DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

22 janvier 2025 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative NOVARESINE INNOVATION GOES GREEN – Marque de l’Union européenne verbale antérieure Novares – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Réformation »

Dans l’affaire T‑1188/23,

Rain Carbon Germany GmbH, établie à Castrop-Rauxel (Allemagne), représentée par Mes R. Fischer et T. Moll, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. T. Frydendahl, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Novaresine Srl, établie à Lazise (Italie), représentée par Mes A. Rizzoli et F. Ghini, avocats,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de Mme P. Škvařilová‑Pelzl, présidente, M. I. Nõmm et Mme G. Steinfatt (rapporteure), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Rain Carbon Germany GmbH, demande l’annulation et la réformation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 27 octobre 2023 (affaire R 2005/2022‑1) (ci-après la « décision attaquée »).

I.      Antécédents du litige

2        Le 24 janvier 2020, l’intervenante, Novaresine Srl, a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        La marque demandée désignait les produits relevant, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO le 18 novembre 2021, de la classe 1 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Résines alkydes ; résines alkydes (courtes, moyennes et longues en huile) ; résines de polyester insaturées brut ; résines saturées en polyester ».

4        Le 12 mai 2020, le prédécesseur en droit de la requérante, Rütgers Germany GmbH, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne verbale antérieure Novares, déposée le 19 décembre 1996 et enregistrée le 17 novembre 1998 sous le numéro no 444 141, désignant les produits relevant de la classe 1 et correspondant à la description suivante : « Résines synthétiques à l’état brut, notamment résines thermoplastiques hydrogénées ou mélanges de résines ».

6        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

7        À la suite de la demande formulée par l’intervenante le 9 mars 2021, l’EUIPO a invité la requérante à apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure sur laquelle l’opposition était fondée. Cette dernière a déféré à ladite demande dans le délai imparti.

8        Le 5 septembre 2022, la division d’opposition a fait droit à l’opposition pour l’ensemble des produits en cause, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, et a rejeté la demande de marque de l’Union européenne dans son intégralité. Elle a notamment estimé qu’il n’était pas nécessaire de déterminer si la marque antérieure avait acquis un degré de caractère distinctif accru en raison de l’usage qui en a été fait, étant donné qu’un risque de confusion existait déjà sur la base de son caractère distinctif intrinsèque moyen.

9        Le 14 octobre 2022, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

10      Par la décision attaquée, la chambre de recours a annulé la décision de la division d’opposition dans son intégralité au motif qu’il n’existait pas de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent sur la base du caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure et a renvoyé l’affaire devant la division d’opposition afin que celle-ci détermine si la marque antérieure a acquis un caractère distinctif accru à la suite de l’usage qui en a été fait.

II.    Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        faire droit à l’opposition et rejeter la demande d’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation d’une audience.

13      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit 

14      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et, le second, de la violation de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, de ce règlement.

A.      Sur le premier chef de conclusions, visant à l’annulation de la décision attaquée, et sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

15      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

a)      Sur la recevabilité du premier moyen

16      La requérante fonde son premier moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur le reproche que la chambre de recours serait parvenue de manière erronée à la conclusion qu’un risque de confusion ne pouvait, le cas échéant, être reconnu que sur la base du caractère distinctif accru de la marque antérieure.

17      L’EUIPO allègue que la chambre de recours n’a pas adopté de position finale sur le bien-fondé de l’opposition, mais a limité son appréciation aux raisons pour lesquelles la décision de la division d’opposition devait être annulée et a renvoyé l’affaire devant celle-ci. Ainsi, l’EUIPO estime que, à défaut d’un examen complet de l’opposition, le premier moyen n’est recevable que dans la mesure où il peut être réinterprété en ce sens que la requérante fait valoir non pas une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, mais une violation de l’article 71, paragraphe 1, dudit règlement, en reprochant à la chambre de recours, en réalité, d’avoir exercé de manière erronée son pouvoir d’appréciation en renvoyant l’affaire devant la division d’opposition. Sur le fondement de cette réinterprétation, l’EUIPO conclut au rejet du premier moyen de la requérante comme non fondé.

18      Or, premièrement, dans la requête, la requérante fait valoir, sans équivoque, une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Ceci est confirmé par le fait qu’elle ne dirige aucun de ses arguments contre l’exercice par la chambre de recours de son pouvoir d’appréciation et notamment, comme le fait observer à juste titre l’EUIPO, contre les motifs spécifiques invoqués par la chambre de recours pour renvoyer l’affaire devant la division d’opposition.

19      Deuxièmement, c’est à tort que l’EUIPO avance que le premier moyen serait, en l’absence d’une réinterprétation, irrecevable.

20      En effet, dans la décision attaquée, la chambre de recours a pris définitivement position sur la similitude des produits, sur la similitude des signes et sur le risque de confusion sur la base d’un caractère distinctif intrinsèque moyen de la marque antérieure. À cet égard, il ressort de l’article 71, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 que, lorsque la chambre de recours renvoie l’affaire à la division d’opposition, celle-ci est liée par les motifs et le dispositif de la décision de la chambre de recours pour autant que les faits en cause sont les mêmes. Partant, la requérante doit être à même de contester les conclusions de la chambre de recours, sans devoir attendre la poursuite des procédures devant la division d’opposition pour ensuite entamer les recours devant une chambre de recours, et, le cas échéant, par la suite, devant le Tribunal à l’encontre de la nouvelle décision[voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Bauer Radio/EUIPO – Weinstein (MUSIKISS), T‑421/18, EU:T:2020:433, point 45 et jurisprudence citée].

