Affaire T‑511/18
(publication par extraits)
XH
contre
Commission européenne
Arrêt du Tribunal (septième chambre) du 25 juin 2020
« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Exercice de promotion 2017 – Décision de non-promotion – Clarté et précision d’un moyen de la requête – Règle de concordance – Remise en cause d’actes définitifs – Recevabilité – Article 45 du statut – Rapport intermédiaire de stage – Rapport de fin de stage – Rapport d’évaluation – Éléments pris en compte pour l’examen comparatif des mérites – Régularité de la procédure – Responsabilité – Préjudice moral »
1. Recours des fonctionnaires – Réclamation administrative préalable – Concordance entre la réclamation et le recours – Identité d’objet et de cause – Moyens et arguments ne figurant pas dans la réclamation, mais visant à contester le bien-fondé de la motivation exposée dans la réponse à la réclamation – Recevabilité
(Statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)
(voir point 69)
2. Recours des fonctionnaires – Réclamation administrative préalable – Délais – Caractère d’ordre public – Forclusion – Réouverture – Condition – Fait nouveau
(Statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)
(voir points 74, 75, 80-83)
3. Droits fondamentaux – Respect de la vie privée et familiale – Secret médical – Consultation par une institution du contenu du dossier médical d’un fonctionnaire – Ingérence dans le droit au respect de la vie privée
(Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 7 et 52)
(voir points 89, 90, 98)
4. Fonctionnaires – Promotion – Examen comparatif des mérites – Pouvoir d’appréciation de l’administration – Objet et fonction distincts des rapports de notation des fonctionnaires titulaires et des rapports de fin de stage des fonctionnaires stagiaires – Prise en considération du rapport de fin de stage – Exclusion
(Statut des fonctionnaires, art. 34, 43 et 45)
(voir points 124-132, 137, 143-150)
5. Recours des fonctionnaires – Acte faisant grief – Notion – Acte préparatoire – Mesures prises au cours du stage d’un fonctionnaire – Exclusion
(Statut des fonctionnaires, art. 34, 90 et 91)
(voir points 133-136)
6. Fonctionnaires – Promotion – Examen comparatif des mérites – Modalités – Prise en considération des rapports de stage – Dossier individuel incomplet et irrégulier – Conséquences
(Statut des fonctionnaires, art. 45)
(voir points 153, 154, 159)
7. Fonctionnaires – Responsabilité non contractuelle des institutions – Conditions – Préjudice – Préjudice matériel prétendument causé par un refus de promotion – Préjudice non certain en raison de l’absence d’un droit à la promotion
(Statut des fonctionnaires, art. 45)
(voir points 170-173)
Résumé
Par son arrêt XH/Commission (T‑511/18), rendu le 25 juin 2020, le Tribunal a annulé la décision de la Commission européenne de ne pas inscrire la requérante sur la liste des fonctionnaires promus dans le cadre de l’exercice de promotion 2017. Le Tribunal a, en outre, attribué une indemnisation à titre de réparation du préjudice moral subi par la fonctionnaire concernée.
La requérante, fonctionnaire de l’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF), a été recrutée au grade AD 5 au sein d’une première unité de l’OLAF, à compter du 1er juillet 2014, son recrutement étant assorti d’une période de stage. À la suite de difficultés internes rencontrées au début de sa période de stage avec d’autres membres de cette unité, elle a été transférée dans une seconde unité de l’OLAF à partir du 1er novembre 2014. Un rapport intermédiaire de stage faisant état de ces difficultés a été établi en décembre 2014, et a ensuite été annexé au rapport de fin de stage établi en mars 2015.
Le 10 février 2018, la requérante a formé une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires, contre la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») de ne pas la promouvoir dans le cadre de l’exercice de promotion 2017 (ci-après la « décision de non-promotion »), qui a été rejetée par décision du 7 juin 2018.
À l’appui de son recours en annulation introduit contre cette décision de non-promotion, la requérante invoquait, notamment, une violation de l’article 45 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), dans la mesure où son rapport intermédiaire de stage et son rapport de fin de stage auraient été pris en considération lors de l’examen comparatif des mérites réalisé aux fins de l’exercice de promotion 2017.
À cet égard, le Tribunal a rappelé, en premier lieu, qu’il ressort de l’article 45, paragraphe 1, du statut et de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la décision de la Commission portant dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut (1), que, aux fins de l’examen comparatif des mérites au titre de l’exercice de promotion, l’AIPN prend en considération, en particulier, les rapports d’évaluation dont les fonctionnaires ont fait l’objet. Ces rapports d’évaluation constituent un élément indispensable d’appréciation chaque fois que la carrière d’un fonctionnaire est prise en considération en vue de l’adoption d’une décision concernant sa promotion.
