Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MACIEJ SZPUNAR
présentées le 5 juin 2025 (1)
Affaire C‑18/24
NOVIS Insurance Company, NOVIS Versicherungsgesellschaft, NOVIS Compagnia di Assicurazioni, NOVIS Poisťovňa a.s.
contre
Česká národní banka
[demande de décision préjudicielle formée par le Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême, République tchèque)]
« Renvoi préjudiciel – Liberté d’établissement – Libre prestation des services – Directive 2009/138/CE – Article 155 – Violation de la législation de l’État membre d’accueil par une entreprise d’assurance ayant son siège social dans un autre État membre – Compétences des autorités de contrôle de l’État membre d’accueil »
I. Introduction
1. Les questions préjudicielles dans la présente affaire portent sur la délimitation du pouvoir des autorités des États membres en matière de contrôle de l’activité des entreprises d’assurance et en matière de sanctions qui leur sont infligées en cas d’infraction aux règles en vigueur dans ces États membres. En effet, si la directive solvabilité II (2) pose le principe selon lequel le contrôle de l’activité d’une entreprise d’assurance est essentiellement exercé par les autorités de l’État membre dans lequel l’entreprise d’assurance a son siège social, la juridiction de renvoi cherche à déterminer les limites dans lesquelles s’applique le principe du contrôle par l’État membre d’origine et à préciser dans quelles situations le droit de l’Union admet des dérogations à ce principe.
2. Plus précisément, le renvoi préjudiciel dans la présente affaire porte sur le pouvoir de l’autorité de contrôle tchèque d’infliger des sanctions administratives à une entreprise d’assurance slovaque pour des infractions prétendument commises sur le territoire de la République tchèque, dans le cadre d’activités exercées par l’intermédiaire d’une succursale établie dans ce dernier État membre. Les infractions constatées par l’autorité de contrôle tchèque concernaient le non‑respect des dispositions du règlement PRIIPs (3) et de la directive IDD (4) par cette entreprise d’assurance.
II. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
1. La directive solvabilité II
3. L’article 155 de la directive solvabilité II dispose :
« 1) Lorsque les autorités de contrôle d’un État membre d’accueil constatent qu’une entreprise d’assurance ayant une succursale ou opérant dans le cadre de la libre prestation de services sur son territoire ne respecte pas les dispositions légales de cet État membre qui lui sont applicables, elles exigent de l’entreprise d’assurance concernée qu’elle mette fin à cette irrégularité.
2) Si l’entreprise d’assurance concernée ne fait pas le nécessaire, les autorités de contrôle de l’État membre concerné en informent les autorités de contrôle de l’État membre d’origine.
Les autorités de contrôle de l’État membre d’origine prennent, dans les plus brefs délais, toutes les mesures appropriées pour garantir que l’entreprise d’assurance concernée mette fin à cette situation irrégulière.
Les autorités de contrôle de l’État membre d’origine informent les autorités de contrôle de l’État membre d’accueil des mesures qui ont été prises.
3) Si, en dépit des mesures prises par l’État membre d’origine, ou parce que ces mesures apparaissent inadéquates ou qu’elles font défaut dans cet État, l’entreprise d’assurance persiste à enfreindre les dispositions légales en vigueur dans l’État membre d’accueil, les autorités de contrôle de l’État membre d’accueil peuvent, après en avoir informé les autorités de contrôle de l’État membre d’origine, prendre les mesures appropriées pour prévenir ou réprimer de nouvelles irrégularités, y compris, pour autant que cela soit absolument nécessaire, empêcher l’entreprise de continuer à conclure de nouveaux contrats d’assurance sur le territoire de l’État membre d’accueil.
[...]
Les États membres veillent à ce que les documents juridiques nécessaires à de telles mesures puissent être signifiés sur leur territoire aux entreprises d’assurance.
4) Les paragraphes 1, 2 et 3 n’affectent pas le pouvoir des États membres concernés de prendre, en cas d’urgence, des mesures appropriées pour prévenir ou réprimer les irrégularités sur leur territoire. Ce pouvoir comporte la possibilité d’empêcher une entreprise d’assurance de continuer à conclure de nouveaux contrats d’assurance sur leur territoire.
5) Les paragraphes 1, 2 et 3 n’affectent pas le pouvoir des États membres de sanctionner les infractions sur leur territoire.
6) Lorsque l’entreprise d’assurance qui a commis l’infraction dispose d’un établissement ou possède des biens dans l’État membre concerné, les autorités de contrôle de cet État membre peuvent, conformément au droit national, mettre à exécution les sanctions administratives nationales prévues pour cette infraction à l’égard de cet établissement ou de ces biens.
[...] ».
2. Le règlement PRIIPs et la directive IDD
4. L’article 6, paragraphe 1, l’article 8, paragraphe 3, sous c), points i), iii) et iv), ainsi que l’article 8, paragraphe 3, sous f), du règlement PRIIPs établissent des exigences relatives au contenu du document d’informations clés sur les produits de placement collectif qui est mis à la disposition des investisseurs de détail.
5. La directive IDD, quant à elle, établit des règles relatives à l’accès aux activités de distribution d’assurances et de réassurances ainsi qu’à leur exercice dans l’Union.
