ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)
26 mars 2025 (*)
« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Fonction publique – Fonctionnaires – Harcèlement moral – Demande d’assistance – Principe de bonne administration – Devoir de sollicitude – Droit d’être entendu – Recours en annulation et en indemnité – Pourvoi en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé »
Dans l’affaire C‑700/24 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 18 octobre 2024,
QI, représentée par Me N. Flandin, avocate,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant :
Commission européenne,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (septième chambre),
composée de M. M. Gavalec, président de chambre, MM. Z. Csehi et F. Schalin (rapporteur), juges,
avocat général : M. A. Biondi,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, QI demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 6 décembre 2023, QI/Commission (T‑807/21, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2023:786), par lequel celui-ci a rejeté son recours introduit sur le fondement de l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de la Commission européenne du 26 février 2021 rejetant sa demande d’assistance (ci-après la « première décision litigieuse ») et de celle du 27 septembre 2021 rejetant sa réclamation contre celle-ci (ci-après la « seconde décision litigieuse » et, ensemble avec la première décision litigieuse, les « décisions litigieuses ») ainsi que, d’autre part, à la réparation des préjudices matériels et moraux qu’elle aurait subis du fait du harcèlement dont elle aurait été victime et du fait du rejet de sa demande d’assistance.
Sur le pourvoi
2 En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.
3 II y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.
4 M. l’avocat général a, le 29 janvier 2025, pris la position suivante :
« 1. Pour les motifs exposés ci-après, je propose à la Cour, conformément à l’article 181 de son règlement de procédure, de rejeter le pourvoi dans la présente affaire comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.
Les antécédents du litige
2. Les antécédents du litige ont été exposés par le Tribunal aux points 2 à 45 de l’arrêt attaqué. Aux fins de la présente analyse, ils peuvent être résumés comme suit.
3. Le 16 janvier 2006, la requérante est entrée en fonctions à la direction générale (DG) “Traduction” de la Commission. Du 16 juin 2009 au 30 juin 2021, elle a été cheffe de l’unité bulgare “BG.1” de la DG “Traduction”.
4. Par courriel du 23 octobre 2020, la requérante a dénoncé auprès de l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC) des faits qu’elle qualifiait de comportements inappropriés et de harcèlement moral, commis par des membres de sa hiérarchie ainsi que par le médecin-conseil en psychiatrie au sein du service médical de la Commission (ci-après le “médecin-conseil interne”). Dans ce courriel, elle a notamment demandé à être reconnue comme victime de harcèlement, d’avoir accès à son dossier médical, la correction de ses rapports d’évaluation, des réparations financières pour les préjudices moral et physique prétendument subis ainsi qu’une protection contre des représailles futures. Le même jour, l’IDOC a signalé à la requérante la possibilité d’introduire sa demande contenue dans son courriel du 23 octobre 2020 sous la forme d’une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le “statut”). Le 25 octobre 2020, la requérante a introduit une telle demande d’assistance (ci-après la “demande d’assistance”).
5. Une analyse préliminaire a été conduite pour déterminer, eu égard aux documents soumis par la requérante, l’existence d’un commencement de preuve à l’appui de ses allégations. Toutefois, par la première décision litigieuse, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’“AIPN”) a rejeté la demande d’assistance, au motif que la requérante n’avait pas apporté un tel commencement de preuve. Le 27 septembre 2021, l’AIPN a adopté la seconde décision litigieuse par laquelle elle a rejeté la réclamation introduite par la requérante contre la première décision litigieuse.
6. Aux points 17 à 24 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé, tout d’abord, que la requérante avait contesté ses rapports d’évaluation établis pour les années 2018, 2019 et 2020, qui avaient conclu au caractère “insatisfaisant” de ses compétences managériales et/ou avaient contenu des commentaires négatifs non fondés à son égard. Selon la requérante, un tel reproche a été formulé à son encontre à partir du moment où elle s’est montrée critique envers sa hiérarchie. Ainsi, d’une part, le rapport d’évaluation portant sur l’année 2019 a été annulé par l’arrêt du Tribunal du 15 juin 2022, QI/Commission (T‑122/21, EU:T:2022:361). D’autre part, le rapport d’évaluation portant sur l’année 2020 a été également annulé par décision de l’AIPN du 16 novembre 2021.
7. Ensuite, aux points 25 à 43 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a précisé que la requérante avait été soumise à de nombreux contrôles et examens médicaux (quatorze au total) et que, à la suite de plusieurs échanges avec l’administration, entamés au mois de février 2020, elle avait demandé à pouvoir accéder à son dossier médical. Entre les mois de février et de mai 2021, elle a obtenu l’accès à certains documents de son dossier médical. Pendant cette période, elle a introduit deux plaintes auprès du Contrôleur européen de la protection des données (CEPD).
