ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
21 septembre 1999 (1)
«Agent temporaire stagiaire Licenciement, à l'issue du stage, pour insuffisance
professionnelle Recours en annulation Correspondance entre le grade et la
fonction Retard dans la transmission des documents sociaux Recours en
indemnité Préjudice»
Dans l'affaire T-98/98,
Tania Trigari-Venturin, ancien agent temporaire du Centre de traduction des
organes de l'Union européenne, demeurant à Sandweiler (Luxembourg),
représentée par Mes Jean-Noël Louis et Françoise Parmentier, avocats au barreau
de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson
SARL, 30, rue de Cessange,
contre
Centre de traduction des organes de l'Union européenne, représenté par Mme Nadia
Lamboray, agent temporaire chargée des affaires juridiques, assistée de Me Denis
Waelbroeck, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg
auprès de Mme Lamboray, 1, rue du Fort Thüngen, Kirchberg,
ayant pour objet, d'une part, une demande tendant à l'annulation de la décision du
Centre de traduction des organes de l'Union européenne, du 9 octobre 1997,
portant licenciement de la requérante avec effet au 31 octobre 1997, et, d'autre
part, une demande de réparation des préjudices moral et matériel que ledit
licenciement a causé à la requérante,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),
composé de MM. M. Jaeger, président, K. Lenaerts et J. Azizi, juges,
greffier: M. A. Mair, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 3 juin 1999,
rend le présent
Arrêt
Faits à l'origine du litige
- 1.
- Par lettre du 14 mars 1996, accompagnée de son curriculum vitae, la requérante
a posé sa candidature à «un éventuel poste de secrétaire ou d'employée
administrative» au sein des services du Centre de traduction des organes de
l'Union européenne (ci-après «Centre de traduction»), dont les activités venaient
de commencer.
- 2.
- En novembre 1996, le Centre de traduction a constitué un comité de sélection
chargé de procéder à l'évaluation des candidatures reçues depuis sa création pour
des emplois d'agents administratifs de catégorie C (agents temporaires) et à
l'audition des candidats. Les candidats retenus ont été inscrits sur une liste
d'aptitude.
- 3.
- Par lettre du 10 décembre 1996, le directeur du Centre de traduction, M. de
Vicente, a informé la requérante que son nom avait été inscrit sur la liste des
personnes jugées aptes à occuper un emploi d'«agent administratif C» au Centre
de traduction.
- 4.
- Par lettre du 25 mars 1997, M. de Vicente a informé la requérante que le Centre
de traduction était en mesure de lui offrir un contrat d'agent temporaire de
catégorie C pour une période de trois ans.
- 5.
- Par lettre du 1er avril 1997, la requérante a indiqué à M. de Vicente qu'elle
acceptait cette offre du Centre de traduction.
- 6.
- La requérante est entrée au service du Centre de traduction le 1er mai 1997. Son
contrat d'agent temporaire, conclu pour une durée déterminée de trois ans, stipulait
qu'elle était engagée pour exercer les fonctions de dactylographe et classée dans
la catégorie C, grade 5, échelon 3.
- 7.
- L'article 5 dudit contrat stipulait:
«a) En vertu des dispositions de l'article 14 du régime applicable aux autres
agents des Communautés européennes, l'agent est soumis à un stage de six
mois.
Au cours ou à l'issue de ce stage, il est mis fin à l'engagement de l'agent qui
n'a pas fait preuve de qualités professionnelles suffisantes, dans les
conditions prévues à l'article 14.
b) La résiliation du contrat par l'institution ou par l'agent pour les causes
prévues aux articles 47 à 50 du régime applicable aux autres agents des
Communautés européennes se fait dans les conditions fixées à ces articles.
Conformément aux dispositions de l'article 47, paragraphe 1, [sous] b), du
régime applicable aux autres agents, le délai de préavis est fixé à trois mois.
En cas de renouvellement du contrat, le délai de préavis est fixé à un mois
par année de service, sans pouvoir être supérieur à six mois.»
- 8.
- En application de l'article 5 de son contrat, la requérante a effectué un stage de
six mois.
- 9.
- La requérante a été affectée au service «comptabilité et administration» du Centre
de traduction, où elle s'est initialement vu confier les tâches de classement de
documents, d'encodage de données dans des tableaux conçus avec le logiciel
«Excel», d'établissement de formulaires d'ordre de paiement, de gestion du
courrier échangé avec les contractants, d'encodage des horaires du personnel, de
collecte des demandes de congé et de commande de petites fournitures.
- 10.
- En juin 1997, la requérante s'est vu confier de nouvelles tâches au sein du même
service, consistant à remplir les champs libres usuels d'un formulaire type
d'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), à rechercher des offres pour
l'achat de mobilier et à préparer un tableau en vue de l'évaluation de ces prix par
le responsable du service.
- 11.
- Le Centre de traduction a ensuite demandé à la requérante d'apporter une
assistance administrative au service de standardisation, qui organisait une formation
pour les agences de traduction free-lance (à savoir récolter des informations sur le
nom des traducteurs participant au programme et donner des informations sur les
hôtels et le remboursement des frais de mission).
- 12.
- A partir du 15 septembre 1997, la requérante s'est vu confier l'encodage des
horaires de travail du personnel et l'assistance du personnel de la réception du
Centre de traduction.
- 13.
- Le 9 octobre 1997, le directeur du Centre de traduction, M. de Vicente, a
communiqué à la requérante son rapport de fin de stage. Dans une lettre
d'accompagnement datée du même jour, le directeur du Centre de traduction
indiquait à la requérante:
«Votre rapport de stage traduit:
Au point 'aptitude à s'acquitter de ses fonctions: une incapacité à vous adapter
aux tâches qui vous ont été confiées initialement dans le service 'comptabilité.
C'est ainsi que, au vu de vos résultats médiocres, nous vous avons confié, au mois
de juin, la gestion de nouvelles tâches consistant en: recherche d'offres pour l'achat
de mobilier, préparation des formulaires d'exonération de la TVA ainsi que des
tâches de dactylographie. Vous n'avez pas davantage donné satisfaction dans ces
nouvelles missions. Enfin, depuis le 15 septembre, votre fonction est restreinte à
la gestion des horaires de travail du personnel et à une collaboration avec le
personnel de la réception.
Au point 'rendement: la qualité de votre travail est irrégulière et démontre à
l'évidence une absence de sérieux dans l'exécution du travail qui vous est confié.