B. Le droit tchèque
6. L’article 110 du zákon č. 277/2009 Sb., o pojišťovnictví (loi no 277/2009 sur le secteur des assurances) transpose dans l’ordre juridique tchèque l’article 155 de la directive solvabilité II. Cette disposition est libellée comme suit :
« 1) Si la Česká národní banka (Banque nationale tchèque) constate qu’une entreprise d’assurance d’un autre État membre exerçant son activité d’assurance ou de réassurance en République tchèque sur le fondement du droit d’établir des succursales ou de la libre prestation de services à titre temporaire ne remplit pas les obligations applicables à cette activité en République tchèque, elle exige de cette entreprise qu’elle remédie aux manquements constatés dans un délai qu’elle détermine.
2) La Česká národní banka (Banque nationale tchèque) peut, lorsqu’elle constate ou vérifie les faits visés au paragraphe 1, exiger d’une telle entreprise d’assurance les documents, les informations et les explications nécessaires concernant ses activités sur le territoire de la République tchèque, et l’entreprise d’assurance est tenue de donner suite à cette demande.
3) Si l’entreprise d’assurance d’un autre État membre ne remédie pas aux manquements visés au paragraphe 1 dans le délai imparti, la Česká národní banka (Banque nationale tchèque) en informe l’autorité de contrôle de l’État membre d’origine.
4) Si les mesures correctives imposées par l’autorité de contrôle de l’État membre d’origine ne conduisent pas à l’élimination des manquements constatés dans les activités d’une entreprise d’assurance d’un autre État membre, ou si aucune mesure corrective n’a été imposée, la Česká národní banka (Banque nationale tchèque) inflige une amende à cette entreprise d’assurance ou lui interdit de conclure de nouveaux contrats d’assurance ou de réassurance en République tchèque et d’élargir les obligations découlant des contrats déjà conclus. La Česká národní banka (Banque nationale tchèque) informe l’autorité de contrôle de l’État membre d’origine de cette décision. Elle peut dans le même temps saisir l’Autorité européenne de surveillance d’une demande d’assistance.
5) Si l’affaire ne peut être reportée, la Česká národní banka (Banque nationale tchèque) procède conformément au paragraphe 4 sans appliquer la procédure prévue aux paragraphes 1 à 3.
7. La directive IDD, quant à elle, a été transposée dans l’ordre juridique tchèque par les dispositions du zákon č. 170/2018 Sb., o distribuci pojištění a zajištění (loi no 170/2018 sur la distribution d’assurances et de réassurances).
III. Les faits à l’origine du litige, le déroulement de la procédure et les questions préjudicielles
8. NOVIS est une société commerciale ayant son siège social en Slovaquie qui exerce des activités en matière d’assurance vie. Elle a une succursale sur le territoire de la République tchèque.
9. L’autorité de contrôle de l’État membre d’accueil, la Česká národní banka (Banque nationale tchèque), a considéré que NOVIS avait commis trois infractions administratives et a, à ce titre, infligé à cette société une amende de 1 000 000 couronne tchèque (CZK) (environ 40 000 euros).
10. La première infraction administrative consistait en une violation des obligations prévues à l’article 6, paragraphe 1, à l’article 8, paragraphe 3, sous c), points i), iii) et iv), ainsi qu’à l’article 8, paragraphe 3, sous f), du règlement PRIIPs. En particulier, NOVIS n’aurait pas veillé à ce que les informations contenues dans ses documents d’informations clés (dits « KID » – Key Information Documents) sur les produits soient exactes, loyales, claires, cohérentes avec tout document contractuel contraignant et ne soient pas trompeuses. Elle n’aurait pas non plus veillé à ce que ces documents contiennent toutes les informations avec la qualité et la portée requises par les réglementations directement applicables du droit de l’Union.
11. Les deuxième et troisième infractions administratives consistaient en une violation des obligations prévues par la loi no 170/2018, qui transpose dans l’ordre juridique tchèque la directive IDD. Plus précisément, la deuxième infraction administrative consistait en une violation, par NOVIS, des obligations incombant à une entreprise d’assurance d’établir, de maintenir et d’appliquer des règles de contrôle des activités des intermédiaires indépendants agissant pour son compte, compte tenu du contrôle du respect des règles de droit. La troisième infraction administrative consistait en la violation, par cette société, de son obligation de fournir des conseils au client avant la conclusion d’un contrat d’assurance visant à la constitution d’un capital.
12. Au cours de la procédure menée par l’autorité de contrôle tchèque, NOVIS a contesté la compétence de celle-ci pour mener une procédure administrative à caractère pénal. Elle a fait valoir que cette autorité de contrôle n’avait pas respecté l’article 110 de la loi no 277/2009, transposant l’article 155 de la directive solvabilité II dans l’ordre juridique tchèque. Cette disposition du droit de l’Union et sa transposition en droit national exigeraient de ladite autorité de contrôle qu’elle informe l’autorité de l’État d’origine de NOVIS d’une prétendue violation des règles par cette société et attende, par la suite, l’intervention éventuelle de cette autorité. L’autorité de contrôle tchèque n’était donc pas habilitée, selon NOVIS, à mener elle-même la procédure de sanction à l’encontre d’une société ayant son siège social dans un autre État membre.
