, même partiel, du public aux documents afférents à une procédure en manquement, au cours de la phase précontentieuse de celle-ci, mettrait en péril la réalisation des objectifs de cette procédure, afin de refuser l’accès à la lettre de mise en demeure au titre de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001.
61 En outre, il convient de rappeler que, si la présomption générale n’exclut pas la possibilité de démontrer qu’un document donné, dont la divulgation est demandée, n’est pas couvert par ladite présomption ou qu’il existe, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement n° 1049/2001, un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document visé, il incombe toutefois au demandeur d’invoquer de manière concrète des circonstances fondant un tel intérêt justifiant la divulgation dudit document (voir, en ce sens, arrêt LPN et Finlande/Commission, précité, points 66 et 94, et la jurisprudence citée).
62 Or, il ressort de la décision de refus que les requérants n’ont invoqué devant la Commission aucun intérêt public supérieur susceptible de justifier la divulgation de la lettre de mise en demeure. En effet, la qualité de la première requérante d’association habilitée, en vertu du droit allemand, à introduire des recours collectifs en matière d’environnement ne saurait constituer un tel intérêt, même si celle-ci, en tant qu’organisation non gouvernementale, agit conformément à son objet statutaire, lequel consiste en la protection de l’environnement (voir, en ce sens, arrêt LPN et Finlande/Commission, précité, point 95).
63 Quant à l’intention de la première requérante d’utiliser la lettre de mise en demeure pour défendre son argumentation dans le cadre du recours introduit devant l’Oberverwaltungsgericht Berlin-Brandenburg, il suffit de constater que le droit d’accès aux documents ne dépend pas de la nature de l’intérêt particulier que le demandeur d’accès pourrait avoir ou ne pas avoir d’obtenir l’information requise (arrêt LPN/Commission, précité, point 137).
64 De surcroît, ainsi que le soutient la Commission, les arguments des requérants concernant les dispositions de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 (ci-après la « convention d’Aarhus »), approuvée au nom de l’Union par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005, relative à la conclusion, au nom de la Communauté européenne, de la convention d’Aarhus (JO L 124, p. 1), visant à renforcer le rôle des associations de protection de l’environnement aux fins de la mise en œuvre du droit de l’environnement au sein de l’Union, sont dénués de pertinence en l’espèce et ne démontrent pas, en tout état de cause, l’existence d’un intérêt public supérieur, au sens de l’article 4, paragraphe 2, in fine, du règlement n° 1049/2001.
65 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement (CE) n° 1367/2006, du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus (JO L 264, p. 13), exclut expressément de son champ d’application les « enquêtes, notamment celles relatives à de possibles manquements au droit [de l’Union] », visées par l’exception de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001. Ainsi, la présomption légale selon laquelle la divulgation présente un intérêt public supérieur lorsque les informations demandées ont trait à des émissions dans l’environnement ne s’applique pas à des documents ayant trait à des enquêtes entamées dans le cadre de procédures en manquement (voir, en ce sens, arrêt LPN/Commission, précité, points 133 à 135).
66 Partant, l’argument des requérants selon lequel, d’une part, la première requérante aurait un droit d’accès privilégié à la lettre de mise en demeure du fait de son statut et, d’autre part, son intérêt à obtenir cet accès primerait sur l’intérêt de protection des objectifs des activités d’enquête, ne saurait prospérer.
67 S’agissant de la prétendue existence d’un intérêt public supérieur du fait de « l’influence exercée par la transparence […] sur la réalisation du principe de démocratie », il suffit de constater que des considérations aussi générales que celles invoquées en l’espèce ne sauraient être de nature à établir que le principe de transparence présentait, en l’occurrence, une acuité particulière qui aurait pu primer sur les raisons justifiant le refus de divulgation de la lettre de mise en demeure (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 27 mars 2014, Ecologistas en Acción/Commission, T‑603/11, non publiée au Recueil, point 76, et la jurisprudence citée).
68 Enfin, les arguments des requérants selon lesquels la décision de refus viole leur droit d’accès à l’information qui découle de manière concordante de l’article 15, paragraphe 3, TFUE, de l’article 42 de la charte des droits fondamentaux, de l’article 10 de la CEDH et de l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001 ne sauraient non plus prospérer. À cet égard, force est de relever que, hormis l’article 10 de la CEDH, dont la violation est invoquée dans le cadre du quatrième moyen, qui porte sur la liberté d’expression et comprend, notamment, la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières, toutes ces dispositions concernent l’accès aux documents des institutions.