21      Il s’ensuit que l’argument de l’EUIPO selon lequel la chambre de recours n’a pas adopté de position définitive dans la décision attaquée ne saurait justifier l’irrecevabilité du présent moyen tel que soulevé par la requérante, de sorte qu’il ne nécessite pas de réinterprétation.

b)      Sur le bien-fondé du premier moyen

1)      Sur le public pertinent

22      Aux points 19 et 20 de la décision attaquée, la chambre de recours a entériné l’appréciation de la division d’opposition en constatant que le public pertinent était constitué du public professionnel composé de professionnels de l’industrie chimique, dont le niveau d’attention est élevé compte tenu du traitement prudent ou des normes de sécurité plus strictes qui sont généralement en cause. La chambre de recours a par ailleurs estimé que le territoire pertinent était celui de l’Union européenne.

23      Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces appréciations, au demeurant non contestées par la requérante.

2)      Sur la comparaison des produits en cause

24      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services désignés par les marques en conflit, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 2 juin 2021, Himmel/EUIPO – Ramirez Monfort (Hispano Suiza), T‑177/20, EU:T:2021:312, point 44 et jurisprudence citée].

25      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, au point 60 de la décision attaquée, que les produits couverts par la marque demandée et les produits visés par la marque antérieure pour lesquels l’usage sérieux a été prouvé, à savoir les « mélanges de résines thermoplastiques », présentaient à tout le moins un faible degré de similitude. Ces produits auraient la même nature, étant tous des résines thermoplastiques, et pourraient avoir une destination similaire ou identique, à savoir des composants chimiques utilisés dans la fabrication de revêtements et de vernis. Ces produits cibleraient également les mêmes consommateurs, les mêmes professionnels ou les mêmes fabricants de revêtements, entre autres produits.

26      En premier lieu, la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir conclu que les produits en cause présentaient un degré de similitude à tout le moins faible, sans trancher la question de savoir s’ils pouvaient présenter un degré de similitude plus élevé, alors même qu’elle aurait confirmé à juste titre les conclusions de la division d’opposition concernant la nature des produits en cause, leur destination et leurs consommateurs. Les produits couverts par les marques en conflit seraient identiques ou présenteraient, à tout le moins, un degré élevé de similitude.

27      En deuxième lieu, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tranché la question de savoir si les produits couverts par la marque antérieure sont des « résines d’hydrocarbures » ou s’ils relèvent de la catégorie plus générale des « mélanges de résines thermoplastiques », alors que l’identité des produits couverts par des marques en conflit peut également être avérée lorsque les produits couverts par l’une des marques relèvent d’une catégorie plus générale que celle des produits couverts par l’autre marque.

28      En troisième lieu, la requérante relève que la chambre de recours a conclu à l’usage sérieux de la marque antérieure pour les « mélanges de résines thermoplastiques », sans toutefois trancher la question de savoir s’il y a eu un usage sérieux de cette marque pour la catégorie plus générale des « résines synthétiques à l’état brut ». Étant donné que la chambre de recours a conclu que les produits en cause étaient tous des résines thermoplastiques, elle aurait d’emblée dû parvenir à la conclusion que ces produits étaient identiques, dès lors qu’aurait été apportée la preuve que la marque antérieure faisait l’objet d’un usage sérieux pour les « mélanges de résines thermoplastiques ».

29      L’intervenante estime que c’est à juste titre que la chambre de recours n’a considéré les produits en cause comme étant similaires qu’à un niveau très faible. Selon l’intervenante, les différences entre les « résines thermodurcissables » et les « résines thermoplastiques », bien connues du public pertinent, leur confèrent des propriétés et des applications différentes, de sorte que ces produits appartiennent à des familles différentes. En raison de ces différences, les résines différeraient au niveau de leur gamme d’applications et ne pourraient donc pas être interchangeables.

30      En premier lieu, si ces produits ont la même nature et s’ils peuvent avoir une destination similaire ou identique, comme l’a constaté la chambre de recours au point 59 de la décision attaquée, ils se trouvent dans un rapport de concurrence directe sur le marché. Ainsi, leur degré de similitude doit être considéré comme étant élevé [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 86]. Il s’ensuit que la chambre de recours aurait dû conclure à un degré élevé de similitude des produits en cause.

31      En second lieu, même si, à strictement parler, le degré de similitude « à tout le moins faible » retenu par la chambre de recours peut englober un degré de similitude moyen, la chambre de recours ne pouvait, en l’espèce, se limiter à constater un degré de similitude « à tout le moins faible », étant donné qu’elle a conclu à l’absence d’un risque de confusion. À cet égard, la requérante avance à bon droit que, dans l’hypothèse où les produits devaient être considérés comme identiques, cette identité aurait une incidence sur l’appréciation globale du risque de confusion.

3)      Sur la comparaison des signes en conflit

32      S’agissant de la comparaison des signes en conflit, la chambre de recours a conclu, aux points 40, 42 et 44 de la décision attaquée, que les signes présentaient un faible degré de similitude sur le plan visuel et un degré moyen de similitude sur le plan phonétique, et qu’ils n’étaient pas comparables sur le plan conceptuel.

33      Selon une jurisprudence constante, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, sont pertinents les aspects visuel, phonétique et conceptuel [voir arrêt du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 30 et jurisprudence citée].