13. Pour sa part, l’autorité de contrôle tchèque a considéré que les dispositions nationales, relatives au contrôle visant à constater des infractions à la directive IDD et au règlement PRIIPs, constituaient une réglementation distincte de celle figurant dans la directive solvabilité II. Cette autorité a également soutenu que ces dispositions nationales bénéficiaient d’une primauté sur les mesures de transposition de cette dernière directive.
14. La décision de l’autorité de contrôle tchèque a été attaquée par NOVIS devant le Městský soud v Praze (cour municipale de Prague, République tchèque). Dans sa requête, cette société a excipé de l’incompétence de cette autorité de contrôle. Cette juridiction s’est ralliée, à cet égard, à la position défendue par ladite autorité de contrôle dans la décision attaquée et a rejeté le recours.
15. NOVIS a attaqué cette décision devant le Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême, République tchèque), la juridiction de renvoi. Cette juridiction doit se pencher sur le moyen de cassation soulevé par cette société dans son pourvoi, selon lequel l’article 110 de la loi no 277/2009, transposant en droit tchèque l’article 155 de la directive solvabilité II, devrait s’appliquer à toutes les activités de contrôle concernant le secteur de l’assurance. NOVIS fait valoir qu’elle a été sanctionnée pour violation des dispositions relatives à la directive IDD et au règlement PRIIPs alors que celles-ci sont des dispositions régissant le secteur des assurances.
16. Dans ces circonstances, le Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 155 de la directive [solvabilité II] doit-il être interprété en ce sens qu’il vise également les cas de contrôle, par l’autorité de contrôle de l’État d’accueil, du respect, par une entreprise d’assurance d’un autre État membre, des obligations prévues par le règlement [PRIIPs] ou au titre de la directive [IDD] ?
2) Dans l’affirmative, découle-t-il de l’article 155 de la directive solvabilité II une compétence prioritaire de l’autorité de contrôle de l’État d’origine ainsi que l’obligation pour l’autorité de contrôle de l’État d’accueil d’épuiser en premier lieu les procédures de notification et de régularisation prévues aux paragraphes 1, 2 et 3 de cet article, même en cas de sanctions administratives infligées en application des paragraphes 5 et 6 dudit article ? »
17. La demande de décision préjudicielle est parvenue à la Cour le 11 janvier 2024. Des observations écrites ont été déposées par les parties au principal, les gouvernements tchèque, italien et slovaque ainsi que par la Commission européenne. Les parties au principal, le gouvernement tchèque et la Commission étaient représentés à l’audience du 6 mars 2025.
IV. Analyse
A. Sur la première question préjudicielle
18. La première question vise à déterminer si l’article 155 de la directive solvabilité II trouve également à s’appliquer à une situation où l’autorité de contrôle de l’État membre d’accueil procède à un contrôle du respect, par une entreprise d’assurance d’un autre État membre, des obligations prévues par le règlement PRIIPs ou par la directive IDD.
19. De manière générale, l’article 155 de la directive solvabilité II vise les compétences et pouvoirs en matière de contrôle des entreprises d’assurance par les autorités de l’État membre dans lequel l’entreprise d’assurance concernée a son siège social ainsi que par les autorités de l’État membre sur le territoire duquel cette entreprise exerce des activités d’assurance dans le cadre de la libre prestation de services ou de la liberté d’établissement. Cette disposition définit la procédure à suivre, en principe, par les autorités de l’État membre d’accueil lorsque l’entreprise d’assurance enfreint les règles applicables sur le territoire de cet État membre. Avant de prendre des mesures à l’encontre de l’entreprise d’assurance concernée, ces autorités sont tenues de s’adresser aux autorités de l’État membre d’origine de l’assureur concerné.
20. Il convient de noter que la solution au problème d’interprétation visé par la première question préjudicielle peut être envisagée de deux manières. La première consiste à analyser les dispositions de l’acte du droit de l’Union qui impose une obligation aux particuliers, tel que le règlement PRIIPs ou la directive IDD, afin de déterminer si cet acte juridique régit également la répartition des compétences et des pouvoirs des autorités des États membres en matière de contrôle du respect de cette obligation. Ce n’est que s’il s’avère que l’acte juridique en cause ne résout pas cette question qu’il conviendrait de chercher cette réponse dans d’autres actes juridiques.
21. La deuxième approche, quant à elle, consiste à analyser une règle telle que l’article 155 de la directive solvabilité II, qui concerne les compétences et les pouvoirs de contrôle des autorités des États membres et qui semble établir une règle de nature générale. En interprétant cette règle, il convient de déterminer si elle revêt effectivement un tel caractère et couvre également le contrôle du respect des dispositions prévues dans d’autres actes juridiques. Ensuite, il convient encore d’examiner si ces autres actes juridiques ne modifient pas la solution de portée générale qui découle de cette règle.
22. Eu égard aux doutes de la juridiction de renvoi, j’appliquerai cette seconde approche dans les présentes conclusions. En effet, cette juridiction adopte cette approche de la question centrale pour la présente affaire dans sa demande de décision préjudicielle. De plus, elle considère que l’article 155 de la directive solvabilité II peut être interprété de deux manières.
