DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
20 novembre 2024 (*)
« Dumping – Subventions – Importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et de cellules originaires ou en provenance de Chine – Droits antidumping et compensateur définitifs – Engagement – Invalidation de factures conformes – Base juridique – Article 8, paragraphe 9, du règlement (UE) 2016/1036 – Article 13, paragraphe 9, du règlement (UE) 2016/1037 – Règlements d’exécution (UE) nos 1238/2013 et 1239/2013 – Règlements d’exécution (UE) 2017/367 et 2017/366 – Erreur manifeste d’appréciation »
Dans l’affaire T‑403/20,
Wuxi Suntech Power Co. Ltd, établie à Wuxi (Chine), représentée par Mes R. Antonini, E. Monard et B. Maniatis, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. R. Pethke et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par
Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme H. Marcos Fraile et M. B. Driessen, en qualité d’agents, assistés de Me N. Tuominen, avocate,
partie intervenante,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. J. Schwarcz (rapporteur) et W. Valasidis, juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu la phase écrite de la procédure,
vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Wuxi Suntech Power Co. Ltd, demande l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2020/444 de la Commission, du 25 mars 2020, invalidant les factures [qu’elle a] émises en violation de l’engagement annulé par le règlement d’exécution (UE) 2017/1570 (JO 2020, L 92, p. 10, ci-après le « règlement attaqué »).
Antécédents du litige
2 La requérante fabrique en République Populaire de Chine des modules photovoltaïques en silicium cristallin qu’elle exporte vers l’Union européenne.
3 Le 4 juin 2013, la Commission européenne a adopté le règlement (UE) no 513/2013, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine et modifiant le règlement (UE) no 182/2013 soumettant à enregistrement ces importations originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO 2013, L 152, p. 5).
4 Le 2 août 2013, la Commission a adopté la décision 2013/423/UE, portant acceptation d’un engagement offert dans le cadre de la procédure antidumping concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de la République Populaire de Chine (JO 2013, L 209, p. 26). L’engagement de prix (ci-après l’« engagement ») a été offert par la Chambre de commerce chinoise pour l’importation et l’exportation de machines et de produits électroniques (China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products, ci-après la « CCCME ») au nom de la requérante et de plusieurs autres producteurs-exportateurs chinois.
5 Le 2 décembre 2013, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement d’exécution (UE) no 1238/2013, instituant un droit antidumping définitif et collectant définitivement le droit antidumping provisoire institué sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO 2013, L 325, p. 1).
6 Le même jour, le Conseil a également adopté le règlement d’exécution (UE) no 1239/2013, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO 2013, L 325, p. 66).
7 L’article 3, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 1238/2013 et l’article 2, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 1239/2013 prévoient, dans les mêmes termes, que la Commission peut identifier des transactions pour lesquelles une « dette douanière naît au moment de l’acceptation de la déclaration de mise en libre pratique » dans les situations où l’acceptation de l’engagement est retirée.
8 Le 4 décembre 2013, la Commission a adopté la décision d’exécution 2013/707/UE, confirmant l’acceptation d’un engagement offert dans le cadre des procédures antidumping et antisubventions concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République Populaire de Chine pour la période d’application des mesures définitives (JO 2013, L 325, p. 214).
9 Le 10 septembre 2014, l’engagement a été modifié par la décision d’exécution 2014/657/UE de la Commission, acceptant une proposition soumise par un groupe de producteurs-exportateurs en concertation avec la CCCME en vue de l’apport d’éclaircissements concernant la mise en œuvre de l’engagement visé dans la décision d’exécution 2013/707 (JO 2014, L 270, p. 6).
10 Les droits antidumping ont été étendus par le règlement d’exécution (UE) 2017/367 de la Commission, du 1er mars 2017, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine à l’issue d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures effectué en vertu de l’article 11, paragraphe 2, du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil et clôturant l’enquête de réexamen intermédiaire partiel effectué en vertu de l’article 11, paragraphe 3, du règlement (UE) 2016/1036 (JO 2017, L 56, p. 131).
