DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)
23 octobre 2024 (*)
« Fonction publique – Recrutement – Avis de concours – Concours général EUIPO/AD/01/17 – Article 266 TFUE – Décision de compensation financière adoptée en exécution d’un arrêt du Tribunal – Mesures que comporte l’exécution d’un arrêt d’annulation – Compétence de pleine juridiction – Responsabilité »
Dans l’affaire T‑634/22,
ZR, représentée par Mes S. Rodrigues et A. Champetier, avocats,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mmes A. Lukošiūtė et E. Lekan, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (dixième chambre),
composé de Mme O. Porchia, présidente, MM. P. Nihoul (rapporteur) et S. Verschuur, juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu la phase écrite de la procédure,
vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, ZR, demande, d’une part, l’annulation de la décision de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 14 décembre 2021 par laquelle celui-ci lui a attribué une somme de 5 000 euros en exécution de l’arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5) (ci-après la « décision attaquée »), et, le cas échéant, de la décision de l’EUIPO du 28 juin 2022 rejetant sa réclamation (ci-après la « décision portant rejet de la réclamation ») et, d’autre part, la réparation du préjudice prétendument subi du fait de ces décisions.
Antécédents du litige
Sur les faits du litige et la procédure antérieure
2 Le 12 janvier 2017, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis de concours général EUIPO/AD/01/17 – Administrateurs (AD 6) dans le domaine de la propriété intellectuelle (JO 2017, C 9A, p. 1, ci-après l’« avis de concours »). Ce concours, organisé par l’EPSO, visait à la constitution d’une liste de réserve en vue du recrutement d’administrateurs par l’EUIPO. Cet avis a fait l’objet d’un rectificatif publié au Journal officiel C 315A du 22 septembre 2017.
3 L’avis de concours indiquait que les candidats remplissant les conditions d’admission et ayant obtenu une des meilleures notes lors de la présélection sur titres seraient invités au « centre d’évaluation de l’EPSO » où ils seraient évalués, par le biais d’une série de tests de type « questions à choix multiple », sur leurs aptitudes en matière de raisonnement verbal, numérique et abstrait, puis, par le biais d’un entretien, d’un exercice de bac à courrier, d’un exercice de groupe et d’un test écrit, sur huit compétences générales et, enfin, par le biais d’un entretien, sur leurs compétences spécifiques dans le domaine du concours.
4 L’avis de concours précisait que les compétences générales seraient évaluées sur 80 points, la note minimale requise pour ces compétences générales étant de 40 points, et que les compétences spécifiques seraient évaluées sur 100 points, la note minimale requise pour ces compétences spécifiques étant de 50 points.
5 La requérante s’est portée candidate au concours en cause. Elle a été informée par l’EPSO, le 12 juillet 2017, qu’elle était invitée au centre d’évaluation, où elle a passé les épreuves les 12 et 13 septembre 2017.
6 Par courrier du 1er décembre 2017, l’EPSO a informé la requérante que le jury avait décidé de ne pas l’inscrire sur la liste de réserve des lauréats du concours (ci-après la « liste litigieuse »). La raison en était que, ayant obtenu 97,5 points pour les épreuves passées au centre d’évaluation, la requérante ne faisait pas partie des candidats ayant obtenu les meilleures notes. La note globale obtenue par le dernier candidat inscrit sur la liste de réserve, à l’issue desdites épreuves, s’élevait à 102 points sur 180.
7 Le 11 décembre 2017, la requérante a formé une demande de réexamen auprès du jury.
8 La liste litigieuse a été publiée au Journal officiel C 14A du 16 janvier 2018.
9 Les 1er mars et 7 juin 2018, la requérante a introduit une réclamation en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») contre la décision de non-admission du 1er décembre 2017.
10 Sa demande de réexamen et sa réclamation ont été rejetées, respectivement, le 7 mars 2018 et le 27 juin 2018.
11 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 octobre 2018, la requérante a introduit un recours sur le fondement de l’article 270 TFUE tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du jury, du 1er décembre 2017, de ne pas l’inscrire sur la liste litigieuse pour le recrutement d’administrateurs de grade AD 6 dans le domaine de la propriété intellectuelle et, pour autant que de besoin, de la décision du même jury du 7 mars 2018 rejetant sa demande de réexamen ainsi que de la décision du 27 juin 2018 portant rejet de sa réclamation et, d’autre part, à la condamnation de l’EUIPO à payer l’ensemble des frais exposés au titre de ce recours.
12 Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du point 119 de l’arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5), dans le corps de sa requête, la requérante a demandé que, si la réouverture du concours se révélait impossible, ce qu’elle contestait, l’EUIPO trouve « une solution juste afin de remédier à la situation et de réparer le préjudice subi [qu’elle avait] subi ».
13 Par un arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5), le Tribunal a annulé la décision du jury du 7 mars 2018 refusant, après réexamen, d’inscrire la requérante sur la liste litigieuse et a rejeté le recours pour le surplus.
14 Aux points 117 et 118 de cet arrêt, le Tribunal a accueilli le grief de la requérante tiré d’une violation de la règle de stabilité dans la composition du jury et a considéré que, étant donné l’importance des principes d’égalité de traitement entre les candidats, de la cohérence de la notation et de l’objectivité de l’évaluation, le non-respect par le jury de la stabilité de sa composition constituait une violation des formes substantielles devant entraîner l’annulation de la décision du jury du 7 mars 2018, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs avancés à l’appui du même moyen et les autres moyens soulevés par la requérante.
