ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

26 février 2025 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, et article 94 du règlement de procédure de la Cour – Exigence de présentation du contexte factuel du litige au principal et des raisons justifiant la nécessité d’une interprétation de certaines dispositions du droit de l’Union par la Cour – Absence de précisions suffisantes – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire C‑748/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Giudice di pace di Arcidosso (juge de paix d’Arcidosso, Italie), par décision du 25 novembre 2022, parvenue à la Cour le 8 décembre 2022, dans la procédure

E.B.

contre

Presidenza del Consiglio dei Ministri,

Ministero della Giustizia,

Ministero dell’Economia e delle Finanze,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. N. Jääskinen, président de chambre, M. A. Arabadjiev (rapporteur) et Mme R. Frendo, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 288 TFUE, des articles 17, 31, 34 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9), de la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel, conclu le 6 juin 1997 (ci-après l’« accord-cadre sur le travail à temps partiel »), qui figure à l’annexe de la directive 97/81/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES (JO 1998, L 14, p. 9), ainsi que de la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’« accord-cadre sur le travail à durée déterminée »), qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO 1999, L 175, p. 43).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant E.B., procureure honoraire adjointe, à la Presidenza del Consiglio dei Ministri (présidence du Conseil des ministres, Italie), au Ministero della Giustizia (ministère de la Justice, Italie) et au Ministero dell’Economia e delle Finanze (ministère de l’Économie et des Finances, Italie) au sujet de la demande de E.B. visant à obtenir le versement de sommes qui lui seraient dues au titre de l’exercice de ses fonctions de magistrate honoraire.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le règlement de procédure de la Cour

3        L’article 94 du règlement de procédure de la Cour dispose :

« Outre le texte des questions posées à la Cour à titre préjudiciel, la demande de décision préjudicielle contient :

a)      un exposé sommaire de l’objet du litige ainsi que des faits pertinents, tels qu’ils ont été constatés par la juridiction de renvoi ou, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées ;

b)      la teneur des dispositions nationales susceptibles de s’appliquer en l’espèce et, le cas échéant, la jurisprudence nationale pertinente ;

c)      l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal. »

 L’accord-cadre sur le travail à temps partiel

4        La clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel, intitulée « Principe de non-discrimination », dispose, à son point 1 :

« Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à temps partiel ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à temps plein comparables au seul motif qu’ils travaillent à temps partiel, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives. »

 L’accord-cadre sur le travail à durée déterminée

5        La clause 2 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, intitulée « Champ d’application », prévoit, à son point 1 :

« Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre. »

6        La clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, intitulée « Principe de non-discrimination », énonce, à son point 1 :

« Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives. »

 La directive 2003/88

7        L’article 7 de la directive 2003/88, intitulé « Congé annuel », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales. »

 Le droit italien

8        L’article 29, paragraphes 1 à 3 et 5, du decreto legislativo n. 116 – Riforma organica della magistratura onoraria e altre disposizioni sui giudici di pace, nonché disciplina transitoria relativa ai magistrati onorari in servizio, a norma della legge 28 aprile 2016, n. 57 (décret législatif no 116, portant réforme organique de la magistrature honoraire et d’autres dispositions relatives aux juges de paix, ainsi que régime transitoire applicable aux magistrats honoraires en service, en exécution de la loi no 57, du 28 avril 2016), du 13 juillet 2017 (GURI no 177, du 31 juillet 2017, p. 1), tel que modifié par l’article 1er, paragraphe 629, de la legge n. 234 – Bilancio di previsione dello Stato per l’anno finanziario 2022 e bilancio pluriennale per il triennio 2022-2024 (loi no 234, portant bilan prévisionnel de l’État pour l’année budgétaire 2022 et bilan pluriannuel 2022-2024), du 30 décembre 2021 (GURI no 310, du 31 décembre 2021, p. 1) (ci-après le « décret législatif no 116/2017 »), dispose :

« 1.      Les magistrats honoraires en fonction à la date de l’entrée en vigueur du présent décret peuvent être confirmés sur demande jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de 70 ans.