8. Enfin, aux points 44 et 45 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que, le 8 juin 2021, la requérante avait demandé à être affectée à un poste d’administrateur et que, le 30 juin 2021, elle avait été transférée à l’Unité R.4 “Développement professionnel et organisationnel” de la DG “Traduction”, à compter du 1er juillet 2021.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
9. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 décembre 2021, la requérante a introduit un recours fondé sur l’article 270 TFUE, par lequel elle demandait, d’une part, l’annulation de la première décision litigieuse et, pour autant que de besoin, de la seconde décision litigieuse ainsi que, d’autre part, la condamnation de la Commission à lui verser la somme de 100 000 euros au titre de la réparation des préjudices matériels et moraux qu’elle aurait subis, évalués ex æquo et bono.
10. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté ce recours dans son intégralité.
Les conclusions de la requérante devant la Cour
11. Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué en ce qu’il rejette la demande d’annulation des décisions litigieuses ainsi que la demande de réparation des préjudices matériels et moraux qu’elle aurait subis ;
– de lui accorder le bénéfice de ses conclusions en première instance ou, à défaut, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue ; et
– de condamner la Commission aux dépens, y compris ceux exposés devant le Tribunal.
Sur le pourvoi
12. Le pourvoi de la requérante concerne tant la décision par laquelle le Tribunal a écarté ses conclusions en annulation que celle par laquelle il a rejeté ses conclusions en indemnité.
Sur le rejet des conclusions en annulation
13. Au soutien de sa demande d’annulation de l’arrêt attaqué, en ce qu’il rejette ses conclusions d’annulation des décisions litigieuses, la requérante soulève quatre moyens.
Sur le premier moyen
– Arguments de la requérante
14. Le premier moyen soulevé par la requérante s’articule en trois branches. La première branche est tirée d’une erreur de droit que le Tribunal aurait commise lorsqu’il a vérifié si le droit de la requérante d’être entendue de façon effective avait été respecté en l’espèce. La deuxième branche est tirée de la violation de la décision C(2019) 4231 de la Commission, du 12 juin 2019, relative aux dispositions générales d’exécution concernant la conduite des enquêtes administratives et des procédures disciplinaires (ci-après les “DGE”). La troisième branche est tirée d’une dénaturation des faits et des éléments de preuves.
15. Par la première branche, qui vise les points 88 et 89 de l’arrêt attaqué, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que le principe du droit d’être entendu de manière effective a été respecté en l’espèce. La requérante fait valoir qu’elle n’a pas eu accès, durant la phase administrative, à des déclarations de trois témoins recueillies par l’IDOC dans le cadre de l’analyse préliminaire, alors que celles-ci auraient servi de base à l’adoption des décisions litigieuses. Le défaut d’accès à ces déclarations aurait privé la requérante de la possibilité d’exercer son droit d’être entendue de façon effective.
16. Par la deuxième branche de son premier moyen, qui vise le point 91 de l’arrêt attaqué, la requérante soutient que le Tribunal a violé les DGE. La mesure consistant à recueillir de telles déclarations au stade de l’analyse préliminaire, avant l’ouverture de l’enquête, ne serait prévue par aucune disposition des DGE. Une telle mesure s’apparentant à la situation visée à l’article 13 des DGE, elle devrait être considérée comme rentrant dans le cadre des mesures prises sur la base de cette disposition, ce qui aurait dû amener l’AIPN à ouvrir une enquête administrative.
17. Par la troisième branche de son premier moyen, qui vise le point 92 de l’arrêt attaqué, la requérante soutient que le Tribunal a commis une dénaturation des faits et des éléments de preuve lorsqu’il a considéré que les déclarations recueillies par l’IDOC ne contenaient aucun élément de nature à étayer ses allégations. Elle fait valoir que le contenu de la déclaration faite dans le cadre de l’un des témoignages faisant référence au ton aigu ou tranchant du supérieur hiérarchique envers la requérante pourrait être considéré comme étayant l’existence du harcèlement subi par la requérante de la part de sa hiérarchie et que, si l’AIPN avait donné accès à cette déclaration, le résultat de la procédure administrative aurait pu être différent.
– Appréciation
18. En ce qui concerne la première branche, il convient de rappeler que le droit d’être entendu, consacré à l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses droits et ses intérêts légitimes (voir, en ce sens, notamment, arrêt du 18 juin 2020, Commission/RQ, C‑831/18 P, EU:C:2020:481, point 67 et jurisprudence citée).