15 Quant à la demande visant à ce que, si la réouverture du concours se révélait impossible, l’EUIPO trouve « une solution juste afin de remédier à la situation et de réparer le préjudice subi par la requérante », le Tribunal l’a rejetée aux points 121 à 123 dudit arrêt, au motif qu’elle s’adressait à l’EUIPO, et non à lui, et que, quand bien même elle aurait dû être comprise en ce sens que la requérante lui demandait d’adresser une injonction à cet organisme, il ne lui aurait pas appartenu d’y procéder ni de faire des déclarations de principe, « étant toutefois rappelé que, conformément à l’article 266, paragraphe 1, TFUE, l’institution, l’organe ou l’organisme de l’Union dont éman[ait] un acte annulé a[vait] l’obligation de prendre les mesures nécessaires que comport[ait] l’exécution de l’arrêt prononçant l’annulation ».
16 Par lettre du 27 juillet 2021, l’EUIPO a invité la requérante à une réunion en vue de discuter de l’exécution de l’arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5), et, en particulier, de l’offre d’une « compensation équitable ».
17 Le 15 septembre 2021, une réunion a eu lieu en ligne entre la directrice de la direction des ressources humaines de l’EUIPO, accompagnée d’un spécialiste juridique de la même direction, et la requérante, accompagnée de son avocat.
18 Par courriel du 21 septembre 2021, la requérante a indiqué qu’il lui était difficile de considérer la compensation de 5 000 euros, proposée par l’EUIPO au cours de cette réunion, comme équitable, étant donné son objectif, qui était de travailler pour cette agence, et qu’il existait, selon elle, d’autres solutions appropriées pour mettre en œuvre l’arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5).
19 Par courriel du 30 septembre 2021, l’EUIPO a répondu aux observations de la requérante et lui a proposé le paiement d’une somme de 10 000 euros, en précisant que, si cette nouvelle offre n’était pas acceptée dans un délai d’une semaine, elle serait considérée comme rejetée et qu’il adopterait alors une décision pour se conformer à son obligation d’exécuter l’arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5), en lui accordant une compensation qu’il jugerait équitable.
20 Par courriel du 7 octobre 2021, la requérante a présenté des observations complémentaires et a fait valoir que la nouvelle offre ne pouvait pas être considérée comme une solution équitable, tout en indiquant qu’elle était encore disposée à poursuivre le dialogue.
21 Par courriel du 26 octobre 2021, l’EUIPO a considéré que la requérante avait rejeté sa nouvelle offre et l’a informée qu’il allait adopter une décision pour se conformer à son obligation légale d’exécuter l’arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5).
22 Le 14 décembre 2021, l’EUIPO a adopté la décision attaquée dans laquelle il a exposé que, compte tenu de l’impossibilité d’exécuter l’arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5), sans entraîner les mêmes irrégularités ou de nouvelles irrégularités et du degré d’incertitude du résultat qu’aurait obtenu la requérante en l’absence de l’irrégularité procédurale sanctionnée par le Tribunal, un paiement de 5 000 euros était la forme de réparation qui remédiait le mieux à la situation et exécutait ledit arrêt.
23 Le 14 mars 2022, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision attaquée. La décision portant rejet de la réclamation a été adoptée le 28 juin 2022 et notifiée à la requérante le même jour.
Sur le contenu de la décision attaquée et de la décision portant rejet de la réclamation
24 Dans la décision attaquée et la décision portant rejet de la réclamation, l’EUIPO a, en premier lieu, estimé que la solution consistant à rouvrir le concours et à organiser de nouvelles épreuves orales ne rétablirait pas la requérante, de manière satisfaisante et légale, dans la situation juridique qui aurait été la sienne en l’absence de l’irrégularité constatée dans l’arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5).
25 En effet, selon l’EUIPO, la note qui serait alors attribuée à la requérante et la décision concernant la liste litigieuse seraient entachées du même défaut que la décision attaquée, consistant dans le fait que chacun des membres du jury n’aurait pas assisté à un nombre suffisant d’épreuves orales pour pouvoir comparer les prestations de la requérante lors de nouvelles épreuves orales avec celles des autres candidats lors de leurs propres épreuves. Bien plus, une telle solution pourrait aggraver les irrégularités constatées par le Tribunal dans la mesure où le total des points obtenus par la requérante à l’issue des nouvelles épreuves serait comparé au total des points attribués au dernier candidat inscrit sur la liste litigieuse à l’issue de la procédure de sélection irrégulière. En outre, le fait de repasser les épreuves orales devant tous les membres du jury rendrait celles-ci plus difficiles pour la requérante que pour les autres candidats et l’EUIPO n’aurait aucune compétence pour désigner certains membres du jury qui ne seraient pas membres de cet organisme, outre qu’un membre du jury l’aurait quitté entretemps. Enfin, les épreuves orales comporteraient un exercice de groupe qui ne serait pas réalisable dès lors que la requérante devrait l’effectuer seule.
26 En deuxième lieu, l’EUIPO a rejeté la solution consistant dans l’application d’un coefficient correcteur, au motif qu’elle ne permettrait pas de compenser le désavantage causé par l’irrégularité des épreuves initiales résultant de la composition instable du jury. En effet, selon l’EUIPO, il ne serait pas possible d’identifier un groupe spécifique de candidats qui auraient été favorisés ou défavorisés par rapport aux autres candidats à la suite de cette irrégularité ni de fixer des critères objectifs pour la rectification de celle-ci. De plus, ces facteurs correcteurs devraient être décidés par un nouveau jury, ce qui ne garantirait pas l’égalité de traitement entre les candidats et la cohérence de la notation.
