DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

15 septembre 2016 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Documents relatifs aux discussions préalables à l’adoption de la directive relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes – Refus d’accès – Exception relative à la protection des avis juridiques – Droits de la défense – Intérêt public supérieur »

Dans l’affaire T‑755/14,

Herbert Smith Freehills LLP, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par Me P. Wytinck, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. P. Van Nuffel, M. J. Baquero Cruz et Mme F. Clotuche-Duvieusart, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. E. Rebasti, M. J. Herrmann et Mme M. Veiga, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision Gestdem 2014/2070 de la Commission, du 24 septembre 2014, refusant l’accès à certains documents liés à l’adoption de la directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, et abrogeant la directive 2001/37/CE (JO 2014, L 127, p. 1),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par courriel du 16 avril 2014, la requérante, Herbert Smith Freehills LLP, a présenté à la Commission européenne, sur le fondement du règlement (CE) nº 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), une demande initiale d’accès à « tout document (y compris les documents internes et les projets) rédigé par des fonctionnaires du service juridique de la Commission, concernant l’appréciation, par le service juridique, du fondement juridique de propositions d’une nouvelle directive du Parlement européen et du Conseil relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente du tabac et des produits connexes […] en préparation de réunions de trilogue relatives à [cette directive] en 2013, en réaction à ces réunions ou à la suite de ces réunions, ou qui s’y réfèrent ». Elle a en outre indiqué que, « [d]ans le cadre de la suite que le service juridique de la Commission donnera[it] à cette demande, [elle s’attendait] à recevoir (au moins) des documents (y compris les documents internes et les projets) relatifs à l’examen ou à l’étude, par le service juridique, de l’article 24 de la proposition de [directive] ».

2        Par courriels des 14 mai et 6 juin 2014, le service juridique de la Commission a envoyé des réponses d’attente à la requérante.

3        Par courriel du 16 juin 2014, la requérante a présenté une demande confirmative d’accès aux documents visés dans sa demande initiale.

4        Par courriel du 8 juillet 2014, la Commission a rejeté partiellement la demande initiale. Il ressort de sa réponse que le service juridique de la Commission a identifié douze courriels et une pièce jointe comme relevant de l’objet de la demande d’accès. Ces documents étaient des courriers électroniques envoyés par un membre du service juridique de la Commission à des fonctionnaires de la direction générale (DG) « Santé et protection des consommateurs » de la Commission (ci-après la « DG SANCO ») et à des membres des services juridiques du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen entre le 22 novembre et le 12 décembre 2013, période au cours de laquelle des discussions sur la proposition de directive du Parlement et du Conseil relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes (ci-après la « DPT ») ont eu lieu entre les institutions dans le cadre de réunions de trilogue informelles.

5        Un accès intégral a été accordé à six documents, expurgés des données à caractère personnel (documents nos 2, 3, 6, 8, 10 et 12), relevant de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 1049/2001, et un accès partiel au document n° 7.

6        L’accès aux six autres documents a été refusé sur le fondement de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001.

7        Les documents dont l’accès a été refusé sont les suivants (ci-après les « documents demandés ») :

–        document n° 1 : courriel interne à la Commission du 22 novembre 2013, mentionnant comme objet « Champ d’application de la directive produits du tabac » et adressé par le service juridique de la Commission à la DG SANCO ;

–        document n° 3.1 : annexe du courriel interne à la Commission du 26 novembre 2013, l’annexe étant une version provisoire de l’article 24 de la DPT avec des remarques de révision du service juridique de la Commission ;

–        document n° 4 : courriel interinstitutionnel du 2 décembre 2013, mentionnant comme objet « Conditions supplémentaires/disposition plus stricte » et adressé par le service juridique de la Commission aux services juridiques du Conseil et du Parlement ;

–        document n° 5 : courriel du 2 décembre 2013, mentionnant comme objet « Art. 24 déc2013 1.doc » et adressé par le service juridique de la Commission aux services juridiques du Conseil et du Parlement ;

–        document n° 7 : courriel du 6 décembre 2013, mentionnant comme objet « RE : Article 24 modifié – après les discussions d’aujourd’hui » et adressé par le service juridique de la Commission à la DG SANCO et au service juridique du Conseil ;

–        document n° 9 : courriel interne à la Commission du 10 décembre 2013, mentionnant comme objet « Considérant relatif au conditionnement » et adressé par le service juridique de la Commission à la DG SANCO ;

–        document n° 11 : courriel interne à la Commission du 12 décembre 2013, mentionnant comme objet « Art 24 » et adressé par le service juridique de la Commission à la DG SANCO.