34      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les signes en conflit, considérés chacun dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41).

i)      Sur les éléments dominants et distinctifs des signes en conflit

35      Selon une jurisprudence constante, le caractère distinctif plus ou moins élevé des éléments communs à une marque demandée et à une marque antérieure est un des éléments pertinents dans le cadre de l’appréciation de la similitude des signes. En effet, les éléments descriptifs, non distinctifs ou faiblement distinctifs d’une marque complexe ont généralement un poids moindre dans l’analyse de la similitude entre les signes que les éléments revêtus d’un caractère distinctif plus important, qui ont également une faculté plus grande à dominer l’impression d’ensemble produite par cette marque [voir arrêt du 17 janvier 2024, Ona Investigación/EUIPO – Formdiet (BIOPÔLE), T‑61/23, non publié, EU:T:2024:10, point 39 et jurisprudence citée].

36      En premier lieu, s’agissant du mot « novares » constituant la marque antérieure et de l’élément verbal « novaresine » de la marque demandée, la chambre de recours a estimé que ces termes étaient, dans leur ensemble, des termes inventés et qu’ils seraient perçus comme tels par le public professionnel pertinent. Elle a également considéré que l’élément commun initial « nova » serait distingué dans les deux marques et qu’il serait associé à la signification de « nouveau » et de « nouveauté » par le public professionnel dans l’Union. Par conséquent, cet élément présenterait tout au plus un caractère distinctif réduit et serait donc moins susceptible de donner lieu à une similitude.

37      La requérante soutient que la signification du terme « nova » n’est pas évidente, par exemple, pour le public germanophone, dont une partie importante verrait le terme comme ne revêtant aucune signification descriptive évidente. Elle reproche, à la chambre de recours de s’être référée uniquement au public de la Bulgarie, de la République tchèque, de l’Espagne, de la Croatie, de la Pologne, du Portugal, de la Slovénie et de la Slovaquie. À supposer même que la signification du terme « nova » soit connue du public pertinent, ce dernier percevrait « Novares » et « Novaresine » comme une unité conceptuelle, compte tenu du fait qu’ils sont constitués d’un seul terme et non de deux mots. Ainsi, du point de vue du public pertinent, l’élément commun « novares » des deux signes ne pourrait, en tant que tel, se voir attribuer une signification.

38      L’intervenante conteste les arguments de la requérante. Elle estime, premièrement, que la chambre de recours ne se réfère pas uniquement à certaines langues, mais les prend seulement à titre d’exemples, d’autant plus qu’elle ne mentionne pas une telle limitation du public pertinent dans ses conclusions. La chambre de recours se référerait aussi à des langues dérivées du latin telles que l’espagnol, le français et l’italien, qui seraient, quant à elles, connues par une grande partie du public de l’Union et permettraient ainsi de fonder l’appréciation de la similitude des signes sur la signification du terme « nova » dans une de ces langues. Deuxièmement, le public anglophone reconnaîtrait dans le terme « nova » le mot « novelty », dérivé du latin « novus ». Le public allemand, qui serait « l’un des plus grands connaisseurs de la langue anglaise », ferait le même rapprochement.

39      Selon une jurisprudence constante, si le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n’en demeure pas moins que, en percevant un signe verbal, il décomposera celui-ci en des éléments verbaux, qui, pour lui, ont une signification concrète ou qui ressemblent à des mots qu’il connaît [voir arrêt du 20 septembre 2017, Jordi Nogues/EUIPO – Grupo Osborne (BADTORO), T‑350/13, EU:T:2017:633, point 35 et jurisprudence citée].

40      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits et des services en cause sur ce territoire. Toutefois, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, existe dans une partie de l’Union [voir arrêt du 12 juillet 2019, Fashion Energy/EUIPO – Retail Royalty (1st AMERICAN), T‑54/18, non publié, EU:T:2019:518, point 48 et jurisprudence citée].

41      Ainsi, le constat d’un risque de confusion pour une partie non négligeable du public pertinent est suffisant pour accueillir une opposition formée contre une demande d’enregistrement [voir arrêt du 7 juin 2023, Brooks England/EUIPO – Brooks Sports (BROOKS ENGLAND), T‑63/22, non publié, EU:T:2023:312, point 76 et jurisprudence citée].

42      Partant, ce qui importe est la perception de la partie du public pertinent pour laquelle les marques en conflit présentent la plus grande similitude, à savoir, en l’espèce, celle pour laquelle le terme « nova » n’a pas de signification. En effet, pour cette partie du public pertinent, l’élément commun « nova » présente un caractère distinctif moyen et contribue ainsi à la similitude des signes en conflit.

43      La division d’opposition avait estimé opportun d’axer son analyse sur les parties du public pertinent de langue allemande ou lituanienne pour lesquelles l’élément « nova » n’a pas de signification et présente donc un caractère distinctif moyen. En revanche, la chambre de recours, après avoir effectué une analyse de la perception de la partie du public pertinent qui maîtrise le bulgare, le tchèque, l’espagnol, le croate, le polonais, le portugais, le slovène ou le slovaque, a estimé que cet élément pouvait être associé au sens de « nouveau », du fait qu’il s’agisse d’un préfixe d’origine latine, de sorte qu’il présentait tout au plus un caractère distinctif réduit. Ce faisant, elle a soit implicitement estimé, contrairement à la division d’opposition, que le public professionnel de l’industrie chimique de langue allemande ou lituanienne disposait de connaissances du latin et établirait ainsi un lien entre l’élément « nova » et le concept de nouveauté, soit omis de tenir compte de la perception de la partie du public pertinent de langue allemande ou lituanienne. En tout état de cause, la chambre de recours n’a pas tenu compte de la partie du public pertinent qui ne maîtrise aucune des langues sur lesquelles elle a fondé son analyse.