27 En troisième lieu, l’EUIPO a estimé que le principe d’égalité de traitement n’avait pas été violé du fait du traitement réservé à la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 janvier 2021, Helbert/EUIPO (T‑548/18, EU:T:2021:4), qui concernait également la décision du jury dans le cadre du concours EUIPO/AD/01/17, parce que les procédures d’exécution de cet arrêt et de l’arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5), avaient été menées de manière séparée et parce que les intéressés ne se trouvaient pas dans la même situation en raison, par exemple, du lien statutaire, du groupe de fonctions et du grade concernés.
28 En conséquence, l’EUIPO a décidé d’allouer à la requérante une compensation équitable évaluée ex æquo et bono à 5 000 euros.
29 Dans l’appréciation de cette compensation, l’EUIPO a refusé de prendre en compte la perte de chance de la requérante, que celle-ci évaluait à 90 %, au motif, premièrement, que la compensation équitable ne pouvait être considérée comme la réparation d’un préjudice, deuxièmement, que la requérante n’avait pas subi une perte de chance du fait qu’il lui restait loisible de participer à une autre procédure et qu’il n’était pas certain que, en l’absence de l’irrégularité procédurale constatée par le Tribunal dans l’arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5), son nom aurait figuré sur la liste litigieuse et qu’elle aurait été recrutée et, troisièmement, que, dans l’arrêt du 13 janvier 2021, Helbert/EUIPO (T‑548/18, EU:T:2021:4), le Tribunal avait estimé que l’annulation de la décision attaquée constituait une réparation suffisante du préjudice que cette décision avait pu causer.
30 Dans la décision portant rejet de la réclamation, l’EUIPO a en outre estimé que le transfert interinstitutionnel ne figurait pas parmi les mesures possibles d’exécution de l’arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5), parce qu’une telle possibilité ne relevait pas de l’exécution dudit arrêt et que cette exécution ainsi que le transfert interinstitutionnel étaient des questions distinctes. L’EUIPO a en outre indiqué à cet égard qu’il préférait attendre l’issue de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 mars 2023, ZR/EUIPO (T‑400/21, non publié, sous pourvoi, EU:T:2023:169).
Conclusions des parties
31 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée et, pour autant que de besoin, la décision portant rejet de la réclamation ;
– condamner l’EUIPO à l’ensemble des frais qu’elle a exposés au titre du présent recours ;
– condamner l’EUIPO à lui payer une indemnité de 5 000 euros visant à la réparation du préjudice moral qu’elle a subi en raison du manque de diligence avec lequel son dossier a été traité.
32 Dans la réplique, la requérante a supprimé cette dernière demande et l’a remplacée par une demande de réparation « de ses préjudices matériels et moraux ».
33 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme étant non fondé ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur l’objet du litige
34 La requérante sollicite l’annulation de la décision attaquée et, pour autant que de besoin, de la décision portant rejet de la réclamation.
35 À cet égard, il convient de rappeler que les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée, lorsqu’elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêts du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, EU:T:2006:110, point 43).
36 En l’espèce, il convient de constater que la décision portant rejet de la réclamation est dépourvue de contenu autonome. En effet, elle ne fait que confirmer, en substance, la décision attaquée. Dès lors, le recours doit être considéré comme dirigé contre ce dernier acte, dont la légalité doit être examinée en prenant également en considération la motivation figurant dans la décision portant rejet de la réclamation (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2021, Carbajo Ferrero/Parlement, T‑670/19, non publié, EU:T:2021:435, point 28 et jurisprudence citée).
Sur la demande d’annulation
37 La requérante invoque deux moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 266 TFUE et du principe d’égalité de traitement. Le second moyen est tiré d’une violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable, consacrés à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que des principes de bonne administration, de sollicitude et de motivation, consacrés à l’article 41 de la même charte. Dans le cadre du premier moyen, la requérante critique, à titre subsidiaire, la légalité de la compensation financière qui lui a été attribuée par l’EUIPO.
38 Il y a lieu de considérer que la requérante invoque en réalité quatre moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 266 TFUE, le deuxième, du principe d’égalité de traitement, le troisième, invoqué à titre subsidiaire par rapport aux deux premiers, de l’illégalité de la compensation financière qui lui a été attribuée et, le quatrième, de la violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable, consacrés à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, et des principes de bonne administration, de sollicitude et de motivation, consacrés à l’article 41 de la même charte.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 266 TFUE
39 La requérante estime que, en écartant les solutions consistant dans la réouverture du concours et l’organisation de nouvelles épreuves ou dans l’application de facteurs de correction et en décidant de lui octroyer, à titre de seule solution, une compensation fixée ex æquo et bono à 5 000 euros, l’EUIPO n’a pas procédé à une exécution de l’arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5), qui soit conforme à l’article 266 TFUE.
40 L’EUIPO conteste cette argumentation.
41 À cet égard, il convient de rappeler que, à la suite d’un arrêt d’annulation, l’institution ou l’organisme concerné est tenu, en vertu de l’article 266 TFUE, de prendre les mesures nécessaires pour anéantir les effets des illégalités constatées, ce qui, dans le cas d’un acte qui a déjà été exécuté, comporte une remise de la partie requérante dans la situation juridique dans laquelle elle se trouvait antérieurement à cet acte (voir arrêt du 23 avril 2002, Campolargo/Commission, T‑372/00, EU:T:2002:103, point 109 et jurisprudence citée).