8        Le 15 juillet 2014, la requérante a présenté une nouvelle demande confirmative.

9        Par courriels des 6 et 28 août 2014, la Commission a prolongé le délai de traitement de la demande confirmative.

10      Le 24 septembre 2014, la Commission a adopté une décision en réponse à la demande confirmative (ci-après la « décision attaquée »), dans laquelle elle a confirmé son refus d’accorder un accès plus large aux documents demandés, considérant qu’un tel accès porterait atteinte à la protection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement nº 1049/2001.

11      La Commission a expliqué que la divulgation des documents demandés rendrait accessibles des avis internes sur des questions particulièrement sensibles devenues l’objet d’une procédure contentieuse, avis qui avaient été établis sous la responsabilité du service juridique et qui étaient destinés au service de la Commission responsable pour la préparation de la DPT. Selon la Commission, un risque d’atteinte à l’intérêt protégé n’était pas hypothétique, mais réel et tangible. À cet égard, elle a mentionné :

–        le recours introduit par la République de Pologne contre le Parlement et le Conseil [affaire ayant donné lieu depuis à l’arrêt du 4 mai 2016, Pologne/Parlement et Conseil (C‑358/14, EU:C:2016:323)] ;

–        le fait que l’adoption de la DPT avait été fortement contestée par l’industrie du tabac et que des questions préjudicielles portant sur la validité de cette directive ainsi que les mesures prises par les États membres en transposant cette directive dans leur droit national étaient attendues dans un avenir proche, comme lors de la première directive sur les produits du tabac ;

–        le fait qu’un autre producteur de tabac, Philip Morris, avait confirmé qu’il avait intenté un recours devant la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench (chambre administrative), Royaume-Uni], contre la DPT, ce qui impliquerait que, selon toute vraisemblance, la Cour de justice de l’Union européenne devrait connaître l’affaire par l’intermédiaire d’un renvoi préjudiciel ;

–        les litiges pendants devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) portant sur des mesures prises en matière de tabac par le Commonwealth d’Australie à la suite des plaintes introduites par la République de Cuba, la République dominicaine, la République du Honduras, la République d’Indonésie et l’Ukraine, dans lesquels l’Union européenne intervenait comme partie intéressée.

12      De ce fait, selon la Commission, la divulgation des documents demandés compromettrait la capacité du service juridique de la Commission à défendre efficacement en justice la validité de la DPT, sur un pied d’égalité avec les autres parties, ce qui mènerait à une violation du principe d’égalité des armes. Cette divulgation pourrait effectivement porter atteinte à la liberté de la Commission de définir sa ligne de défense lors des procédures en justice ou de l’adapter, dans la mesure où elle révélerait la position du service juridique sur ces questions sensibles avant même que celui-ci ait eu l’opportunité de la présenter pendant la procédure juridictionnelle.

13      Ensuite, la Commission a écarté l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation. Tout en reconnaissant l’importance de la transparence afin de permettre la participation des citoyens au processus démocratique et la présomption de transparence en ce qui concerne les documents portant sur un processus législatif, la Commission a cependant estimé, eu égard à la teneur des documents demandés, que, en l’espèce, la transparence ne primait pas sur l’importance de la protection de ses avis juridiques et de son droit de la défense.

14      Selon la Commission « rendre maintenant accessibles les documents nos 1, 3.1, 4, 5, 9, 11 et les parties occultées du document n° 7 porterait atteinte à [son] aptitude […] à demander des avis juridiques et entraînerait la violation du principe d’égalité des armes dans les procédures juridictionnelles pendantes ». La Commission a ajouté que le contrôle de la légalité d’une mesure législative de l’Union était exercé par la Cour de justice de l’Union européenne et non par le grand public.