2.      Les magistrats honoraires en fonction à la date de l’entrée en vigueur du présent décret qui n’obtiennent pas leur confirmation, tant parce qu’ils n’ont pas présenté la demande que parce qu’ils n’ont pas passé avec succès la procédure d’évaluation prévue au paragraphe 3, ont droit, sans préjudice de la faculté de refuser, à une indemnité égale, respectivement, à 2 500 euros bruts de déductions fiscales, pour chaque année de service au cours de laquelle le magistrat a participé à des audiences pendant au moins 80 jours, et à 1 500 euros bruts de déductions fiscales, pour chaque année de service au cours de laquelle le magistrat a participé à des audiences pendant moins de 80 jours, et en tout cas dans la limite globale par personne de 50 000 euros, bruts de déductions fiscales. Pour le calcul de l’indemnité prévue à la phrase précédente, les périodes de service supérieures à six mois sont assimilées à une année. Le fait de recevoir l’indemnité entraîne la renonciation à toute autre prétention de quelque nature que ce soit découlant de la cessation des fonctions de magistrat honoraire.

3.      Aux fins de la confirmation visée au paragraphe 1, le Conseil supérieur de la magistrature procède par décision à l’organisation de trois procédures d’évaluation distinctes qui se tiendront annuellement au cours de la période triennale 2022‑2024. Elles concernent les magistrats honoraires en fonction qui, respectivement, à la date de l’entrée en vigueur du présent décret, ont accompli :

a)      plus de 16 ans de service ;

b)      entre 12 et 16 ans de service ;

c)      moins de 12 ans de service.

[...]

5.      La demande de participation aux procédures d’évaluation visées au paragraphe 3 implique la renonciation à toute autre prétention, de quelque nature que ce soit, découlant des fonctions de magistrat honoraire exercées antérieurement, sans préjudice du droit à l’indemnité visée au paragraphe 2 en cas de non-confirmation. »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

9        E.B. est une magistrate honoraire exerçant, depuis le 2 août 2001, la fonction de procureur honoraire adjoint. Il ressort de la décision de renvoi que la fonction de E.B. est comparable à celle d’un magistrat ordinaire exerçant l’activité de procureur, et que E.B. a le même statut juridique et bénéficie du même traitement économique que ceux dont bénéficient les juges honoraires de paix. À compter de son entrée en service, cette magistrate a été renouvelée à plusieurs reprises dans ses fonctions, en dernier lieu par décision du Conseil supérieur de la magistrature du 2 décembre 2020.

10      Depuis le 2 août 2001, E.B. a participé, notamment, à trois audiences pénales, lesquelles font l’objet du litige au principal, en tant que représentante du ministère public, pour lesquelles elle a perçu une indemnité d’un montant de 98 euros par audience, sur lequel des déductions fiscales ont été effectuées. Il ressort de la décision de renvoi qu’aucune cotisation de sécurité sociale ou de prévoyance n’a été versée pour le compte de E.B., la privant de toute protection sociale. En revanche, la rémunération journalière brute d’un magistrat ordinaire, exerçant ses fonctions à durée indéterminée, s’élève à 248 euros, et l’État verse, pour chaque magistrat ordinaire, des cotisations aux institutions compétentes en vue d’assurer leur protection sociale.

11      S’estimant victime d’une différence de traitement illégale quant à la rétribution de ses fonctions, E.B. a introduit un recours devant le Tribunale ordinario di Roma (tribunal ordinaire de Rome, Italie) tendant à obtenir une indemnisation pour le préjudice qu’elle aurait subi en raison du défaut de transposition, dans l’ordre juridique italien, des directives 1999/70 et 2003/88 ainsi que de la directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (dixième directive particulière au sens de l’article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE) (JO 1992, L 348, p. 1). Par une ordonnance du 13 janvier 2021, cette juridiction a condamné la présidence du Conseil des ministres à réparer le préjudice patrimonial et extrapatrimonial causé à E.B. pour défaut de transposition de ces directives, condamnation qui n’avait pas encore été exécutée à la date de l’introduction de la présente demande de décision préjudicielle.

12      Par la suite, E.B. a saisi le Giudice di pace di Arcidosso (juge de paix d’Arcidosso, Italie), qui est la juridiction de renvoi, d’un recours tendant à l’obtention, en ce qui concerne les audiences pénales auxquelles elle a participé, du paiement d’un montant supplémentaire de 150 euros par audience, soit un total de 450 euros, à titre de dommages et intérêts, en raison du défaut persistant de transposition desdites directives. Au soutien de son recours, elle fait valoir que la différence existant entre son traitement économique et celui des magistrats ordinaires constitue une discrimination prohibée par le droit de l’Union.