44      Par conséquent, la chambre de recours a commis une erreur de droit en limitant son analyse de la perception de l’élément « nova » à celle d’une partie du public pertinent de l’Union, dans la mesure où il s’agit de la partie du public pertinent pour laquelle les signes en conflit présentent un degré de similitude moindre que pour d’autres parties dudit public.

45      En second lieu, selon la chambre de recours, l’élément verbal visuellement accrocheur « novaresine » de la marque demandée est précédé d’un élément non négligeable au regard de sa taille et de sa position, qui est susceptible d’être perçu par une partie du public pertinent comme le groupe de lettres « nr » hautement stylisées en noir et vert, suivant les mêmes couleurs et la même représentation que les lettres « n » et « r » dans le terme « novaresine ». Cet élément figuratif et le terme « novaresine » seraient tous deux des éléments codominants sur le plan visuel du signe contesté, tandis que la séquence « innovation goes green » serait clairement secondaire dans l’impression d’ensemble produite par la marque.

46      La requérante conteste que l’élément verbal « novaresine » et l’élément figuratif sous la forme des lettres stylisées « n » et « r » soient des éléments co-dominants de la marque demandée. Les consommateurs seraient habitués à des signes constitués d’acronymes ou d’abréviations, suivis du ou des éléments verbaux auxquels ils se réfèrent. Afin que des éléments graphiques se voient attribuer un caractère dominant, l’élément figuratif devrait avoir une signification autonome pour le public en tant qu’indication d’origine, alors que la légère stylisation de la police de caractères et l’élément figuratif de la marque demandée n’auraient qu’un caractère décoratif. Enfin, la requérante rappelle que, lors de la comparaison d’une marque verbale avec une marque figurative comportant des éléments verbaux, l’élément distinctif de la marque figurative est généralement l’élément verbal.

47      L’intervenante conteste les arguments de la requérante. Il ne serait pas erroné de définir l’élément figuratif se présentant au début de la marque demandée comme un élément co‑dominant. Cette appréciation de la chambre de recours serait conforme à la pratique de l’EUIPO ressortant de ses directives, selon lesquelles un élément « visuellement frappant » est dominant et le caractère dominant d’un composant d’un signe est principalement déterminé par sa position, sa taille, sa dimension ou l’utilisation de couleurs.

48      Quant à l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêts du 23 octobre 2002, MATRATZEN, T‑6/01, EU:T:2002:261, point 35, et du 15 février 2023, Topcart/EUIPO – Carl International (TC CARL), T‑8/22, non publié, EU:T:2023:70, point 38].

49      En l’espèce, l’élément figuratif précédant l’élément verbal « novaresine » sous la forme des lettres stylisées « n » et « r » n’a qu’une importance réduite étant donné qu’il est évident dès le premier regard qu’il se réfère à l’élément verbal en reprenant deux lettres de celui-ci. Comme la requérante le relève à juste titre, les consommateurs sont habitués à des signes constitués d’acronymes ou d’abréviations, suivis du ou des éléments verbaux auxquels ils se réfèrent. Le fait que les lettres stylisées « n » et « r » reprennent à l’identique la police de caractère et la couleur utilisées pour leur contrepartie respective contenue dans l’élément verbal rend cette référence encore plus flagrante. Ainsi, l’élément verbal « novaresine » et le groupe de lettres « nr » sont destinés à s’expliciter réciproquement et à souligner le lien existant entre eux (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2012, Strigl et Securvita, C‑90/11 et C‑91/11, EU:C:2012:147, point 32).

50      En outre, c’est à tort que la chambre de recours a considéré que l’élément figuratif de la marque demandée était « hautement » stylisé. Les lettres « n » et « r » sont certes représentées dans une police d’écriture très puriste qui ne correspond pas un style de police standard, mais les lettres restent toutefois clairement reconnaissables.

51      L’élément figuratif n’est pas non plus visuellement accrocheur en raison de sa taille. En effet, il est seulement légèrement plus haut que l’élément verbal « novaresine » qu’il accompagne.

52      Il s’ensuit que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en estimant que le groupe de lettres stylisées « nr » précédant l’élément verbal « novaresine » constituait un élément aussi dominant que l’élément verbal de la marque demandée.

53      Eu égard à ce qui précède, il convient donc de considérer, d’abord, que, pour une partie du public pertinent, l’élément verbal commun « nova » n’a pas de signification et présente donc un caractère distinctif moyen. Pour une autre partie dudit public, cet élément sera associé, comme l’a constaté la chambre de recours, à la signification de « nouveau » ou de « nouveauté », de sorte qu’il présentera un caractère distinctif faible. Ensuite, le groupe de lettres stylisées « nr » de la marque demandée ne présente qu’une importance réduite par rapport à l’élément verbal « novaresine » qui est l’élément dominant de ladite marque. Enfin, la séquence « innovation goes green » figurant dans la marque demandée exerce, à l’instar de ce que la chambre de recours a mentionné, seulement un rôle secondaire dans l’impression d’ensemble produite par cette marque, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par la requérante.

ii)    Sur la similitude visuelle

54      Contrairement à la division d’opposition, la chambre de recours a considéré, au point 40 de la décision attaquée, que les signes en conflit ne présentaient qu’un faible degré de similitude visuelle. Les marques différeraient par le nombre de lettres et par leur structure, la marque antérieure étant une marque verbale de sept lettres, alors que la marque demandée serait une marque figurative composée de plusieurs éléments, qui, compte tenu de leur importance visuelle, ajouteraient une distance supplémentaire entre les marques, indépendamment de leur caractère distinctif intrinsèque.