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 novembre 2014, la requérante a formé le présent recours, accompagnée d’une demande de traitement prioritaire.

16      Le 11 février 2015, la Commission a produit le mémoire en défense.

17      Par décision du 3 mars 2015, le président de la huitième chambre du Tribunal a rejeté la demande de traitement prioritaire.

18      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 mars 2015, le Conseil a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission.

19      La réplique a été déposée au greffe du Tribunal le 16 avril 2015.

20      La duplique est parvenue au greffe du Tribunal le 1er juin 2015.

21      Par ordonnance du 11 novembre 2015, le Tribunal a ordonné à la Commission de produire une copie des documents demandés, au titre de l’article 91, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, et a indiqué que, conformément à l’article 104 de ce règlement, ces documents ne seraient pas communiqués à la requérante. La Commission a déféré á cette ordonnance dans le délai imparti.

22      Par décision du 24 novembre 2015, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis l’intervention du Conseil.

23      Le 8 janvier 2016, le Conseil a déposé son mémoire en intervention.

24      Les observations de la requérante sur le mémoire en intervention ont été déposées le 1er mars 2016.

25      Le 1er mars 2016, le greffe du Tribunal a signifié aux parties la clôture de la phase écrite de la procédure. Les parties n’ont pas présenté de demande d’audience dans le délai prévu à l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure.

26      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

27      La Commission et le Conseil concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

28      À l’appui du recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, du règlement nº 1049/2001, moyen unique qui s’appuie sur les branches suivantes :

–        l’exception relative aux procédures juridictionnelles ne s’applique pas aux documents en cause ;

–        l’exception relative aux avis juridiques, prévue à l’article 4, paragraphe 2, du règlement nº 1049/2001, ne s’étend pas aux communications avec des tiers dans le cadre d’un débat législatif ;

–        l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents non communiqués et, à titre subsidiaire, l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document n° 3.1.

 Observations liminaires

29      Il y a lieu de rappeler que, conformément à son considérant 1, le règlement no 1049/2001 s’inscrit dans la volonté exprimée à l’article 1er, deuxième alinéa, TUE de marquer une nouvelle étape dans le processus créant une « union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe », dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture et le plus près possible des citoyens. Ainsi que le rappelle le considérant 2 de ce règlement, le droit d’accès du public aux documents des institutions se rattache au caractère démocratique de ces dernières (arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 34 ; du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 68, et du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 72).

30      À cette fin, le règlement no 1049/2001 vise, comme l’indiquent son considérant 4 et son article 1er, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible (arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 33 ; du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 69, et du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 73).

31      Certes, ce droit n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé. Plus spécifiquement, et en conformité avec son considérant 11, le règlement n° 1049/2001 prévoit, à son article 4, un régime d’exceptions autorisant les institutions à refuser l’accès à un document dans le cas où la divulgation de ce dernier porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par cet article (arrêts du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, points 70 et 71 ; du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 74, et du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe, C‑280/11 P, EU:C:2013:671, point 29).

32      Néanmoins, dès lors que de telles exceptions dérogent au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents, elles doivent être interprétées et appliquées strictement (arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 36 ; du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 73, et du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 75).

33      Cependant, la seule circonstance qu’un document concerne un intérêt protégé par une exception au droit d’accès prévue à l’article 4 du règlement nº 1049/2001 ne saurait suffire à justifier l’application de cette dernière (arrêts du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 51, et du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, EU:T:2005:125, point 69).

34      En effet, d’une part, lorsque l’institution concernée décide de refuser l’accès à un document dont la communication lui a été demandée, il lui incombe, en principe, de fournir des explications quant à la question de savoir de quelle manière l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par l’exception prévue à l’article 4 du règlement no 1049/2001 qu’elle invoque. En outre, le risque d’une telle atteinte doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir arrêt du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 76 et jurisprudence citée).

