CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE
MME LAILA MEDINA
présentées le 10 avril 2025 (1)
Affaire C‑703/23 P
Elena Petrovna Timchenko
contre
Conseil de l’Union européenne
« Pourvoi – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Décision 2014/145/PESC – Interdiction d’entrée ou de passage en transit sur le territoire des États membres – Gel de fonds et de ressources économiques – Inscription du nom de la requérante – Article 1er, paragraphe 1, in fine, et article 2, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145/PESC – Notion d’“association” dans le cas de deux personnes unies par un lien familial »
I. Introduction
1. Les présentes conclusions concernent un pourvoi formé par Mme Elena Petrovna Timchenko, la requérante dans cette affaire, tendant à l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 6 septembre 2023, Timchenko/Conseil (T‑361/22, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2023:502).
2. Par son arrêt, le Tribunal a rejeté le recours de la requérante visant à faire annuler, sur le fondement de l’article 263 TFUE :
– d’une part, la décision (PESC) 2022/582 du Conseil, du 8 avril 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 110, p. 55), et le règlement d’exécution (UE) 2022/581 du Conseil, du 8 avril 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) nº 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 110, p. 3) (2), et,
– d’autre part, la décision (PESC) 2022/1530 du Conseil, du 14 septembre 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 149), et le règlement d’exécution (UE) 2022/1529 du Conseil, du 14 septembre 2022, mettant en œuvre le règlement no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 1) (3),
en tant que ces actes (4) concernent la requérante. En vertu desdits actes, le Conseil de l’Union européenne a notamment soumis la requérante à une interdiction d’entrée ou de passage en transit sur le territoire des États membres et a gelé tous ses fonds et ses ressources économiques sur ce même territoire. Le Tribunal a également rejeté le recours pour autant qu’il visait à obtenir, sur le fondement de l’article 268 TFUE, la réparation du préjudice moral que la requérante aurait subi du fait de l’adoption de ces mêmes actes.
3. En particulier, le Tribunal a interprété la notion d’« association » prévue à l’article 1er, paragraphe 1, in fine, et à l’article 2, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145, telle que modifiée (5), en ce sens qu’elle vise des personnes physiques ou morales qui sont, de façon générale, liées par des intérêts communs, sans pour autant nécessiter un lien par le biais d’une activité économique. S’agissant des membres d’une même famille, le Tribunal a déclaré, en substance, que le lien doit aller au-delà de la relation familiale et qu’il doit être caractérisé par l’existence objective d’une imbrication d’intérêts communs. Sur cette base, le Tribunal a jugé que le Conseil n’avait pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que la requérante, en tant que membre du conseil d’administration de la fondation Elena et Gennady Timchenko (6), était associée à son époux qui, lui-même, ainsi que cela résultait de l’arrêt du 6 septembre 2023, Timchenko/Conseil (T‑252/22, EU:T:2023:496), remplissait deux des critères d’inscription prévus par la décision 2014/145 modifiée.
4. La requérante critique le raisonnement du Tribunal et lui reproche d’avoir commis une erreur de droit lors de l’interprétation de la notion d’« association ». Selon elle, cette interprétation conduit à appliquer le critère prévu à l’article 1er, paragraphe 1, in fine, et à l’article 2, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145 modifiée à des personnes physiques du seul fait de l’existence du lien familial existant entre elles, ce qui contreviendrait la jurisprudence de la Cour. En outre, elle estime que, s’agissant du cas d’espèce, le Tribunal n’a pas exposé les intérêts communs qu’elle partagerait avec son époux et qui dépasseraient la simple communauté d’intérêts intrinsèque à toute relation familiale.
5. La présente affaire porte sur l’un des premiers pourvois formés devant la Cour concernant les mesures restrictives adoptées par le Conseil en 2022 à la suite de l’invasion de l’Ukraine par les forces armées de la Fédération de Russie (7). Elle offre à la Cour l’occasion de se pencher sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, in fine, et de l’article 2, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145 modifiée, qui visent des personnes physiques et/ou morales, des entités ou des organismes qui sont associés aux personnes physiques ou morales qui remplissent au moins l’un des critères d’inscription prévues par lesdits articles.
