ORDONNANCE DE LA COUR
4 octobre 2024 (*)
« Pourvoi – Dessin ou modèle communautaire – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non‑admission du pourvoi »
Dans l’affaire C‑502/24 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 18 juillet 2024,
Puma SE, établie à Herzogenaurach (Allemagne), représentée par Mes M. Schunke et P. Trieb, Rechtsanwälte,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant :
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (chambre d’admission des pourvois)
composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, Mme O. Spineanu‑Matei et M. S. Rodin (rapporteur), juges,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. N. Emiliou, entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, Puma SE demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 8 mai 2024, Puma/EUIPO – Road Star Group (Chaussure) (T‑757/22, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2024:291), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 21 septembre 2022 (affaire R 1900/2021-3), relative à une procédure de nullité entre Puma SE et Road Star Group.
Sur la demande d’admission du pourvoi
2 En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.
3 Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
4 Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.
5 Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.
6 À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que les moyens de son pourvoi, tirés de la violation de l’article 6, lu en combinaison avec l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), soulèvent des questions importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.
7 En premier lieu, la requérante soutient qu’il ressort de l’arrêt attaqué que le titulaire d’un dessin ou modèle dont la protection est limitée à une partie essentielle d’un produit ne peut pratiquement jamais s’opposer avec succès au dessin ou modèle final du produit qui intègre le dessin ou modèle antérieur protégé. En effet, ce titulaire ne disposerait d’aucune voie de droit pour contester avec succès la validité de l’enregistrement d’un tel dessin ou modèle ultérieur. La requérante fait valoir que, en suivant la position du Tribunal et de l’EUIPO, le titulaire d’un dessin et modèle antérieur peut uniquement agir contre l’utilisation du dessin ou modèle ultérieur dans le cadre d’une procédure en contrefaçon.
8 En outre, l’arrêt attaqué, en empêchant le titulaire dudit dessin ou modèle de s’opposer avec succès à un dessin ou modèle ultérieur pour le produit final, aboutirait à une discrimination de facto des parties de produits par rapport aux produits finaux. Cela serait contraire à l’article 3, sous a), lu en combinaison avec l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.
9 La requérante soutient également que le Tribunal, au point 35 de l’arrêt attaqué, s’est borné à affirmer que l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002 « ne s’inscrit pas dans une logique de protection d’un droit antérieur », sans fournir d’arguments sur l’intérêt légitime du titulaire du dessin ou modèle ultérieur à la validité de son droit de dessin ou modèle.
10 À cet égard, la requérante fait valoir qu’une question importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union se pose, à savoir si, lors de la comparaison d’un dessin ou modèle antérieur qui a été enregistré pour une partie d’un produit avec le dessin ou modèle ultérieur qui a été enregistré pour le produit final et qui reprend de manière identique ou similaire la partie protégée, l’étendue de la protection du dessin ou modèle antérieur doit (exceptionnellement) servir de base à l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle au sens de l’article 6 du règlement no 6/2002.
11 En deuxième lieu, la requérante reproche au Tribunal le fait que l’arrêt attaqué, lu en combinaison avec la pratique de l’EUIPO relative à l’article 25, paragraphe 1, sous d), du règlement no 6/2002, a pour résultat que le titulaire d’un dessin ou modèle antérieur qui a fait l’objet d’une divulgation avant le dépôt du dessin ou modèle ultérieur ne peut pas se défendre contre ce dernier au moyen d’une action en nullité.
12 Cela soulèverait la question, importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union, de savoir si, en vertu de l’article 25, paragraphe 1, sous d), du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle peut être déclaré nul même lorsque le dessin ou modèle antérieur a fait l’objet d’une divulgation au public avant la date de dépôt du dessin ou modèle ultérieur.
13 En troisième et dernier lieu, la requérante considère que les questions posées vont bien au-delà de la présente procédure, des décisions antérieures ainsi que du pourvoi. En outre, la protection des dessins et modèles pour des parties individuelles de produits revêtirait une importance considérable pour un grand nombre d’entreprises dans presque tous les domaines d’activité commerciale.
14 À titre liminaire, il convient de relever que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20, et du 19 juillet 2024, Sumol + Compal Marcas/EUIPO, C‑333/24 P, EU:C:2024:628, point 9).
15 En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 19 juillet 2024, Sumol + Compal Marcas/EUIPO, C‑333/24 P, EU:C:2024:628, point 10).
16 Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22, et du 19 juillet 2024, Sumol + Compal Marcas/EUIPO, C‑333/24 P, EU:C:2024:628, point 11).
17 En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16, et du 19 juillet 2024, Sumol + Compal Marcas/EUIPO, C‑333/24 P, EU:C:2024:628, point 12).
18 En l’occurrence, s’agissant des arguments résumés aux points 7 à 13 de la présente ordonnance, par lesquels la requérante vise à démontrer que les questions de droit que soulèvent certains moyens sur lesquels le pourvoi est fondé sont importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union, il y a lieu de relever que, si la requérante identifie des erreurs de droit et d’appréciation prétendument commises par le Tribunal, elle n’explique pas à suffisance ni, en tout état de cause, ne démontre en quoi de telles erreurs, à les supposer établies, soulèveraient des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union qui justifieraient l’admission du pourvoi.
19 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, la requérante au pourvoi doit démontrer que son pourvoi soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, la portée de ce critère dépassant le cadre de l’arrêt sous pourvoi et, en définitive, celui de son pourvoi. Cette démonstration implique elle-même d’établir tant l’existence que l’importance de telles questions, au moyen d’éléments concrets et propres au cas d’espèce, et non pas simplement d’arguments d’ordre général (voir, en ce sens, ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, points 27 et 28, et du 19 juillet 2024, Sumol + Compal Marcas/EUIPO, C‑333/24 P, EU:C:2024:628, point 15).
20 Une telle démonstration ne ressort cependant pas de la présente demande. En effet, la requérante se borne à affirmer que les questions posées ont une portée qui va au-delà de la présente procédure, des décisions antérieures ainsi que du pourvoi et que la protection des dessins et modèles pour des parties individuelles de produits revêt une importance considérable pour un grand nombre d’entreprises. Or, de telles affirmations sont manifestement trop générales pour constituer ladite démonstration.
21 S’agissant de l’argumentation de la requérante évoquée au point 9 de la présente ordonnance dans la mesure où celle-ci porte sur l’obligation de motivation incombant au Tribunal, il convient de rappeler que, s’il est vrai que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, le défaut ou l’insuffisance de motivation constitue une erreur de droit qui peut être invoquée dans le cadre d’un pourvoi, l’admission d’un pourvoi demeure toutefois subordonnée au respect des conditions spécifiques consistant, pour la requérante au pourvoi, à démontrer, au sens indiqué au point 16 de la présente ordonnance, que ce pourvoi soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, ce qui comporte les implications rappelées au point 19 de cette ordonnance (voir, par analogie, ordonnance du 8 mai 2024, Wyrębski/QC e.a., C‑689/23 P, EU:C:2024:397, point 25) Or, la requérante ne démontre pas à suffisance de droit en quoi le défaut de motivation qu’elle allègue soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
22 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.
23 Eu égard aux considérations qui précèdent, il n’y a pas lieu d’admettre le pourvoi.
Sur les dépens
24 Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.
25 La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié à l’autre partie à la procédure et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :
1) Le pourvoi n’est pas admis.
2) Puma SE supporte ses propres dépens.
Signatures