42 Dans l’exercice du pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 266 TFUE, il appartient à l’administration d’effectuer un choix parmi les différentes mesures envisageables, qui sont conformes aux motifs de l’arrêt d’annulation ainsi qu’aux principes et aux règles du droit de l’Union, en vue de concilier les intérêts du service et la nécessité de protéger adéquatement les droits de la partie requérante (arrêts du 8 octobre 1992, Meskens/Parlement, T‑84/91, EU:T:1992:103, point 78, et du 5 juin 2014, Brune/Commission, T‑269/13 P, EU:T:2014:424, point 51).
43 Selon la jurisprudence de la Cour, les droits de la partie requérante sont adéquatement protégés, lorsqu’une épreuve est annulée dans le cadre d’un concours général organisé pour la constitution d’une réserve de recrutement, si l’institution ou l’organisme concerné reconsidère ses décisions et cherche une solution équitable à son cas sans qu’il y ait lieu de mettre en cause l’ensemble du résultat du concours ou d’annuler les nominations intervenues à la suite de celui-ci (voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 1983, Detti/Cour de justice, 144/82, EU:C:1983:211, point 33, et du 6 juillet 1993, Commission/Albani e.a., C‑242/90 P, EU:C:1993:284, point 13).
44 Cette jurisprudence est fondée sur la nécessité de concilier les intérêts des candidats désavantagés par une irrégularité commise lors d’un concours avec ceux des autres candidats, le juge étant tenu de prendre en compte la confiance légitime des candidats déjà sélectionnés, et non seulement la nécessité de rétablir les candidats lésés dans leurs droits (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 1993, Commission/Albani e.a., C‑242/90 P, EU:C:1993:284, point 14).
45 Dans la recherche de la mesure d’exécution, l’institution ou l’organisme concerné doit, notamment, éviter, pour respecter les principes et règles du droit de l’Union, que les mesures adoptées ne soient entachées des mêmes irrégularités que celles identifiées dans l’arrêt d’annulation (voir, en ce sens, arrêts du 13 septembre 2005, Recalde Langarica/Commission, T‑283/03, EU:T:2005:315, point 51, et du 28 février 2013, Pachtitis/Commission, F‑51/11, EU:F:2013:26, point 45, et jurisprudence citée).
46 C’est au regard de ces principes qu’il convient d’examiner si les solutions préconisées par la requérante, à savoir, premièrement, la réouverture du concours avec organisation d’une nouvelle épreuve orale à son égard et, deuxièmement, l’application d’un coefficient correcteur avec inscription de la requérante sur la liste litigieuse, auraient constitué une exécution adéquate de l’arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5).
– Sur l’organisation d’une nouvelle épreuve orale
47 Dans l’arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5, points 48 et 116), le Tribunal a constaté que l’éclatement du jury en différents comités d’évaluation de deux personnes pour interroger les candidats aux épreuves orales ainsi que le fait que les membres du jury n’avaient pas assisté à un nombre suffisant d’épreuves orales n’assuraient pas la cohérence de la notation et l’objectivité de l’évaluation des prestations des candidats (voir, en ce sens, arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO, T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5, points 44 à 48, 69, 116 et 117).
48 En principe, l’organisation d’une nouvelle épreuve à l’attention de la seule partie requérante ne permet pas de remédier au vice constaté. En effet, dès lors que chacun des membres du jury n’a pas assisté à un nombre suffisant d’épreuves pour être en mesure de comparer les prestations de la partie requérante avec celles des autres candidats lors des épreuves initiales, la note qui serait attribuée à celle-ci à l’issue d’une nouvelle épreuve menée par les membres du même jury, seraient-ils plus nombreux que ceux qui lui ont attribué sa note initiale, et, par suite, la décision qui en résulterait seraient nécessairement entachées du même vice que celui ayant entraîné l’annulation de la décision initiale (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 2012, Honnefelder/Commission, F‑42/11, EU:F:2012:196, point 48, et du 21 mars 2013, Brune/Commission, F‑94/11, EU:F:2013:41, point 62).
49 Toutefois, la jurisprudence admet, s’agissant, comme en l’espèce, d’un concours général organisé pour la constitution d’une réserve de recrutement, que l’organisation d’une telle épreuve permet le rétablissement de la situation antérieure si l’épreuve est organisée de manière que le niveau et les critères d’évaluation de la nouvelle épreuve soient identiques ou à tout le moins équivalents à ceux de l’épreuve orale initiale, le candidat étant ainsi replacé dans la situation la plus proche possible de celle qui aurait dû être la sienne en l’absence du vice constaté par l’arrêt d’annulation, sans être pour autant avantagé de manière excessive par rapport aux autres candidats (voir, en ce sens, arrêts du 5 juin 2014, Brune/Commission, T‑269/13 P, EU:T:2014:424, points 37 et 40 et jurisprudence citée, et du 13 décembre 2012, Honnefelder/Commission, F‑42/11, EU:F:2012:196, points 49 et 51).
50 En l’espèce, l’EUIPO soutient que cette solution ne pouvait pas être mise en œuvre au motif, notamment, que la prestation de la requérante n’aurait pas été examinée par un jury composé du même nombre de personnes que celui qui avait examiné les autres candidats.