11 Les droits compensateurs ont été étendus par le règlement d’exécution (UE) 2017/366 de la Commission, du 1er mars 2017, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine à l’issue d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures effectué en vertu de l’article 18, paragraphe 2, du règlement (UE) 2016/1037 du Parlement européen et du Conseil et clôturant le réexamen intermédiaire partiel effectué en vertu de l’article 19, paragraphe 3, du règlement (UE) 2016/1037 (JO 2017, L 56, p. 1).
12 Le droit ad valorem total applicable aux importations de cellules et de modules photovoltaïques originaires de Chine fabriqués et exportés par la requérante, fixé par les règlements d’exécution no 1238/2013 et no 1239/2013 et, à l’issue des enquêtes de réexamen au titre de l’expiration des mesures, par les règlements d’exécution 2017/367 et 2017/366, est de 46,3 %, soit un droit antidumping de 41,4 % (article 1er, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 1238/2013, remplacé par l’article 1er, paragraphe 2, du règlement d’exécution 2017/367), auquel s’ajoute un droit compensateur de 4,9 % (article 1er, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 1239/2013, remplacé par l’article 1er, paragraphe 2, du règlement d’exécution 2017/366).
13 Des dispositions équivalentes à celles mentionnées au point 7 ci-dessus ont été prévues à l’issue des enquêtes de réexamen au titre de l’expiration des mesures dans les règlements d’exécution 2017/366 et 2017/367.
14 En 2017, l’engagement a été remplacé par une obligation de payer un droit égal à la différence entre le prix minimal à l’importation, variable, et le prix net franco frontière de l’Union, avant dédouanement, si ce dernier était inférieur au précédent et qui, en tout état de cause, ne dépassait pas 41,4 % pour le droit antidumping et 4,9 % pour le droit compensateur [article 1er, paragraphe 1, et article 3, paragraphe 1, du règlement d’exécution (UE) 2017/1570 de la Commission, du 15 septembre 2017, modifiant le règlement d’exécution 2017/366 et le règlement d’exécution 2017/367 instituant des droits compensateurs et antidumping définitifs sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine, et abrogeant la décision d’exécution 2013/707 (JO 2017, L 238, p. 22)]. Le règlement d’exécution 2017/1570 est entré en vigueur le 1er octobre 2017.
15 Par lettre du 12 juillet 2019, la Commission a informé la requérante qu’elle entendait invalider les factures émises par cette dernière en violation de l’engagement, et elle a communiqué les faits et les considérations essentielles sur lesquelles reposait cette démarche. Un document d’information générale a été annexé à cette lettre.
16 Dans le document d’information générale, la Commission indiquait que la requérante avait violé plusieurs obligations résultant de l’engagement en ne déclarant pas les reventes effectuées par les sociétés liées Suntech Europe France, Suntech Power Italy Co., Srl et Suntech Power Deutschland GmbH aux premiers clients non liés dans l’Union et que, partant, elle entendait, d’une part, invalider les factures conformes à l’engagement accompagnant les ventes de la requérante à ces trois sociétés, à savoir des factures émises entre le 13 mars 2014 et le 19 septembre 2014 et, d’autre part, enjoindre aux autorités douanières de recouvrer la dette douanière qui serait née si la requérante n’avait pas présenté de factures conformes valides au moment de l’acceptation de la déclaration de mise en libre pratique des marchandises.
17 Par courrier électronique du 29 juillet 2019, la requérante a formulé des observations sur le document d’information générale.
18 Le 28 août 2019, une audition s’est tenue devant les services de la Commission, à la demande de la requérante.
19 Le 16 septembre 2019, le document d’information générale a été complété par un premier document d’information spécifique complémentaire, à propos duquel la requérante a formulé des observations par courrier électronique du 26 septembre 2019.