13      À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que, selon E.B., bien qu’ayant exercé les fonctions de procureur honoraire de manière continue depuis le 2 août 2001, elle a été contrainte, afin d’éviter la cessation immédiate de ses fonctions le 28 juin 2022, de présenter une demande de participation à la procédure d’évaluation prévue à l’article 29 du décret législatif no 116/2017.

14      En vertu de cet article, un magistrat honoraire en service peut demander à participer à une procédure d’évaluation et de stabilisation lui permettant, en cas de succès, de rester en service jusqu’à l’âge de 70 ans. Il lui est également possible de ne pas présenter de demande de participation à cette procédure et, en conséquence, de cesser ses fonctions. Dans ce cas, il peut prétendre, dans la limite globale de 50 000 euros bruts, à une indemnité dont le montant est égal à 1 500 euros bruts par année de service au cours de laquelle il a participé à des audiences pendant moins de 80 jours ou à une indemnité dont le montant est égal à 2 500 euros bruts pour chaque année de service au cours de laquelle il a participé à des audiences pendant au moins 80 jours. Cette indemnité serait octroyée également aux magistrats honoraires qui, tout en ayant demandé de participer à ladite procédure, ne l’ont pas passée avec succès.

15      Or, la demande de participer à la procédure d’évaluation et de stabilisation ou la perception de ladite indemnité entraînerait pour un magistrat honoraire tel que E.B. la renonciation, ex lege, à toute autre prétention de quelque nature que ce soit découlant de l’exercice antérieur des fonctions de magistrat honoraire. La seule possibilité de ne pas renoncer à une telle prétention consisterait à quitter le service sans recevoir aucune indemnité.

16      Par conséquent, E.B. soutient, devant la juridiction de renvoi, que la législation italienne ne lui permet pas de prétendre aux sommes auxquelles elle aurait droit pour non-transposition des directives 1999/70, 2003/88 et 92/85, de sorte que, d’une part, cette législation serait contraire au droit de l’Union et, d’autre part, il incomberait à cette juridiction de laisser inappliquée ladite législation.

17      Ladite juridiction indique que, dans ses arrêts du 16 juillet 2020, Governo della Repubblica italiana (Statut des juges de paix italiens) (C‑658/18, EU:C:2020:572), et du 7 avril 2022, Ministero della Giustizia e.a. (Statut des juges de paix italiens) (C‑236/20, EU:C:2022:263), la Cour a jugé que les États membres doivent assurer la transposition des directives visées au point précédent en ce qui concerne les juges de paix, dont la fonction est assimilée par la législation italienne à celle des procureurs adjoints honoraires.

18      Or, en l’occurrence, si l’article 29 du décret législatif no 116/2017 était appliqué à E.B., elle serait tenue de renoncer à toute créance de quelque nature que ce soit résultant de l’exercice des fonctions de magistrat honoraire et serait ainsi privée de la protection de ses droits, telle que garantie par ces directives.

19      Par ailleurs, la juridiction de renvoi indique, en substance, que, afin de lutter contre la précarité des magistrats honoraires, la législation italienne a prévu, par cette disposition nationale, une pérennisation incertaine de leurs fonctions, au moyen de leur participation à des procédures d’évaluation ou du versement d’une indemnité dérisoire eu égard au préjudice subi en lien avec la cessation de leurs fonctions.

20      Dans ces conditions, le Giudice di pace di Arcidosso (juge de paix d’Arcidosso) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« [L]’article 288 [TFUE], les articles 17, 31, 34 et 47 de la [Charte], ainsi que l’article 7 de la [directive 2003/88], la clause 4 de [l’accord–cadre sur le travail à temps partiel] et la clause 4 de [l’accord–cadre sur le travail à durée déterminée] doivent[-ils] être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle prévue [à l’article 29 du décret législatif no 116/2017], qui prévoit la renonciation automatique ex lege à toute prétention concernant la mise en œuvre des directives [97/81, 1999/70 et 2003/88], avec la perte de toute autre protection en matière de rémunération, d’emploi et de protection sociale garantie par le droit de l’Union :

a)      dans le cas de la simple présentation de la demande de participation d’un magistrat honoraire, en tant que travailleur européen à temps partiel, comparable à celle d’un magistrat professionnel en tant que travailleur européen à temps plein et à durée indéterminée, à des procédures de pérennisation qui ne mettent en œuvre que formellement la clause 5, point 1, de [l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée],

b)      ou, en cas de non-réussite de ces procédures ou de non‑présentation d’une demande, par l’octroi d’une indemnité dont le montant est manifestement insuffisant et disproportionné par rapport aux préjudices subis du fait de la non-transposition de ces directives ? »

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

21      En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsqu’une demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

22      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

23      Selon une jurisprudence constante, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher [arrêt du 12 septembre 2024, Presidenza del Consiglio dei ministri e.a. (Rétribution des magistrats honoraires), C‑548/22, EU:C:2024:730, point 26 ainsi que jurisprudence citée].

