ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR

19 décembre 2024 (*)

« Pourvoi – Intervention – Article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne – Association professionnelle – Intérêt à la solution du litige – Admission »

Dans l’affaire C‑454/24 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 26 juin 2024,

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par M. D. Ceran, Mmes C. De Falco, H. Ehlers et M. K.-Ph. Wojcik, en qualité d’agents, assistés de Me H.-G. Kamann, Rechtsanwalt, et Me F. Louis, avocat,

partie requérante,

soutenu par :

Commission européenne, représentée par Mme C. Auvret et M. D. Triantafyllou, en qualité d’agents,

partie intervenante au pourvoi,

les autres parties à la procédure étant :

Dexia SA, représentée par Me H. Gilliams, advocaat, et Me J.‑M. Gollier, avocat,

partie demanderesse en première instance,

Parlement européen, représenté par Mme G. C. Bartram, MM. O. Denkov, J. Etienne, M. Menegatti et  L. Visaggio, en qualité d’agents,

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. J. Bauerschmidt, M. Chavrier, Mmes E. d’Ursel et A. Westerhof Löfflerová, en qualité d’agents,

parties intervenantes en première instance,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR,

vu la proposition de M. B. Smulders, juge rapporteur,

l’avocat général, M. D. Spielmann, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, le Conseil de résolution unique (CRU) demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022) (T‑411/22, EU:T:2024:216), par lequel celui-ci a annulé la décision du CRU, du 11 avril 2022, sur le calcul des contributions ex ante pour 2022 au Fonds de résolution unique (FRU) (SRB/ES/2022/18), en ce qu’elle concerne Dexia SA. Dans son mémoire en réponse, cette dernière conclut au rejet de ce pourvoi.

2        Par acte déposé au greffe de la Cour le 27 septembre 2024, la Fédération bancaire française a, sur le fondement de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, demandé à intervenir au soutien des conclusions de Dexia.

3        À la suite de la signification aux parties par le greffier de la Cour, conformément à l’article 131, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 190, paragraphe 1, de celui-ci, de la demande d’intervention, le CRU et le Conseil de l’Union européenne ont déposé des observations sur cette demande dans le délai imparti.

4        Le CRU s’en est remis à la sagesse de la Cour quant à la décision d’admettre ou non ladite demande et le Conseil a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler sur la même demande.

 Sur la demande d’intervention

5        En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, toute personne physique ou morale justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige soumis à la Cour, autre qu’un litige entre États membres, entre institutions de l’Union européenne ou entre ces États, d’une part, et lesdites institutions, d’autre part, est en droit d’intervenir à ce litige.

6        Selon une jurisprudence constante, la notion d’« intérêt à la solution d’un litige », au sens de cette disposition, doit se définir au regard de l’objet du litige et s’entendre comme étant un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens ou aux arguments soulevés. En effet, les termes « solution du litige » renvoient à la décision finale demandée, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt ou de l’ordonnance à intervenir (ordonnance du président de la Cour du 29 février 2024, CEPD/CRU, C‑413/23 P, EU:C:2024:199, point 8 et jurisprudence citée).

7        À cet égard, il convient, notamment, de vérifier si le demandeur en intervention est touché directement par l’acte attaqué et si son intérêt à l’issue du litige est certain. Or, en principe, un intérêt à la solution du litige d’un opérateur économique ne saurait être considéré comme suffisamment direct que dans la mesure où cette solution est de nature à modifier la position juridique du demandeur en intervention (ordonnance du président de la Cour du 26 septembre 2024, Air France-KLM et Air France/Ryanair et Malta Air, C‑192/24 P, non publiée, EU:C:2024:811, point 8 et jurisprudence citée).

8        Toutefois, il ressort également d’une jurisprudence constante qu’une association professionnelle représentative, ayant pour objet la protection des intérêts de ses membres, peut être admise à intervenir lorsque le litige soulève des questions de principe de nature à affecter lesdits intérêts. Dès lors, l’exigence tenant à ce qu’une telle association dispose d’un intérêt direct et actuel à la solution du litige doit être considérée comme remplie lorsque cette association établit qu’elle se trouve dans une telle situation, et ce indépendamment de la question de savoir si la solution du litige est de nature à modifier la position juridique de l’association en tant que telle (ordonnance du président de la Cour du 10 mars 2023, Illumina/Commission, C‑611/22 P, EU:C:2023:205, point 8 et jurisprudence citée).

9        En effet, une telle interprétation large du droit d’intervention en faveur des associations professionnelles représentatives vise à permettre de mieux apprécier le cadre dans lequel les affaires soumises au juge de l’Union se présentent tout en évitant une multiplicité d’interventions individuelles qui compromettraient l’efficacité et le bon déroulement de la procédure. Or, à la différence des personnes physiques et morales agissant pour leur propre compte, les associations professionnelles représentatives sont susceptibles de demander à intervenir dans un litige soumis à la Cour non pas pour défendre des intérêts individuels, mais pour défendre les intérêts collectifs de leurs membres. En effet, l’intervention d’une telle association offre une perspective d’ensemble de ces intérêts collectifs, affectés par une question de principe dont dépend la solution du litige, et est ainsi de nature à permettre à la Cour de mieux apprécier le cadre dans lequel une affaire lui est soumise (ordonnance du président de la Cour du 10 mars 2023, Illumina/Commission, C‑611/22 P, EU:C:2023:205, point 9 et jurisprudence citée).

10      Ainsi, une association peut être admise à intervenir dans une affaire si, premièrement, elle est représentative d’un nombre important d’entreprises actives dans le secteur concerné, si, deuxièmement, son objet comprend la protection des intérêts de ses membres, si, troisièmement, l’affaire peut soulever des questions de principe affectant le fonctionnement du secteur concerné et si donc, quatrièmement, les intérêts de ses membres peuvent être affectés dans une mesure importante par l’arrêt à intervenir (ordonnance du président de la Cour du 10 mars 2023, Illumina/Commission, C‑611/22 P, EU:C:2023:205, point 10).