35      D’autre part, lorsqu’une institution applique l’une des exceptions prévues à l’article 4 du règlement no 1049/2001, il lui incombe de mettre en balance l’intérêt spécifique devant être protégé par la non-divulgation du document concerné et, notamment, l’intérêt général à ce que ce document soit rendu accessible, eu égard aux avantages découlant, ainsi que le relève le considérant 2 du règlement no 1049/2001, d’une transparence accrue, à savoir une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel ainsi qu’une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique (arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 45 ; du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe, C‑280/11 P, EU:C:2013:671, point 32, et du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 53).

36      En l’espèce, il y a lieu de constater que la requérante conteste le fait que les documents demandés relèvent de deux exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement nº 1049/2001, portant sur la protection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques. S’agissant de la prétendue application de l’exception prévue pour des procédures juridictionnelles, la requérante fait valoir que les documents demandés n’ont pas été rédigés aux fins d’une procédure juridictionnelle particulière, mais dans le cadre des négociations de trilogues relatives à l’adoption de la DPT. S’agissant de la prétendue application de l’exception prévue pour des avis juridiques, elle fait valoir que cette exception ne s’étend pas aux courriers électroniques échangés par le service juridique de la Commission avec des correspondants d’autres institutions dans le cadre de procédures législatives. La requérante estime que, lorsque des fonctionnaires agissent comme négociateurs dans le processus législatif, ils ne peuvent pas être considérés comme conseillers juridiques et donc comme des fournisseurs d’avis juridiques. Selon elle, pour que l’exception relative à des avis juridiques s’applique, il faut qu’un avis juridique soit donné à l’institution qui invoque l’exception. Enfin et en tout état de cause, la requérante estime qu’il existe un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des avis juridiques en cause.

37      Le Tribunal estime utile d’examiner d’abord l’exception relative à des avis juridiques et donc d’examiner, en premier lieu, la question de savoir si les documents nos 4, 5 et 7 relèvent de cette exception et, en second lieu, d’examiner s’il existe, pour l’ensemble des documents demandés, un intérêt public supérieur justifiant leur divulgation, avant d’examiner la branche relative à l’exception visant à la protection des procédures juridictionnelles.

 Sur la question de savoir si l’exception relative à des avis juridiques s’étend aux documents nos 4, 5 et 7

38      La requérante fait valoir, en substance, ainsi qu’il a déjà été résumé au point 36 ci-dessus, que l’exception relative à la protection des avis juridiques, prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement nº 1049/2001, ne s’applique qu’aux avis internes fournis par le service juridique de l’institution en cause et non à un avis juridique fourni par un service juridique d’une institution à une autre institution. Pour cette raison, les documents nos 4, 5 et 7, c’est-à-dire des courriels envoyés aux services juridiques du Conseil et du Parlement ainsi qu’à la DG SANCO, pour ce qui concerne le document n° 7, ne pourraient relever de l’exception qui concerne les avis juridiques.

39      La Commission, soutenue par le Conseil, conteste l’affirmation de la requérante selon laquelle les documents nos 4, 5 et 7 ne sauraient être couverts par l’exception relative à des avis juridiques, du fait que, en rédigeant ces documents, les membres des services juridiques respectifs agissaient en qualité de négociateurs législatifs et non en tant que conseillers internes.

40      Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement nº 1049/2001, les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des avis juridiques, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation dudit document.

41      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, s’agissant de l’exception afférente aux avis juridiques prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001, l’examen à effectuer par l’institution concernée lorsque la divulgation d’un document lui est demandée doit nécessairement se dérouler en trois temps correspondant aux trois critères figurant à cette disposition (arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 37, et du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 95).