20 Le 26 novembre 2019, la Commission a transmis à la requérante un deuxième document d’information spécifique complémentaire, à propos duquel cette dernière a présenté des observations par courrier électronique du 20 janvier 2020.
21 Le 7 février 2020, une deuxième audition a eu lieu à la demande de la requérante.
22 La Commission a confirmé ses conclusions dans le règlement attaqué, dont l’article 1er est libellé comme suit :
« 1. Les factures conformes énumérées à l’annexe sont déclarées non valides.
2. Les droits antidumping et les droits compensateurs dus au moment de l’acceptation de la déclaration douanière de mise en libre pratique en vertu de l’article 3, paragraphe 2, [sous] b), du règlement d’exécution [...] no 1238/2013, de l’article 2, paragraphe 2, [sous] b), du règlement d’exécution [...] 2017/367, de l’article 2, paragraphe 2, [sous] b), du règlement d’exécution [...] no 1239/2013 et de l’article 2, paragraphe 2, [sous] b), du règlement d’exécution [...] 2017/366 sont perçus [...] »
Conclusions des parties
23 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler le règlement attaqué ;
– condamner la Commission et le Conseil aux dépens.
24 La Commission, soutenue par le Conseil, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
25 À l’appui de son recours, la requérante soulève trois moyens.
26 Le premier moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation de l’article 8 du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement de base antidumping »), et de l’article 13 du règlement (UE) 2016/1037 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 55, ci-après le « règlement de base antisubventions »), et notamment du paragraphe 9 de ces dispositions, qu’aurait commises la Commission lorsqu’elle a considéré que la requérante avait violé les conditions de l’engagement. Le deuxième moyen est tiré de l’illégalité prétendument commise par la Commission en déclarant invalides les factures en cause et en les soumettant à la perception de droits, alors même que les pouvoirs sur lesquels elle se serait fondée auraient expiré ou auraient été abrogés. Le troisième moyen est tiré d’une violation de l’article 8, paragraphes 1, 9 et 10, et l’article 10, paragraphe 5, du règlement de base antidumping, ainsi que de l’article 13, paragraphes 1, 9 et 10, et l’article 16, paragraphe 5, du règlement de base antisubventions, en ce que la Commission a invalidé des factures conformes et a enjoint, ensuite, aux autorités douanières de percevoir les droits rétroactivement.
27 Par courrier du 7 avril 2023, la requérante a indiqué qu’elle renonçait à son troisième moyen, étant donné que celui-ci était substantiellement analogue aux questions soulevées par Jiangsu Seraphim Solar System Co. Ltd dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt du 16 mars 2023, Commission/Jiangsu Seraphim Solar System et Conseil/Jiangsu Seraphim Solar System et Commission (C‑439/20 P et C‑441/20 P, EU:C:2023:211).
Sur le premier moyen relatif à une violation des termes de l’engagement
28 La requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation des faits et violé l’article 8 du règlement de base antidumping et l’article 13 du règlement de base antisubventions, et plus particulièrement le paragraphe 9 de ces deux dispositions, en considérant, dans le règlement attaqué, qu’elle avait violé plusieurs obligations résultant de l’engagement en cessant de déclarer, à partir du 11 mars 2014, les reventes effectuées par les sociétés liées Suntech Europe France, Suntech Power Italy et Suntech Power Deutschland aux premiers clients non liés dans l’Union.
29 En effet, selon la requérante, ces trois sociétés ne lui étaient, à compter de cette date, plus liées, à la suite d’une restructuration interne dont elle aurait dûment informé la Commission en décembre 2013 et par courrier électronique du 6 janvier 2014. Dès lors, les ventes à ces sociétés seraient devenues, à compter du 11 mars 2014, des ventes directes aux premiers clients indépendants dans l’Union et la requérante n’aurait plus été tenue, dès cette date, de déclarer les reventes effectuées par ces sociétés tierces sur le fondement de l’engagement.