19. Toutefois, selon la jurisprudence de la Cour, pour que la violation du droit d’être entendu puisse conduire à l’annulation de l’acte en cause, il doit exister une possibilité que la procédure administrative ait pu aboutir à un résultat différent (voir, notamment, arrêt du 21 novembre 2024, Harley-Davidson Europe et Neovia Logistics Services International/Commission, C‑297/23 P, EU:C:2024:971, point 100 ainsi que jurisprudence citée), ce qu’il appartient à la requérante de démontrer (voir, en ce sens, ordonnance du 11 avril 2024, EUIPO/KD (C‑528/23 P, EU:C:2024:311, point 19 et jurisprudence citée).
20. Or, force est de constater que, dans le cadre de la première branche de son premier moyen, la requérante ne démontre aucunement que, si elle avait eu accès, durant la phase administrative, aux déclarations des trois témoins recueillies par l’IDOC dans le cadre de l’analyse préliminaire, le résultat de la procédure aurait pu être différent. L’argumentation avancée par la requérante dans le cadre de cette branche ne saurait en aucune manière remettre en cause la conclusion du Tribunal selon laquelle le principe du droit d’être entendu de manière effective avait été respecté en l’espèce.
21. Ce n’est que dans le cadre de la troisième branche de son premier moyen, tirée de la dénaturation par le Tribunal du contenu de la déclaration faite dans l’un des témoignages recueillis par l’IDOC, que la requérante fait valoir que, si l’AIPN avait donné accès à cette déclaration, le résultat de la procédure administrative aurait pu être différent.
22. Toutefois, à cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 86 ainsi que jurisprudence citée).
23. Si une dénaturation des éléments de preuve peut consister dans une interprétation d’un document contraire au contenu de celui-ci, il ne suffit pas, en vue d’établir une telle dénaturation, de démontrer que ce document pouvait faire l’objet d’une interprétation différente de celle retenue par le Tribunal. Il est nécessaire, à cette fin, d’établir que le Tribunal a manifestement outrepassé les limites d’une appréciation raisonnable dudit document, notamment en faisant une lecture de celui‑ci contraire à son libellé (arrêt du 23 mars 2023, PV/Commission, C‑640/20 P, EU:C:2023:232, point 134 et jurisprudence citée).
24. Or, au point 92 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté, au regard du contenu des déclarations des trois témoins mentionnés par la requérante, qu’elles ne contenaient aucun élément de nature à étayer les allégations avancées par celle-ci. Il a ainsi considéré que, même si la requérante avait pu avoir accès à ces déclarations avant l’adoption des décisions litigieuses, cela n’aurait pas eu d’incidence sur le contenu de ces décisions.
25. Pour ce qui est de cette appréciation, il n’est pas exclu que la déclaration contenue dans le témoignage auquel se réfère la requérante aux points 36 et suivants de son pourvoi puisse être interprétée en ce sens qu’il existait une très forte tension entre celle-ci et sa hiérarchie. Il n’en demeure pas moins que, en l’espèce, le Tribunal n’a pas manifestement outrepassé les limites d’une appréciation raisonnable des documents soumis à son appréciation. Cela en particulier lorsqu’il a considéré, dans l’arrêt attaqué, que les personnes présentes lors du dialogue en cause ne confirmaient pas l’affirmation de la requérante selon laquelle des remarques dégradantes avaient été formulées au sujet de son apparence malade, lesquelles seraient susceptibles d’être interprétées comme faisant allusion à l’ouverture d’une procédure d’invalidité.
26. Il s’ensuit que tant la première que la troisième branches du premier moyen doivent être rejetées.
27. En ce qui concerne la deuxième branche du premier moyen, au point 91 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que les trois déclarations recueillies par l’IDOC étaient des simples déclarations faites sur une base volontaire par des personnes mentionnées par la requérante elle‑même et que le simple fait que ces déclarations aient été recueillies n’impliquait pas que l’AIPN eût été dans l’obligation d’ouvrir une enquête administrative. En outre, le Tribunal a considéré que l’article 13 des DGE vise une situation différente de celle en cause en l’espèce, à savoir la situation dans laquelle des témoignages sont recueillis dans le cadre d’une enquête administrative, c’est-à-dire après l’ouverture de celle-ci.