23. Une première interprétation suppose que la réserve figurant à l’article 155 de la directive solvabilité II, selon laquelle cette disposition fait référence aux « dispositions légales de l’État membre [d’accueil] qui sont applicables [à l’entreprise d’assurance concernée] », signifie que cette disposition vise uniquement le contrôle du respect des obligations que cette directive impose aux entreprises d’assurance. La seconde interprétation repose, quant à elle, sur la conviction que l’article 155 de ladite directive trouve à s’appliquer au contrôle de toute obligation imposée aux entreprises d’assurance en vertu du droit de l’Union.
24. D’une part, le libellé de l’article 155 de la directive solvabilité II semble plaider en faveur de cette seconde interprétation. Cette disposition utilise une formulation large pour définir les pouvoirs et les obligations des autorités de contrôle lorsqu’une entreprise d’assurance ayant son siège social dans un État membre ne respecte pas les règles en vigueur dans l’État membre dans lequel l’entreprise d’assurance a une succursale ou exerce ses activités en libre prestation de services. Je ne trouve pas, dans cette disposition, de réserve qui limiterait son champ d’application aux cas de violation des dispositions de la directive solvabilité II ou de celles qui la transposent dans l’ordre juridique d’un tel État membre.
25. D’autre part, l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union ne doit pas se limiter à l’interprétation de son libellé. Il convient d’examiner également le contexte dans lequel s’inscrit la réglementation en cause et les objectifs poursuivis par l’acte législatif dans lequel cette réglementation s’inscrit (5). Il en va d’autant plus ainsi dans le cas des réglementations qui délimitent les pouvoirs et les obligations liées au contrôle de l’exécution de certaines obligations par les particuliers. Ces règles peuvent difficilement être dissociées des dispositions de l’acte juridique régissant ces obligations. L’interprétation d’une telle règle ne doit pas non plus faire abstraction du contexte normatif plus large dans lequel la disposition en cause s’inscrit.
26. Afin de répondre à la première question préjudicielle, il convient donc de procéder à une analyse contextuelle et téléologique de l’article 155 de la directive solvabilité II. Avant de procéder à cette analyse, j’exposerai les prémisses sur lesquelles cette directive est fondée.
1. La directive solvabilité II
27. Il ressort de l’article 1er, point 1, de la directive solvabilité II que celle-ci établit, entre autres, les règles relatives à l’accès aux activités de l’assurance directe et de la réassurance dans l’Union ainsi qu’à leur exercice. Cette directive s’applique aux entreprises d’assurance directe vie et non‑vie qui ont leur siège social sur le territoire d’un État membre ou qui désirent s’y établir (article 2, paragraphe 1, première phrase).
28. La directive solvabilité II emploie les notions d’« État membre d’origine » et d’« État membre d’accueil ». D’une manière générale, cette première notion désigne l’État membre dans lequel est situé le siège social de l’entreprise d’assurance (article 13, point 8). La deuxième notion désigne, en principe, « l’État membre, autre que l’État membre d’origine, dans lequel l’entreprise d’assurance [...] a une succursale ou fournit des services » (article 13, point 9).
29. La directive solvabilité II part du principe que l’accès à l’activité d’assurance directe est subordonné à l’obtention d’un agrément préalable (article 14, paragraphe 1). Une entreprise d’assurance peut solliciter cet agrément auprès des autorités de contrôle de l’État membre d’origine (article 14, paragraphe 2). Il est important de noter que l’agrément accordé par les autorités de contrôle de l’État membre dans lequel l’entreprise d’assurance a son siège social lui permet d’exercer ses activités dans l’ensemble de l’Union (article 15, paragraphe 1). La notion même d’« autorité de contrôle » désigne l’autorité ou les autorités nationales habilitées, en vertu d’une loi ou d’une réglementation, à contrôler les entreprises d’assurance ou de réassurance (article 13, point 10).
30. Les directives auxquelles a succédé la directive solvabilité II reposaient également sur un modèle supposant que l’obtention d’un agrément dans un État membre permet l’exercice d’activités d’assurance dans d’autres États membre. Le principe selon lequel le contrôle de l’activité exercée par une telle entreprise d’assurance était, en principe, exercé par les autorités de l’État membre d’origine de celle-ci, y compris dans la mesure où il est question d’activités exercées par l’entreprise d’assurance dans d’autres États membres dans le cadre d’une succursale ou en libre prestation de services, s’inscrivait dans cette hypothèse (6).
31. Les questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi visent, en substance, à déterminer les limites dans lesquelles s’applique le principe du contrôle par l’État membre d’origine sur le fondement de la directive solvabilité II (première question) et à préciser dans quelles situations le droit de l’Union déroge à ce principe et aux procédures y afférentes (deuxième question).
32. Les articles 27 à 39 de la directive solvabilité II, qui figurent sous le chapitre III (intitulé « Autorités de contrôle et règles générales ») du titre I (intitulé « Règles générales concernant l’accès aux activités de l’assurance directe et de la réassurance et leur exercice ») de celle-ci, visent la question du contrôle des entreprises d’assurance. Il ressort de ces dispositions que ce contrôle a pour objectif principal « la protection des preneurs et des bénéficiaires » (article 27). Le contrôle inclut la vérification continue du bon fonctionnement de l’activité d’assurance, ainsi que du respect, par les entreprises d’assurance, des dispositions applicables en matière de contrôle (article 29, paragraphe 1, deuxième phrase).