69 Or, l’article 15, paragraphe 3, deuxième alinéa, TFUE prévoit que les principes généraux et les limites qui, pour des raisons d’intérêt public ou privé, régissent l’exercice du droit d’accès aux documents des citoyens sont fixés par voie de règlements par le Parlement et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire. Ainsi, le règlement nº 1049/2001, adopté sur le fondement de l’article 15, paragraphe 3, TFUE fixe ces principes généraux et ces limites en ce qui concerne le droit d’accès aux documents détenus par la Commission. Parmi ces limites figure l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, de ce règlement, tirée de la protection des objectifs des activités d’enquête des institutions. Les requérants ne sauraient donc faire écarter l’application de cette exception en s’appuyant sur des dispositions générales des traités.
70 En tout état de cause, le contrôle du Tribunal doit porter sur la légalité de la décision de refus à la lumière du seul règlement n° 1049/2001, et non sur la légalité de ce dernier au regard de la charte des droits fondamentaux ou de la CEDH, eu égard au fait qu’aucune exception d’illégalité n’a été soulevée en l’espèce. Or, il résulte de tout ce qui précède que la Commission a refusé l’accès à la lettre de mise en demeure conformément à la lettre et à l’esprit du règlement n° 1049/2001.
71 Par conséquent, il convient de rejeter les premier et deuxième moyens comme manifestement non fondés, sans qu’il soit besoin d’ordonner les mesures d’instruction proposées par les requérants.
Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 10, paragraphe 1, deuxième phrase, de la CEDH
72 Les requérants estiment que, par la décision de refus, la Commission a violé leur droit de recevoir des informations sans ingérence des autorités publiques, qui découle de l’article 10, paragraphe 1, deuxième phrase, de la CEDH. À cet égard, ils font valoir, d’une part, que la Commission aurait dû interpréter l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001 à l’aune de cette disposition, en lien avec l’article 6, paragraphe 2, TFUE et, d’autre part, que le refus d’accès à la lettre de mise en demeure doit être qualifié d’ingérence des autorités publiques dans leur droit de recevoir des informations.
73 La Commission conteste cette argumentation.
74 Il importe de relever que les requérants se bornent à faire valoir que la décision de refus constitue une ingérence des autorités publiques dans leur droit de recevoir des informations et, à ce titre, une violation de l’article 10 de la CEDH. Ils admettent, par ailleurs, que, à ce jour, la Cour européenne des droits de l’homme ne s’est pas prononcée en faveur d’un droit d’accès aux informations opposable aux institutions nationales ou de l’Union.
75 Force est de constater que les requérants n’explicitent pas en quoi le refus d’accès à la lettre de mise en demeure, conformément au règlement n° 1049/2001, constitue une ingérence dans leur droit de recevoir des informations. Or, aux termes de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c) du règlement de procédure, toute requête doit contenir notamment un exposé sommaire des moyens invoqués. Ces indications doivent être suffisamment claires et précises pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense ou au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information à l’appui (voir arrêt du Tribunal du 12 mars 2008, European Service Network/Commission, T‑332/03, non publié au Recueil, point 229, et la jurisprudence citée).
76 Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté comme manifestement irrecevable.
77 À titre surabondant, il y a lieu de rappeler que les requérants n’ont soulevé aucune exception d’illégalité du règlement n° 1049/2001 au regard de l’article 10 de la CEDH. Or, à supposer même que le refus adressé aux requérants en l’espèce doive également être analysé sous l’angle de la liberté d’expression et d’information consacrée par l’article 11 de la charte des droits fondamentaux, lequel contient des droits correspondant à ceux garantis par l’article 10 de la CEDH (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 novembre 2012, Thesing et Bloomberg Finance/BCE, T‑590/10, non publié au Recueil, points 69 à 72), il n’en demeure pas moins que l’exercice de cette liberté peut, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de ladite charte, être limité, sans que cela constitue une ingérence des autorités publiques, au sens de l’article 11, paragraphe 1, de la même charte.
78 Il résulte de ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté comme manifestement irrecevable et, en tout état de cause, comme manifestement non fondé et que, en conséquence, le recours doit être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
79 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il convient de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
ordonne :
1) Le recours est rejeté.
2) Verein Natura Havel eV et Hans-Peter Vierhaus sont condamnés aux dépens.
Fait à Luxembourg, le 2 septembre 2014.