11      C’est au regard de ces conditions qu’il convient d’examiner le bien-fondé de la demande d’intervention de la Fédération bancaire française.

12      En l’espèce, il convient d’observer, en premier lieu, que cette dernière est une association qui représente un nombre important d’entreprises actives dans le secteur financier français. En effet, à l’appui de sa demande d’intervention, cette association a notamment fait valoir qu’elle représente toutes les banques installées en France, y compris des filiales et des succursales de banques établies dans d’autres États membres ou dans des pays tiers, et, en particulier, les six principaux réseaux bancaires français. Or, il ressort des statuts de ladite association, reproduits en annexe à sa demande d’intervention, que les établissements centraux de cinq de ces réseaux sont membres de droit du comité exécutif de la même association.

13      En outre, la Fédération bancaire française précise qu’elle est un interlocuteur du CRU en ce qui concerne les modalités de calcul des contributions au FRU, ce qui n’a pas été contesté dans les observations écrites de cet organisme.

14      Au vu de ces éléments et eu égard au fait qu’elle regroupe tous les principaux acteurs du secteur bancaire d’un État membre, la Fédération bancaire française peut être considérée comme étant une association professionnelle représentative, au sens de la jurisprudence citée aux points 8 à 10 de la présente ordonnance (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 25 février 2021, CRU/Landesbank Baden-Württemberg, C-621/20 P, non publiée, EU:C:2021:151, points 5 à 8).

15      En deuxième lieu, les statuts de la Fédération bancaire française prévoient que celle-ci a notamment pour objet de promouvoir, dans l’intérêt de ses membres, l’activité bancaire et financière, de faire connaître les positions et les avis de la profession bancaire et financière à l’égard des pouvoirs publics dans leur acception la plus large ainsi que d’engager toute procédure judiciaire pour la protection ou la défense des intérêts de ses membres. Il s’ensuit que la Fédération bancaire française a pour objet la protection des intérêts de ses membres.

16      En troisième lieu, il y a lieu de relever que, dans la présente affaire, la Cour est susceptible de statuer sur la question de savoir si, lors du calcul des contributions individuelles ex ante au FRU pour l’année 2022, le CRU a pu légalement décider que les contributions dues par l’ensemble des établissements de crédit agréés sur le territoire de tous les États membres participants dépassaient le plafond de 12,5 % du niveau cible visé à l’article 70, paragraphe 2, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1), afin que, au terme de la période initiale visée à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 et en conformité avec cette dernière disposition, les moyens financiers disponibles de ce fonds atteignent au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements de crédit agréés dans tous les États membres participants.

17      Ainsi, cette affaire soulève une question de principe qui pourrait affecter le secteur financier français et donc européen ainsi que, en particulier, les banques parmi lesquelles figurent les membres de la Fédération bancaire française. En effet, le calcul des contributions individuelles au FRU au cours de cette période est susceptible d’affecter le fonctionnement du secteur financier français et européen.

18      En quatrième lieu, il convient d’observer qu’une partie au moins des membres de la Fédération bancaire française est soumise à l’obligation d’acquitter chaque année des contributions au FRU de sorte que la réponse à apporter à la question de principe soulevée par la présente affaire est de nature à affecter les intérêts de ces membres.

19      Au vu de ce qui précède, la Fédération bancaire française doit être regardée comme ayant établi, à suffisance de droit, qu’elle a un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions de Dexia visant au rejet du pourvoi du CRU contre l’arrêt du 10 avril 2024, Dexia/CRU (Contributions ex ante 2022) (T‑411/22, EU:T:2024:216), et, partant, qu’elle a un intérêt à la solution du litige, au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

20      Il y a lieu, dès lors, d’admettre l’intervention de la Fédération bancaire française au soutien des conclusions de Dexia.

 Sur les droits procéduraux de l’intervenante

21      La demande d’intervention étant admise, la Fédération bancaire française recevra communication, en application de l’article 131, paragraphe 3, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 190, paragraphe 1, de ce règlement, de tous les actes de procédure signifiés aux parties, en l’absence de demande de ces dernières tendant à ce que certaines pièces ou documents soient exclus de cette communication.

22      La demande d’intervention de la Fédération bancaire française ayant été présentée dans le délai d’un mois prévu à l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, cette association pourra, conformément à l’article 132, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 190, paragraphe 1, de celui-ci, présenter un mémoire en intervention dans un délai d’un mois, augmenté du délai de distance forfaitaire de dix jours prévu à l’article 51 dudit règlement, suivant la communication visée au point précédent.

23      Enfin, la Fédération bancaire française pourra présenter des observations orales si une audience de plaidoiries est organisée.

 Sur les dépens

24      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance.

25      En l’espèce, la demande d’intervention de la Fédération bancaire française étant accueillie, il y a lieu de réserver les dépens liés à son intervention.

Par ces motifs, le président de la Cour ordonne :

1)      La Fédération bancaire française est admise à intervenir dans l’affaire C454/24 P au soutien des conclusions de Dexia SA.

2)      Une copie de tous les actes de procédure sera signifiée à la Fédération bancaire française par les soins du greffier.

3)      La Fédération bancaire française dispose, à compter de la date de la signification visée au point 2 du présent dispositif, d’un délai d’un mois, augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours, pour présenter un mémoire en intervention.

4)      Les dépens liés à l’intervention de la Fédération bancaire française sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 19 décembre 2024.

Le greffier

 

Le président

A. Calot Escobar

 

K. Lenaerts


*      Langue de procédure : le français.