42      Ainsi, l’institution concernée, dans un premier temps, doit s’assurer que le document dont la divulgation est demandée concerne bien un avis juridique. Dans un deuxième temps, elle doit examiner si la divulgation des parties du document en question identifiées comme concernant des avis juridiques porterait atteinte à la protection dont doivent bénéficier ces derniers, dans le sens qu’elle porterait préjudice à l’intérêt d’une institution à demander des avis juridiques et à recevoir des avis francs, objectifs et complets. Le risque d’atteinte à cet intérêt doit, pour pouvoir être invoqué, être raisonnablement prévisible, et non purement hypothétique. Dans un troisième et dernier temps, si l’institution concernée considère que la divulgation d’un document porterait atteinte à la protection due aux avis juridiques telle qu’elle vient d’être définie, il lui incombe de vérifier qu’il n’existe pas un intérêt public supérieur justifiant cette divulgation nonobstant l’atteinte qui en résulterait à son aptitude à demander des avis juridiques et à recevoir des avis francs, objectifs et complets (voir, en ce sens, arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, points 38 à 44, et du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 96).

43      La Cour a également jugé que, dans la mesure où la divulgation des avis du service juridique d’une institution émise dans le cadre de procédures législatives serait susceptible de porter atteinte à l’intérêt à la protection de l’indépendance du service juridique de cette institution, ce risque devrait être pondéré par les intérêts publics supérieurs qui sous-tendent le règlement n° 1049/2001. Constitue un tel intérêt public supérieur le fait que la divulgation des documents contenant l’avis du service juridique d’une institution sur des questions juridiques surgissant lors du débat sur des initiatives législatives est de nature à augmenter la transparence et l’ouverture du processus législatif et à renforcer le droit démocratique des citoyens européens de contrôler les informations qui ont constitué le fondement d’un acte législatif, tel que visé, en particulier, aux considérants 2 et 6 dudit règlement. Il ressort des considérations susmentionnées que le règlement n° 1049/2001 impose, en principe, une obligation de divulguer les avis du service juridique du Conseil relatifs à un processus législatif (arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, points 67 et 68).

44      Ce constat ne fait néanmoins pas obstacle à ce que la divulgation d’un avis juridique spécifique, rendu dans le contexte d’un processus législatif, mais ayant un caractère particulièrement sensible ou une portée particulièrement large allant au-delà du cadre du processus législatif en cause, puisse être refusée au titre de la protection des avis juridiques. Dans un tel cas, il incomberait à l’institution concernée de motiver le refus de façon circonstanciée (arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 69).

45      Ainsi qu’il résulte du point 38 ci-dessus, la requérante remet en cause le fait que les documents nos 4, 5 et 7 relèveraient de l’exception relative à des avis juridiques.

46      S’agissant de la notion d’« avis juridique », il y a lieu de relever que l’article 4 du règlement nº 1049/2001 ne donne pas de fondement pour l’interprétation retenue par la requérante de cette notion.

47      En premier lieu, il convient de constater que la notion d’« avis juridique » n’est pas définie dans le règlement nº 1049/2001. Toutefois, il ressort de la jurisprudence issue de l’arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, points 38 et 39), que la notion d’« avis juridique » est liée au contenu d’un document et non à son auteur ou à ses destinataires. Ainsi qu’il ressort d’une interprétation littérale des termes « avis juridique », il s’agit d’un conseil relatif à une question de droit, quelles que soient les modalités suivant lesquelles un tel avis est donné. En d’autres termes, il est indifférent, pour que l’exception relative à la protection des avis juridiques s’applique, que le document contenant un tel avis ait été donné à un stade précoce, avancé ou final du processus décisionnel. De même, le fait que l’avis ait été rendu dans un contexte formel ou informel est sans incidence pour l’interprétation de cette notion.

48      En second lieu, le libellé de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement nº 1049/2001 ne permet pas de conclure qu’il vise uniquement l’avis fourni ou reçu en interne par une institution.

49      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de l’arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 42), que l’exception relative aux avis juridiques prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement nº 1049/2001 doit être interprétée comme visant à protéger l’intérêt d’une institution à demander des avis juridiques et à recevoir des avis francs, objectifs et complets.

50      Bien que, en principe, une institution s’adresse à son propre service juridique, rien ne s’oppose à ce que ladite institution, le cas échéant, externalise la demande d’un tel avis. Tel est par exemple le cas si l’institution en cause demande un avis à un cabinet d’avocat.