28. Les arguments avancés par la requérante ne sauraient remettre en cause cette analyse. En effet, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en considérant que l’article 13 des DGE n’était pas pertinent en l’espèce. Cet article ne concerne pas la phase de l’évaluation préliminaire, laquelle est régie par les dispositions du chapitre III des DGE. Cet article 13 concerne, en revanche, des situations dans lesquelles l’enquête administrative a déjà été ouverte. Il n’y a en outre aucune nécessité de faire une application par analogie de cette disposition à la situation en cause, comme le soutient la requérante. En effet, l’article 10, paragraphe 2, des DGE permet à l’IDOC, dans la phase de l’évaluation préliminaire, de demander des informations complémentaires, notamment auprès des services concernés. En se fondant sur cette disposition, l’IDOC pouvait donc bien agir comme il l’a fait. Il s’ensuit que la deuxième branche du premier moyen doit également être rejetée.
29. À la lumière des considérations qui précèdent, il convient de conclure que le premier moyen doit être rejeté comme étant manifestement non fondé dans son intégralité.
Sur le deuxième moyen
– Arguments de la requérante
30. Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit et a dénaturé les faits et les éléments de preuve lorsqu’il a jugé que l’AIPN n’avait pas commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’il n’existait pas de commencement de preuve du harcèlement dont elle prétendait avoir fait l’objet. La requérante se réfère à trois éléments qu’elle avait dénoncés. Il s’agirait, premièrement, d’une collusion entre la DG “Traduction” et le service médical dans le but de l’écarter de son poste, deuxièmement, de contrôles médicaux abusifs et disproportionnés à son égard et, troisièmement, des rapports d’évaluation la concernant.
31. S’agissant, premièrement, de la prétendue collusion entre la DG “Traduction” et le service médical, la requérante se livre, dans sa requête en pourvoi, à une critique détaillée de l’appréciation effectuée par le Tribunal, aux points 131 à 144 de l’arrêt attaqué, des courriels échangés entre ces deux services de la Commission. Selon elle, eu égard à leur contenu, ces courriels auraient dû être considérés comme constituant un commencement de preuve du harcèlement dont elle soutenait avoir fait l’objet. Ces courriels feraient apparaître une collusion entre le service médical et la DG “Traduction” sous la forme d’échanges portant sur les congés de maladie de la requérante, sa potentielle réorientation professionnelle, sa situation médicale ou encore sa potentielle mise en congé d’office.
32. S’agissant, deuxièmement, des contrôles médicaux prétendument abusifs et disproportionnés, la requérante vise les points 150, 151 et 153 de l’arrêt attaqué. Elle fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que ces contrôles médicaux relevaient du champ d’application de l’article 59 du statut. Cet article ne prévoirait pas que le simple fait qu’un congé pour cause de maladie se prolonge permettrait à l’administration de soumettre la personne concernée à de multiples examens médicaux. L’article 59, paragraphe 5, du statut ne prévoirait pas que l’existence d’un “doute” justifierait que des contrôles médicaux soient ainsi opérés. Ces contrôles médicaux répétés n’étant pas justifiés, ils n’auraient donc eu que pour objectif de faire déclarer la requérante inapte à son travail et auraient donc constitué un abus de pouvoir. Le rapport d’expertise du 10 février 2020 aurait confirmé l’aptitude de la requérante à travailler au poste qu’elle occupait.
33. S’agissant, troisièmement, des rapports d’évaluation qui auraient conclu au caractère “insatisfaisant” des compétences managériales de la requérante à partir du moment où elle s’était montrée critique envers sa hiérarchie, celle-ci vise, sans le spécifier explicitement, les points 109 à 128 de l’arrêt attaqué. Elle fait valoir que, en dépit de leur annulation dans d’autres affaires, ces rapports auraient dû être analysés par le Tribunal à la lumière de l’objet du litige dont il avait été saisi, qui serait différent de celui de l’affaire relative à l’annulation des rapports d’évaluation. Selon la requérante, les faits décrits dans lesdits rapports, y compris la destitution de poste et les évolutions des années 2021 à 2023, n’ont pas été appréciés par rapport à la définition du harcèlement, ni par l’administration ni par le Tribunal.
34. Quatrièmement, la requérante fait également valoir que le Tribunal n’a pas apprécié les faits et les preuves, ni les appréciations de la Commission, au regard de la définition du harcèlement et du commencement de preuve. Elle mentionne, à l’appui de ce grief, un certain nombre d’éléments qu’elle avait produits en première instance et qui auraient dû permettre au Tribunal d’apprécier les faits par rapport à la définition de harcèlement et de considérer l’existence d’un commencement de preuve nécessitant l’ouverture d’une enquête administrative.