En second lieu, le Tribunal a souligné que, si l’AIPN a, certes, la possibilité de prendre en compte d’autres informations concernant la condition administrative et personnelle des candidats à la promotion, ce n’est, toutefois, qu’en présence de circonstances exceptionnelles. Même si des informations supplémentaires pourraient, ainsi, être prises en compte en vue de remédier à l’absence d’un rapport d’évaluation, celles-ci devraient néanmoins être largement analogues aux informations figurant dans les rapports d’évaluation, tant en ce qui concerne leur origine, que leur procédure d’établissement et leur objet. Or, selon le Tribunal, les rapports d’évaluation et les rapports établis au cours de la période de stage ont un objet et des fonctions distincts.
S’agissant, d’une part, de leurs fonctions respectives, un rapport d’évaluation vise notamment à assurer à l’administration une information périodique aussi complète que possible sur les conditions d’accomplissement de leur service par ses fonctionnaires, tandis qu’un rapport de fin de stage est principalement destiné à évaluer l’aptitude du fonctionnaire stagiaire à s’acquitter des attributions que comportent ses fonctions et à être titularisé.
S’agissant, d’autre part, de leur objet, le Tribunal a relevé que l’évaluation annuelle d’un fonctionnaire qui, tout en étant ciblée sur la performance, s’effectue au regard des objectifs préalablement fixés en accord avec le supérieur hiérarchique, se distingue de l’évaluation d’un fonctionnaire stagiaire, réalisée en vue d’une titularisation, de sorte que l’évaluation contenue dans un rapport de stage ne saurait être assimilée et, ainsi, se substituer ou compenser celle contenue dans un rapport d’évaluation.
Enfin, le Tribunal a réitéré que, bien que les rapports d’évaluation constituent des actes faisant grief dans la mesure où ils sont susceptibles d’exercer une influence tout au long de la carrière d’un fonctionnaire, ce n’est pas le cas pour les mesures relatives au déroulement du stage d’un fonctionnaire, telles que les rapports de stage, dont l’objet consiste à préparer la décision de l’administration concernant la titularisation ou le licenciement de l’intéressé à la fin de sa période de stage , sans produire d’effets quelconques après l’adoption d’une telle décision.
Ainsi, le Tribunal a conclu qu’un rapport de fin de stage, même s’il comporte un certain nombre d’observations sur les capacités de travail du fonctionnaire ou de l’agent, ne peut, en principe, pas être pris en compte par un comité de promotion.
Partant, en soulignant que, en l’espèce, la requérante a fait l’objet de deux rapports d’évaluation établis au titre des exercices 2015 et 2016 et que les appréciations contenues dans ceux-ci constituaient une base suffisante pour l’examen comparatif des mérites prévu par l’article 45, paragraphe 1, du statut , le Tribunal a relevé, d’une part, qu’aucune circonstance exceptionnelle ne justifiait que le rapport de fin de stage, ainsi que le rapport intermédiaire de stage y annexé, fussent pris en compte lors de l’examen comparatif des mérites de la requérante au titre de l’exercice de promotion 2017. D’autre part, et en tout état de cause, le Tribunal a souligné que, à la différence des rapports d’évaluation, le rapport intermédiaire de stage de la requérante n’a été rédigé ni en vue de permettre une évaluation objective de celle-ci ni dans la perspective de servir à l’appréciation de son évolution de carrière et, contenait, de surcroît, des critiques inhabituelles et particulièrement fortes , ce qui constituait une raison supplémentaire d’exclure le rapport intermédiaire de stage et le rapport de fin de stage auquel il était annexé de l’examen comparatif des mérites de la requérante.
Dès lors, le Tribunal a conclu que la prise en compte, par l’AIPN compétente, des rapports afférents à la période de stage de la requérante constituait une irrégularité susceptible de vicier la procédure de promotion 2017 en ce qui la concernait. Comme la procédure de promotion 2017 aurait pu aboutir à un résultat différent en l’absence de ladite irrégularité procédurale, le Tribunal a annulé la décision de ne pas promouvoir la requérante. La Commission a, en outre, été condamnée à lui verser une somme de 2 000 euros à titre de réparation du préjudice moral qu’elle avait subi.