51      Partant, la question de savoir si le conseil juridique émane d’un auteur interne ou externe n’a pas d’importance pour l’institution qui invoque l’exception relative à la protection des avis.

52      Enfin, rien ne s’oppose non plus à ce que l’institution qui a invoqué l’exception relative à la protection des avis juridiques partage cet avis avec « un tiers ». Or, le fait qu’un document contenant un avis juridique émis par une institution ait été envoyé aux services juridiques des autres institutions ne modifie pas, en tant que tel, la nature de ce document.

53      Par conséquent, contrairement à ce que prétend la requérante, il ne résulte pas de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement nº 1049/2001 qu’un document contenant un avis juridique doive être émis par une institution uniquement pour un usage interne.

54      À cet égard, il importe de souligner que, dans le cas d’espèce, ainsi que l’a fait valoir la Commission et que le Tribunal a pu le constater à la suite de la production des documents effectuée dans le cadre de la mesure d’organisation évoquée au point 21 ci-dessus, il s’agit d’un échange entre les trois institutions dans le cadre d’un trilogue, ce qui implique, par définition, afin d’adopter un texte législatif définitif, des échanges à l’« extérieur » de l’institution concernée.

55      Un trilogue est une réunion tripartite informelle à laquelle participent des représentants du Parlement, du Conseil et de la Commission. L’objectif de ces contacts est de rechercher rapidement un accord sur un ensemble d’amendements acceptables pour le Parlement et le Conseil. Alors que les discussions législatives menées lors d’un trilogue portent souvent sur des questions politiques, elles peuvent parfois aussi porter sur des questions juridiques techniques. Dans ce dernier cas, il arrive que les services juridiques des trois institutions doivent discuter et s’accorder sur une position, accord qui par la suite doit encore être approuvé par chacune des trois institutions conformément à leurs procédures internes respectives.

56      Ainsi, la procédure législative ordinaire énoncée à l’article 294 TFUE, procédure suivant laquelle la DPT a été adoptée, comporte trois étapes (première lecture, deuxième lecture et troisième lecture avec conciliation), mais elle peut s’achever à chacune de ces étapes si le Parlement et le Conseil parviennent à un accord. Alors que la procédure peut nécessiter jusqu’à trois lectures, l’utilisation accrue des trilogues montre qu’un accord est souvent trouvé lors de la première lecture.

57      En l’espèce, la DPT a été adoptée sur la base d’une première lecture par le Parlement. Dans la perspective de la fin des mandats du Parlement et de la Commission, respectivement en juin et en octobre 2014, des négociations en trilogue ont été menées entre le Parlement, le Conseil et la Commission, à la demande du Parlement, afin de négocier, notamment, le contenu de l’article 24 de la DPT et de s’accorder sur son libellé.

58      Or, les échanges de points de vue juridiques entre les services juridiques de trois institutions afin de trouver un compromis sur un texte législatif dans le cadre d’un trilogue peuvent être qualifiés, le cas échéant, d’avis juridiques et, de ce fait, peuvent relever de l’exception relative à des avis juridiques.

59      En effet, les services juridiques agissent selon un mandat et dans le but de trouver un accord. Ils agissent donc à la fois comme négociateurs et comme conseillers sur des points juridiques.

60      Il résulte de ce qui précède que la Commission a, à juste titre, considéré que les documents litigieux concernaient des avis juridiques au sens de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement nº 1049/2001.

 Sur la question de savoir s’il existe un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents demandés et, à titre subsidiaire, un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document n° 3.1

61      La requérante avance que, même si l’ensemble des documents non communiqués relevaient du champ d’application de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement nº 1049/2001, concernant la protection des avis juridiques, ils doivent néanmoins être divulgués.

62      Se référant à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374), la requérante fait valoir qu’il existe clairement un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents en cause. Les documents demandés auraient été établis dans le cadre d’une procédure législative et auraient trait à la question du fondement juridique de la DPT, qui est liée au principe d’attribution, principe consacré par l’article 5 TUE et élément essentiel de l’ordre constitutionnel de l’Union. La requérante met également l’accent sur le fait que la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench (chambre administrative)], a saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’une question relative à l’interprétation de l’article 24 de la DPT. Ce fait indiquerait également l’existence d’un intérêt public supérieur.