Au point 'conduite dans le service: une absence d'effort pour vous intégrer à
l'équipe de travail ce qui a gêné la bonne marche du service.»
- 14.
- Dans cette même lettre, le directeur du Centre de traduction indiquait également
à la requérante:
«Dans ces conditions, j'ai décidé, en application de l'article 14, [troisième alinéa],
du [régime applicable aux autres agents], de vous licencier avec effet au 31 octobre
1997, au motif que vous n'avez pas fait preuve de qualités suffisantes pour être
maintenue dans votre emploi.
Je vous rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 14, vous pouvez
formuler par écrit vos observations.
En conséquence, je vous invite à me faire part de vos observations éventuelles dans
un délai de dix jours ouvrables à compter de la date de réception du rapport.
L'absence de réponse de votre part dans ce délai sera considérée comme une
approbation du présent rapport.»
- 15.
- Le 22 octobre 1997, la requérante a communiqué à M. de Vicente ses observations
sur son rapport de stage, par lesquelles elle contestait les appréciations négatives
portées à son encontre et demandait l'établissement d'un nouveau rapport de fin
de stage plus positif.
- 16.
- Le 24 octobre 1997, le conseil de la requérante a adressé une lettre au directeur
du Centre de traduction pour lui signaler de nombreuses irrégularités affectant tant
les conditions de stage que l'établissement du rapport de stage et la décision de
licenciement.
- 17.
- Le 12 novembre 1997, le conseil de la requérante a adressé une nouvelle lettre à
M. de Vicente, dans laquelle il s'étonnait de n'avoir reçu aucune réponse à son
courrier précédent et invitait le Centre de traduction à établir les documents légaux
nécessaires à son inscription comme demandeur d'emploi au Luxembourg. Le 8
décembre 1997, il a adressé un second rappel à M. de Vicente.
- 18.
- Par lettre du 4 décembre 1997, reçue par la requérante le 14 janvier 1998, M. de
Vicente a informé son conseil que, après réexamen en profondeur de son dossier
et de la correspondance échangée avec elle et son conseil, et après un délai de
réflexion suffisant, il ne voyait pas d'éléments nouveaux de nature à le faire revenir
sur sa position.
- 19.
- Le 18 décembre 1997, la requérante a rencontré le chef de l'unité chargé du
personnel affecté au Luxembourg de la direction générale Personnel et
administration de la Commission (DG IX) afin de s'informer des formalités à
accomplir pour bénéficier des allocations de chômage.
- 20.
- Le 8 janvier 1998, la requérante a introduit une réclamation au titre de l'article 90,
paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de Communautés européennes (ci-après
«statut»), tendant, à titre principal, à obtenir l'annulation de la décision du 9
octobre 1997 de la licencier avec effet au 31 octobre suivant, ainsi que le versement
d'une somme de 100 000 BFR en réparation du préjudice moral subi, et, à titre
subsidiaire, au versement d'une somme équivalente aux indemnités de chômage
auxquelles elle avait droit.
- 21.
- Par lettre du 9 janvier 1998, reçue le 14 janvier 1998, le Centre de traduction a
transmis à la requérante une attestation de licenciement.
- 22.
- Le 27 janvier 1998, la requérante à adressé au Centre de traduction un modèle
d'attestation patronale établi par l'administration luxembourgeoise de l'emploi. Par
lettre du 9 février 1998, le Centre de traduction a renvoyé à la requérante
l'attestation dûment complétée.
- 23.
- Par lettre du 12 mars 1998, M. de Vicente a indiqué à la requérante:
«[...] il vous sera accordé une indemnité égale au tiers de votre traitement de base
par mois de stage accompli. La somme de 178 994 LFR vous sera prochainement
versée sur votre compte en banque. Cette indemnité s'ajoute à l'allocation de
départ qui vous est due [article 39 du régime applicable aux autres agents] ainsi
qu'au paiement d'éventuels congés non pris.»
- 24.
- Le 7 mai 1998, le Centre de traduction a adopté une décision explicite de rejet de
la réclamation de la requérante.
Procédure
- 25.
- C'est dans ces circonstances que, le 30 juin 1998, la requérante a introduit leprésent recours.
- 26.
- Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir
la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.
- 27.
- Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux
questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 3 juin 1999.
Conclusions des parties
- 28.
- La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
annuler la décision du Centre de traduction, du 9 octobre 1997, de la
licencier avec effet au 31 octobre suivant;
condamner le défendeur à lui verser un euro symbolique en réparation du
préjudice moral subi et 500 000 BFR en réparation du préjudice matériel
subi, sous réserve de majoration ou de minoration en cours d'instance;
condamner le défendeur au paiement des intérêts moratoires sur toutes les
sommes dues en exécution de l'arrêt à intervenir, calculés au taux de 8 %
l'an;
condamner le défendeur aux dépens.
- 29.
- Le défendeur conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
rejeter comme étant irrecevable le moyen que la requérante tire d'une
violation de l'obligation de motivation;
rejeter le recours comme non fondé dans son ensemble;
rejeter les demandes d'indemnisation comme non fondées;
statuer comme de droit sur les dépens.
Sur le fond
Sur les conclusions en annulation
- 30.
- La requérante soulève cinq moyens au soutien de son recours. Le premier moyen
est tiré d'une violation des articles 9 et 10 du régime applicable aux autres agents
des Communautés européennes (ci-après «RAA»), d'une erreur manifeste
d'appréciation et d'une violation du principe de concordance entre le grade et la
fonction. Le deuxième moyen est tiré d'une violation de ses droits de la défense et
d'un détournement de procédure. Le troisième moyen est tiré d'une violation de
l'article 15, paragraphe 2, du RAA, et de l'article 17, paragraphe 2, du règlement
(CE) n° 2965/94 du Conseil, du 28 novembre 1994, portant création d'un Centre
de traduction des organes de l'Union européenne (JO L 314, p. 1, ci-après
«règlement»). Le quatrième moyen est tiré d'une violation des articles 14 du RAA
et 5 de son contrat d'agent temporaire. Le cinquième moyen est tiré d'une violation
de l'obligation de motivation.
Sur le premier moyen, tiré d'une violation des articles 9 et 10 du RAA, d'une
erreur manifeste d'appréciation et d'une violation du principe de concordance entre
le grade et la fonction
Arguments des parties
- 31.