51 Ce motif doit être accueilli. Dès lors que la violation du principe de stabilité du jury était justifiée par le fait que chacun des membres du jury avait assisté à un trop petit nombre d’épreuves orales (voir point 47 ci-dessus), si ces épreuves orales avaient été recommencées pour la requérante, celle-ci aurait dû être interrogée par un nombre important de membres du jury pour assurer la comparabilité de ces épreuves avec celles des autres candidats, qui, pour leur part, avaient été interrogés par seulement deux membres du jury. Cette disparité entre les épreuves initiales et les nouvelles épreuves aurait été trop importante pour qu’il puisse être considéré que le principe d’égalité avait été respecté, même si celui-ci n’exige pas une égalité parfaite entre les conditions des deux types d’épreuves.
52 En conséquence, c’est à raison que, dans la décision attaquée, l’EUIPO a écarté la solution consistant à organiser de nouvelles épreuves orales pour la requérante afin d’exécuter l’arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5).
– Sur l’application d’un coefficient correcteur et l’inscription de la requérante sur la liste litigieuse
53 Selon la jurisprudence, l’application d’un facteur correcteur lors de l’appréciation des épreuves peut être envisagée lorsqu’il apparaît que des irrégularités ou des erreurs intervenues lors du déroulement d’un concours ne peuvent être réparées par une répétition des épreuves. L’application du facteur correcteur doit alors être faite de manière non équivoque et selon des critères objectifs et transparents (voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 1983, Detti/Cour de justice, 144/82, EU:C:1983:211, point 29, et du 5 juin 2014, Brune/Commission, T‑269/13 P, EU:T:2014:424, point 33 et jurisprudence citée).
54 Cette méthode suppose que l’on identifie un groupe spécifique de candidats qui aurait été favorisé et un groupe de candidats qui aurait été défavorisé par rapport aux autres candidats du fait de l’irrégularité relevée et que l’on applique un coefficient rectificateur à ce dernier (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2014, Brune/Commission, T‑269/13 P, EU:T:2014:424, point 34).
55 En l’espèce, la requérante soutient que le groupe favorisé devrait être constitué des candidats qui figurent sur la liste litigieuse, tandis que le groupe défavorisé serait constitué des candidats qui ont réussi toutes les épreuves, mais qui n’ont pas obtenu des notes suffisantes pour être inscrits sur cette liste. Pour rectifier l’irrégularité, il suffirait de supprimer le nombre de points minimal requis pour être inscrit sur la liste litigieuse et d’y inscrire les candidats faisant partie du second groupe, dont elle fait partie.
56 Cette solution reviendrait à inscrire directement la requérante sur la liste de réserve.
57 À cet égard, il y a lieu de relever que, selon la jurisprudence, l’inscription directe de la partie requérante qui n’a pas réussi une épreuve orale sur la liste de réserve ne constitue pas une solution équitable parce qu’elle est contraire :
– premièrement, à l’avis de concours qui prévoit une telle épreuve ;
– deuxièmement, à l’article 27 du statut, lu en relation avec l’article 29 du même statut, dont il ressort que le recrutement des fonctionnaires s’effectue par voie de concours, dans les conditions prévues à l’annexe III du statut, afin de sélectionner les candidats possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité ;
– troisièmement, au principe d’égalité de traitement et d’objectivité de la notation, dans la mesure où elle dispenserait la partie requérante, à la différence des autres candidats qui n’ont pas été inscrits sur la liste de réserve, de passer l’une des épreuves du concours (arrêts du 5 juin 2014, Brune/Commission, T‑269/13 P, EU:T:2014:424, points 57 et 60 à 62, et du 21 mars 2013, Brune/Commission, F‑94/11, EU:F:2013:41, point 67).
58 Selon la requérante, la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus ne s’applique pas en l’espèce, car la situation est différente, dès lors que, à la différence de la partie requérante dans cette affaire, elle a réussi toutes les épreuves, la seule raison pour laquelle elle n’a pas été inscrite sur la liste de réserve étant qu’elle ne figurait pas parmi les candidats les mieux classés.
59 Cet argument ne peut être retenu. En effet, l’EUIPO n’aurait pas pu accéder à la demande de la requérante et inscrire directement celle-ci sur la liste litigieuse sans enfreindre l’objectif du concours. Selon l’article 27 du statut, cet objectif est de sélectionner les candidats possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité. Or, rien ne garantit que, si le principe de stabilité du jury avait été respecté lors des épreuves initiales, la requérante aurait été classée parmi les meilleurs candidats, l’inscription finale sur la liste litigieuse dépendant dans une large mesure des prestations des autres candidats.
60 C’est donc à raison que, dans la décision attaquée, l’EUIPO a également écarté la solution qui aurait consisté à appliquer un coefficient correcteur, en inscrivant la requérante sur la liste litigieuse, pour exécuter l’arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5).
61 Il y a donc lieu de rejeter le premier moyen.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement
62 La requérante soutient que l’EUIPO a violé le principe d’égalité de traitement en lui octroyant une compensation de 5 000 euros, alors que, pour donner suite à l’arrêt du 13 janvier 2021, Helbert/EUIPO (T‑548/18, EU:T:2021:4), qui concernait le même concours que celui en cause dans l’arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5), et qui avait abouti à l’annulation de la décision de ne pas inscrire la partie requérante sur la liste de réserve pour les mêmes motifs, il avait promu celle-ci au grade AST 6.
63 L’EUIPO conteste ce moyen.
64 Selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement, consacré à l’article 20 de la charte des droits fondamentaux, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 25 mars 2021, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240, points 51 et 52 et jurisprudence citée).