35. Cinquièmement, la requérante fait valoir que le Tribunal a erronément considéré qu’elle avait décidé, sans aucune raison apparente, de quitter son poste de chef d’unité. En réalité, elle aurait subi un lourd préjudice puisqu’elle aurait été forcée de “se désister”, aurait perdu son poste de cadre intermédiaire et sa carrière professionnelle aurait été détruite. En outre, la requérante aurait apporté de nombreuses preuves des dommages causés à sa santé du fait de son environnement de travail.
– Appréciation
36. En ce qui concerne, en premier lieu, l’argumentation de la requérante tirée de l’existence d’une prétendue collusion entre la DG “Traduction” et le service médical de la Commission, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, il ressort de l’article 256, paragraphe 1, TFUE ainsi que de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit et que le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que les éléments de preuve. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. Une telle dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves. Lorsqu’il allègue une dénaturation d’éléments de preuve par le Tribunal, un requérant doit indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation (voir, en ce sens, notamment, ordonnance du 6 février 2024, AL/Commission, C‑498/23 P, EU:C:2024:204, points 17 et 18 ainsi que jurisprudence citée).
37. En l’espèce, dans la mesure où la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’appréciation, aux points 131 à 143 de l’arrêt attaqué, des courriels échangés entre la DG “Traduction” et le service médical de la Commission, et qu’il en a conclu, au point 144 de cet arrêt, que ces échanges ne relevaient pas d’une collusion entre ces deux services, l’argumentation de la requérante tend en réalité à ce que la Cour procède à une nouvelle appréciation des éléments de preuve dont la requérante fait état à l’appui de son argumentation. Or, en vertu de la jurisprudence mentionnée au point précédent, une telle nouvelle appréciation ne constitue pas une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour au stade du pourvoi. Les griefs soulevés en ce sens sont donc manifestement irrecevables.
38. En revanche, dans la mesure où la requérante fait valoir une dénaturation des éléments de preuve, ses griefs sont recevables. Toutefois, force est de constater à cet égard que, contrairement aux exigences résultant de la jurisprudence mentionnée aux points 22 et 23 de la présente prise de position, l’argumentation de la requérante ne tend aucunement à établir que le Tribunal aurait manifestement outrepassé les limites d’une appréciation raisonnable de ces éléments, notamment en faisant une lecture de ceux-ci incompatible avec leur libellé.
39. En effet, lorsqu’elle vise les points 134 à 136 de l’arrêt attaqué, où le Tribunal se réfère à un échange de courriels intervenus les 8 et 9 octobre 2018 entre sa hiérarchie et le service médical de la Commission, la requérante n’indique pas en quoi le Tribunal aurait dénaturé le contenu de ces courriels. Par ailleurs, elle fait état, au point 57 de sa requête en pourvoi, d’un courriel du 26 septembre 2018 et des “notes du médecin-conseil de la période juin – octobre 2018”. La requérante indique, au sujet de ces pièces, que le Tribunal en a dénaturé la portée, dans la mesure où son état de santé n’aurait impliqué “aucune raison médicale pour laquelle elle aurait dû être gardée en congé de maladie, conduisant à l’invalidité, ou aurait dû renoncer ‘volontairement’ à son poste, ou aurait dû être réaffectée”. Toutefois, force est de constater que l’argumentation de la requérante, laquelle ne vise pas des points spécifiques de l’arrêt attaqué, n’indique pas de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué et ne démontre pas les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à une dénaturation de ces éléments de preuve. Quant aux autres dénaturations des éléments de faits et de preuves prétendument commises par le Tribunal qui auraient conduit ce dernier à écarter l’existence d’une collusion entre la DG “Traduction” et le service médical de la Commission, celles-ci ne sont aucunement étayées par la requérante.
40. En ce qui concerne, en deuxième lieu, le grief relatif aux contrôles médicaux prétendument abusifs et disproportionnés, il convient tout d’abord de relever que les arguments soulevés par la requérante ne visent d’aucune manière la constatation, figurant au point 150 de l’arrêt attaqué, selon laquelle “les huit contrôles qui ont eu lieu lorsque la requérante était en congé de maladie relèvent du champ d’application de l’article 59, paragraphe 1, du statut”. Les arguments de la requérante se concentrent sur les six contrôles et examens médicaux intervenus lorsqu’elle n’était pas en congé de maladie.