6. Il convient d’ajouter que cette affaire présente un lien avec l’affaire C‑702/23 P, qui résulte du pourvoi formé par M. Gennady Nikolayevich Timchenko, époux de la requérante. Par ce pourvoi, M. Timchenko demande l’annulation de l’arrêt du 6 septembre 2023, Timchenko/Conseil (T‑252/22, EU:T:2023:496), par lequel le Tribunal a confirmé l’inscription de ce dernier sur les listes des mesures restrictives en raison notamment de l’application des critères prévus à l’article 1er, paragraphe 1, sous a) et b), de la décision 2014/145 modifiée. Les conclusions dans cette dernière affaire sont également rendues ce jour.
II. Les faits à l’origine du litige, la procédure et les conclusions des parties
A. Les antécédents du litige
7. Les antécédents du litige sont exposés aux points 2 à 16 de l’arrêt attaqué et peuvent, pour les besoins des présentes conclusions, être résumés comme suit.
8. Le 17 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2014/145/PESC (8). Le même jour, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215 TFUE, le règlement (UE) no 269/2014 (9).
9. À la suite de l’invasion de l’Ukraine par les forces armées de la Fédération de Russie, le Conseil a adopté, le 25 février 2022, la décision (PESC) 2022/329 modifiant la décision 2014/145 (JO 2022, L 50, p. 1), ainsi que le règlement (UE) 2022/330, modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2022, L 51, p. 1), afin notamment d’adapter les critères en vertu desquels des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes pouvaient être visés par les mesures restrictives en cause.
10. L’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329 (10), se lit comme suit :
« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire :
a) des personnes physiques qui sont responsables d’actions ou de politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ou la stabilité ou la sécurité en Ukraine, ou qui font obstruction à l’action d’organisations internationales en Ukraine, à des personnes physiques qui soutiennent ou mettent en œuvre de telles actions ou politiques ;
b) des personnes physiques qui apportent un soutien matériel ou financier aux décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’Ukraine, ou qui tirent avantage de ces décideurs ;
[...]
et les personnes physiques qui leur sont associées, dont la liste figure en annexe. »
11. L’article 2, paragraphe 1, sous a) et d), de la décision 2014/145 modifiée prévoit le gel des fonds appartenant à des personnes physiques répondant à des critères en substance identiques à ceux énoncés à l’article 1er, paragraphe 1, sous a) et b), de cette décision. Le règlement nº 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330 (11), énonce également ces mêmes critères.
12. Le 8 avril 2022, au vu de la gravité de la situation en Ukraine, le Conseil a adopté les actes initiaux litigieux. Par ces actes, le nom de la requérante a été ajouté, sous le numéro 903, à la liste annexée à la décision 2014/145 modifiée et, sous ce même numéro, à celle figurant à l’annexe I du règlement nº 269/2014 modifié pour les motifs suivants :
« [Mme] Elena Timchenko est l’épouse du milliardaire Gennady Timchenko, inscrit sur la liste figurant dans la décision [2014/145]. Elle participe à ses affaires publiques par l’intermédiaire de la Fondation Timchenko. Elle tire donc avantage de [M.] Gennady Timchenko qui est responsable du soutien apporté aux actions et politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, et tire avantage des décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »
13. Le 11 avril 2022, un avis à l’attention des personnes et entités faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2014/145 modifiée et par le règlement no 269/2014 modifié a été publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2022, C 157, p. 11).
14. Par courriel du 14 avril 2022, la requérante a sollicité du Conseil qu’il lui donne accès à l’ensemble du dossier la concernant, ce qui a eu lieu le 28 avril 2022.
15. Par lettre du 31 mai 2022, la requérante a adressé une demande de réexamen au Conseil.
16. Le 14 septembre 2022, le Conseil a adopté les actes de maintien litigieux, lesquels conservaient l’inscription du nom de la requérante sur les listes en cause sur le fondement d’une motivation identique à la motivation contestée figurant dans les actes initiaux litigieux.
17. Le 15 septembre 2022, le Conseil a notifié à la requérante les actes de maintien litigieux, en lui indiquant, en substance, ne pas avoir commis d’erreur d’appréciation, dès lors que les mesures restrictives dont elle faisait l’objet se fondaient sur l’application de la notion d’« association » prévue à l’article 1er, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145 modifiée. À cet égard, le Conseil a précisé que l’association de la requérante avec son époux résultait non seulement de leurs liens familiaux, mais aussi du rôle et des activités qu’elle exerçait dans la fondation Timchenko, ce qui la faisait participer aux activités publiques de son époux et lui permettait d’en tirer un bénéfice, en particulier en termes de position sociale.
B. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt objet du pourvoi
18. Par requête du 17 juin 2022, la requérante a demandé au Tribunal d’annuler les actes initiaux litigieux, pour autant qu’ils inscrivaient son nom sur la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives. Elle a également demandé au Tribunal de lui accorder réparation du préjudice moral qu’elle prétendait avoir subi du fait de l’adoption de ces actes. Par ailleurs, le 25 novembre 2022, la requérante a déposé un mémoire en adaptation afin de modifier le dispositif de sa requête, en y incluant une demande d’annulation des actes de maintien litigieux.
19. Dans le cadre de son recours en annulation, la requérante a fait valoir, premièrement, que le Conseil avait violé son droit à la protection juridictionnelle, ainsi que l’obligation de motivation qui incombe à cette institution. Deuxièmement, la requérante a reproché au Conseil d’avoir commis une erreur d’appréciation en considérant qu’elle était associée à son époux, M. Timchenko, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145 modifiée, par le biais de la fondation Timchenko. Troisièmement, la requérante a soutenu que le Conseil avait violé son droit à être entendue.
20. Le 6 septembre 2023, le Tribunal, après avoir écarté l’ensemble des demandes de la requérante, a rejeté le recours dans son intégralité.
21. S’agissant, en particulier, de l’erreur d’appréciation alléguée par la requérante (12), le Tribunal a relevé que, bien que la notion d’« association » soit souvent employée dans les actes du Conseil relatifs aux mesures restrictives, elle n’est pas, en tant que telle, définie et sa signification dépend des contextes et des circonstances en cause. Toutefois, le Tribunal a considéré, à la lumière de l’arrêt du 8 mars 2023, Prigozhina/Conseil (T‑212/22, ci-après l’« arrêt Prigozhina », EU:T:2023:104), que cette notion vise des personnes physiques ou morales qui sont, de façon générale, liées par des intérêts communs, sans pour autant nécessiter un lien par le biais d’une activité économique.
22. Dans ces circonstances, selon le Tribunal, la notion d’« association » prévue par les dispositions pertinentes de la décision 2014/145 modifiée pouvait être interprétée en ce sens qu’elle vise toute personne physique ou morale ou toute entité qui présente un lien, allant au-delà d’une relation familiale, avec une personne qui fait l’objet de mesures restrictives au titre, comme en l’espèce, du soutien financier ou de l’avantage tiré de décideurs russes responsables de l’invasion de l’Ukraine ou du soutien d’actions ou de politiques qui compromettent ou menacent la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (13). De surcroît, le Tribunal a estimé que l’interprétation qui précède ne saurait être remise en cause par le considérant 7 de chacun des actes initiaux litigieux, dont se prévalait la requérante (14).
23. En l’occurrence, le Tribunal a constaté que la requérante et son époux étaient les fondateurs de la fondation Timchenko et avaient un rôle actif en ce qu’ils étaient directement liés à ses activités opérationnelles et disposaient de pouvoirs substantiels dans l’administration de cette fondation. S’agissant de la requérante, cette implication était d’autant plus caractérisée qu’elle était aussi membre du conseil d’administration de la fondation Timchenko (15). Le Tribunal en a alors conclu que le Conseil avait pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, considérer que la requérante était, au sein de la fondation Timchenko, associée avec son époux, qui, lui-même, ainsi que cela résultait de l’arrêt du 6 septembre 2023, Timchenko/Conseil (T‑252/22, EU:T:2023:496), remplissait les critères prévus à l’article 1er, paragraphe 1, sous a) et b), de la décision 2014/145 modifiée, et édicter en conséquence des mesures restrictives à son égard (16).
24. Enfin, le Tribunal a rejeté l’argument de la requérante selon lequel ses activités au sein de la fondation Timchenko ne présentaient aucun risque de contournement des mesures restrictives dont faisait l’objet son époux et étaient sans lien avec l’invasion de l’Ukraine, au motif que ni les critères prévus à l’article 1er, paragraphe 1, sous a) et b), de la décision 2014/145 modifiée ni la jurisprudence n’exigeaient d’établir ces deux éléments (17).
C. Conclusion des parties
25. Par son pourvoi, formé 16 novembre 2023, la requérante conclut à ce qu’il plaise à la Cour :
– annuler l’arrêt attaqué ;
– évoquer le recours au fond et annuler les actes litigieux en ce qu’ils la concernent, et
– condamner le Conseil aux dépens.
26. Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut à ce qu’il plaise à la Cour :
– rejeter le pourvoi ;
– condamner la requérante aux dépens.
III. Analyse juridique
27. Au soutien de son pourvoi, la requérante invoque trois moyens, tirés, le premier, d’une erreur de droit dans l’interprétation du critère d’association établi par la décision 2014/145 modifiée en lien avec la notion d’« intérêts communs », le deuxième, d’une erreur de droit dans l’interprétation erronée du terme « indûment », figurant au considérant 7 de la décision 2022/582 et, le troisième, d’une erreur de droit dans l’interprétation du critère d’association en lien avec l’objectif des mesures restrictives et la violation de l’obligation de motivation.
28. Conformément à la demande ciblée de la Cour, mon analyse se limitera aux arguments formulés par la requérante dans le cadre du premier moyen.
29. Par ce moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir interprété et appliqué de manière erronée le critère d’association prévu à l’article 1er, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145 modifiée (18). Il se compose, en substance, de deux branches.
30. Aux termes de la première branche, la requérante fait valoir que l’interprétation effectuée par le Tribunal conduit à appliquer ce critère à des personnes physiques du seul fait de l’existence de leur lien familial avec une personne qui fait l’objet de mesures restrictives. Par les termes vagues employés dans l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait cherché à couvrir de très nombreuses situations, sans identifier, d’une part, les intérêts communs qui vont au-delà de la seule relation familiale ni même, d’autre part, le sens de l’expression « imbrication d’intérêts communs », résultant également de l’arrêt attaqué. Selon la requérante, une telle interprétation est susceptible de violer le principe de sécurité juridique, en ce qu’elle est imprécise et imprévisible quant aux cas où elle peut trouver à s’appliquer.
31. Aux termes de la seconde branche, la requérante expose, tout en reconnaissant qu’il est nécessaire de prendre en considération le contexte et les circonstances de chaque espèce, que le Tribunal aurait dû expliquer, comme il l’a fait, par exemple, dans l’arrêt Prigozhina, en quoi, par leur nature, leur qualité et leur quantité, les intérêts communs en cause dans la présente affaire dépassent la simple communauté d’intérêts intrinsèque à toute relation familiale pour pouvoir caractériser l’existence objective d’une « imbrication d’intérêts communs ». Or, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait conclu que la requérante était associée à son époux sans identifier de quelconques liens d’affaires ou lien économiques, capitalistiques ou autres qui uniraient les deux époux au-delà d’une simple relation familiale. La requérante précise que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal se serait contenté de déduire une association entre elle et son époux des fonctions et pouvoirs habituels liés au statut de fondateur d’une association caritative, alors que l’intérêt commun des époux à mener une activité caritative s’inscrirait dans le cadre de leur relation familiale.
32. Le Conseil, tout en soutenant que le présent moyen devrait être déclaré partiellement irrecevable, en ce qu’il viserait pour partie à remettre en question les appréciations factuelles du Tribunal, conteste les arguments formulés par la requérante en s’appuyant, pour l’essentiel, sur le raisonnement de l’arrêt attaqué.
33. À titre liminaire, je souhaiterais relever que, pour autant que le Conseil fait valoir que le premier moyen est irrecevable, en ce que la requérante chercherait en réalité à remettre en cause l’appréciation du Tribunal sur les éléments de preuve soumis à son examen ainsi que les constatations factuelles effectuées par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, un tel argument devrait être rejeté.
34. En effet, force est de constater, à la lumière des arguments spécifiques formulés dans le pourvoi, que la requérante ne vise pas à remettre en cause les constatations de fait qui, selon le Tribunal, fondent son association avec son époux au sens de l’article 1er, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145 modifiée. Au contraire, la requérante fait grief au Tribunal d’avoir conclu à l’existence d’une telle association sans identifier, conformément aux critères que le Tribunal lui-même avait préalablement établis dans son arrêt, des intérêts communs qui uniraient les deux époux au-delà d’une simple relation familiale.
35. Il y a dès lors lieu de considérer que les arguments avancés par la requérante dans le cadre du présent moyen ne portent pas sur les faits que le Tribunal a considérés au préalable comme ayant été correctement démontrés, à la lumière des éléments de preuve fournis par le Conseil, mais sur la qualification juridique de ces faits et sur les conséquences juridiques qu’il convient d’en tirer, ce qui relève de la compétence de la Cour en matière de pourvoi.
