DOCUMENT DE TRAVAIL
ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
13 janvier 2025 (*)
« Procédure – Taxation des dépens »
Dans l’affaire T‑541/22 DEP,
Sanity Group GmbH, établie à Berlin (Allemagne), représentée par Mes B. Koch et V. Wolf, avocats,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant
AC Marca Brands, SL, établie à Alcobendas (Espagne), représentée par Mes D. Pellisé Urquiza et J.C. Quero Navarro, avocats,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
composé de Mme A. Marcoulli (rapporteure), présidente, M. W. Valasidis et Mme L. Spangsberg Grønfeldt, juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu l’arrêt du 7 juin 2023, Sanity Group/EUIPO – AC Marca Brands (Sanity Group) (T‑541/22, non publié, EU:T:2023:310),
rend la présente
Ordonnance
1 Par sa demande, fondée sur l’article 170 du règlement de procédure du Tribunal, l’intervenante, AC Marca Brands, SL, demande au Tribunal de fixer à la somme de 6 447,65 euros le montant des dépens récupérables devant être payés par la requérante, Sanity Group GmbH, au titre des frais qu’elle a exposés dans le cadre de la procédure dans l’affaire T‑541/22.
Antécédents de la contestation
2 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 septembre 2022 et enregistrée sous le numéro T‑541/22, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 22 juin 2022 (affaire R 2107/2021-1), relative à une procédure d’opposition entre elle et l’intervenante.
3 L’intervenante est intervenue dans le litige au soutien des conclusions de l’EUIPO. Elle a conclu au rejet du recours et à la condamnation de la requérante aux dépens.
4 Par un arrêt du 7 juin 2023, Sanity Group/EUIPO – AC Marca Brands (Sanity Group) (T‑541/22, non publié, EU:T:2023:310), le Tribunal a rejeté le recours et condamné la requérante aux dépens.
5 Par courriel du 21 mars 2024, l’intervenante a demandé à la requérante de lui rembourser les dépens récupérables afférents à la procédure devant le Tribunal.
6 Aucun accord n’est intervenu entre les parties sur le montant des dépens récupérables.
Conclusions des parties
7 L’intervenante demande que le Tribunal fixe le montant des dépens récupérables incombant à la requérante à 6 447,65 euros au titre de la procédure principale.
8 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter la demande pour tous les montants excédant les frais d’hébergement et de transport.
En droit
9 Aux termes de l’article 170, paragraphe 3, du règlement de procédure, s’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, après avoir mis la partie concernée par la demande en mesure de présenter ses observations.
10 Selon l’article 140, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme dépens récupérables les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat. Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et qui ont été indispensables à cette fin [voir ordonnance du 25 mars 2021, Austria Tabak/EUIPO – Mignot & De Block (AIR), T‑800/19 DEP, non publiée, EU:T:2021:174, point 9 et jurisprudence citée].
11 En l’espèce, l’intervenante demande au Tribunal de fixer le montant des dépens récupérables à 6 447,65 euros. Ce montant correspond, premièrement, à 5 775 euros au titre des honoraires d’avocat et, secondement, à 672,65 euros au titre des frais de déplacement et de séjour que l’un des avocats de l’intervenante a encourus pour assister à l’audience dans l’affaire au principal.
Sur les honoraires d’avocat
12 L’intervenante demande le remboursement de 5 775 euros au titre des honoraires d’avocat facturés dans la procédure au principal, qui correspondent, selon elle, à 21 heures de travail à un taux horaire de 275 euros.
13 Ainsi qu’il ressort du corps de la demande et du décompte annexé à celle-ci, ces heures de travail comprennent les tâches suivantes :
– analyse et conseil sur le recours introduit auprès du Tribunal par la requérante (6 heures) ;
– préparation du mémoire en réponse, y compris préparation des documents joints et traduction en anglais (8 heures) ;
– analyse du mémoire en réponse de l’EUIPO (2 heures) ;
– analyse des lettres de la requérante et de l’EUIPO sur les preuves produites par l’intervenante et sur l’audience ; préparation de la plaidoirie et du mémoire écrit (2,5 heures) ;
– audience devant le Tribunal (1 heure) ».
14 Par ailleurs, la demande et le décompte mentionnent également d’autres tâches effectuées à certaines dates, sans toutefois préciser leur volume horaire.
15 La requérante soutient que le décompte ne constitue pas une « facture », de sorte qu’il n’aurait pas été prouvé que les heures de travail en question auraient été réellement effectuées.