65 Dans le mémoire en défense, l’EUIPO ne nie pas que la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 janvier 2021, Helbert/EUIPO (T‑548/18, EU:T:2021:4), a bénéficié d’une promotion.
66 Par ailleurs, il ressort de l’arrêt du 13 janvier 2021, Helbert/EUIPO (T‑548/18, EU:T:2021:4), que cette personne avait la qualité de fonctionnaire et du mémoire en défense, que, dans le cadre des négociations qui y ont fait suite, ladite personne a conclu avec l’EUIPO un accord sur cette solution de promotion.
67 La situation dans laquelle se trouvait cette personne se distinguait donc, sur deux points, de celle de la requérante dans la présente affaire.
68 En premier lieu, au moment de la publication de la liste litigieuse, cette partie requérante était déjà fonctionnaire à l’EUIPO, alors que la requérante dans la présente affaire y était seulement agent temporaire. À cet égard, contrairement à ce que cette dernière affirme, le fait qu’elle était déjà fonctionnaire à la Commission n’est pas pertinent, dans la mesure où c’est sa situation au sein l’EUIPO – où elle est détachée – qui est discutée dans le cadre du présent recours.
69 En second lieu, dans le cadre du dialogue qui a été établi entre l’EUIPO et les deux personnes concernées, un accord a pu être trouvé avec la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 janvier 2021, Helbert/EUIPO (T‑548/18, EU:T:2021:4), alors que tel n’a pas été le cas pour la requérante dans la présente affaire. Qui plus est, dans la négociation qui a été menée avec celle-ci, il n’a jamais été question de promotion et la requérante n’a jamais sollicité l’application de cette solution.
70 Dès lors que les situations des deux personnes concernées étaient différentes, il y a lieu de constater, sans qu’il soit nécessaire d’adopter des mesures d’organisation de la procédure, que la solution adoptée par l’EUIPO dans le cadre de la présente affaire a pu, conformément à la jurisprudence rappelée au point 64 ci-dessus, être différente de celle qu’il a adoptée en exécution de l’arrêt du 13 janvier 2021, Helbert/EUIPO (T‑548/18, EU:T:2021:4).
71 Au surplus, il ne saurait être reproché à l’EUIPO de ne pas avoir organisé une réunion supplémentaire afin de poursuivre le dialogue entamé avec la requérante. En effet, dès lors que, comme il ressort des courriels des 7 et 26 octobre 2021, celle-ci avait rejeté la nouvelle offre de l’EUIPO, lequel considérait que les autres options d’exécution de l’arrêt n’étaient pas réalisables, le dialogue amorcé apparaissait comme étant bloqué, de sorte que l’EUIPO devait adopter une décision pour se conformer à son obligation d’exécuter l’arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5).En outre, il y a lieu de rappeler que, son action s’exerçant unilatéralement, l’administration a la faculté, et non l’obligation, d’établir un dialogue avec le membre du personnel afin de parvenir à un accord offrant à ce dernier une compensation équitable (arrêt du 5 juin 2014, Brune/Commission, T‑269/13 P, EU:T:2014:424, point 52).
72 Il y a donc lieu de rejeter le deuxième moyen.
Sur le troisième moyen, invoqué à titre subsidiaire et tiré d’une violation de l’article 266 TFUE dans la détermination de la compensation financière attribuée à la requérante pour exécuter l’arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5)
73 À titre subsidiaire, la requérante reproche à l’EUIPO de ne pas avoir pris en compte, dans l’évaluation de la compensation qu’il lui a octroyée dans la décision attaquée, la perte de chance d’être recrutée qu’elle a subie du fait de l’illégalité relevée par le Tribunal dans l’arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5).
74 L’EUIPO conteste ce moyen au motif, d’une part, que l’indemnité attribuée à la requérante n’était pas destinée à compenser le dommage qu’elle avait subi et, d’autre part, que la requérante n’a pas subi de perte de chance.
75 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 266 TFUE, l’institution dont émane un acte qui a été annulé par une juridiction de l’Union est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution de la décision d’annulation afin de compenser les conséquences de l’illégalité qu’elle a commise (arrêt du 13 septembre 2011, AA/Commission, F‑101/09, EU:F:2011:133, point 41).
76 Lorsque, comme en l’espèce, les autres solutions envisageables ont été écartées, il convient d’accorder à la partie intéressée une somme d’argent destinée à réparer le préjudice qu’elle a subi (voir, en ce sens, arrêts du 10 mai 2000, Simon/Commission, T‑177/97, EU:T:2000:124, points 22 et 23, et du 13 septembre 2011, AA/Commission, F‑101/09, EU:F:2011:133, point 81).
77 Comme le signale la requérante, le préjudice subi par elle en l’espèce consiste à avoir été privée d’une chance d’être nommée en qualité de fonctionnaire au sein de l’EUIPO et, en tout cas, d’une chance d’être nommée en cette qualité à partir de janvier 2018, avec les avantages de salaire et de promotion que ce statut aurait comportés et, à plus long terme, la possibilité de percevoir une pension d’ancienneté plus élevée.
78 Selon la jurisprudence, pour être prise en compte, la chance perdue doit avoir été réelle et la perte doit être définitive (voir arrêt du 24 octobre 2018, Fernández González/Commission, T‑162/17 RENV, non publié, EU:T:2018:711, point 110 et jurisprudence citée).