- La requérante relève qu'elle a été engagée par le Centre de traduction pour
exercer les fonctions de dactylographe et classée dans la catégorie C, grade 5,
échelon 3. Elle soutient qu'elle devait, dès lors, être affectée à un emploi de
dactylographe pour toute la durée de son contrat et que, si des fonctions
correspondant à une catégorie supérieure lui étaient confiées, il appartenait à
l'autorité habilitée à conclure les contrats (ci-après «AHCC») de rédiger un
avenant à son contrat.
- 32.
- Or, il ressortirait tant de son rapport de stage que de la lettre du directeur du
Centre de traduction du 9 octobre 1997 que des tâches de dactylographie ne lui ont
été confiées que de manière incidente. Elle aurait, ainsi, été appelée à exercer des
fonctions ne correspondant pas à celles relevant de l'emploi pour lequel elle avait
été recrutée et pour l'exercice desquelles elle n'avait ni la formation ni l'expérience
professionnelle indispensables.
- 33.
- S'appuyant sur l'arrêt du Tribunal du 30 novembre 1994, Correia/Commission (T-568/93, RecFP p. II-857), elle affirme également qu'elle n'a bénéficié d'aucun
encadrement propre à lui permettre d'exercer les tâches qui lui avaient été confiées
et en déduit que son stage ne s'est pas déroulé dans des conditions normales.
- 34.
- Enfin, elle soutient que la décision est entachée d'une erreur manifeste
d'appréciation, en ce que le Centre de traduction aurait apprécié la qualité de son
travail par rapport à des fonctions supérieures à celles pour lesquelles elle a été
recrutée et qu'elle a été amenée à exercer sans encadrement adéquat.
- 35.
- Le défendeur estime que la requérante interprète de manière excessivement
restrictive les fonctions afférentes à l'emploi pour lequel elle avait fait acte de
candidature. Il rappelle, à cet égard, que la requérante avait postulé à un emploi
de secrétaire ou d'employée administrative, faisant valoir treize ans et demi
d'expérience professionnelle, notamment comme aide comptable ou comme
employée de banque, et que sa candidature avait été retenue dans le cadre d'une
sélection visant à pourvoir à des emplois d'agents administratifs de catégorie C,
laquelle, selon l'article 5, paragraphe 1, du statut, correspond à des fonctions
d'exécution. Il n'aurait, à aucun moment de la procédure de sélection, été question
de «fonction de dactylographe». Il relève que les lettres de la requérante et du
Centre de traduction des 10 décembre 1996, 25 mars et 1er avril 1997, se référaient
à un poste d'agent administratif de catégorie C.
- 36.
- Le défendeur souligne que, si les tâches que devait accomplir la requérante n'ont
pas fait l'objet d'une description écrite, elle a, toutefois, reçu des instructions
verbales au même titre que toutes les personnes entrées en fonction au Centre de
traduction.
- 37.
- Il soutient que, même si toutes les tâches successivement confiées à la requérante
ne relevaient pas de la dactylographie à proprement parler, elles étaient, en toute
hypothèse, d'un niveau équivalent et certainement pas supérieur à celui des tâches
qui pouvaient raisonnablement être attendues d'un agent temporaire de son grade
et de son expérience. Ces tâches n'impliqueraient nullement un niveau de
responsabilité élevé.
- 38.
- Contrairement à ce que laisse entendre la requérante en citant certains passages
de sa lettre du 22 octobre 1997, les nouvelles tâches qui lui avaient été confiées
n'auraient pas entraîné un accroissement de sa charge de travail, mais l'auraient été
en remplacement de celles dont elle s'acquittait mal ou dont elle ne s'acquittait pas.
Le défendeur relève, à cet égard, que la plus grande partie du classement a été
repris par un collègue de catégorie D, que les formulaires d'exonération de TVA
ont finalement été remplis par une collègue de catégorie C et que, la requérante
ayant refusé d'assurer le secrétariat administratif d'un séminaire organisé par le
service d'administration, ce type de tâche ne lui a plus été confié.
- 39.
- Il ressortirait du curriculum vitae de la requérante qu'elle possédait la formation
et l'expérience professionnelles requises pour l'exécution des tâches qui lui ont été
confiées.
- 40.
- Le défendeur conteste formellement l'affirmation de la requérante, selon laquelle
elle n'aurait bénéficié d'aucun encadrement. En effet, elle aurait été formée dès
son arrivée à «Excel» et aurait ensuite été inscrite à une formation «Excel»
organisée par la Commission. De même, elle aurait été encadrée dans ses tâches
par la collègue de catégorie B partageant son bureau et, pour ce qui est des
commandes, elle aurait eu à sa disposition des instructions précises sur les
modalités à suivre et des exemplaires vierges de documents à remplir. Enfin,
lorsque la requérante a été affectée à la réception, elle aurait reçu une formation
au nouveau système informatique des heures de présences, mais le formateur
externe aurait dû revenir à plusieurs reprises pour lui expliquer le système.
Appréciation du Tribunal
- 41.
- Il convient de relever, à titre préliminaire, que la requérante n'a, dans sa requête,
pas contesté en tant que telles les appréciations négatives portées, dans son rapport
de stage et dans la lettre de licenciement du 9 octobre 1997 qui lui était jointe, sur
ses qualités professionnelles. Elle soutient, en revanche, qu'elle a été appelée à
exercer des fonctions sans relation avec celles correspondant à l'emploi pour lequel
elle avait été recrutée et que l'éventuelle insuffisance de ses prestations résulte du
défaut d'encadrement dont elle a fait l'objet, encadrement qu'exigeait le caractère
supérieur des tâches qui lui ont été confiées.
- 42.
- Il convient donc d'examiner, en premier lieu, s'il existait une concordance entre,
d'une part, son grade et l'emploi pour lequel elle a été recrutée et, d'autre part, les
tâches qui lui ont été confiées, et, en deuxième lieu, si la requérante a bénéficié
d'un encadrement suffisant.
- 43.
- Si, ainsi que le souligne le défendeur, il a toujours été fait référence, au cours des
négociations précontractuelles, à un poste «d'agent administratif» et non de
«dactylographe», force est, cependant, de constater que le contrat d'agent
temporaire de la requérante mentionnait expressément qu'elle avait été engagée
pour exercer les fonctions de «dactylographe». En outre, le tableau de concordance
entre les emplois types et les carrières, figurant en annexe I du statut, indique que
le grade C 5, auquel la requérante a été recrutée, correspond à un emploi de
«dactylographe» ou de «commis adjoint».
- 44.