36. À cet égard, il suffit de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, alors que l’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constituent pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (19).
37. Il s’ensuit que, contrairement à ce que le Conseil soutient, le premier moyen devrait être considéré comme étant recevable.
38. Quant au fond, s’agissant de la première branche du présent moyen, la requérante fait valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur d’interprétation, ainsi qu’une violation du principe de sécurité juridique, lors de la définition de la notion d’« association » résultant de l’article 1er, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145 modifiée.
39. À titre liminaire, il convient de relever que, aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, sous a) et b), de la décision 2014/145 modifiée, les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire, d’une part, des personnes physiques qui sont responsables d’actions ou de politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale et, d’autre part, des personnes apportant un soutien matériel et financier aux décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’Ukraine. Cette interdiction s’applique également, en vertu de la dernière phrase de cet article, aux « personnes physiques qui leur sont associées ».
40. Par ailleurs, dès lors que, dans les conclusions présentées ce jour dans l’affaire C‑702/23 P, Timchenko/Conseil, je propose de rejeter le pourvoi de M. Timchenko, en raison de l’absence d’erreur du Tribunal quant à l’application retenue à son encontre des critères prévus, en substance, à l’article 1er, paragraphe 1, sous b) et a), de la décision 2014/145 modifiée, (20) il y lieu de considérer que la requérante relèverait du champ d’application de l’article 1er, paragraphe 1, in fine, de cette décision s’il était conclu que le critère d’association qui y est prévu a été correctement interprété et appliqué par le Tribunal.
41. À cet égard, il ressort des points 74 et 76 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a estimé que la notion d’« association » visait des personnes physiques ou morales qui entretiennent un lien allant au-delà d’une relation familiale, dont les intérêts peuvent être liés dans une structure juridique commune ou qui sont, de façon générale, liées par des intérêts communs sans pour autant nécessiter un lien par le biais d’une activité économique. Le Tribunal a de même précisé que, lorsque ces personnes sont liées par une relation familiale, il convient d’établir l’existence objective d’une imbrication d’intérêts communs, laquelle ne devait pas forcément être formalisée dans une structure juridique créée à cet effet.
42. Selon une jurisprudence constante, les dispositions du droit de l’Union doivent être interprétées au regard de leur libellé, ainsi que de leur contexte et des objectifs poursuivis par l’acte dont elles font partie (21).
43. S’agissant de l’interprétation littérale du terme « association », il convient de constater que ce terme désigne communément un ensemble de plusieurs entités unies par un lien. Lorsqu’il s’agit d’une association relative à des personnes, celle-ci fait référence à un groupement d’au moins deux individus qui s’unissent à une fin commune (22). Le Tribunal n’a dès lors pas commis d’erreur en établissant, d’emblée, au point 74 de l’arrêt attaqué, que le terme « association », tel que prévu à l’article 1er, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145 modifiée, devait être compris comme visant des « personnes physiques ou morales qui sont, de façon générale, liées par des intérêts communs » ou comme visant « toute personne physique ou morale ou toute entité qui présente un lien [...] avec une personne qui fait l’objet des mesures restrictives » au titre des critères prévus par cet article.
44. Ensuite, il convient de relever que, dans le libellé de l’article 1er, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145 modifiée, le terme « association » n’est pas caractérisé de manière spécifique par d’autres éléments susceptibles de circonscrire la portée de sa signification. Tel aurait pu être le cas s’il avait été accompagné d’un adjectif qualificatif ou d’une locution adjectivale, comme, par exemple, les termes « juridique » ou de « nature économique ». Il n’est pas non plus entouré par d’autres compléments grammaticaux précisant sa signification. Dans ce contexte, le Tribunal n’a pas non plus commis d’erreur en relevant, en substance, que les intérêts communs entre des membres associés, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145 modifiée, ne devaient pas nécessiter forcément un lien « par le biais d’une activité économique » ou qu’ils devaient être formalisés « dans une structure juridique créée à cet effet ».
45. Les considérations qui précèdent me semblent être également confortées par le cadre normatif dans lequel s’intègre le critère d’association établi à l’article 1er, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145 modifiée, ainsi que par les objectifs poursuivis par ce critère et les autres normes qui l’accompagnent.