30 La requérante fait également valoir que, dans le règlement attaqué, la Commission aurait erronément interprété l’engagement ou dénaturé les faits de l’espèce, voire les deux, en considérant que, premièrement, la requérante aurait dû traiter Suntech Europe France, Suntech Power Italy et Suntech Power Deutschland comme des sociétés liées tant que le texte de l’engagement n’avait pas été modifié, deuxièmement, la requérante n’a pas dûment informé la Commission d’un changement des liens intragroupe, puisqu’elle ne se serait pas adressée au service compétent conformément à l’engagement, troisièmement, la requérante n’a jamais communiqué de changement des liens intragroupe, mais a demandé un changement de raison sociale et, quatrièmement, à supposer même que le changement de structure ait été communiqué, il ne l’a été que le 22 mai 2014.
31 La requérante en déduit qu’elle n’a violé ni la lettre, ni l’esprit de l’engagement et ajoute qu’en ne réagissant pas pendant près de quatre ans à la suite des échanges portant sur la modification de sa structure sociale, la Commission aurait fait naître chez elle une confiance légitime que sa communication avait été acceptée.
32 La Commission conteste les allégations de la requérante.
33 À cet égard, il convient de relever que, aux termes de la clause 2 de l’engagement, parmi les quatre éléments faisant partie du champ d’application figure l’obligation de soumettre à la Commission des rapports de ventes détaillés, afin de permettre à cette institution de contrôler le respect de l’engagement [clause 2.5].
34 À cette fin, l’annexe II de l’engagement qui, conformément à sa clause 9.6, fait partie intégrante de celui-ci contient plusieurs modèles de tableaux que les entreprises concernées doivent compléter, selon le type de rapport devant être soumis. S’agissant du rapport de type A, à savoir le rapport général, il est précisé dans cette annexe II que celui-ci doit être complété par des informations portant notamment sur les reventes (« re-sales ») dans l’Union des produits en cause. À cet égard, il ressort de la clause 1 de l’engagement qu’une « facture de revente » (« re-sale invoice ») est définie comme une facture de vente émise à l’égard du premier client indépendant dans l’Union par une société liée dans l’Union pour le produit couvert ou le produit concerné, et que les termes « société liée dans l’Union » (« related party in the Union ») se réfèrent aux sociétés listées à l’annexe XI. Il en résulte une obligation de rapporter à la Commission toutes les reventes des produits couverts et concernés effectuées par les sociétés liées, telles que mentionnées à l’annexe XI de l’engagement.
35 En l’espèce, la requérante ne conteste pas que, au moment de l’émission des factures litigieuses, à savoir entre le 13 mars 2014 et le 19 septembre 2014, l’engagement abrogé le 1er octobre 2017 constituait le cadre juridique applicable. La requérante ne conteste pas non plus que, à l’annexe XI de l’engagement ont toujours figuré, en tant que sociétés lui étant liées, les entités Suntech Europe France, Suntech Power Italy et Suntech Power Deutschland. Il s’ensuit que, aux termes de l’engagement et jusqu’à l’abrogation de celui-ci, la requérante était tenue de déclarer les reventes effectuées par Suntech Europe France, Suntech Power Italy et Suntech Power Deutschland mentionnées à l’annexe XI de celui-ci en tant que sociétés lui étant liées.
36 En outre, force est de constater que, à supposer même que la requérante ait informé la Commission en décembre 2013 et par courrier électronique du 6 janvier 2014 d’un changement imminent dans sa structure sociale, dont il devait découler que Suntech Europe France, Suntech Power Italy et Suntech Power Deutschland ne seraient plus des sociétés liées, cette communication ne pouvait avoir pour effet d’éteindre, pour la requérante à compter de la réalisation prétendue de ce changement, l’obligation de rapporter les reventes effectuées par les sociétés mentionnées comme lui étant liées à l’annexe XI de l’engagement. Il ressort en effet de la clause 5.16 de l’engagement que toute modification de la structure sociale d’une entreprise partie à l’engagement peut rendre nécessaire la modification de certains aspects de celui-ci. Il y a lieu de considérer que tant qu’une telle modification de l’engagement n’est pas intervenue, cet engagement demeure applicable en l’état.