- Le terme «dactylographe» ne peut, cependant, pas être interprété de manière trop
restrictive, mais doit, dans une administration moderne, être compris comme
englobant une gamme de fonctions dépassant la simple frappe de documents. Il y
a lieu de relever, à cet égard, que l'article 5, paragraphe 4, deuxième alinéa, du
statut, précise que «[s]ur la base de ce tableau, chaque institution arrête, après avis
du comité du statut visé à l'article 10, la description des fonctions et attributions
que comporte chaque emploi type». Il s'ensuit que les termes mentionnés dans le
tableau, dont celui de «dactylographe», ne doivent pas être interprétés
littéralement, mais sont susceptibles de recouvrir une gamme plus ou moins variée
de fonctions, d'attributions et de tâches.
- 45.
- En l'espèce, il ressort de la description donnée par le défendeur, et non contestée
par la requérante, que les différentes tâches qui lui ont été confiées doivent être
considérées comme correspondant à un emploi de «dactylographe», la plupart de
celles-ci relevant même d'une acceptation étroite de la fonction de dactylographe.
- 46.
- En tout état de cause, les attributions confiées à la requérante n'étaient pas d'un
niveau supérieur à celui des attributions généralement confiées à un fonctionnaire
ou agent temporaire de grade C 5.
- 47.
- Il y a d'ailleurs lieu de relever que, dans sa lettre d'observations sur son rapport de
stage du 22 octobre 1997, la requérante n'a nullement invoqué une quelconque
discordance entre son grade et les fonctions qui lui ont été confiées, ni fait valoir
que celles-ci étaient d'un niveau supérieur à celui des fonctions correspondant à
l'emploi pour lequel elle avait été recrutée.
- 48.
- Il résulte de ce qui précède que l'argument que la requérante tire d'une prétendue
discordance entre son grade et les fonctions qu'elle avait été amenée à exercer
n'est pas fondé. Il s'ensuit qu'il n'était pas nécessaire d'apporter une modification
par avenant au contrat d'agent temporaire de la requérante, ni de lui fournir unsoutien particulier allant au-delà de l'encadrement ordinaire dont doit faire l'objet
tout nouveau venu dans un service.
- 49.
- Il ressort d'ailleurs du dossier que la requérante n'a pas été abandonnée à elle-même, mais qu'elle a bénéficié de conseils et de formations divers. En outre, en
vue d'apprécier la nécessité de lui prodiguer une assistance particulière, il convient
de prendre en considération son expérience et sa formation. Or, les tâches qui lui
ont été confiées au Centre de traduction ne sont pas d'un niveau supérieur à celui
des tâches dont, d'après son curriculum vitae, elle a dû s'acquitter dans le cadre de
ses nombreux emplois précédents.
- 50.
- Les griefs tirés de la non-concordance entre le grade attribué à la requérante et les
fonctions qu'elle a exercées, du niveau prétendument supérieur des tâches qui lui
ont été confiées par rapport au grade (C 5) qui lui a été attribué, de l'absence d'un
encadrement suffisant et de l'absence d'un avenant au contrat d'agent temporaire
ne sont donc pas fondés. Il s'ensuit que la requérante n'a pas démontré que son
stage ne s'était pas déroulé dans des conditions normales. Il en résulte également
que l'argument que la requérante tire de l'erreur manifeste d'appréciation commise
par le Centre de traduction n'est pas fondé.
- 51.
- S'agissant du grief tiré d'une erreur manifeste d'appréciation, il convient de
rappeler que, dans sa requête, la requérante n'a pas contesté les appréciations
portées par le défendeur sur la qualité de ses prestations, mais s'est contentée de
prétendre que la décision de licenciement était entachée d'une erreur manifeste
d'appréciation dans la mesure où elle se base sur les appréciations portées dans
son rapport de fin de stage pour des fonctions supérieures à celles pour lesquelles
elle a été recrutée. Les griefs tirés du caractère supérieur des tâches et du défaut
d'encadrement étant non fondés, il y a également lieu de rejeter le grief tiré d'une
erreur manifeste d'appréciation.
- 52.
- En tout état de cause, il ressort de la description des tâches confiées à la
requérante, qu'elle n'a pas contestée dans sa requête, et de la manière dont celle-ci
s'en est acquittée que l'AHCC n'a pas excédé le large pouvoir d'appréciation dont
elle dispose en estimant qu'il n'était pas dans l'intérêt du service de reconduire son
contrat d'agent temporaire au-delà de la période de stage.
- 53.
- Il s'ensuit que le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.
Sur le deuxième moyen, tiré, d'une violation des droits de la défense de la
requérante et d'un détournement de procédure
Arguments des parties
- 54.
- La requérante souligne que son rapport de fin de stage, accompagné de la décision
de la licencier avec effet au 31 octobre 1997, ne lui a été communiqué que par
lettre du 9 octobre 1997, reçue le lendemain, alors que l'article 14, troisième alinéa,
du RAA prévoit que l'agent temporaire fait l'objet d'un rapport sur son aptitude
à s'acquitter de ses tâches un mois au plus tard avant l'expiration de son stage, soit
en l'espèce pour le 1er octobre 1997. Elle soutient que son rapport de fin de stage
a été établi tardivement et que la décision de la licencier a été adoptée sans lui
permettre de présenter ses observations en temps utile. Le Centre de traduction
aurait, dès lors, violé ses droits de la défense.
- 55.
- Elle soutient, en outre, que la décision attaquée est entachée d'un détournement
de procédure, dès lors qu'elle a été adoptée sans que l'AHCC ait pu prendre
connaissance de ses observations.
- 56.
- Le défendeur conteste avoir violé les droits de la défense de la requérante ou avoir
commis un détournement de procédure.
Appréciation du Tribunal
- 57.
- Il est constant que le rapport de stage a été établi postérieurement à l'échéance du
délai prescrit par l'article 14 du RAA. Toutefois, il y a lieu, à cet égard, de tenir
compte de l'objectif de cet article. En effet, l'objectif de l'article 34 du statut,
auquel correspond l'article 14 du RAA pour les contrats d'agents temporaires, est
de garantir à l'intéressé le droit de soumettre ses observations éventuelles à
l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN») et d'assurer
également que ces observations seront prises en considération par cette autorité
(arrêts de la Cour du 12 juillet 1973, di Pillo/Commission, 10/72 et 47/72, Rec.
p. 763, point 5, et du 25 mars 1982, Munk/Commission, 98/81, Rec. p. 1155,
point 8).
- 58.