41. Concernant ces derniers contrôles, le Tribunal a constaté, au point 151 de l’arrêt attaqué, que “le service médical a pu, à juste titre, se fonder sur l’article 59, paragraphe 5, du statut afin de vérifier s’il y avait lieu de mettre la requérante en congé de maladie d’office eu égard à son état de santé. En effet, lesdits contrôles et examens s’inscrivent dans le contexte du rapport d’évaluation du 11 avril 2019 relatif à l’année 2018, perçu par la requérante comme étant à nouveau négatif, ainsi que de son refus de partir en congé de maladie de peur d’être évincée de son poste. Dans ces circonstances, les doutes de la part du service médical sur l’état de santé de la requérante étaient justifiés”.
42. Or, aux termes de l’article 59, paragraphe 5, du statut, “[le] fonctionnaire peut être mis en congé d’office à la suite d’un examen pratiqué par le médecin-conseil de l’institution, si son état de santé l’exige [...]”.
43. Il ressort du libellé même de cette disposition qu’il n’est aucunement exclu que, si cela s’avère nécessaire, plusieurs contrôles aient lieu avant que le service médical parvienne à une conclusion au sujet de l’état de santé du fonctionnaire intéressé. Dans ces conditions, l’argument tiré d’une erreur de droit du Tribunal en ce que, contrairement à ce qu’il aurait considéré, le “doute” ne constituerait pas un critère légal qui justifierait que plusieurs contrôles médicaux soient effectués, ne saurait prospérer. En effet, des éventuels doutes que le service médical pouvait avoir quant à l’état de santé de la requérante, qui auraient nécessité des examens ultérieurs, pouvaient légalement justifier de tels contrôles.
44. À cet égard, il convient de relever que la requérante ne conteste pas, sur le fond, l’évaluation de la nécessité de ces contrôles ni leur contenu. Elle se borne à soutenir que lesdits contrôles avaient pour objectif de la faire déclarer inapte au travail sans, cependant, fournir d’éléments concrets à l’appui de ses allégations. Le seul élément concret mentionné par la requérante au soutien de son argument est un rapport médical externe. Force est toutefois de constater, d’une part, que ce rapport est daté du 10 février 2020 et qu’il est donc postérieur à tous les contrôles que la requérante conteste. D’autre part, tel que décrit par la requérante, ce rapport ne remet d’aucune manière en cause la nécessité de ces contrôles. Dans ce contexte, il convient de conclure également que l’affirmation de la requérante selon laquelle lesdits contrôles médicaux constituaient un abus de pouvoir n’est aucunement étayée. Il s’ensuit que le grief tiré des contrôles médicaux prétendument abusifs et disproportionnés doit être rejeté comme manifestement non fondé.
45. En ce qui concerne, en troisième lieu, le grief selon lequel les rapports d’évaluation de 2018, de 2019 et de 2020 auraient dû être analysés par le Tribunal à la lumière de l’objet du litige dont il avait été saisi, à savoir par rapport à la définition du harcèlement, il est manifestement non fondé en ce qu’il repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, eu égard à l’argumentation de la requérante, rappelée au point 109 de l’arrêt attaqué, selon laquelle lesdits rapports d’évaluation contenaient des indices de harcèlement, il y a lieu de considérer que le Tribunal y a dûment répondu sur le fond, aux points 111 et suivants de l’arrêt attaqué. En particulier, aux points 112, 113 et 121 du même arrêt, le Tribunal a considéré qu’aucun des rapports d’évaluation ne contenait d’opinions négatives dépassant les limites de l’acceptable et que les remarques exprimées par les évaluateurs ne constituaient pas un indice de harcèlement. En outre, au point 123 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a apprécié, en lien avec l’existence éventuelle d’un harcèlement, certains événements survenus à partir de l’année 2021.
46. Pour le reste, dans son pourvoi, la requérante n’identifie pas de manière suffisamment claire les aspects de cette analyse du Tribunal qu’elle conteste.
47. En ce qui concerne, en quatrième lieu, le grief tiré du défaut d’appréciation des faits, des preuves et des appréciations de la Commission, au regard de la définition du harcèlement et du commencement de preuve, j’estime qu’il est manifestement irrecevable.