33. Conformément à l’article 34, intitulé « Pouvoirs généraux de contrôle », paragraphe 1, de la directive solvabilité II, les États membres veillent à ce que les autorités de contrôle aient le pouvoir de prendre des mesures préventives et correctives en vue de garantir le respect, par les entreprises d’assurance et de réassurance, « des dispositions législatives, réglementaires et administratives auxquelles ces entreprises sont tenues de se conformer dans chaque État membre ».
34. L’article 155 de la directive solvabilité II, auquel se réfèrent les questions préjudicielles, fait référence au contrôle des activités des entreprises d’assurance dont le siège social se situe dans un autre État membre. Cette disposition figure à la section 3 (intitulée « Compétences des autorités de contrôle de l’État membre d’accueil ») du chapitre VIII (intitulé « Droit d’établissement et libre prestation de services ») du titre I de cette directive.
35. Aux termes de cette disposition, si l’autorité de contrôle d’un État membre d’accueil constate qu’une entreprise d’assurance ayant une succursale ou opérant dans le cadre de la libre prestation de services sur son territoire « ne respecte pas les dispositions légales de cet État membre qui lui sont applicables », elle exige de l’entreprise d’assurance concernée qu’elle mette fin à cette irrégularité (article 155, paragraphe 1, de la directive solvabilité II).
36. Si l’entreprise d’assurance ne fait pas le nécessaire, les autorités de contrôle de l’État membre concerné en informent les autorités de contrôle de l’État membre d’origine de cette entreprise. Celles-ci prennent, dans les plus brefs délais, toutes les mesures appropriées pour garantir qu’il est mis fin à cette situation irrégulière. Elles informent les autorités de contrôle de l’État membre d’accueil des mesures qui ont été prises (article 155, paragraphe 2, de la directive solvabilité II).
37. Si les mesures prises apparaissent inadéquates ou font totalement défaut et que l’entreprise d’assurance persiste à enfreindre « les dispositions légales en vigueur dans l’État membre d’accueil », les autorités de contrôle de cet État membre peuvent, après en avoir informé les autorités de contrôle de l’État membre d’origine, prendre les mesures appropriées pour prévenir ou réprimer de nouvelles irrégularités (article 155, paragraphe 3, de la directive solvabilité II).
38. Les paragraphes suivants de l’article 155 de la directive solvabilité II prévoient que « les paragraphes 1, 2 et 3 n’affectent pas » le pouvoir des États membres de prendre des mesures appropriées pour prévenir ou réprimer « les irrégularités » sur leur territoire (article 155, paragraphe 4) et ni le pouvoir des États membres de sanctionner les « infractions » sur leur territoire (article 155, paragraphe 5).
39. Enfin, l’article 155, paragraphe 6, de la directive solvabilité II prévoit que les autorités de contrôle de l’État membre dans lequel l’entreprise d’assurance dispose d’un établissement ou possèdent des biens peuvent, conformément au droit national, mettre à exécution les sanctions administratives nationales prévues pour cette infraction à l’égard de cet établissement ou de ces biens.
40. La première question vise à déterminer si les « dispositions légales de l’État membre [d’accueil] qui sont applicables [à l’entreprise d’assurance concernée] », visées à l’article 155 de la directive solvabilité II, concernent uniquement les dispositions de cette directive ou également d’autres dispositions du droit de l’Union. Afin de répondre à cette question, je vais maintenant examiner l’article 155 de ladite directive dans le contexte des autres dispositions de celle-ci, auxquelles cette disposition se rattache.
2. Article 155 de la directive solvabilité II et contrôle financier
41. Une disposition plus spécifique, qui utilise la notion de « contrôle financier », figure dans la réglementation générale relative au contrôle de l’activité d’assurance, insérée dans le chapitre III (intitulé « Autorités de contrôle et règles générales ») de la directive solvabilité II. Il ressort de l’article 30, paragraphe 2, de cette directive que le « contrôle financier » inclut la vérification, pour l’ensemble des activités de l’entreprise d’assurance ou de réassurance, de sa solvabilité, de ses provisions techniques, de ses actifs et de ses fonds propres éligibles, conformément aux règles établies ou aux pratiques suivies dans l’État membre d’origine, en vertu des dispositions adoptées au niveau communautaire (7).
42. L’article 30, paragraphe 1, de la directive solvabilité II prévoit que « le contrôle financier des entreprises d’assurance [...], y compris celui des activités qu’elles exercent par le moyen de succursales ou en libre prestation de services, relève de la compétence exclusive de l’État membre d’origine ». L’article 30, paragraphe 3, de cette directive prévoit, quant à lui, que, si les autorités de contrôle d’États membres autres que l’État membre d’origine ont des raisons de considérer que les activités d’une entreprise d’assurance pourraient porter atteinte à sa solidité financière, elles en informent les autorités compétentes de l’État membre d’origine de cette entreprise.
43. Du point de vue de l’interprétation systématique, se pose la question de la relation entre, d’une part, l’article 30, paragraphes 1 et 3, de la directive solvabilité II, qui définit le comportement des autorités de contrôle de l’État membre d’origine et de celles de l’État membre d’accueil lorsqu’elles constatent des irrégularités relevant du « contrôle financier », au sens de cette disposition (« compétence exclusive de l’État membre d’origine »), et, d’autre part, l’article 155 de cette directive, qui concerne la manière de procéder lorsqu’il est constaté qu’une entreprise d’assurance enfreint les règles en vigueur dans l’État membre d’accueil.