- En l'espèce, le léger retard avec lequel le rapport de fin de stage a été établi, à
savoir le 9 octobre au lieu du 1er octobre 1997, n'est pas de nature à affecter sa
validité (arrêt de la Cour du 8 octobre 1981, Tither/Commission, 175/80,
Rec. p. 2345, point 13). En effet, la requérante a disposé d'un délai raisonnable
pour présenter ses observations sur son rapport de stage, à savoir 12 jours, et le
directeur du Centre de traduction a, en sa qualité d'AHCC, disposé d'un délai
suffisant à compter de cette date, à savoir neuf jours, pour apprécier pleinement
lesdites observations et adopter une décision finale sur le maintien ou non de son
engagement.
- 59.
- Les arguments de la requérante, selon lesquels ses droits de la défense auraient été
violés et la décision attaquée serait entachée d'un détournement de procédure, au
motif qu'elle aurait été invitée à formuler ses observations à l'égard d'une décision
qui était déjà définitive, doivent également être rejetés. Certes, dans la lettre du 9
octobre 1997 accompagnant le rapport de stage, le directeur du Centre de
traduction indiquait à la requérante qu'il avait décidé, en application de l'article 14,
troisième alinéa, du RAA, de la licencier au motif qu'elle n'avait pas fait preuve
de qualités suffisantes. Toutefois, ladite lettre doit être considérée comme
constituant une décision sous réserve de rétractation explicite à intervenir avant le
31 octobre 1997, dès lors que, en invitant la requérante à lui faire part de ses
observations dans un délai de dix jours, le directeur du Centre de traduction se
réservait, ainsi, la possibilité de revoir, le cas échéant, sa position à la lumière
desdites observations.
- 60.
- En outre, la question du licenciement de la requérante a fait l'objet d'un réexamen
à la lumière de ses observations, ainsi qu'il ressort de la lettre du directeur du
Centre de traduction du 4 décembre 1997, dans laquelle il précise:
«[...] une fois réexaminé en profondeur le dossier ainsi que les lettres qui m'ont été
adressées par [le conseil de la requérante] et par Mme Trigari en date du 22 octobre
1997, et après un délai de réflexion suffisant, je ne vois pas d'éléments nouveaux
de nature à me faire revenir sur ma décision établie à la fin de la période de
stage.»
- 61.
- Il s'ensuit que le deuxième moyen, tiré d'une violation des droits de la défense de
la requérante et d'un détournement de procédure, doit être rejeté.
Sur le troisième moyen, tiré d'une violation de l'article 15, paragraphe 2, du RAA
et de l'article 17, paragraphe 2, du règlement
Arguments des parties
- 62.
- Ce moyen s'articule en deux branches. D'une part, la requérante fait observer que
le rapport type de fin de stage du Centre de traduction prévoit, dans une note
figurant en bas de la page 4, que le supérieur hiérarchique habilité à établir ledit
rapport pour les agents de catégorie B, C et D est le chef de division ou le chef de
service spécialisé. Elle estime que le Centre de traduction a donc dérogé à la
disposition générale de l'article 9, paragraphe 2, du règlement et prévu une
délégation de pouvoir en ce qui concerne la notation des agents des catégories B,
C et D. Son rapport de fin de stage ayant été établi par le directeur du Centre de
traduction, M. de Vicente, et non par son supérieur hiérarchique, M. Rodriguez,
le Centre de traduction aurait violé les règles de compétence qu'il s'est imposées.
- 63.
- D'autre part, la requérante soutient que, à défaut d'avoir adopté des modalités
d'application spécifiques, seul le Centre de traduction est compétent, en vertu de
l'article 17, paragraphe 2, du règlement, pour prendre une décision de licenciement.
La décision de licenciement adoptée par le directeur du Centre de traduction serait
illégale à défaut d'avoir été adoptée par l'autorité compétente.
- 64.
- Le défendeur expose, en premier lieu, que, compte tenu du nombre très réduit de
ses effectifs, son directeur est et a toujours été la seule personne habilitée à établir
les rapports de fin de stage et qu'il n'a nullement procédé à une délégation de
pouvoir à cet égard. La note figurant en bas de la page 4 du rapport type
s'expliquerait par la circonstance que le Centre de traduction, en période de
démarrage, utilisait le rapport type de la Commission. Il relève, en outre, que le
supérieur hiérarchique direct de la requérante a approuvé son rapport.
- 65.
- Le défendeur fait observer, en second lieu, que, aux termes de l'article 9,
paragraphe 2, du règlement, le «directeur est le représentant légal du Centre» et
«est responsable de toute question concernant le personnel». Il soutient que
l'établissement du rapport de fin de stage et la décision de mettre fin à un contrat
d'agent temporaire figurent parmi les «questions concernant le personnel». Le
bien-fondé de cette affirmation ne serait nullement contredit par le libellé de
l'article 17, paragraphe 2, du règlement, selon lequel «le Centre exerce à l'égard
du personnel les pouvoirs dévolus à [l'AIPN]», car, étant le représentant légal du
Centre de traduction et responsable des questions relatives au personnel le
directeur posséderait la qualité d'AIPN ou, s'agissant d'agents temporaires,
d'AHCC.
Appréciation du Tribunal
- 66.
- S'agissant de la première branche du moyen, il suffit de constater, d'une part, que,
en vertu de l'article 9, paragraphe 2, du règlement, le directeur du Centre de
traduction est responsable de toute question concernant le personnel et qu'il n'a
procédé à aucune délégation de pouvoir en ce qui concerne l'établissement des
rapports de fin de stage et, d'autre part, qu'il n'existe aucune disposition dans le
règlement déterminant la personne habilitée à établir ledit rapport. La seule
mention figurant dans la note en bas de la page 4 du formulaire type de rapport,
repris de la Commission, ne saurait, en tant que telle, être considérée comme une
délégation de compétence.
- 67.
- La deuxième branche du moyen doit également être rejetée. En effet, le directeur
doit être considéré comme la personne compétente pour adopter une décision de
licenciement. En effet, selon l'article 9, paragraphe 2, du règlement, le directeur du
Centre est le responsable de toute question concernant le personnel, et il est le
représentant légal du Centre de traduction lequel, selon l'article 17, paragraphe 2,
du même règlement, exerce à l'égard du personnel les pouvoirs dévolus à l'AIPN.
- 68.
- Il s'ensuit que le troisième moyen n'est pas fondé.
Sur le quatrième moyen, tiré d'une violation des articles 14 du RAA et 5 du contrat
Arguments des parties
- 69.