16 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’absence de production des factures ou d’autres documents attestant le paiement effectif des honoraires et des frais d’avocat exposés ne fait pas obstacle à la fixation par le Tribunal, sur la base d’une appréciation équitable, du montant des dépens récupérables (voir ordonnances du 29 mars 2007, First Data e.a./Commission, T‑28/02 DEP, non publiée, EU:T:2007:101, point 31 et jurisprudence citée, et du 19 décembre 2013, Marcuccio/Commission, T‑18/04 DEP, non publiée, EU:T:2013:709, point 24 et jurisprudence citée).
17 De plus, il est de jurisprudence constante que le juge de l’Union est habilité non à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils [voir ordonnance du 26 janvier 2017, Nurburgring/EUIPO – Biedermann (Nordschleife), T‑181/14 DEP, EU:T:2017:41, point 10 et jurisprudence citée].
18 Il convient également de rappeler que, à défaut de dispositions du droit de l’Union de nature tarifaire ou relatives au temps de travail nécessaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a présentés pour les parties [voir ordonnance du 26 janvier 2017, Nurburgring/EUIPO – Biedermann (Nordschleife), T‑181/14 DEP, EU:T:2017:41, point 11 et jurisprudence citée].
19 C’est en fonction de ces considérations qu’il convient d’apprécier le montant des dépens récupérables en l’espèce.
20 En premier lieu, s’agissant de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union et des difficultés de la cause, il y a lieu de relever que l’affaire au principal ne présentait pas une complexité particulière.
21 En effet, la procédure principale avait pour objet un recours formé contre une décision de l’une des chambres de recours de l’EUIPO concernant une procédure d’opposition. À l’appui de son recours, la requérante invoquait un moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), une disposition qui sanctionne les atteintes à la renommée d’une marque.
22 Dès lors, il convient de constater que l’affaire en cause relevait d’un contentieux récurrent du Tribunal et qu’elle ne présentait pas de question nouvelle ou particulièrement difficile, ni une importance particulière sous l’angle du droit de l’Union.
23 En deuxième lieu, s’agissant des intérêts économiques en jeu, il convient de relever, eu égard à l’importance des marques dans le commerce, que si l’affaire au principal présentait évidemment un intérêt économique certain pour l’intervenante, celle-ci n’a soumis au Tribunal aucun élément établissant que cet intérêt revêtait, en l’espèce, un caractère inhabituel ou significativement différent de celui qui sous-tend toute procédure dans laquelle se pose la question de l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.
24 En troisième lieu, en ce qui concerne l’ampleur du travail que la procédure a pu engendrer pour les représentants de l’intervenante, il importe de rappeler qu’il appartient au juge de l’Union de tenir principalement compte du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels les prestations effectuées ont pu être réparties [voir ordonnance du 29 novembre 2016, TrekStor/EUIPO – Scanlab (iDrive), T‑105/14 DEP, non publiée, EU:T:2016:716, point 16 et jurisprudence citée].
25 À cet égard, il y a lieu de souligner que, ainsi qu’il ressort des points 13 et 14 ci-dessus, le nombre total d’heures de travail allégué dans la demande de taxation, à savoir 21 heures, n’est pas le même que le nombre total d’heures de travail décompté dans la demande de taxation ou dans l’annexe 6 à ladite demande, à savoir 19,5 heures.
26 Si elles ne font pas obstacle à la fixation par le Tribunal, sur la base d’une appréciation équitable, du montant des dépens récupérables, ces imprécisions le placent cependant dans une situation d’appréciation nécessairement stricte en ce qui concerne les revendications du demandeur [ordonnance du 20 septembre 2017, Frucona Košice/Commission, T‑11/07 DEP, non publiée, EU:T:2017:650, point 23 et jurisprudence citée]. En effet, selon la jurisprudence, la possibilité pour le juge de l’Union d’apprécier la valeur du travail effectué par un avocat dépend de la précision des informations fournies. En particulier, il ressort de la jurisprudence qu’il est particulièrement important pour une partie demandant le remboursement des dépens, afin de démontrer la nécessité des heures de travail de ses avocats, de fournir des indications précises quant aux tâches accomplies par eux aux fins de la procédure, au nombre d’heures consacrées à chacune de ces tâches et aux taux horaires appliqués [ordonnance du 19 décembre 2022, PrenzMarien/EUIPO – Molson Coors Brewing Company (UK) (STONES), T‑766/20 DEP, non publiée, EU:T:2022:866, point 21 et jurisprudence citée].
27 En l’espèce, il convient de relever que la procédure principale a comporté une procédure écrite avec un tour de mémoires, ce qui a impliqué pour l’intervenante l’examen de la requête, la rédaction d’un mémoire en réponse, l’examen du mémoire en réponse de l’EUIPO et la communication au Tribunal, avant l’audience, d’une décision du 6 décembre 2022 d’une autorité administrative italienne et d’un jugement du 23 décembre 2022 d’une juridiction espagnole, qui concernaient d’autres procédures d’opposition et qui, à la demande du Tribunal, ont fait l’objet d’observations de la part de la requérante et de l’EUIPO.