46. En effet, du point de vue contextuel, il convient de relever que, alors que chacun des critères figurant à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/145 modifiée détermine, de manière précise et circonstanciée, les éléments qui doivent être réunis afin de les appliquer à une personne physique ou morale quelle qu’elle soit, les termes « personnes physiques qui leur sont associés » ne sont pas précisés davantage, ce qui invite à considérer, à nouveau, à l’instar de l’interprétation littérale exposée ci-dessus, qu’ils doivent faire l’objet d’une interprétation non soumise à des contraintes spécifiques et, en particulier, sans qu’il doive être compris, comme le Tribunal l’a relevé à juste titre, que le lien entre les personnes concernées est de nature économique ou encadré dans une structure juridique spécifique.
47. La seule limitation sur ce point provient, me semble-t-il, de la jurisprudence de la Cour concernant d’autres régimes des mesures restrictives édictées par le Conseil. À cet égard, il convient de relever que la Cour, en interprétant un critère d’association semblable à celui de la présente affaire, à propos du régime de mesures restrictives instituées à l’encontre de la Birmanie, a estimé qu’une personne physique ne peut pas faire l’objet de mesures restrictives en raison de son seul lien familial avec des personnes faisant elles-mêmes l’objet de telles mesures et indépendamment de son comportement personnel (23).
48. Or, force est de constater que, en l’espèce, le Tribunal, dans son interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145 modifiée, a pris en compte les enseignements tirés de cette jurisprudence, en déclarant, de manière non équivoque, aux points 74 et 76 de l’arrêt attaqué, que pour pouvoir être qualifiées d’« associées » au sens de cette disposition, les personnes physiques concernées par ledit article doivent « présente[r] un lien allant au-delà d’une simple relation familiale », de sorte que, lorsque deux personnes sont liées par une telle relation, « l’existence objective d’une imbrication d’intérêts communs » doit être établie.
49. Il s’ensuit que, contrairement à ce que la requérante soutient, la définition du Tribunal ne circonscrit pas la notion d’« association » aux seules activités communes que deux membres de la même famille, tels que des époux, peuvent avoir dans le cadre de leur relation familiale. En effet, l’interprétation du Tribunal implique que le Conseil, en tant qu’autorité en charge de démontrer le bien-fondé de l’inscription d’une personne physique sur les listes de mesures restrictives comme « associée » d’une autre personne inscrite, doit prouver l’existence d’intérêts communs allant au-delà de ceux que des membres d’une même famille peuvent partager dans le cadre de leur relation.
50. Quant à l’objectif du critère d’« association » visé à l’article 1er, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145 modifiée, il doit être interprété à la lumière de ceux poursuivis par les mesures restrictives en cause, dont fait partie cette décision. En substance, il s’agit de maximiser la pression sur les autorités russes et l’économie de la Fédération de Russie, afin d’affaiblir financièrement sa capacité déstabilisatrice sur le territoire de l’Ukraine et l’agression militaire subie par ce pays (24).
51. À mon avis, il existe un lien évident entre, d’une part, le fait de cibler les personnes associées avec d’autres personnes faisant l’objet de mesures restrictives au titre des critères établis à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/145 modifiée, et, d’autre part, l’objectif des mesures restrictives en l’espèce. En effet, en élargissant le cercle des personnes visées par ces mesures restrictives, le Conseil a cherché à accroître la pression sur la Fédération de Russie compte tenu notamment du changement substantiel, en termes de menace pour la souveraineté et l’intégralité territoriale de l’Ukraine, qui a été marqué par l’invasion du territoire de ce pays. Partant, il n’est pas nécessaire, comme le Tribunal l’a interprété dans l’arrêt attaqué, que la notion d’« association » soit soumise à des conditions allant au-delà de la simple existence d’intérêts communs entre les associés, sauf pour les membres de la même famille, comme déjà exposé.
52. À la lumière de ce qui précède, je n’estime pas que le Tribunal a commis une erreur d’interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145 modifiée. Les allégations de la requérante visant à démontrer une telle erreur aux points 74 à 76 de l’arrêt attaqué devraient dès lors être rejetées.
53. Au demeurant, le Tribunal n’a pas violé le principe de sécurité juridique, comme la requérante le fait valoir, en interprétant la notion d’« association » dans le sens décrit dans les points qui précèdent.
54. À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le principe de sécurité juridique exige, d’une part, que les règles de droit soient claires et précises et, d’autre part, que leur application soit prévisible pour les justiciables, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir des conséquences défavorables. Pour autant, ces exigences ne sauraient être comprises comme s’opposant à ce que la règle de l’Union en question emploie une notion juridique abstraite, ni comme imposant qu’une telle règle mentionne les différentes hypothèses concrètes dans lesquelles elle est susceptible de s’appliquer, dans la mesure où toutes ces hypothèses ne peuvent pas être déterminées à l’avance (25).