44. Alors que l’article 30, paragraphes 1 et 3, de la directive solvabilité II définit les obligations et les pouvoirs des autorités de contrôle de l’État membre d’origine et de l’État membre d’accueil en cas d’activité transfrontalière en matière d’assurance, l’article 155 de cette directive – qui traite également de cette problématique – doit nécessairement viser d’autres situations types. Si tel n’était pas le cas, un même acte juridique contiendrait des dispositions qui régiraient la même question de manière différente.
45. La jurisprudence de la Cour fournit d’autres indications pour répondre à la question de la relation entre le champ d’application de l’article 30 de la directive solvabilité II et celui de l’article 155 de celle‑ci. Dans l’arrêt Commission/Italie (8), la Cour a eu l’occasion de se pencher sur des dispositions analogues de la directive à laquelle a succédé la directive solvabilité II.
46. L’article 9, paragraphe 1, de la directive 92/49/CEE (9) prévoyait que la surveillance financière, y compris les activités qu’une entreprise d’assurance exerce par l’intermédiaire de succursales ou en libre prestation de services, relève de la compétence exclusive de l’État membre d’origine. Cette formulation (« relève de la compétence exclusive de l’État membre d’origine ») se retrouve également à l’article 30, paragraphe 1, de la directive solvabilité II. D’ailleurs, selon le tableau de correspondance figurant dans cette directive, l’article 30 de celle-ci correspond à l’article 9 de la directive 92/49.
47. Pour sa part, l’article 40 de la directive 92/49 correspond, en substance, à l’article 155 de la directive solvabilité II. Selon le tableau de correspondance figurant dans cette dernière directive, l’article 155 de celle-ci correspond précisément à l’article 40 de la directive 92/49.
48. En effet, l’article 40, paragraphes 3 à 5, de la directive 92/49 établit une solution analogue à celle figurant aujourd’hui à l’article 155, paragraphes 1 à 3, de la directive solvabilité II. L’article 40, paragraphe 7, de la directive 92/49 correspond, quant à lui, au libellé de l’article 155, paragraphe 5, de la directive solvabilité II. Ces deux dispositions prévoient, dans des termes similaires, qu’une réglementation imposant à l’État membre d’accueil d’informer l’État membre d’origine du non‑respect, par l’entreprise d’assurance, des dispositions en vigueur dans le premier État (à savoir, l’article 155, paragraphes 1 à 3, dans le cas de la directive solvabilité II et l’article 40, paragraphes 3 à 5, dans le cas de la directive 92/49) n’affecte pas le pouvoir des États membres de sanctionner les entreprises d’assurance pour les infractions aux dispositions en vigueur sur leur territoire.
49. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Italie (10), la Commission reprochait à la République italienne, notamment, d’avoir violé l’article 9 de la directive 92/49 en ce que cet État membre exerçait un contrôle sur les modalités de calcul des primes d’assurance par des entreprises d’assurances ayant leur siège social dans d’autres États et exerçant leurs activités en Italie et en ce qu’elle imposait des sanctions à ces entreprises.
50. La Cour a rejeté ce moyen dans son arrêt. Tout d’abord, elle a précisé que l’article 9 de la directive 92/49 pose le principe selon lequel le contrôle financier est exercé par l’État membre dans lequel l’entreprise d’assurance a son siège social (11). La Cour a également confirmé, dans cet arrêt, que l’État membre d’origine dispose d’une compétence exclusive pour exercer un tel contrôle.
51. Ensuite, s’agissant des mesures qui, selon la Commission violaient du droit de l’Union commises par la République italienne, la Cour a précisé que l’article 9 de la directive 92/49 définit en quoi consiste « notamment » le contrôle financier. Elle a également fait observer que « le contrôle financier » ne s’étend pas aux comportements commerciaux des entreprises d’assurances (12).
52. Enfin, la Cour a ajouté, dans le cadre d’un obiter dictum, que, s’agissant de l’article 40 de la directive 92/49, il suffit de constater, d’une part, que la Commission n’a pas reproché à la République italienne d’avoir méconnu les obligations énoncées aux paragraphes 3 à 5, de cet article (13). D’autre part, la Cour a considéré que l’article 40, paragraphe 7, de cette directive confirme le pouvoir d’un État membre de sanctionner les infractions commises sur son territoire (14).
53. Il est toutefois difficile de tirer de cette dernière constatation des conclusions définitives pour la présente affaire. Ainsi que la Cour l’a elle-même reconnu, la Commission n’avait pas reproché à la République italienne une violation de l’article 40 de la directive 92/49. Néanmoins, cette dernière affirmation pourrait laisser entendre que le contrôle du mode de calcul des primes n’était pas un contrôle financier au sens de l’article 9 de cette directive et que les infractions commises par l’entreprise d’assurance à cet égard auraient dû être sanctionnées par l’État membre d’accueil en application de l’article 40, paragraphe 7, de ladite directive.