- La requérante soutient que le Centre de traduction n'a pas respecté les délais de
préavis impératifs applicables en cas de licenciement d'un agent temporaire. Elle
estime que, à défaut d'avoir respecté le délai de préavis d'un mois impératif pour
la résiliation du contrat à l'expiration de la période de stage prévu par l'article 14,
troisième alinéa, du RAA, l'AHCC était tenue, en application de l'article 5, sousb), deuxième alinéa, du contrat, de respecter le délai de préavis de trois mois pour
la licencier. Elle relève également qu'elle n'a reçu aucun rapport constatant une
inaptitude manifeste en cours de stage, conformément à l'article 14, quatrième
alinéa, du RAA. Elle relève, enfin, que l'AHCC a réduit illégalement le délai de
préavis à 21 jours.
- 70.
- Le défendeur considère que la décision litigieuse n'est contraire ni à l'article 14 du
RAA ni à l'article 5 du contrat d'agent temporaire de la requérante.
Appréciation du Tribunal
- 71.
- Selon l'article 48 du RAA, auquel l'article 5, sous b), du contrat d'agent temporaire
de la requérante renvoie expressément, «l'engagement, tant à durée déterminée
qu'à durée indéterminée, peut être résilié par l'institution sans préavis: a) au cours
ou à l'issue de la période de stage, dans les conditions prévues à l'article 14».
- 72.
- La décision attaquée a été adoptée sur le fondement de l'article 14, troisième
alinéa, du RAA, la requérante ayant été licenciée à la fin de sa période de stage
au motif qu'elle n'avait pas fait preuve de qualités suffisantes pour être maintenue
dans son emploi.
- 73.
- Les autres dispositions citées par la requérante visent des hypothèses différentes.
D'une part, le délai de préavis de trois mois visé à l'article 47, paragraphe 1, sous
b), du RAA, et repris à l'article 5, sous b), du contrat d'agent temporaire,
s'applique en cas de résiliation du contrat d'agent temporaire avant l'échéance
prévue, mais après que le stage a été effectué, d'autre part, l'article 14, quatrième
alinéa, du RAA vise le licenciement avant l'expiration de la période de stage en cas
d'inaptitude manifeste.
- 74.
- Le délai d'un mois dans lequel doit intervenir l'établissement du rapport de stage,
prévu à l'article 14, troisième alinéa, du RAA, ne constitue pas un délai de préavis,
mais vise à garantir que l'agent temporaire puisse faire valoir ses observations et
que l'institution dispose ensuite d'un délai suffisant pour prendre une décision, à
une date coïncidant, dans la mesure du possible, avec la date d'expiration de la
période de stage, relative au maintien, ou non, de celui-ci dans son emploi à l'issue
dudit stage.
- 75.
- Ainsi qu'il ressort de l'examen du deuxième moyen, le non-respect du délai d'un
mois prévu à l'article 14, troisième alinéa, du RAA, pour l'établissement du rapport
de stage n'est pas de nature à invalider la décision de licenciement (voir en ce sens,
arrêts de la Cour Tither/Commission, précité, et du 17 novembre 1983,
Tréfois/Cour de justice, 290/82, Rec. p. 3751).
- 76.
- Il s'ensuit que le quatrième moyen doit être rejeté.
Sur le cinquième moyen, tiré du défaut de motivation
Arguments des parties
- 77.
- La requérante soutient que la décision explicite de rejet de sa réclamation ne
contient pas une motivation pertinente et suffisante lui permettant, ainsi qu'au
Tribunal, d'apprécier le bien-fondé de la décision attaquée.
- 78.
- La requérante fait valoir, à cet égard, qu'elle ignorait, jusqu'à l'adoption de la
décision de rejet de sa réclamation, que le Centre de traduction n'était pas satisfait
de ses prestations. Elle allègue également que, dans la décision explicite de rejet
de sa réclamation, le Centre de traduction n'a pas répondu à ses moyens tirés
d'une violation de ses droits de la défense et d'un détournement de procédure et
qu'il n'a répondu que de manière trop succincte à l'ensemble des autres moyens,
se bornant, pour l'essentiel, à reproduire les dispositions applicables sans démontrer
qu'elles avaient été respectées.
- 79.
- Le défendeur estime que le moyen que la requérante tire d'une violation de
l'obligation de motivation est dépourvu de pertinence en ce qu'il vise non pas la
décision attaquée, mais la décision de rejet de la réclamation. Or, il importerait peu
que la décision de rejet de la réclamation, laquelle aurait un caractère purement
confirmatif et ne constituerait pas en soi un nouvel acte faisant grief, ne soit pas
suffisamment motivée, dès lors que l'acte attaqué faisant grief répond au prescrit
de l'article 25 du statut.
- 80.
- Il soutient, par ailleurs, que, dans l'hypothèse où il faudrait interpréter le présent
moyen comme étant dirigé contre la décision de licenciement litigieuse, il doit être
déclaré irrecevable au motif qu'il n'a pas été soulevé dans la réclamation (arrêt de
la Cour du 14 mars 1989, Casto Del Amo Martinez/Parlement, 133/88, Rec. p. 689;
arrêt du Tribunal du 11 juillet 1991, von Hoessle/Cour des comptes, T-19/90, Rec.
p. II-615).
- 81.
- Enfin, il conteste formellement l'affirmation de la requérante selon laquelle, jusqu'à
l'adoption de la décision de rejet de la réclamation, elle aurait ignoré que le Centre
de traduction n'était pas satisfait de ses prestations. Il affirme que le Centre de
traduction a, durant le stage, attiré à de nombreuses reprises son attention sur la
qualité insatisfaisante de ses prestations et que, en outre, cette circonstance
constituait l'élément central de la lettre de M. de Vicente du 9 octobre 1997 et du
rapport de notation.
Appréciation du Tribunal
- 82.
- Il convient d'abord de rappeler que, s'agissant d'une question d'ordre public, le
défaut de motivation peut être soulevé pour la première fois au stade de la
requête. Le fait que la requérante n'ait pas soulevé le moyen tiré d'un défaut de
motivation dans sa réclamation n'a, dès lors, pas pour effet de le rendre
irrecevable.
- 83.
- En revanche, ainsi que le souligne le défendeur, le moyen est dépourvu de
pertinence dans la mesure où la requérante invoque une insuffisance de motivation
de la décision explicite de rejet de sa réclamation. Or, c'est l'acte faisant grief, c'est-à-dire la décision de licenciement, qui doit être suffisamment motivé et la
requérante ne formule pas de grief à l'encontre de la motivation de la décision de
licenciement.