55. Selon moi, l’interprétation du Tribunal, telle qu’elle ressort des points 74 à 76 de l’arrêt attaqué, respecte ces exigences. Même si toutes les hypothèses dans lesquelles s’applique l’article 1er, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145 modifiée ne peuvent naturellement pas être prévues au préalable, l’interprétation du Tribunal prévoit des critères suffisamment concrets permettant de reconnaître les cas dans lesquels la notion d’« association » est susceptible de s’appliquer. En particulier, il y a lieu de constater l’existence d’une association, au sens de cet article, lorsqu’au moins deux personnes sont liées par des intérêts communs, sans que ces intérêts revêtent une nature économique ou que le lien qui les unit soit formalisé sur le plan juridique. S’agissant des membres d’une même famille, comme ce peut être le cas des deux époux concernés par la présente affaire, il est nécessaire, à titre supplémentaire, que les intérêts communs aillent au-delà de leur simple relation familiale et que lesdits intérêts soient objectivement imbriqués.
56. Il découle des considérations qui précèdent qu’il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir commis une erreur d’interprétation, voire une violation du principe de sécurité juridique, s’agissant du critère d’association qui figure à l’article 1er, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145 modifiée, comme la requérante l’allègue.
57. La première branche soulevée par la requérante dans le cadre du présent moyen devrait dès lors être rejetée.
58. S’agissant de la seconde branche de ce moyen, la requérante soutient, en substance, que, même à supposer que l’interprétation effectuée par le Tribunal du critère d’association prévu à l’article 1er, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145 modifiée soit correcte, il a commis une erreur lors de la qualification juridique des faits de l’espèce, en particulier en concluant que la seule participation de la requérante à la fondation Timchenko satisfait à ce critère.
59. À ce propos, il convient de relever que le raisonnement relatif à l’application à la requérante de l’article 1er, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145 modifiée figure aux points 77 à 79 de l’arrêt attaqué.
60. En effet, le Tribunal a, tout d’abord, constaté que les époux Timchenko étaient les fondateurs de la fondation Timchenko dont la requérante était, par ailleurs, membre du conseil d’administration. Ensuite, le Tribunal a relevé que les deux époux étaient directement et activement liés aux activités opérationnelles de cette fondation. Ils pouvaient, en particulier, obtenir des informations sur les activités de celle-ci, avoir accès à ses documents et désigner et révoquer les membres de son conseil de surveillance, lequel, selon la charte de la fondation, était « l’organe collégial suprême » de la fondation. Enfin, le Tribunal a déduit, au regard de ces éléments, que le Conseil avait pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, considérer que la requérante était, au sein de la fondation Timchenko, associée avec son époux.
61. La question qui se pose en l’espèce est dès lors celle de savoir si les considérations qui précèdent sont suffisantes pour satisfaire au critère d’association prévu à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/145 modifiée, tel qu’interprété aux points 74 à 76 de l’arrêt attaqué, ou si, comme la requérante le fait valoir, le Tribunal n’a pas mis en évidence les intérêts communs que les deux époux partageaient au-delà de leur relation maritale.
62. À cet égard, je suis d’avis que, même si le Tribunal ne fournit pas d’explications détaillées quant aux intérêts communs que les époux Timchenko partageaient, le simple fait pour eux d’être les fondateurs d’une fondation, qui est d’ailleurs dénommée « Fondation Elena et Gennady Timchenko », est concluant en soi de ce que les deux époux avaient des intérêts communs qui excédaient le cadre de leur relation familiale et étaient, partant, associés. Il me semble difficile d’admettre que la création et l’administration d’une fondation, indépendamment du fait qu’elle ait un but caritatif, comme la requérante le souligne, puissent être comprises comme une activité ordinaire d’un couple marié ou comme un lien n’allant pas au-delà de la simple appartenance à un même noyau familial. Il convient de souligner, en outre, que les activités exercées au sein de la fondation relevaient de la sphère publique de ses deux fondateurs et dépassaient, de ce fait, la sphère conjugale des époux Timchenko, laquelle, selon ma lecture de la jurisprudence examinée au point 47 des présentes conclusions, est la seule relation à être exclue, en l’absence d’autre éléments supplémentaires, de la portée de la notion d’« association » de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/145 modifiée.
