Affaire T‑1/16
(publication par extraits)
Hitachi-LG Data Storage, Inc.
et
Hitachi-LG Data Storage Korea, Inc.
contre
Commission européenne
Arrêt du Tribunal (cinquième chambre) du 12 juillet 2019
« Concurrence – Ententes – Marché des lecteurs de disques optiques – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE – Accords collusoires portant sur des appels d’offres organisés par deux fabricants d’ordinateurs – Compétence de pleine juridiction – Violation du principe de bonne administration – Obligation de motivation – Point 37 des lignes directrices de 2006 pour le calcul du montant des amendes – Circonstances particulières – Erreur de droit »
1. Recours en annulation – Compétence du juge de l’Union – Compétence de pleine juridiction – Contrôle juridictionnel d’une décision de la Commission constatant une infraction aux règles de la concurrence et imposant une amende – Absence de recours autonome de pleine juridiction
(Art. 101, 261 et 263 TFUE)
(voir points 53-58)
2. Actes des institutions – Motivation – Obligation – Portée – Obligation de la Commission de motiver son refus de s’écarter des lignes directrices pour le calcul des amendes – Absence
(Art. 101 et 296, 2e al., TFUE ; communication de la Commission 2006/C 210/02, point 37)
(voir points 77-82)
3. Concurrence – Procédure administrative – Comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes – Obligation de consultation – Formalité substantielle – Portée
(Art. 101, TFUE ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 14)
(voir points 89-95)
Résumé
Dans l’arrêt Hitachi-LG Data Storage et Hitachi-LG Data Storage Korea/Commission (T‑1/16), prononcé le 12 juillet 2019, le Tribunal a rejeté la demande de Hitachi-LG Data Storage, Inc. et sa filiale Hitachi-LG Data Storage Korea Inc. (ci-après : « les requérantes ») tendant à la réduction du montant de l’amende qui leur avait été infligée par la décision C(2015) 7135 final de la Commission, du 21 octobre 2015 (1) en raison d’une violation des règles de concurrence dans le secteur de la production et la fourniture de lecteurs de disques optiques (ci-après « LDO »).
À la suite d’une enquête administrative ouverte sur dénonciation, la Commission a conclu que treize sociétés avaient participé à une entente sur le marché des LDO. Aux termes de la décision attaquée, la Commission a établi que, au moins du 23 juin 2004 au 25 novembre 2008, les participants à cette entente interdite avaient coordonné leur comportement par rapport aux procédures d’appel d’offres organisées par les fabricants d’ordinateurs Dell et Hewlett Packard. Selon la Commission, les sociétés impliquées avaient cherché, au moyen d’un réseau de contacts bilatéraux parallèles, à faire en sorte que les prix des produits LDO restent à des niveaux plus élevés que ce qu’ils auraient été en l’absence de ces contacts bilatéraux. Ainsi, la Commission a infligé une amende de 37 121 000 euros aux requérantes pour violation de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE.
Les requérantes ont soulevé deux moyens au soutien de leur recours en réduction de cette amende, tirés, d’une part, d’une violation du principe de bonne administration ainsi que de l’obligation de motivation et, d’autre part, d’une erreur de droit, en ce que la Commission n’a pas dérogé à la méthode générale indiquée dans les lignes directrices sur le calcul des amendes pour réduire celle des requérantes eu égard aux particularités de l’espèce et à leur rôle sur le marché des LDO. En réponse aux mesures d’organisation de la procédure adoptées par le Tribunal, les requérantes ont précisé qu’elles invitaient le Tribunal à exercer son pouvoir de pleine juridiction en révisant la décision implicite de la Commission de rejeter leur demande de réduction du montant de l’amende et en examinant le fond de cette demande.
À cet égard, le Tribunal a, en premier lieu, rappelé que le traité ne consacre pas comme voie de recours autonome le « recours de pleine juridiction », si bien que cette compétence de pleine juridiction ne peut être exercée par les juridictions de l’Union que dans le cadre du contrôle des actes des institutions, et plus particulièrement du recours en annulation. Ainsi, le Tribunal a d’abord établi que le recours comportait, d’une part, des conclusions à fin d’annulation partielle de la décision attaquée, en tant que la Commission avait rejeté la demande des requérantes de réduction du montant de l’amende infligée, et, d’autre part, des conclusions à fin de réformation de cette décision tendant à ce que le Tribunal accueille lui-même cette demande et réduise en conséquence ledit montant.
Ensuite, s’agissant du premier moyen, le Tribunal a, d’une part, rejeté les arguments des requérantes selon lesquels la Commission avait violé son obligation de motiver le refus d’avoir recours à l’exception prévue au point 37 des lignes directrices sur le calcul des amendes (2), qui permet à la Commission de s’écarter de la méthodologie desdites lignes directrices et dont les requérantes avaient demandé l’application. À cet égard, le Tribunal a considéré que la Commission n’était tenue que de motiver dans la décision attaquée la méthodologie appliquée pour le calcul du montant de l’amende et non les éléments qu’elle n’avait pas pris en compte lors dudit calcul et, en particulier, les raisons pour lesquelles elle n’avait pas eu recours à l’exception prévue au point 37 desdites lignes directrices.
D’autre part, le Tribunal a rejeté les griefs tirés d’une violation du principe de bonne administration. À cet égard, il a, notamment, confirmé que la Commission avait été diligente au cours de la procédure administrative dans la mesure où elle avait, premièrement, entendu les requérantes et examiné leurs observations avant que le comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes ait émis un avis écrit sur l’avant-projet de décision et, deuxièmement, transmis à ce comité les informations les plus importantes pour le calcul du montant de l’amende en vertu de l’article 14, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 (3).
Enfin, s’agissant du deuxième moyen, le Tribunal a rappelé que la réduction du montant d’une amende ne peut être accordée au titre du point 37 des lignes directrices sur le calcul des amendes que dans des circonstances exceptionnelles, lorsque les particularités d’une affaire donnée ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particulière peuvent justifier que la Commission s’écarte de la méthodologie générale pour le calcul du montant de l’amende prévue par ces lignes directrices. Le Tribunal a considéré à cet égard qu’aucune des circonstances alléguées par les requérantes n’étaient pas pertinentes pour justifier une telle réduction de l’amende au titre de l’exception prévue au point 37 des lignes directrices.