- 84.
- En tout état de cause, la décision de licenciement attaquée satisfait à l'obligation
de motivation, laquelle, selon une jurisprudence constante (arrêt du Tribunal du 18
décembre 1997, Delvaux/Commission, T-142/95, RecFP p. II-1247, point 84), a pour
but, d'une part, de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour apprécier le
bien-fondé de l'acte lui faisant grief et l'opportunité d'introduire un recours devant
le Tribunal et, d'autre part, de permettre à celui-ci d'exercer son contrôle. En effet,
sans qu'il soit nécessaire de prendre en considération l'affirmation du défendeur,
non contestée dans la requête, selon laquelle il a attiré à plusieurs reprises
l'attention de la requérante durant le stage sur la qualité insuffisante de ses
prestations, il ressort très clairement de la lettre du 9 octobre 1997, adressée à la
requérante avec son rapport de fin de stage, que le licenciement était motivé par
la qualité insatisfaisante de ses prestations. Le directeur y expose, en outre, les
raisons pour lesquelles il estime que ses prestations étaient insuffisantes.
- 85.
- Il s'ensuit que le moyen pris d'un défaut ou d'une insuffisance de motivation doit
être rejeté.
Sur les conclusions en indemnité
Arguments des parties
- 86.
- La requérante soutient que le Centre de traduction a refusé délibérément de lui
délivrer les documents indispensables à son inscription en qualité de demandeur
d'emploi, destinés à lui permettre de bénéficier des allocations de chômage, et que
cette faute lui cause un préjudice matériel en ce qu'elle se voit privée de deux mois
et demi d'allocations de chômage à charge de la Commission.
- 87.
- La requérante expose, à cet égard, que, malgré ses demandes des 24 octobre, 12
novembre et 8 décembre 1997, ce n'est que par lettre du 9 janvier 1998, reçue le
14 janvier suivant, que le Centre de traduction lui a adressé les documents destinés
à lui permettre de s'inscrire en qualité de demandeur d'emploi au Luxembourg et
que le 8 février 1998 que l'attestation patronale requise lui a été remise. La
requérante n'aurait, dès lors, pu être admise au bénéfice des prestations de
chômage complet luxembourgeoises et percevoir, à ce titre, une indemnité
mensuelle nette de 53 002 BFR qu'à partir du 15 janvier 1998 pour une période
d'un an se terminant le 14 janvier 1999.
- 88.
- Soulignant que, en vertu de l'article 28 bis du RAA, elle a droit à une indemnité
de chômage communautaire de 24 mois à partir du jour de la cessation de ses
fonctions, donc le 31 octobre 1998, elle affirme ensuite que, à l'issue de la période
d'indemnisation par l'État luxembourgeois, elle est en droit d'obtenir une indemnité
compensatoire à charge de la Commission pour une période restante de douze
mois, mais que, n'ayant pu accomplir les formalités requises dans les délais imposés
en raison du comportement fautif du Centre de traduction, elle ne sera indemnisée
par la Commission que jusqu'au 31 octobre 1999 et perdra donc deux mois et demi
d'indemnités. La requérante demande dès lors la condamnation du Centre de
traduction au versement d'une somme équivalente à ces indemnités, majorée des
intérêts moratoires.
- 89.
- La requérante prétend, par ailleurs, avoir été maintenue entre le 10 octobre 1997
et le 14 janvier 1998 dans un état d'incertitude totale quant à sa situation
professionnelle et financière et réclame le versement d'un euro à titre de
réparation du préjudice moral ainsi subi.
- 90.
- Le défendeur rappelle que, en application de l'article 28 bis, paragraphe 2, du
RAA, il n'est possible de bénéficier de l'indemnité communautaire que si l'on
bénéficie également de l'indemnité nationale. Or, la requérante n'aurait pas perçu
d'allocation de chômage avant le 15 janvier 1998 parce qu'elle n'aurait pas
entrepris, avant cette date, les démarches pour s'inscrire en tant que demandeur
d'emploi auprès des autorités nationales, ainsi qu'il ressortirait de la note
manuscrite en post-scriptum à la lettre de son conseil du 14 janvier 1998, dans
laquelle celui-ci indique que sa cliente «entreprend immédiatement les formalités
en vue de son inscription en tant que demandeur d'emploi». Le défendeur soutient
que rien n'empêchait la requérante de s'inscrire comme demandeur d'emploi
auprès de l'administration nationale et d'envoyer par la suite les documents
manquants. Il relève, à cet égard, que c'est en s'inscrivant comme demandeur
d'emploi que la requérante a reçu l'attestation patronale qu'elle a envoyée
seulement le 27 janvier au Centre de traduction en vue de la faire remplir et signer
par son ancien employeur.
- 91.
- Le défendeur soutient que le réel motif pour lequel la requérante n'avait pas
procédé préalablement aux formalités requises par la législation luxembourgeoise
tient au fait qu'elle avait entrepris une négociation dans le cadre de laquelle elle
proposait sa démission en échange d'un rapport de stage plus neutre. Ce ne serait
qu'à l'issue de l'échec de cette négociation, résultant du durcissement de la position
de la requérante et du caractère inacceptable de ses exigences financières, qu'elle
aurait entrepris les démarches en vue de son inscription en tant que demandeur
d'emploi.
- 92.
- Le défendeur soutient que la privation du bénéfice de l'allocation de chômage
communautaire résulte également de ce que la requérante n'a pas remis au service
compétent, dans les huit jours suivant le début de son inactivité professionnelle, la
déclaration écrite requise par l'article 3 de la réglementation fixant les modalités
d'application des dispositions relatives à l'octroi de l'allocation de chômage aux
agents temporaires en exécution de l'article 28 bis, paragraphe 10, du RAA. Il
souligne que ce n'est que par lettre du 14 janvier 1998 que la requérante a pris
contact avec ses services compétents pour faire sa demande d'allocations dechômage communautaires au titre de l'article 28 bis du RAA et qu'elle n'a été
inscrite comme demandeur d'emploi auprès des services de l'emploi
luxembourgeois qu'à partir du 15 janvier 1998.
- 93.
- La perte des deux mois et demi d'allocations de chômage communautaires
résulterait, dès lors, du seul comportement de la requérante.
- 94.