55      La requérante estime que les signes sont très similaires sur le plan visuel. La marque demandée reproduirait intégralement la marque antérieure, à savoir le terme « novares ». Les signes coïncideraient dans les sept premières lettres et ne diffèreraient que par l’ajout du groupe de lettres « ine » dans la marque demandée. Le début d’un signe aurait généralement un impact significatif sur l’impression générale créée par la marque. De plus, « novares » pourrait être perçu comme une forme abrégée de « novaresine ».

56      Selon l’intervenante, la marque demandée et la marque antérieure ne sont pas similaires. Le mot « novares » ne serait pas contenu dans la marque demandée en tant qu’élément autonome et indépendant. Le fait qu’un élément verbal ne soit reconnu que grâce à l’autre marque ne serait pas pertinent, étant donné que le consommateur n’a normalement pas la possibilité de comparer les signes côte à côte. La marque demandée serait perçue comme étant composée de deux mots – « nova » et « resine » – et le consommateur ne verrait donc pas la marque NOVARES reproduite dans sa partie initiale.

57      Selon une jurisprudence constante, lorsqu’une marque figurative comportant des éléments verbaux est comparée sur le plan visuel à une marque verbale, les marques sont jugées similaires sur le plan visuel si elles ont en commun un nombre significatif de lettres dans la même position et si l’élément verbal du signe figuratif n’est pas hautement stylisé, nonobstant la représentation graphique des lettres dans des polices de caractères différentes, en italiques ou en caractères gras, en minuscules ou en majuscules, ou encore en couleur [voir arrêt du 11 octobre 2023, Dr. Rudolf Liebe Nachfolger/EUIPO – Bit Beauty (ayuna LESS IS BEAUTY), T‑490/22, non publié, EU:T:2023:616, point 51 et jurisprudence citée].

58      En l’espèce, les signes en conflit ont en commun sept lettres de suite dans la même position et l’élément dominant de la marque demandée n’est que légèrement stylisé. Par ailleurs, la marque antérieure est entièrement incluse dans l’élément dominant de la marque demandée, ce qui renforce la similitude des signes. À cet égard, c’est à juste titre que la requérante avance que le terme « novares » pourrait être perçu comme une forme abrégée de « novaresine ».

59      Il s’ensuit que c’est à tort que la chambre de recours a conclu que les signes en conflit présentaient un faible degré de similitude visuelle. En effet, pour la partie du public pertinent qui distinguera l’élément commun « nova » dans les deux marques et l’associera à la signification de « nouveau » et de « nouveauté », il existe certes une similitude faible sur le plan visuel étant donné que, pour cette partie du public pertinent, l’élément commun « nova » ne présente qu’un caractère distinctif faible. Toutefois, pour la partie du public pertinent pour lequel « nova » n’a pas de signification et présente un caractère distinctif moyen, la similitude visuelle est moyenne.

iii) Sur la similitude phonétique

60      S’agissant de la comparaison phonétique, la chambre de recours a estimé que les marques présentaient un degré moyen de similitude, puisque les signes coïncidaient par le son des syllabes « no », « va » et « re(s) », tandis qu’ils différaient par la prononciation des syllabes supplémentaires « si » et « ne » de la marque demandée. La coïncidence initiale par le son « no » et « va » ne produirait pas d’impression phonétique durable en raison de son caractère distinctif tout au plus réduit.

61      La requérante fait grief à la chambre de recours de ne pas avoir conclu à un degré élevé de similitude phonétique pour les raisons exposées au point 55 ci-dessus.

62      L’intervenante conteste les arguments de la requérante. Premièrement, bien que le début des signes soit identique, le mot « novaresine » serait plus probablement prononcé en deux mots, le premier « no-va » étant composé de deux syllabes, tandis que le deuxième « re-si-ne » est composé de trois syllabes. Le mot « novares » serait prononcé comme un mot de trois syllabes. Deuxièmement, d’autres aspects renforceraient les différences sur le plan phonétique tels que la dernière lettre « s » de « novares », le nombre et les sons différents des voyelles, la rupture entre « nova » et « resine » dans la marque demandée, qui serait susceptible d’être audible, ainsi que les différences concernant les placements des voyelles. Les voyelles domineraient d’autant plus l’impression phonétique globale d’un mot qu’elles seraient plus audibles qu’une consonne. Troisièmement, l’élément verbal « innovation goes green » contribuerait davantage à l’impression sonore différente des signes.

63      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’élément « nova » ne présente un caractère distinctif faible que pour la partie du public pertinent pour laquelle le terme « nova » a une signification. Ainsi, la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en considérant que l’identité des deux premières syllabes n’a qu’une pertinence réduite pour l’impression globale des signes en conflit pour tout le public pertinent.