63. Par ailleurs, outre le fait que la Cour n’a pas eu l’occasion de se prononcer sur l’approche adoptée par le Tribunal dans l’arrêt Prigozhina, en raison de l’absence de pourvoi, je ne pense pas qu’elle devrait s’appuyer sur cet arrêt en tant que précédent dans la présente affaire, comme la requérante le soutient. En effet, il convient de relever que, dans l’arrêt Prigozhina, le Tribunal a constaté que le lien d’association entre Mme Prigozhina et son fils, dont le nom figurait sur la liste des actes attaqués dans cette affaire, reposait uniquement sur leur lien de parenté, car, au moment de l’adoption de ces actes, elle n’était plus impliquée dans la gestion des entreprises liées à son fils (26). Or, cela n’est pas le cas dans la présente affaire, dès lors que l’existence d’intérêts communs entre M. Timchenko et la requérante par le biais de leur fondation perdurait au moment de l’adoption des actes contestés par le présent pourvoi.
64. Il s’ensuit que, même si le Tribunal n’a pas expliqué, avec davantage de précision, les intérêts communs que, dans la présente affaire, dépasseraient la simple communauté d’intérêts intrinsèque à toute relation familiale, les constatations effectuées aux points 77 à 79 de l’arrêt attaqué, relatives à la fondation Timchenko et au rôle des époux Timchenko en son sein, suffisent, à mon avis, à rejeter l’existence d’une erreur de droit de la part du Tribunal, dans le sens allégué par la requérante.
65. En tout état de cause, j’attire l’attention de la Cour sur le fait que, aux points 44 à 47 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a exposé que, selon la motivation des actes litigieux, la requérante participait aux affaires publiques de son époux par l’intermédiaire de la fondation Timchenko et tirait avantage de son époux. En particulier, le Tribunal a relevé que le rôle que la requérante exerçait au sein de la fondation Timchenko la faisait participer aux activités publiques de son époux et lui permettait d’en tirer un bénéfice, en particulier en termes de position sociale. Sur la base du dossier dont le Tribunal disposait, c’était l’activité de la requérante au sein de cette fondation, telle qu’elle est par la suite décrite aux points 77 et 78 de l’arrêt attaqué, qui a été considérée par le Conseil comme étant l’élément constitutif de cette participation et, partant, de l’association de la requérante avec son époux.
66. Il est donc possible d’inférer que les activités des époux Timchenko allaient au-delà de la communauté d’intérêts intrinsèque à une relation entre époux ordinaire du fait que la requérante participait, par l’intermédiaire de la fondation, aux affaires publiques de son époux. De surcroît, il importe de relever, à l’instar des arguments avancés par le Conseil et la Commission, que, dans ses constatations, le Tribunal a pris en compte des critères professionnels du fait, d’une part, de la participation de la requérante, par l’intermédiaire de la fondation Timchenko, aux activités publiques caritatives de son époux et, d’autre part, des liens patrimoniaux étroits qu’ils entretenaient, ce qui permet de déduire que les deux époux étaient liés par des intérêts communs, bien que non économiques, allant au-delà d’une simple relation familiale.
67. Eu égard aux considérations qui précèdent, si la Cour devait ne pas conclure que les constatations effectuées aux points 77 à 79 de l’arrêt attaqué suffissent en elles-mêmes aux fins de justifier l’application à la requérante du critère d’association prévu à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/145 modifiée, je l’inviterais à considérer que le Tribunal n’a pas commis d’erreur lors de la qualification juridique des faits de l’espèce à la lumière des points 44 à 47 de l’arrêt attaqué, lesquels font, en définitive, partie du contenu de la décision du Tribunal qui fait l’objet du présent pourvoi.
68. La seconde branche soulevée par la requérante dans le cadre du premier moyen devrait dès lors être rejetée.
69. Aucune des branches du premier moyen n’ayant été accueillie, il conviendrait de rejeter ce moyen dans son ensemble.
IV. Conclusion
70. À la lumière de l’analyse exposée dans les présentes conclusions, je propose à la Cour de rejeter le pourvoi en ce qui concerne le premier moyen. Je ne me prononcerai pas sur le rejet du pourvoi en ce qui concerne les autres moyens soulevés par la requérante ni sur la question de savoir quelle partie devrait être condamnée aux dépens en application de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.