79 En l’espèce, ces exigences sont satisfaites. En effet, la requérante a perdu la chance de devenir fonctionnaire au sein de l’EUIPO dans les mois qui ont suivi le concours EUIPO/AD/01/17. Cette chance était réelle, puisque la requérante était, parmi les candidats ayant obtenu le minimum des points requis, la candidate la mieux placée après le dernier candidat retenu. De plus, elle a participé avec succès aux concours EXT/20/38/AD 6 et EXT/21/69/AD 6 organisés pour des spécialistes en propriété intellectuelle. Par ailleurs, la perte de chance est définitive, car la possibilité de devenir fonctionnaire à la suite de ce concours est révolue.
80 En conséquence, la perte de chance aurait dû être prise en compte dans l’appréciation de la compensation financière. Il s’ensuit que, en l’ayant écartée sans que puissent être mises en œuvre les autres modalités envisageables pour tirer les conséquences de l’arrêt d’annulation, l’EUIPO a enfreint l’article 266 TFUE.
81 Sans qu’il soit besoin d’examiner le quatrième moyen, la décision attaquée doit dès lors être annulée en ce qu’elle attribue une somme de 5 000 euros à la requérante en exécution de l’arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5).
Sur la compensation à verser à la requérante, en application de la compétence de pleine juridiction reconnue au juge de l’Union
82 Dans une procédure en annulation, le juge de l’Union ne saurait, sans empiéter sur les prérogatives de l’autorité administrative, ordonner à une institution ou à un organisme de l’Union de prendre les mesures particulières qu’implique l’exécution d’un arrêt procédant à l’annulation d’une décision (arrêts du 9 juin 1983, Verzyck/Commission, 225/82, EU:C:1983:165, point 19, et du 24 novembre 2021, KL/BEI, T‑370/20, EU:T:2021:822, point 109).
83 Néanmoins, l’article 91, paragraphe 1, seconde phrase, du statut confère au juge de l’Union, dans les litiges à caractère pécuniaire, une compétence de pleine juridiction dans le cadre de laquelle il est investi du pouvoir, s’il y a lieu, de condamner d’office la partie défenderesse au paiement d’une indemnité pour le préjudice causé par sa faute et, dans un tel cas, d’évaluer, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire, le préjudice subi ex æquo et bono (voir arrêts du 20 mai 2010, Gogos/Commission, C‑583/08 P, EU:C:2010:287, point 44, et du 24 novembre 2021, KL/BEI, T‑370/20, EU:T:2021:822, point 111).
84 La compétence de pleine juridiction ainsi conférée au juge de l’Union par l’article 91, paragraphe 1, seconde phrase, du statut investit celui-ci de la mission, notamment, de donner une solution complète aux litiges dont il est saisi et de garantir l’efficacité pratique des arrêts d’annulation qu’il prononce dans les affaires de fonction publique (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2010, Gogos/Commission, C‑583/08 P, EU:C:2010:287, points 49 et 50 et jurisprudence citée).
85 Constituent notamment des « litiges à caractère pécuniaire » les actions en responsabilité dirigées par les agents contre les institutions (voir arrêt du 18 décembre 2007, Weißenfels/Parlement, C‑135/06 P, EU:C:2007:812, point 65 et jurisprudence citée), auxquelles il convient d’assimiler un organisme tel que l’EUIPO. Il appartient alors au juge de l’Union de reconnaître l’existence d’un droit au bénéfice d’indemnités (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2007, Asturias Cuerno/Commission, T‑473/04, EU:T:2007:184, point 23 et jurisprudence citée).
86 Il s’ensuit que le Tribunal est compétent en l’espèce pour se prononcer sur les conséquences nécessaires de l’annulation de la décision attaquée sur la situation pécuniaire de la requérante, dès lors que cette annulation se justifie par le fait que l’EUIPO n’a pas pris en compte, dans sa décision sur la compensation financière, le dommage consistant dans la perte de chance de la requérante de devenir fonctionnaire dans les mois qui ont suivi la constitution de la liste litigieuse.
87 Pour déterminer l’indemnité due en raison de la perte de chance, il convient, selon la jurisprudence :
– de définir la perte de rémunération subie par la requérante en établissant la différence entre la rémunération qu’elle aurait perçue si elle avait été recrutée et nommée fonctionnaire permanent à la suite de la constitution de la liste de réserve de recrutement et la rémunération qu’elle a effectivement perçue postérieurement à l’illégalité commise ;
– d’apprécier, sous la forme d’un pourcentage, la chance que la requérante avait d’être recrutée à la suite de la constitution de la liste de réserve de recrutement, afin de pondérer la perte de rémunération ainsi calculée (voir, en ce sens, arrêts du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, EU:C:2008:107, points 67 et 73, et du 6 juin 2006, Girardot/Commission, T‑10/02, EU:T:2006:148, point 58).
88 Or, il résulte du dossier qu’un tel pourcentage ne peut être déterminé en l’espèce.
89 Certes, la requérante était la mieux placée, parmi les candidats ayant obtenu le minimum des points requis, après le dernier candidat retenu, pour être intégrée dans la liste de réserve. Par ailleurs, elle a participé avec succès aux concours EXT/20/38/AD 6 et EXT/21/69/AD 6.
90 Toutefois, d’autres candidats, non retenus dans la procédure telle qu’elle s’est déroulée, auraient pu être valorisés d’une manière plus positive s’il avait été satisfait au principe de stabilité du jury.