64      Comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours, la séquence « innovation goes green » ne sera pas prononcée, étant donné que, selon la jurisprudence, un consommateur aura tendance à ne pas prononcer les éléments verbaux secondaires dans les signes en conflit par simple économie de langage, notamment si ceux-ci sont assez longs à prononcer et aisément séparables lors de la prononciation de la marque [voir arrêt du 20 octobre 2021, Yadex International/EUIPO – Sütas Süt Ürünleri (PINAR Tam kivaminda Süzme Peynir Yumusacik ve Leziz), T‑560/20, non publié, EU:T:2021:714, point 76 et jurisprudence citée]. Dès lors, il y a lieu de tenir compte uniquement des éléments « novares » et « novaresine » pour la comparaison sur le plan phonétique. Or, les trois premières des cinq syllabes composant l’élément verbal dominant de la marque demandée sont identiques ou presque identiques aux trois syllabes composant la marque antérieure, cette dernière étant entièrement incluse dans la marque demandée.

65      Il découle de ce qui précède que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que les marques en conflit n’étaient similaires sur le plan phonétique qu’à un degré moyen. En effet, pour la partie du public pertinent pour laquelle l’élément commun « nova » n’a pas de signification, il existe un degré élevé de similitude sur le plan phonétique.

iv)    Sur la similitude conceptuelle

66      S’agissant de la similitude conceptuelle, la chambre de recours a considéré, premièrement, que, l’élément commun « nova » pouvant avoir une signification, à tout le moins pour une partie du public pertinent, il existait un lien sémantique entre les marques en conflit. Cette référence commune au concept de nouveauté serait toutefois en soi peu susceptible de créer un degré pertinent de similitude entre les signes, compte tenu du caractère distinctif tout au plus réduit de cet élément. Selon la chambre de recours, hormis la référence au concept de « nouveauté », les signes en conflit ne sont pas comparables sur le plan conceptuel. Deuxièmement, selon la chambre de recours, cette conclusion ne saurait être modifiée par l’hypothèse formulée par la division d’opposition selon laquelle une partie du public distinguera le terme « resine » à la fin de la marque antérieure puisque cela ne serait pas de nature à introduire une quelconque importance conceptuelle en raison de son caractère descriptif des produits eux-mêmes. Ainsi, la comparaison sur le plan conceptuel resterait neutre.

67      La requérante estime que, puisque la chambre de recours a considéré que le public pertinent percevrait le terme « nova » comme une référence au terme « novelty », sa conclusion selon laquelle cette référence ne donnerait pas lieu à un degré pertinent de similitude entre les signes sur le plan conceptuel reste peu plausible. Ainsi, il conviendrait de considérer soit que les termes « novares » et « novaresine » sont fantaisistes et donc neutres sur le plan conceptuel, soit qu’il existe un degré élevé de similitude des signes sur le plan conceptuel en raison de l’identité des significations.

68      L’intervenante conteste les arguments de la requérante. À l’instar de la chambre de recours, l’intervenante relève que le concept commun véhiculé par les marques ne saurait se voir accorder beaucoup d’importance dans l’appréciation globale du risque de confusion en raison de son caractère distinctif tout au plus faible. Il en serait de même s’agissant de l’élément « res » inclus dans la marque antérieure ainsi que de l’élément « resine » figurant dans la marque demandée, étant donné que, du point de vue du public pertinent composé de professionnels dont le niveau d’attention est élevé, ces termes évoquent simplement les produits relevant de la classe 1 visés par les marques.

69      D’abord, l’élément « resine » peut, dans certaines langues, comme le français, représenter une allusion aux produits couverts par les marques en conflit. Toutefois, ce même concept n’est pas présent dans le seul élément « res ».

70      Ensuite, ainsi que l’a constaté à juste titre la chambre de recours, les termes « novares » et « novaresine » seront perçus comme étant des termes inventés.

71      Toutefois, pour la partie du public pertinent qui comprend l’élément « nova » comme faisant référence au concept de nouveauté, il existe une similitude sur le plan conceptuel. Étant donné que, pour cette partie du public pertinent, l’élément commun « nova » ne présente qu’un caractère distinctif faible, la similitude conceptuelle qui en résulte est également faible.

72      En revanche, pour la partie du public pertinent qui ne perçoit pas de signification dans l’élément commun « nova », les signes en conflit ne véhiculent pas de concept, de sorte que la comparaison sur le plan conceptuel reste neutre.

73      Partant, la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en estimant que la comparaison sur le plan conceptuel restait neutre même pour la partie pertinente qui attribue une signification à l’élément commun « nova ». En effet, pour cette partie dudit public, il existe une similitude faible sur le plan conceptuel.

4)      Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

74      À l’instar de la division d’opposition qui, pour des raisons d’économie de la procédure, n’a pas examiné le caractère distinctif accru en raison d’un usage intensif de la marque antérieure, la chambre de recours s’est fondée, aux points 61, 62 et 67 de la décision attaquée, sur le caractère distinctif intrinsèque « normal » de la marque antérieure, ce qui doit être compris, selon la jurisprudence, comme correspondant à un degré moyen de caractère distinctif [voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2024, Enterprise Holdings/EUIPO – Qommute (COMMUTE WITH ENTERPRISE), T‑499/23, non publié, EU:T:2024:350, point 58 et jurisprudence citée].

75      Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette appréciation du caractère distinctif intrinsèque, qui n’est, au demeurant, pas contestée par la requérante.

5)      Sur l’appréciation globale du risque de confusion

76      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

77      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

78      L’appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, et notamment la similitude des marques et celle des produits ou services couverts. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services couverts peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (voir arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 19 et jurisprudence citée).