63      En outre, selon la requérante, la décision attaquée n’identifie aucun élément permettant de remettre en question l’intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents demandés. L’argument de la Commission mettant en avant des éléments liés à ses droits de la défense ne serait pas convaincant. En premier lieu, la Commission ne serait partie défenderesse à aucune procédure en justice, car ce rôle appartient au Parlement et au Conseil. En second lieu, la requérante fait remarquer qu’il est notoire qu’un désaccord existait au sein de la Commission et qu’il y avait un débat entre les institutions concernant le fondement juridique et les questions relatives à l’article 24 de la DPT. De ce fait, un éventuel besoin de protection se trouverait considérablement diminué et, partant, ce besoin ne pourrait pas dominer l’intérêt public important et bien établi à la communication d’avis juridiques relatifs à des actes législatifs.

64      À titre subsidiaire, la requérante fait valoir que, dans le cas où le Tribunal considérerait qu’aucun intérêt public supérieur ne justifierait la divulgation de l’ensemble des documents, à tout le moins, la communication du document n° 3.1, document qui contient une version provisoire de l’article 24 de la DPT avec des remarques de révision insérées par un fonctionnaire du service juridique de la Commission, serait nécessaire. Selon la requérante, des versions provisoires de textes telles que le document n° 3.1 font naturellement partie du débat législatif et il existe nécessairement un intérêt public supérieur justifiant la divulgation de ces documents.

65      La Commission, soutenue par le Conseil, conteste l’argumentation de la requérante.

66      À titre liminaire, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas remis en question l’analyse de la Commission quant à l’existence d’un risque raisonnablement prévisible que la divulgation des documents demandés porte atteinte à l’intérêt de demander des avis juridiques et à recevoir des avis francs, objectifs et complets. En effet, elle a uniquement fait observer que les arguments invoqués par la Commission pour refuser la divulgation des documents en cause revêtaient un caractère général et a fait valoir qu’un risque d’atteinte (s’il existait) ne suffisait pas pour remettre en question l’intérêt supérieur justifiant ladite divulgation. La requérante critique donc la mise en balance des intérêts effectuée par la Commission.

67      Dans la mesure où la divulgation d’un avis juridique serait susceptible de porter atteinte à l’intérêt protégé, ce risque devrait être pondéré par les intérêts supérieurs qui sous-tendent le règlement nº 1049/2001. Ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus, il incombe à l’institution concernée de mettre en balance l’intérêt spécifique devant être protégé par la non-divulgation du document concerné et, notamment, l’intérêt général à ce que ce document soit rendu accessible, eu égard aux avantages découlant, ainsi que le relève le considérant 2 du règlement n° 1049/2001, d’une transparence accrue, à savoir une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel ainsi qu’une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique.

68      L’intérêt public supérieur susceptible de justifier la divulgation d’un document ne doit pas nécessairement être distinct des principes qui sous-tendent le règlement no 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, points 74 et 75, et du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11ºP et C‑605/11ºP, EU:C:2013:738, point 92).

69      Alors qu’il incombe à l’institution concernée de mettre en balance des intérêts divergents, il appartient à la requérante d’invoquer de manière concrète des circonstances fondant un tel intérêt public supérieur. L’exposé de considérations d’ordre purement général ne saurait suffire aux fins d’établir qu’un intérêt public supérieur prime les raisons justifiant le refus de divulgation des documents en cause (voir, en ce sens, arrêts du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 158 ; du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11ºP, EU:C:2013:738, point 93 ; du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 105, et du 2 octobre 2014, Strack/Commission, C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, point 131).

70      L’exigence imposant au demandeur d’invoquer de manière concrète des circonstances fondant un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents concernés est conforme à la jurisprudence de la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11ºP et C‑605/11ºP, EU:C:2013:738, point 95 et jurisprudence citée).

71      En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 3 de la décision attaquée, résumé aux points 13 et 14 ci-dessus, la Commission a estimé qu’un intérêt public supérieur faisait défaut.