24      Dès lors que la décision de renvoi sert de fondement à cette procédure, la juridiction nationale est tenue d’expliciter, dans la décision de renvoi elle-même, le cadre factuel et réglementaire du litige au principal et de fournir les explications nécessaires sur les raisons du choix des dispositions du droit de l’Union dont elle demande l’interprétation ainsi que sur le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige qui lui est soumis [arrêt du 12 septembre 2024, Presidenza del Consiglio dei ministri e.a. (Rétribution des magistrats honoraires), C‑548/22, EU:C:2024:730, point 27 ainsi que jurisprudence citée].

25      Il importe de souligner également que les informations contenues dans les décisions de renvoi doivent permettre, d’une part, à la Cour d’apporter des réponses utiles aux questions posées par la juridiction nationale et, d’autre part, aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés d’exercer le droit qui leur est conféré par l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne de présenter des observations. Il incombe à la Cour de veiller à ce que ce droit soit sauvegardé, compte tenu du fait que, en vertu de cette disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux intéressés [arrêt du 12 septembre 2024, Presidenza del Consiglio dei ministri e.a. (Rétribution des magistrats honoraires), C‑548/22, EU:C:2024:730, point 28 ainsi que jurisprudence citée].

26      Ces exigences cumulatives concernant le contenu d’une décision de renvoi figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure, dont la juridiction de renvoi est censée, dans le cadre de la coopération instaurée à l’article 267 TFUE, avoir connaissance et qu’elle est tenue de respecter scrupuleusement. Elles sont, en outre, rappelées aux points 13, 15 et 16 des recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2019, C 380, p. 1), qui figurent désormais aux points 13, 15 et 16 de la nouvelle version des recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2024, C 6008) (arrêt du 19 décembre 2024, SISTEM LUX, C‑717/22 et C‑372/23, EU:C:2024:1041, point 38 et jurisprudence citée).

27      En l’occurrence, la décision de renvoi ne répond manifestement pas aux exigences posées à l’article 94, sous a) et c), du règlement de procédure.

28      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 288 TFUE, les articles 17, 31, 34 et 47 de la Charte, l’article 7 de la directive 2003/88, la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel ainsi que la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale prévoyant que les magistrats honoraires, afin de pouvoir continuer à exercer leurs fonctions, sont tenus de participer à une procédure d’évaluation, laquelle, d’une part, en cas de résultat positif, leur permet d’obtenir la transformation de leur relation de travail à durée déterminée en une relation de travail à durée indéterminée, et ce jusqu’à l’âge de 70 ans et, d’autre part, en cas de résultat négatif, permet à ces magistrats de percevoir une indemnité, lorsque tant la réussite que la non-réussite de l’évaluation avec acceptation de l’indemnité entraînent la renonciation, ex lege, à toute prétention qu’ils pourraient faire valoir, sur la base de ces dispositions, en ce qui concerne les fonctions de magistrat honoraire exercées antérieurement.

29      Il y a lieu d’emblée de relever que tant cette question que la demande de décision préjudicielle qui la contient sont rédigées de manière identique à celles précédemment adressées à la Cour dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 septembre 2024, Presidenza del Consiglio dei ministri e.a. (Rétribution des magistrats honoraires) (C‑548/22, EU:C:2024:730).

30      Par cet arrêt, la Cour a déclaré la demande de décision préjudicielle irrecevable.

31      En effet, elle a, préalablement, relevé, au point 31 dudit arrêt, que la juridiction de renvoi ne sollicitait pas une interprétation autonome de l’article 288 TFUE ou des articles 17, 31, 34 et 47 de la Charte, ces dispositions étant invoquées uniquement à l’appui de la demande d’interprétation de la directive 2003/88, de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel ainsi que de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée.