79      Aux points 68 et 69 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu qu’il n’existait pas de risque de confusion ni de risque d’association dans l’esprit du public professionnel pertinent faisant preuve d’un niveau d’attention élevé, sur la base du caractère distinctif intrinsèque moyen de la marque antérieure, compte tenu des facteurs pertinents et de leur interdépendance.

80      La requérante soulève, en premier lieu, une incohérence dans la motivation de la décision attaquée, puisque l’appréciation globale du risque de confusion effectuée par la chambre de recours serait fondée sur la prémisse que les signes présentent globalement un degré moyen de similitude sur le plan visuel et un degré élevé de similitude sur le plan phonétique, alors même qu’elle a conclu, lors de la comparaison des marques, à un faible degré de similitude sur le plan visuel et à un degré moyen de similitude sur le plan phonétique.

81      La requérante estime, en deuxième lieu, que la chambre de recours n’a pas analysé correctement le degré de similitude des produits, qui aurait dû être considéré comme étant à tout le moins élevé. La requérante fait notamment grief à la chambre de recours de ne pas avoir statué sur le degré de similitude des produits en cause bien que ce dernier ait pu avoir une incidence sur l’appréciation globale du risque de confusion.

82      En troisième lieu, le degré d’attention élevé du public ne permettrait pas automatiquement de conclure à l’absence de risque de confusion, même en présence d’un caractère distinctif faible de la marque antérieure. La chambre de recours aurait accordé trop d’importance au degré d’attention du public, alors qu’il ne s’agirait que de l’un des facteurs interdépendants et que tous les autres facteurs étayeraient l’existence d’un risque élevé de confusion. La requérante relève que les similitudes visuelles et phonétiques entre les deux signes seraient bien plus importantes que les différences. Ces différences ne seraient pas suffisantes pour que les signes soient distingués avec certitude lorsque le consommateur les perçoit sur des produits identiques ou très similaires. Le fait que le public pertinent accorde davantage d’attention aux produits en cause ne signifierait pas qu’il examinera minutieusement les marques qui lui sont présentées jusqu’au moindre détail.

83      Ainsi, ce serait à tort que la chambre de recours a conclu qu’un risque de confusion ne pourrait être établi que sur la base d’un caractère distinctif accru de la marque antérieure.

84      L’intervenante conteste les arguments de la requérante. Elle soutient que, malgré la contradiction, soulevée par la requérante, entre le degré de similitude des signes auquel la chambre de recours a conclu lors de la comparaison des signes et celui sur lequel elle s’est fondée lors de l’appréciation globale, la conclusion à laquelle la chambre de recours est parvenue à l’issue de cette comparaison serait correcte, les signes présentant un faible degré de similitude sur le plan visuel et un degré moyen de similitude sur le plan phonétique.

85      La chambre de recours aurait également constaté à bon droit que, d’un point de vue conceptuel, l’élément commun « nova », dont le caractère distinctif serait faible, n’aurait que peu d’importance dans la comparaison des signes en conflit.

86      L’intervenante estime, par ailleurs, que la chambre de recours a clairement indiqué que les produits étaient similaires à tout le moins à un faible degré et aurait ainsi statué sur la similitude des produits.

87      Enfin, la chambre de recours n’aurait pas automatiquement exclu le risque de confusion sur la seule base du degré d’attention élevé du public pertinent ou sur la base d’un seul élément, mais aurait exclu ce risque sur la base d’une analyse détaillée de tous les facteurs devant être pris en compte dans l’appréciation globale.

88      Au point 66 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que les signes en conflit avaient été considérés globalement similaires à un degré moyen sur le plan visuel et similaires à un degré élevé sur le plan phonétique, tandis que le concept commun qu’ils véhiculent ne saurait se voir accorder beaucoup d’importance dans l’appréciation globale en raison de son caractère distinctif tout au plus faible et que le degré de similitude des produits serait à tout le moins faible. Au point 67 de la décision attaquée, la chambre de recours en a tiré la conclusion que les différences entre les signes permettraient aux consommateurs pertinents faisant preuve d’un niveau d’attention élevé de distinguer avec certitude les marques en conflit.

89      En premier lieu, c’est à juste titre que la requérante souligne la contradiction entre, d’une part, les degrés de similitude déterminés aux points 40 et 42 de la décision attaquée et, d’autre part, ceux que la chambre de recours a repris au point 66 de ladite décision. En effet, au point 40 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que les marques présentaient un faible degré de similitude sur le plan visuel. Au point 42 de la décision attaquée, elle a constaté un degré moyen de similitude sur le plan phonétique. En revanche, au point 66 de la décision attaquée, elle a estimé que les signes avaient été considérés globalement similaires à un degré moyen sur le plan visuel et à un degré élevé sur le plan phonétique.

90      Cette incohérence ne peut pas s’expliquer, contrairement à ce qu’allègue l’EUIPO, par une simple erreur de plume qui se serait glissée dans le point 66 de la décision attaquée. En effet, le résumé des éléments à prendre en compte dans l’appréciation du risque de confusion au début de la section consacrée à ce risque a précisément pour objectif de rendre très clair les degrés de similitude mis en balance dans le cadre de l’application du principe d’interdépendance. Ainsi, il y a lieu de partir du principe que la chambre de recours a pris en compte les degrés de similitude mentionnés au point 66 de la décision attaquée dans le contexte de son appréciation globale du risque de confusion.