91 Ainsi, il est impossible d’affirmer que, si le jury avait été constitué de manière plus stable, la requérante aurait été inscrite sur la liste litigieuse. De plus, si elle avait été inscrite sur cette liste, il est impossible de déterminer la place qui aurait été la sienne. Enfin, il ne saurait être garanti que, si elle avait été inscrite sur cette liste, elle aurait été recrutée en tant que fonctionnaire. En effet, la décision du jury arrêtant la liste de réserve ne confère pas aux lauréats du concours un droit à nomination, mais uniquement une vocation à être nommé.
92 Dans ces conditions, il n’est pas possible de déterminer avec précision quand, le cas échéant, la requérante aurait été nommée fonctionnaire au sein de l’EUIPO et les avantages qu’elle a perdus dans un contexte où elle a été agent temporaire AD 6, échelon 2, du 1er mars 2019 au 28 février 2021 et où elle est agent temporaire AD 6, échelon 3, depuis le 1er mars 2021.
93 Il en résulte que la perte de chance subie par la requérante ne peut être évaluée au regard des critères fixés par la jurisprudence et rappelés au point 87 ci-dessus.
94 Dans un tel cas, la jurisprudence prévoit que le désavantage résultant de cette perte de chance peut être déterminé ex æquo et bono, c’est-à-dire en équité (voir, en ce sens, arrêts du 6 juin 2006, Girardot/Commission, T‑10/02, EU:T:2006:148, point 95, et du 14 juillet 2021, Carbajo Ferrero/Parlement, T‑670/19, non publié, EU:T:2021:435, point 167).
95 Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation de la perte de chance subie par la requérante en fixant la compensation financière, ex æquo et bono, à la somme de 10 000 euros.
Sur la demande indemnitaire
96 Dans le dispositif de la requête, la requérante présente une demande indemnitaire qui s’ajoute à celle portant sur l’annulation de la décision attaquée. Dans cette demande indemnitaire, elle soutient que le manque de diligence dont a fait preuve l’EUIPO dans le traitement de son dossier lui a causé un stress important et de forts sentiments d’injustice. De plus, elle reproche à l’EUIPO de ne pas avoir cherché à régler l’affaire à l’amiable et à éviter de nouveaux litiges. Sur la base de ces deux griefs, elle réclame une indemnité de 5 000 euros pour dommage moral.
97 La requérante demande en outre la réparation d’un préjudice matériel, sans toutefois le décrire.
98 Ces demandes sont contestées par l’EUIPO.
99 S’agissant du préjudice moral, il y a lieu de relever que, selon la requérante, il résulte non de la décision annulée, mais, d’une part, d’un manque de diligence de l’administration dans le traitement de son dossier et, d’autre part, d’une absence de volonté de régler l’affaire à l’amiable.
100 Sur la prétendue absence de volonté de régler l’affaire à l’amiable, il convient de renvoyer au point 71 ci-dessus dont il ressort que l’EUIPO pouvait mettre fin au dialogue engagé avec la requérante s’il estimait qu’il ne pouvait plus se poursuivre utilement.
101 Quant au manque de diligence de l’EUIPO dans le traitement du dossier, la demande de réparation de la requérante est irrecevable pour deux raisons.
102 En premier lieu, la requérante ne précise pas en quoi consiste le manque de diligence de l’EUIPO. Or, comme le relève celui-ci, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Par conséquent, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir, en ce sens, ordonnance du 11 mars 2021, Techniplan/Commission, T‑426/20, non publiée, EU:T:2021:129, point 19 et jurisprudence citée).
103 Pour satisfaire à ces exigences, une requête visant à la réparation de dommages prétendument causés par une institution ou une agence de l’Union doit contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement que la partie requérante reproche à l’institution, les raisons pour lesquelles elle estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu’elle prétend avoir subi ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice (arrêt du 10 novembre 2004, Vonier/Commission, T‑165/03, EU:T:2004:331, point 75).
104 En second lieu, selon une jurisprudence constante, lorsque le dommage dont la réparation est demandée résulte d’un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel, la procédure administrative doit débuter par l’introduction d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut visant à obtenir un dédommagement et se poursuivre, le cas échéant, par une réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande (voir, en ce sens, arrêt 17 décembre 2003, McAuley/Conseil, T‑324/02, EU:T:2003:346, point 91, et ordonnance du 18 octobre 2006, Staelen/Parlement, T‑32/05, non publiée, EU:T:2006:328, point 32).
105 Or, la réclamation de la requérante du 14 mars 2022 ne se réfère pas à une demande en indemnité fondée sur le prétendu retard de l’EUIPO dans l’exécution de l’arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18, non publié, EU:T:2021:5), et ne contient aucun élément dont l’EUIPO aurait pu déduire, même en s’efforçant d’interpréter la réclamation dans un esprit d’ouverture, que la requérante entendait demander une telle indemnisation.
106 Quant au préjudice matériel, il convient de relever qu’il n’est pas décrit dans la requête, de sorte que la demande qui le concerne doit être écartée comme étant irrecevable en vertu de la jurisprudence citée au point 102 ci-dessus.
107 La demande indemnitaire doit dès lors être rejetée.
Sur les dépens
108 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
109 L’EUIPO ayant succombé dans l’essentiel de son argumentation, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de celle-ci.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (dixième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 14 décembre 2021 est annulée en ce qu’elle attribue une somme de 5 000 euros à ZR en exécution de l’arrêt du 13 janvier 2021, ZR/EUIPO (T‑610/18).
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) L’EUIPO est condamné à verser à ZR une compensation financière de 10 000 euros.
4) L’EUIPO est condamné aux dépens.
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 octobre 2024.
Signatures