48. En effet, contrairement aux exigences qui résultent de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169 du règlement de procédure de la Cour, la requérante n’indique pas de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué qui soutiennent de manière spécifique ce grief (voir, en ce sens, notamment, arrêt du 11 janvier 2024, Planistat Europe et Charlot/Commission, C‑363/22 P, EU:C:2024:20, point 40 et jurisprudence citée). En l’espèce, la requérante se borne à faire état, de manière générale, d’un nombre important de documents que le Tribunal aurait dû apprécier au regard de la définition du harcèlement et le mener à constater l’existence d’un commencement de preuve. Force est de constater qu’une telle argumentation n’est pas suffisamment claire et précise pour permettre à la Cour d’exercer son contrôle de légalité, notamment parce que les éléments essentiels sur lesquels celle-ci s’appuie ne ressortent pas de façon suffisamment cohérente et compréhensible de la requête en pourvoi, qui ne comporte pas d’indications précises relatives aux points de l’arrêt attaqué qui seraient éventuellement entachés d’une erreur de droit [voir, par analogie, notamment, ordonnance du 3 octobre 2024, XH/Commission, C‑256/24 P, EU:C:2024:875, point 4 (prise de position de l’avocat général Collins, point 4)]. Le quatrième grief du deuxième moyen est donc manifestement irrecevable.
49. En ce qui concerne, en cinquième lieu, le grief selon lequel le Tribunal aurait erronément considéré que la requérante avait décidé, sans aucune raison apparente, de quitter son poste de chef d’unité, celle-ci n’apporte aucun élément qui étayerait ce grief. Les autres arguments concernent les conclusions indemnitaires et non les conclusions en annulation.
50. À la lumière des toutes les considérations qui précèdent, il convient de conclure que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.
Sur le troisième moyen
– Arguments de la requérante
51. Par son troisième moyen, qui s’articule en deux branches et qui vise les points 67 à 81 de l’arrêt attaqué, la requérante fait valoir que, dans ledit arrêt, le Tribunal a erronément considéré que l’AIPN n’avait pas violé le principe de bonne administration.
52. Par la première branche, la requérante fait valoir, aux termes d’un premier grief, que, au moment du dépôt de sa demande d’assistance en 2018, elle avait signalé ses inquiétudes par rapport aux répercussions des différends avec ses supérieurs hiérarchiques sur sa situation personnelle, médicale et professionnelle. En outre, par un second grief, la requérante soutient que la Commission n’a pas favorisé la médiation entre la requérante et sa cheffe de département.
53. Par la seconde branche de son troisième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir omis d’apprécier toutes les preuves produites en première instance au regard d’une prétendue violation du devoir d’impartialité de l’administration. En effet, les documents qu’elle avait produits et dont elle avait demandé la production dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure ne concernaient pas exclusivement les faits de harcèlement. Ils auraient également étayé une constatation de la violation du principe de bonne administration. En outre, la requérante fait valoir que le Tribunal n’a pas motivé sa décision de rejeter le moyen tiré de la violation du principe de bonne administration.
– Appréciation
54. En ce qui concerne la première branche de son troisième moyen, dans la mesure où, par un premier grief, la requérante se réfère au dépôt de sa demande d’assistance en 2018, il est à mon avis manifestement irrecevable, en vertu de la jurisprudence mentionnée au point 48 de la présente prise de position. En effet, la requérante n’identifie aucunement les éléments critiqués de l’arrêt attaqué qui soutiennent de manière spécifique son grief. La Cour ne peut donc pas exercer son contrôle de légalité à cet égard.
55. En ce qui concerne le second grief, tiré de ce que la Commission se serait abstenue de favoriser la médiation, force est de constater que la requérante ne conteste d’aucune manière le raisonnement figurant aux points 79 à 80 de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal a rejeté cet argument. Dans son pourvoi, la requérante se borne, en substance, à répéter, à l’appui de ce grief, l’argumentation qu’elle a déjà soumise au Tribunal, sans chercher à remettre en cause, de manière spécifique, le raisonnement sur le fondement duquel cette juridiction a rejeté cette argumentation dans l’arrêt attaqué. Ce second grief constitue ainsi en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour [voir, en ce sens, ordonnance du 9 décembre 2021, RY/Commission, C‑193/21 P, EU:C:2021:1051, point 4 (prise de position de l’avocate générale Medina, point 6 et jurisprudence citée)]. La première branche du troisième moyen est donc manifestement irrecevable dans son intégralité.
56. En ce qui concerne la seconde branche du troisième moyen, force est de constater que, par celle-ci, la requérante se livre à des considérations de caractère général. Elle ne spécifie pas quelles seraient les preuves apportées en première instance que le Tribunal aurait omis d’apprécier au regard d’une prétendue violation du principe de bonne administration. Cette branche est donc également manifestement irrecevable en vertu de la jurisprudence mentionnée au point 48 de la présente prise de position. Par ailleurs, il ne ressort aucunement du dossier dont dispose la Cour que, devant le Tribunal, la requérante avait soutenu qu’il appartenait à ce dernier d’examiner les preuves soumises à son appréciation en vue de vérifier notamment l’existence d’un défaut d’impartialité de l’administration. Il ne saurait donc être reproché au Tribunal de ne pas l’avoir fait.