- Le défendeur observe que, en toute hypothèse, le droit à des allocations de
chômage communautaires à dater du 14 janvier 1999 qu'invoque la requérante ne
saurait être qu'un droit subordonné à la condition qu'elle n'ait, à cette date, pas
retrouvé de travail. La demande ne porterait pas sur un droit né et actuel et serait
donc irrecevable.
- 95.
- Il soutient également que la demande d'indemnisation est non fondée car il n'existe
pas de lien de causalité entre la décision de licenciement de la requérante et le
dommage qu'elle prétend subir du fait de la perte de deux mois et demi
d'indemnités de chômage.
- 96.
- Il estime, enfin, que la demande d'indemnisation du prétendu préjudice moral est
également non fondée, car la requérante savait, dès le 31 octobre 1997, que son
contrat d'agent temporaire avait pris fin.
Appréciation du Tribunal
- 97.
- L'engagement de la responsabilité de la Communauté suppose la réunion d'un
ensemble de conditions en ce qui concerne l'illégalité du comportement reproché
aux institutions, la réalité du dommage et l'existence d'un lien de causalité entre le
comportement et le préjudice invoqué.
- 98.
- En premier lieu, il ressort du dossier que la requérante a, par lettre de son conseil,
demandé au défendeur, dès le 24 octobre 1997, de lui fournir tous les documents
lui permettant de faire valoir ses droits à l'indemnité de chômage, en précisant que,
à défaut de ces documents, elle ne pouvait s'inscrire comme demandeur d'emploi.
Le 12 novembre 1997, le conseil de la requérante a mis le défendeur en demeure
de régulariser la situation de sa cliente et lui a encore adressé un rappel le 8
décembre 1997. Ce n'est que par courrier du 9 janvier 1998, réceptionné par la
requérante le 14 janvier suivant, que le défendeur lui a adressé une attestation de
licenciement lui permettant de s'inscrire en qualité de demandeur d'emploi au
Luxembourg. Munie de ces documents, la requérante a finalement pu être admise
au bénéfice des prestations de chômage luxembourgeoises à partir du 15 janvier
1998, pour une période d'un an se terminant le 14 janvier 1999.
- 99.
- Compte tenu, notamment, de l'invitation à agir du 12 novembre 1997, ce retard
dans la transmission des documents requis constitue une faute de service du Centre
de traduction, de nature à engager la responsabilité de la Communauté.
- 100.
- En deuxième lieu, il convient de relever que, conformément à l'article 28 bis du
RAA, les allocations de chômage communautaires ne peuvent être versées que
pour une période maximale de 24 mois à compter du jour de la cessation des
fonctions de l'intéressé, soit, en l'espèce, jusqu'au 31 octobre 1999.
- 101.
- Par ailleurs, les allocations de chômage au titre d'un régime national venant en
déduction des allocations de chômage communautaires et, en l'espèce, l'indemnité
luxembourgeoise perçue par la requérante dépassant l'allocation communautaire,
la requérante n'a effectivement pu percevoir une allocation de chômage
communautaire qu'à l'issue de la période de douze mois pendant laquelle elle a
perçu des allocations de chômage luxembourgeoises.
- 102.
- Il s'ensuit que, en raison du retard pris par le Centre de traduction pour
transmettre à la requérante les documents requis pour pouvoir s'inscrire comme
demandeur d'emploi auprès de l'administration de l'emploi luxembourgeoise, elle
n'a pu percevoir les indemnités communautaires qu'à partir du 15 janvier 1999 au
lieu du 31 octobre 1998.
- 103.
- En troisième lieu, c'est à tort que le défendeur estime qu'il n'existe pas de lien de
causalité entre l'acte faisant grief, à savoir la décision de licenciement, et le
dommage subi par la requérante. C'est, en effet, entre le dommage et la faute
alléguée qu'il doit exister un lien de causalité. Or, le retard dans la transmission des
documents a eu pour effet que la période de douze mois pendant laquelle la
requérante bénéficiait des allocations de chômage luxembourgeoises s'est terminée
le 15 janvier 1999 au lieu du 31 octobre 1998 et, de ce fait, l'a effectivement privé
des allocations de chômage communautaires pour la période comprise entre le 31
octobre 1998 et le 15 janvier 1999.
- 104.
- Il s'ensuit que le retard avec lequel le défendeur a transmis à la requérante les
documents requis constitue une faute de service qui a causé à cette dernière un
dommage constitué par la perte des allocations de chômage communautaires pour
la période de deux mois et demi comprise entre le 31 octobre 1998 et le 15 janvier
1999 et que le défendeur est tenu d'indemniser la requérante à due concurrence.
Cette somme sera majorée d'intérêts de retard au taux de 5 % l'an à compter du
15 janvier 1999 et jusqu'à parfait paiement.
- 105.
- En revanche, la demande de la requérante tendant à la réparation du préjudice
moral qu'elle aurait subi ne saurait être accueillie. En effet, il suffit de constater
qu'elle ne saurait prétendre s'être trouvée dans un état d'incertitude entre le 10
octobre 1997 et le 14 janvier 1998, puisqu'elle savait, dès le 10 octobre 1997, que
son contrat prendrait fin le 31 octobre 1997, sous réserve de rétractation explicite
d'ici là, et que rien ne l'empêchait, à partir de ce moment, de veiller de manière
adéquate à ses intérêts. Il y a d'ailleurs lieu de relever, à cet égard, que la
requérante a parfaitement compris la situation dans laquelle elle se trouvait
puisque, notamment, elle ne s'est plus présentée à son travail après le 31 octobre
1997.
- 106.
- Il s'ensuit que la demande d'indemnisation du prétendu dommage moral doit être
rejetée.
Sur les dépens
- 107.
- Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie
qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en
vertu de l'article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans
les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci. La
requérante ayant succombé en l'essentiel de ses moyens et le Centre de traduction
ayant conclu à ce que le Tribunal statue comme de droit sur les dépens, chacune
des parties supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête:
1) Le recours en annulation est rejeté.
2) Le Centre de traduction des organes de l'Union européenne versera à la
requérante une indemnité correspondant à deux mois et demi d'indemnités
de chômage communautaires, majorée d'intérêts de retard au taux de 5 %
l'an à compter du 15 janvier 1999 et jusqu'à parfait paiement.
3) Le recours en indemnité est rejeté pour le surplus.
4) Chacune des parties supportera ses propres dépens.
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 septembre 1999.
Le greffier
Le président
H. Jung
M. Jaeger