32      Or, aux points 32 et 33 du même arrêt, la Cour a constaté que l’article 7 de la directive 2003/88 ainsi que la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel n’étaient pas pertinents pour la solution du litige au principal dans la mesure où, dans le cadre de ce litige, d’une part, était invoqué non pas le respect du droit aux congés annuels payés, consacré par ladite disposition, mais, en substance, le paiement d’une rétribution égale à celle perçue par un magistrat ordinaire, et, d’autre part, aucun élément résultant de la décision de renvoi ne permettait d’établir que la requérante au principal dans cette affaire travaillait à temps partiel, au sens de cet accord-cadre.

33      S’agissant de la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, la Cour a indiqué, au point 35 de l’arrêt du 12 septembre 2024, Presidenza del Consiglio dei ministri e.a. (Rétribution des magistrats honoraires) (C‑548/22, EU:C:2024:730), que, afin de répondre à la question posée par la juridiction de renvoi dans cette affaire, il convenait d’établir, au préalable, si cette clause imposait d’octroyer la même rétribution, au titre des fonctions exercées, aux magistrats honoraires et aux magistrats ordinaires, ce qui impliquait d’apprécier, premièrement, si un magistrat honoraire se trouvant dans la situation de la requérante au principal concernée pouvait être qualifié de « travailleur » à durée déterminée, au sens de la clause 2 de cet accord‑cadre, deuxièmement, si la différence de traitement alléguée portait sur une « condition d’emploi », au sens de la clause 4 dudit accord-cadre, troisièmement, si ce magistrat se trouvait dans une situation comparable à celle d’un magistrat ordinaire et, quatrièmement, si et, le cas échéant, dans quelle mesure cette différence de traitement pouvait être justifiée sur la base d’une « raison objective », au sens de cette dernière clause. Au point 36 de cet arrêt, la Cour a constaté que, à supposer même que ces trois premières conditions soient remplies, elle ne disposait pas des éléments lui permettant de procéder à l’appréciation de l’éventuelle existence d’une « raison objective », au sens de la clause 4, point 1, du même accord-cadre. 

34      À cet égard, la Cour a, tout d’abord, relevé, au point 36 de l’arrêt du 12 septembre 2024, Presidenza del Consiglio dei ministri e.a. (Rétribution des magistrats honoraires) (C‑548/22, EU:C:2024:730), que les éléments du dossier ne lui permettaient pas, d’une part, de clarifier si d’éventuelles différences concernant, notamment, le type et la valeur du contentieux que les magistrats honoraires étaient appelés à traiter ou encore les modalités de recrutement de ces magistrats permettaient de justifier la légalité d’une différence de traitement telle que celle en cause au principal et, d’autre part, d’évaluer les différences de rémunération entre les magistrats honoraires et les magistrats ordinaires. Elle a, ensuite, précisé, au point 37 de cet arrêt, qu’elle ne disposait pas d’informations lui permettant de savoir si les revendications de la requérante au principal concernée portaient sur le même type de prestations que celles effectuées par les magistrats ordinaires. Enfin, au point 38 dudit arrêt, la Cour a souligné que la demande de décision préjudicielle ne permettait pas de savoir si, ou dans quelle mesure, la rémunération perçue par la requérante au principal dans cette affaire, qui est moindre que celle des magistrats ordinaires, devait être considérée comme étant un traitement moins favorable injustifié, au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée.

35      En l’occurrence, la demande de décision préjudicielle, qui est, ainsi qu’il a été précisé au point 29 de la présente ordonnance, rédigée dans les mêmes termes que celle ayant donné lieu à l’arrêt du 12 septembre 2024, Presidenza del Consiglio dei ministri e.a. (Rétribution des magistrats honoraires) (C‑548/22, EU:C:2024:730), comporte les mêmes lacunes que celles identifiées par la Cour dans cet arrêt, de sorte que, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 23 à 26 de la présente ordonnance, l’irrecevabilité de cette demande est manifeste.

36      Eu égard aux motifs qui précèdent, la présente demande de décision préjudicielle doit être déclarée manifestement irrecevable.

37      Il convient cependant de rappeler que la juridiction de renvoi conserve la faculté de soumettre une nouvelle demande de décision préjudicielle en fournissant à la Cour l’ensemble des éléments permettant à celle-ci de statuer [arrêt du 12 septembre 2024, Presidenza del Consiglio dei ministri e.a. (Rétribution des magistrats honoraires), C‑548/22, EU:C:2024:730, point 40].

 Sur les dépens

38      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) déclare :

La demande de décision préjudicielle introduite par le Giudice di pace di Arcidosso (juge de paix d’Arcidosso, Italie), par décision du 25 novembre 2022, est manifestement irrecevable.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.