28 Une audience a eu lieu le 23 mars 2023 à la demande de la requérante.
29 Le décompte présenté par l’intervenante à l’annexe 6 de la demande de taxation inclut la description de deux tâches qui ont été effectuées par ses représentants en mai et juin 2023, donc après l’audience, et qui ne sauraient donc faire l’objet d’aucune récupération, car, selon une jurisprudence constante, la récupération des dépens se rapportant à la période postérieure à la phase orale de la procédure lorsqu’aucun acte de procédure n’a été adopté après l’audience doit être refusée (voir, en ce sens, ordonnance du 10 avril 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑279/04 DEP, non publiée, EU:T:2014:233, point 39 et jurisprudence citée).
30 Par ailleurs, certes, le représentant de l’intervenante est intervenu au stade de la procédure devant le Tribunal et ne l’a pas représentée lors de la procédure devant l’EUIPO, ce qui implique de tenir compte du temps nécessaire à la prise de connaissance des dossiers. Toutefois, dans la mesure où le mémoire en réponse de l’intervenante tendait au rejet du recours formé à l’encontre de la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 22 juin 2022, il appartient au Tribunal de prendre en compte le fait que la tâche de son représentant a pu être facilitée dans la mesure où il a pu s’appuyer sur la décision attaquée pour répondre aux arguments de l’autre partie [ordonnance du 5 mai 2023, Laboratorios Ern/EUIPO – NORDESTA (APIAL), T‑315/21 DEP, non publiée, EU:T:2023:251, point 28 et jurisprudence citée].
31 S’agissant du taux horaire, il convient de rappeler que, en l’absence, dans l’état actuel du droit de l’Union, de barème à cet égard, ce n’est que dans l’hypothèse où le taux horaire moyen facturé apparaît manifestement excessif que le Tribunal peut s’en écarter et fixer ex æquo et bono le montant des honoraires d’avocat récupérables (voir ordonnance du 19 janvier 2021, Romańska/Frontex, T‑212/18 DEP, non publiée, EU:T:2021:30, point 39 et jurisprudence citée).
32 En l’espèce, le taux horaire de 275 euros indiqué par l’intervenante n’apparaît pas manifestement excessif.
33 Au vu de l’ensemble des caractéristiques de la présente affaire décrites ci-dessus, le Tribunal considère qu’il sera fait une juste appréciation de l’ampleur du travail ayant été indispensable aux fins de la procédure au principal en la fixant à un total de 18 heures sur la base du taux de 275 euros indiqué par l’intervenante.
34 Par conséquent, les honoraires d’avocat indispensables aux fins de la procédure au principal s’élèvent à 4 950 euros.
Sur les frais de déplacement et de séjour
35 L’intervenante sollicite la récupération des frais que l’un de ses avocats a engagés pour se déplacer et séjourner au Luxembourg afin d’assister à l’audience du 23 mars 2024. Selon elle, ils s’élèvent à un montant total de 672,65 euros.
36 Il convient de rappeler que c’est au demandeur qu’il appartient de produire des justificatifs de nature à établir la réalité et le montant des frais de déplacement et de séjour dont il demande le remboursement [ordonnance du 26 janvier 2017, Nürburgring/EUIPO – Biedermann (Nordschleife), T‑181/14 DEP, EU:T:2017:41, point 34].
37 L’intervenante a joint en annexe 7 à la demande de taxation les justificatifs suivants :
– une facture émise par un hôtel à Luxembourg pour des frais d’hébergement et de restauration s’élevant à un montant total de 356 euros ;
– un document émis par une compagnie aérienne confirmant des frais de déplacement en avion s’élevant à 240,60 euros pour un aller-retour entre Barcelone et Luxembourg ;
– des quittances émises pour divers frais de déplacement en taxi encourus la veille et le jour de l’audience, dont le montant total est de 76,05 euros.
38 Compte tenu de ces justificatifs suffisamment précis et du fait que ces frais peuvent être directement rattachés à l’audience qui s’est tenue à la demande de la requérante, il convient d’admettre la récupération du montant total réclamé par l’intervenante, à savoir 672,65 euros, au titre des frais de déplacement et de séjour relatifs à la procédure principale.
39 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables par l’intervenante en fixant leur montant à 5 622,65 euros.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
ordonne :
Le montant total des dépens à rembourser par Sanity Group GmbH à AC Marca Brands, SL, est fixé à 5 622,65 euros.
Fait à Luxembourg, le 13 janvier 2025.
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