54. Il convient également de souligner que la « violation » en cause, dont la sanction faisait l’objet de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Italie (15), ne concernait pas une violation, sur le territoire italien, des dispositions de la directive 92/49 par une entreprise d’assurance ayant son siège social dans un autre État membre. En effet, cette directive n’a pas procédé à une harmonisation du montant des primes d’assurance (16). En d’autres termes, si l’on comprend l’arrêt de la Cour en ce sens que, en vertu de l’article 40, paragraphe 7, de ladite directive, la République italienne était en droit de sanctionner les violations d’une disposition nationale qui portait sur le mode de calcul des primes, le cas d’espèce porte sur la violation d’une disposition relative à une question non réglée par la même directive.
55. Lu en ce sens, l’arrêt Commission/Italie (17) fournirait des indications précieuses sur la relation entre l’article 30 (« Contrôle financier ») et l’article 155 de la directive solvabilité II. Il serait également utile pour délimiter le champ d’application matériel de cette dernière disposition. En effet, il pourrait conduire à la conclusion que – à la différence du « contrôle financier » au sens de l’article 30 de cette directive – il peut être question, dans le cas de l’article 155 de celle-ci, non seulement de violations de dispositions de ladite directive, mais également d’autres règles en vigueur dans l’État membre d’accueil relatives aux pratiques commerciales des entreprises d’assurances qui ne relèvent pas du champ d’application de la même directive.
56. Toutefois, les questions préjudicielles dans la présente affaire ne vont pas aussi loin. En effet, elles ne concernent pas l’exercice d’un contrôle du respect d’une quelconque réglementation en vigueur dans l’État membre d’accueil. Ces questions portent sur le contrôle du respect des dispositions du droit de l’Union, à savoir du règlement PRIIPs et de la directive IDD, et sur le pouvoir de sanctionner les violations de ces dispositions commises sur le territoire de l’État membre d’accueil. Il convient donc d’examiner si les conclusions que pourrait suggérer l’arrêt Commission/Italie (18) sont corroborées par l’analyse de la relation qui existe entre l’article 155 de la directive solvabilité II, d’une part, et le règlement PRIIPs et la directive IDD, d’autre part.
3. Le règlement PRIIPs
57. Le règlement PRIIPs établit des règles uniformes relatives au format et au contenu du document d’informations clés qui doit être rédigé par les initiateurs de produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance, et relatives à la communication du document d’informations clés aux investisseurs de détail (article 1er). Il s’applique aux initiateurs de produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance et aux personnes qui fournissent des conseils au sujet de ces produits ou qui les vendent (article 2, paragraphe 1).
58. En outre, le règlement PRIIPs définit la notion d’« autorités compétentes » comme étant les autorités nationales désignées par un État membre pour contrôler le respect des obligations que ce règlement impose aux initiateurs de produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance et aux personnes qui fournissent des conseils au sujet de ces produits ou qui les vendent (article 4, point 8).
59. Les articles 22 et suivants du règlement PRIIPs régissent la question des amendes administratives et des autres mesures applicables en cas de violation des dispositions de ce règlement. En revanche, nous ne trouvons pas, dans ledit règlement, de disposition régissant directement la question de la délimitation des compétences et des pouvoirs des autorités de l’État membre d’origine et de l’État membre d’accueil en matière de contrôle du respect des dispositions de ce même règlement.
60. Il est vrai que le règlement PRIIPs contient des dispositions qui concernent les obligations et les pouvoirs des États membres en matière de surveillance du marché des produits d’assurance relevant du champ d’application de ce règlement. Il s’agit des articles 15 à 18 dudit règlement, figurant au chapitre III, intitulé « Suivi du marché et pouvoirs d’intervention sur les produits ».
61. L’article 15, paragraphe 2, du règlement PRIIPs prévoit que « les autorités compétentes exercent une surveillance sur le marché des produits d’investissement fondés sur l’assurance qui sont commercialisés, distribués ou vendus dans leur État membre ou à partir de celui-ci » (19). À cet égard, il ressort de l’article 17, paragraphe 1, de ce règlement qu’« une autorité compétente peut interdire ou restreindre dans son État membre ou à partir de cet État membre la commercialisation, la distribution ou la vente [de certains produits d’investissement fondés sur l’assurance ou un certain type d’activité ou de pratique financière d’une entreprise d’assurance ou de réassurance] ».
62. Toutefois, ce suivi ne semble pas porter sur le respect des obligations expressément régies par le règlement PRIIPs ou par le droit de l’Union. En effet, conformément à l’article 17, paragraphe 2, sous b), de ce règlement, les mesures visées à l’article 17, paragraphe 1, peuvent être prises si une autorité estime que les exigences réglementaires déjà applicables au produit d’investissement fondé sur l’assurance ou à l’activité ou à la pratique en vertu du droit de l’Union ne suffisent pas à écarter les risques identifiés par les autorités compétentes. Il s’agit donc d’un suivi du marché des produits d’assurance et d’éventuelles interventions requises en raison des lacunes constatées dans la réglementation de l’Union par l’autorité de contrôle.
63. La réponse à la question de savoir comment sont délimitées les compétences et les pouvoirs des autorités de l’État membre d’origine et de celles de l’État membre d’accueil en matière de contrôle du respect des dispositions du règlement PRIIPs doit donc être recherchée en dehors de ce règlement.