57. Enfin, l’affirmation selon laquelle le Tribunal n’a pas motivé sa décision de rejeter le moyen avancé en première instance, tiré de la violation du principe de bonne administration, non seulement n’est aucunement étayée, mais est également manifestement non fondée, au vu des points 73 à 81 de l’arrêt attaqué.
58. À la lumière de toutes les considérations qui précèdent, il convient de conclure que le troisième moyen doit être rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.
Sur le quatrième moyen
59. Par son quatrième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une irrégularité procédurale en rejetant les mesures d’organisation de la procédure qu’elle avait demandées. La requérante fait valoir que, alors que, par ces mesures, elle demandait à ce que soit ordonnée la production de davantage de preuves, elle s’est trouvée, du fait du refus opposé par le Tribunal, dans l’impossibilité de fournir un commencement de preuve du harcèlement et des violations commises par l’administration. En effet, bien que le Tribunal aurait lui-même admis que certains documents faisaient défaut, il se serait toutefois abstenu d’exiger leur production. Enfin, la requérante reproche également au Tribunal d’avoir explicitement ignoré le contenu caviardé des documents qui, selon lui, n’auraient pas changé son appréciation.
60. En l’espèce, le Tribunal a rejeté, aux termes d’un raisonnement détaillé, aux points 174 à 186 de l’arrêt attaqué, la demande de mesure d’organisation de la procédure et d’instruction présentée par la requérante devant lui.
61. Or, force est de constater que l’argumentation de la requérante à l’appui de son quatrième moyen ne vise pas spécifiquement ce raisonnement. Au soutien de son moyen, la requérante ne développe pas une argumentation suffisamment précise, contrairement aux exigences découlant de la jurisprudence mentionnée au point 48 de la présente prise de position, qui serait de nature à établir que le Tribunal aurait commis une erreur en rejetant ses demandes d’adoption de mesures d’organisation de la procédure. Ce moyen doit donc être rejeté comme étant manifestement irrecevable.
Sur le rejet des conclusions indemnitaires
62. En ce qui concerne la demande d’annulation de l’arrêt attaqué en ce qu’il rejette les conclusions indemnitaires de la requérante, aux points 146 à 149 de sa requête en pourvoi, la requérante soutient que l’administration est responsable non seulement du harcèlement allégué, mais également de la violation d’un certain nombre de règles de bonne administration. Ces violations lui auraient causé un préjudice considérable et durable, indépendamment du bien-fondé des décisions litigieuses, et justifieraient à elles seules le versement d’une indemnité. Le comportement illégal de l’administration, en dehors de tout harcèlement éventuel, aurait entraîné un préjudice distinct, et cette responsabilité devrait être reconnue et les conséquences en être réparées.
63. Aux points 165 à 173 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que, au soutien de ses conclusions concernant la réparation des préjudices matériels et moraux, la requérante ne se prévalait pas de chefs d’illégalité qui différeraient de ceux qu’elle avait exposés au soutien de ses conclusions tendant à l’annulation de la décision rejetant la demande d’assistance et de la décision rejetant la réclamation. Dans ces conditions, et étant donné que les conclusions en annulation avaient été rejetées comme étant non fondées, le Tribunal a jugé que les conclusions indemnitaires devaient l’être également.
64. À cet égard, premièrement, force est de constater que l’argumentation développée par la requérante dans son pourvoi ne remet pas en cause le raisonnement du Tribunal mentionné au point précédent. Deuxièmement, il n’est pas contesté que, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 171 de l’arrêt attaqué, les conclusions indemnitaires sont étroitement liées aux conclusions en annulation. Or, tous les moyens invoqués dans le pourvoi concernant les conclusions en annulation ayant été rejetés, la demande d’annulation de l’arrêt attaqué en ce qu’il rejette les conclusions indemnitaires doit être également rejetée.
Conclusions
65. À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le pourvoi comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé. »
5 Pour les mêmes motifs que ceux retenus par M. l’avocat général, il y a lieu de rejeter le pourvoi, dans son intégralité, comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.
Sur les dépens
6 En application de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié à la Commission et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que QI supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne :
1) Le pourvoi est rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.
2) QI supporte ses propres dépens.
Fait à Luxembourg, le 26 mars 2025.
Le greffier | | Le président de chambre |
A. Calot Escobar | | M. Gavalec |