37 Enfin, il y a également lieu de considérer que, afin d’éviter tout risque d’abus ou de fraude, la Commission, une fois dûment informée d’un changement de structure sociale d’une entreprise partie à l’engagement, doit pouvoir procéder aux vérifications nécessaires pour contrôler que ce changement a bien eu lieu et s’assurer que les sociétés qui jusqu’alors étaient liées à cette partie ne le sont effectivement plus. En l’espèce, force est tout d’abord de constater qu’il ressort du considérant 37 du règlement attaqué que la requérante n’a produit les éléments justificatifs du changement opéré dans sa structure sociale qu’en 2019, soit bien après le 19 septembre 2014, à savoir la date de la dernière facture en cause. Il y a lieu ensuite de relever que la Commission a informé la requérante, préalablement à l’adoption du règlement attaqué, qu’elle avait découvert plusieurs indices suggérant que la modification de structure sociale n’avait pas réellement eu lieu, avec pour conséquence que Suntech Europe France, Suntech Power Italy et Suntech Power Deutschland pourraient encore devoir être considérées comme des sociétés liées à la requérante. Cela illustre qu’une enquête approfondie peut s’avérer nécessaire, avec pour conséquence qu’une entreprise partie à l’engagement ne peut être autorisée à unilatéralement cesser de l’appliquer, à la suite d’un changement de circonstances factuelles non vérifié par la Commission.
38 Il en découle que la requérante n’est pas parvenue à démontrer que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation ou qu’elle aurait enfreint l’article 8 du règlement de base antidumping et l’article 13 du règlement de base antisubventions en constatant, dans le règlement attaqué, qu’elle avait violé l’engagement en cessant, de sa propre initiative, de déclarer les reventes effectuées postérieurement au 11 mars 2014 par Suntech Europe France, Suntech Power Italy et Suntech Power Deutschland.
39 Enfin, étant donné qu’il ressort de ce qui précède qu’une communication à la Commission du prétendu changement dans sa structure sociale, à supposer qu’elle ait eu lieu, ne permettait pas, en tout état de cause, à la requérante de cesser unilatéralement de respecter l’engagement tant que le texte de celui-ci n’avait pas été modifié pour en tenir compte, il n’est pas nécessaire d’examiner si la Commission a erronément interprété l’engagement ou dénaturé les faits de l’espèce en considérant que ce changement ne lui a pas été correctement communiqué avant le 22 mai 2014. Pour ce même motif, il n’est pas non plus nécessaire d’examiner si la Commission a fait naître, chez la requérante, une confiance légitime que la communication d’un changement imminent dans sa structure sociale avait été acceptée.
40 Partant, il convient de rejeter le premier moyen.
Sur le second moyen relatif à la compétence de la Commission pour adopter le règlement attaqué
41 La requérante soutient qu’il ressort de l’article 1er du règlement attaqué que la Commission a déclaré non valides les factures en cause et ordonné la perception des droits dus au moment de l’acceptation de l’engagement « en vertu des pouvoirs » conférés par l’article 3, paragraphe 2, sous b), du règlement d’exécution no 1238/2013, de l’article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement d’exécution 2017/367, de l’article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement d’exécution no 1239/2013 et de l’article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement d’exécution 2017/366. Or, les deux règlements d’exécution de 2013 ont expiré, selon elle, le 7 décembre 2015, en application de leur article 5, et ceux de 2017, le 3 septembre 2018, en application de leur article 6.