72      Aucun des arguments avancés par la requérante, tant dans la demande confirmative que dans la requête, ne permet de remettre en cause cette appréciation.

73      Certes, dans l’arrêt Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374), la Cour a constaté qu’il existait, en principe, une obligation de communiquer les avis du service juridique relatifs à une procédure législative même si cette communication pourrait porter atteinte à la protection des avis juridiques. Il n’en demeure pas moins que le règlement nº 1049/2001, tel qu’interprété par la Cour, n’exclut pas le refus de divulguer un avis juridique rendu dans le contexte d’un processus législatif spécifique. Partant, une simple affirmation selon laquelle les avis juridiques en cause ont été élaborés dans le cadre d’un processus législatif ne suffit pas en soi pour établir un intérêt public supérieur.

74      S’agissant de l’argument tiré du fait que les documents demandés ont trait à la question de la base légale de la DPT, question liée au principe d’attribution consacré à l’article 5 TUE, et que, de ce fait, il y a un intérêt public supérieur à savoir de quelle façon les organes législatifs de l’Union appliquent ce principe, il y a lieu de considérer que, eu égard à la jurisprudence citée au point 69 ci-dessus, une considération aussi générale ne saurait être de nature à établir que le principe de transparence présente, en l’espèce, une acuité particulière qui pourrait primer sur les raisons justifiant les refus d’accès aux documents demandés (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, points 157 et 158).

75      Pour autant que la requérante fasse valoir qu’elle a demandé l’accès aux documents demandés afin de mieux comprendre pourquoi l’article 24 de la DPT avait fait l’objet de certaines modifications lors du processus législatif et avec l’intention de les utiliser dans le recours qu’elle avait introduit devant la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench (chambre administrative)], recours dans lequel la requérante contestait la validité de la DPT du fait que l’article 114 TFUE fournirait un fondement juridique inapproprié, notamment parce que l’article 24 de la DPT porterait atteinte à la libre circulation des produits conformes à la DPT, il y a lieu de constater que cette circonstance ne démontre pas l’existence d’un intérêt public supérieur, mais plutôt celle d’un intérêt privé.

76      L’argument de la requérante tiré du fait que la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench (chambre administrative)], a entre-temps saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’une question relative à l’interprétation de l’article 24 de la DPT à la lumière de l’article 114 TFUE afin de démontrer l’existence d’un intérêt public supérieur ne saurait prospérer non plus. Certes, la question de la légalité de la DPT importe pour le public de l’Union. Toutefois, la circonstance que la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench (chambre administrative)], a demandé une décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE portant sur l’interprétation et la validité de certaines dispositions de la DPT implique également que, à ce stade, ce débat doit avoir lieu avant tout devant la Cour de justice de l’Union européenne, seule juridiction compétente pour contrôler la légalité des actes législatifs de l’Union.

77      Quant à l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’a pas de droit de la défense à protéger, puisqu’elle ne sera pas partie défenderesse dans un litige devant la Cour de justice de l’Union européenne, il y a lieu de remarquer que la Commission à un intérêt à s’assurer que tout acte adopté sur la base de sa proposition est légal et qu’elle intervient donc généralement dans les procédures concernant la validité d’un acte de l’Union, conformément à son mandat institutionnel consacré à l’article 17 TUE. Partant, ledit argument ne saurait prospérer.

78      Enfin, s’agissant du document n° 3.1, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas non plus invoqué de manière concrète des circonstances fondant un intérêt public supérieur justifiant la divulgation dudit document.

79      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le grief selon lequel la Commission aurait dû reconnaître l’existence d’un intérêt supérieur justifiant la divulgation des documents demandés.

80      Étant donné que la Commission s’est fondée sur deux exceptions et que l’invocation de l’exception relative à la protection des avis juridiques est justifiée pour l’ensemble des documents demandés, tous contenant un avis juridique, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles, l’argumentation développée par la requérante à cet égard étant inopérante.

81      Il en résulte que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

82      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il convient de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

83      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. Le Conseil supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Herbert Smith Freehills LLP supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 septembre 2016.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.