91      En second lieu, au vu de la jurisprudence citée au point 78 ci‑dessus, la requérante critique à bon droit le fait que la chambre de recours n’ait pas déterminé avec plus de précision le degré de similitude des produits couverts par les marques en conflit. En effet, étant donné que la chambre de recours a conclu à l’absence de risque de confusion tout en retenant un degré de similitude moyen sur le plan visuel et élevé sur le plan phonétique, il ne lui suffisait pas de constater que les produits étaient similaires « à tout le moins à un faible degré », mais il lui fallait déterminer le degré de similitude de ces produits avec précision. Même si la décision attaquée devrait être comprise en ce sens que la chambre de recours a retenu un degré de similitude faible sur le plan visuel et moyen sur le plan phonétique, ce qui n’est pas du tout évident en raison de la contradiction flagrante entre ses points 40 et 42, d’une part, et son point 66, d’autre part, le résultat de son appréciation de l’existence d’un risque de confusion pourrait, en raison du principe d’interdépendance, très bien être différent si les produits sont jugés similaires à un degré moyen ou élevé au lieu d’un degré faible.

92      Partant, la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en concluant, dans le cadre de son appréciation globale, à l’absence d’un risque de confusion sans déterminer avec plus de précision le degré de similitude des produits en cause.

93      En effet, pour la partie du public pertinent qui distinguera l’élément commun initial « nova » dans les deux marques et l’associera à la signification de « nouveau » et de « nouveauté », la similitude visuelle est faible, la similitude phonétique moyenne et la similitude conceptuelle faible. Au vu du caractère distinctif intrinsèque moyen de la marque antérieure et la similitude élevée des produits, même un niveau d’attention élevé du public pertinent ne peut exclure un risque de confusion.

94      Pour la partie du public pertinent pour lequel « nova » n’a pas de signification, la similitude visuelle est moyenne et la similitude phonétique élevée, mais la comparaison conceptuelle reste neutre. Or, au vu du caractère distinctif intrinsèque moyen de la marque antérieure et la similitude élevée des produits, il ne peut être exclu que le public pertinent, malgré son niveau d’attention élevé, puisse croire que les produits en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement.

95      Il s’ensuit qu’il existe un risque de confusion, tant pour la partie du public pertinent pour laquelle le terme « nova » a une signification que pour celle pour laquelle il n’en a pas.

96      Par conséquent, il y a lieu d’accueillir le premier moyen et, partant, le premier chef de conclusions, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001.

B.      Sur le deuxième chef de conclusions

97      Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal de faire droit à l’opposition formée à l’encontre de tous les produits désignés dans la demande de marque de l’Union européenne en cause et de rejeter la demande d’enregistrement de la marque demandée dans son intégralité.

98      L’EUIPO estime que ce chef de conclusions est dénué de fondement.

99      Dans la mesure où le deuxième chef de conclusions tend à ce qu’il soit fait droit à l’opposition et au rejet de la demande d’enregistrement de la marque demandée, la requérante demande au Tribunal, en substance, d’adopter la décision que, selon elle, l’EUIPO aurait dû prendre, à savoir une décision constatant que les conditions pour faire droit à l’opposition qu’elle a formée sont remplies. Par conséquent, la requérante demande au Tribunal d’exercer son pouvoir de réformation, tel qu’il est prévu à l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 [arrêt du 20 septembre 2018, Kwizda Holding/EUIPO – Dermapharm (UROAKUT), T‑266/17, EU:T:2018:569, point 84].

100    À cet égard, il convient de rappeler que, si le pouvoir de réformation reconnu au Tribunal n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de substituer sa propre appréciation à celle de la chambre de recours et, pas davantage, de procéder à une appréciation sur laquelle ladite chambre n’a pas encore pris position, il doit être exercé dans les situations où le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72).

101    En l’espèce, les conditions pour l’exercice du pouvoir de réformation du Tribunal sont réunies. En effet, la chambre de recours a pris position, dans la décision attaquée, sur le risque de confusion dans l’esprit du public pertinent sur la base d’un caractère distinctif intrinsèque moyen de la marque antérieure, de sorte que le Tribunal dispose du pouvoir de réformer ladite décision sur cette base.

102    Or, ainsi qu’il ressort du point 95 ci-dessus, la chambre de recours était tenue de considérer, à l’instar de la division d’opposition, que, même sur la base d’un caractère distinctif intrinsèque moyen de la marque antérieure, il existe un risque de confusion.

103    Dans ces conditions, il y a lieu, par réformation de la décision attaquée, de rejeter le recours formé auprès de la chambre de recours par l’intervenante contre la décision prise le 5 septembre 2022 par la division d’opposition, par laquelle cette dernière a fait droit à l’opposition pour l’ensemble des produits en cause et a rejeté la demande de marque de l’intervenante.

C.      Sur les dépens

104    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

105    L’EUIPO et l’intervenante ayant succombé, il y a lieu, d’une part, de condamner l’EUIPO à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière, et, d’autre part, de décider que l’intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 27 octobre 2023 (affaire R 2005/20221) est réformée dans le sens que le recours formé auprès de l’EUIPO par Novaresine Srl contre la décision de la division d’opposition du 5 septembre 2022 concernant l’opposition no B 3 119 195 est rejeté.

2)      L’EUIPO supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Rain Carbon Germany GmbH.

3)      Novaresine Srl supportera ses propres dépens.

Škvařilová-Pelzl

Nõmm

Steinfatt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 janvier 2025.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.