42 En outre, avant même l’expiration desdits règlements d’exécution de 2017, les dispositions en cause auraient été abrogées par l’article 1er, paragraphes 4 et 5, et l’article 3, paragraphes 3 et 4, du règlement d’exécution 2017/1570. Partant, pour invalider l’engagement et ordonner la perception des droits, la Commission se serait illégalement fondée, dans le règlement attaqué, sur des pouvoirs qui n’existaient plus et, ce faisant, aurait agi sans fondement juridique, commettant ainsi un excès de pouvoir.
43 La Commission conteste les allégations de la requérante.
44 Il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du point 118 de l’arrêt du 16 mars 2023, Commission/Jiangsu Seraphim Solar System et Conseil/Jiangsu Seraphim Solar System et Commission (C‑439/20 P et C‑441/20 P, EU:C:2023:211), le pouvoir des institutions de l’Union chargées de l’exécution des règlements de base antidumping et antisubventions d’exiger le paiement, à la suite du retrait de l’acceptation d’un engagement, des droits dus au titre des transactions couvertes par les factures conformes invalidées, comme le prévoit, en l’espèce, l’article 1er, paragraphe 2, du règlement attaqué, peut valablement se fonder sur l’article 8, paragraphe 9, du règlement de base antidumping et l’article 13, paragraphe 9, du règlement de base antisubventions. Conformément au point 119 de l’arrêt susvisé, la même conclusion s’impose par ailleurs en tant que l’article 1er, paragraphe 1, du règlement attaqué prévoie l’invalidation de ces factures conformes.
45 En l’espèce, la Commission s’est référée, au considérant 25 du règlement attaqué, aux dispositions visées au point 44 ci-dessus, en indiquant que c’est sur cette base qu’elle avait informé les parties intéressées, y compris la requérante, de son intention d’invalider les factures conformes, en donnant à celles-ci la possibilité d’être entendues et de présenter des observations. De même, ainsi qu’il ressort du considérant 19 dudit règlement, ces mêmes dispositions ont constitué avec l’article 8, paragraphe 7 et l’article 14, paragraphe 7, du règlement de base antidumping et avec l’article 13, paragraphe 7, et l’article 24, paragraphe 7, du règlement de base antisubventions le fondement sur lequel les autorités douanières d’un État membre ont soumis à la Commission des éléments de preuve portant sur la violation des engagements par la requérante. C’est également en ce même sens que doivent être compris les considérants 64 et 65 du règlement attaqué. Enfin, le considérant 57 du règlement attaqué renvoie aux droits antidumping et compensateurs définitifs institués conformément à l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base antidumping et à l’article 14, paragraphe 4, du règlement de base antisubventions.
46 Dans ces circonstances, contrairement à ce qu’indique la requérante, l’article 1er du règlement attaqué ne saurait être interprété en ce sens que la Commission entendait déclarer non valides les factures conformes en cause et percevoir les droits antidumping et les droits compensateurs dus au moment de l’acceptation de la déclaration douanière de mise en libre pratique « en vertu des pouvoirs conférés » par les dispositions rappelées au point 41 ci-dessus, lesquelles, en substance, renvoient aux dispositions de l’article 8, paragraphe 9, du règlement de base antidumping et de l’article 13, paragraphe 9, du règlement de base antisubventions ou aux dispositions correspondantes dans les règlements de base antidumping et antisubventions précédents, à savoir le règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51), et le règlement (CE) no 597/2009 du Conseil, du 11 juin 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 188, p. 93). Ainsi, les dispositions rappelées au point 41 ci-dessus se limitent à prévoir la mise en place d’un système d’émission de factures conformes, sans être pour autant attributives de compétences dans le sens évoqué par la requérante.
47 Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter comme non fondées les allégations de la requérante, selon lesquelles la Commission se serait fondée sur des pouvoirs qui avaient expiré ou qui avaient été abrogés.
48 Partant, il convient de rejeter le second moyen ainsi que le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
49 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
50 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.
51 Le Conseil supportera ses propres dépens, conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Wuxi Suntech Power Co. Ltd est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.
3) Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens.
Marcoulli | Schwarcz | Valasidis |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 novembre 2024.
Signatures