64. Rien dans le règlement PRIIPs lui-même ne s’oppose à ce que la délimitation de ces compétences et de ces pouvoirs puisse être déterminée sur le fondement des dispositions de la directive solvabilité II. De plus, l’article 3, paragraphe 2, de celui-ci prévoit que, lorsque les initiateurs de produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance soumis à ce règlement sont également soumis à la directive solvabilité II, tant ledit règlement que cette directive s’appliquent. Le même règlement suppose donc l’application simultanée de ces deux actes à une certaine catégorie de personnes, qui élaborent et créent des produits d’assurance relevant de son champ d’application. Il s’agit également des entreprises d’assurances (20) visées par ladite directive.
4. La directive IDD
65. La directive IDD établit des règles concernant l’accès aux activités de distribution d’assurances et de réassurances et leur exercice dans l’Union (21). Elle impose des obligations tant aux intermédiaires d’assurance qu’aux entreprises d’assurances (22). Les questions préjudicielles de la juridiction de renvoi reposent d’ailleurs sur la prémisse selon laquelle NOVIS, en tant qu’entreprise d’assurance, aurait violé les dispositions transposant en droit tchèque les dispositions de cette directive (23).
66. À la différence du règlement PRIIPs, la directive IDD contient des dispositions déterminant la manière de procéder en cas d’infractions commises par un intermédiaire d’assurance dans le cadre d’activités exercées dans un autre État membre dans le cadre de la libre prestation de services ou de la liberté d’établissement. Il s’agit des articles 4 à 9 de cette directive. Ceux-ci sont conçus de manière analogue à l’article 155 de la directive solvabilité II.
67. En effet, la directive IDD suppose que les autorités de l’État membre d’accueil qui constatent une infraction en informent en premier lieu les autorités de l’État membre d’origine (24). Si, en dépit des mesures prises par l’État membre d’origine ou en raison de l’inadéquation de ces mesures ou de leur absence, l’intermédiaire d’assurance continue d’agir d’une manière manifestement préjudiciable aux intérêts des consommateurs de l’État membre d’accueil ou au bon fonctionnement du marché de l’assurance et de la réassurance, l’autorité compétente de l’État membre d’accueil peut prendre les mesures appropriées pour prévenir toute nouvelle irrégularité (25).
68. Les dispositions de la directive IDD relatives à la répartition des compétences entre l’État membre d’origine et l’État membre d’accueil visent les infractions commises par les intermédiaires d’assurance ou de réassurance ou les intermédiaires d’assurance à titre accessoire. En revanche, ces dispositions ne visent pas les entreprises d’assurance.
69. La directive IDD impose donc aux entreprises d’assurance des obligations analogues à celles qu’elle impose aux intermédiaires d’assurance (26). En revanche, cette directive ne régit pas la répartition des compétences et des pouvoirs en matière de contrôle des activités des entreprises d’assurance entre les autorités de l’État membre d’origine et celles de l’État membre d’accueil.
70. Dans ce contexte, il convient toutefois de relever que la directive IDD (en ce qui concerne les intermédiaires d’assurance) et la directive solvabilité II (en ce qui concerne les entreprises d’assurance) régissent de manière similaire la question du pouvoir des autorités de l’État membre d’origine et de celles de l’État membre d’accueil en matière de contrôle des activités respectives des intermédiaires et des entreprises d’assurance.
71. On peut donc soutenir que l’intention du législateur de l’Union était d’adopter des solutions similaires en matière de contrôle du respect des obligations découlant de la directive DDD pour les intermédiaires d’assurance, sur le fondement de cette directive, et pour les entreprises d’assurance, sur le fondement de la directive solvabilité II. Une telle solution permettrait aux États membres de désigner les mêmes autorités aux fins du contrôle du respect des obligations prévues par la directive IDD par l’ensemble des entités auxquelles cette directive impose des obligations. Cela signifierait que l’article 155 de la directive solvabilité II s’applique au contrôle effectué par les autorités des États membres également dans la mesure où celles-ci contrôlent le respect des dispositions de la directive IDD.
72. Il reste encore à confronter les enseignements tirés de l’interprétation systématique de l’article 155 de la directive solvabilité II à ceux découlant de l’interprétation téléologique de cette disposition.
5. Interprétation téléologique
73. L’article 155 de la directive solvabilité II relève du chapitre VIII du titre I de cette directive qui, conformément à son intitulé, concerne le droit d’établissement et la libre prestation de services. Il est question non seulement de l’accès même au marché des États membres autres que l’État membre d’origine, mais également d’une activité courante sur le territoire de ces États membres.
74. Il ressort, en outre, du considérant 11 de la directive solvabilité II que celle-ci constitue un maillon essentiel de la réalisation du marché intérieur et que, par conséquent, les entreprises d’assurance ayant obtenu un agrément dans l’État membre d’origine doivent être habilitées à exercer leurs activités dans l’ensemble de l’Union par l’établissement de succursales ou par voie de prestation de services. Ce considérant précise, en outre, qu’« il y a donc lieu de procéder à l’harmonisation à la fois nécessaire et suffisante pour permettre la reconnaissance mutuelle des agréments et systèmes de contrôle et, partant, la mise en place d’un agrément unique valable dans toute [l’Union] et permettant le contrôle d’une entreprise par son État membre d’origine ».
75. Par ailleurs, l’objectif principal de la réglementation et du contrôle exercé par l’État membre d’origine est décrit au considérant 16. Assurer une protection adéquate à ces groupes d’opérateurs requiert d’exercer un contrôle non seulement au stade de l’accès de l’entreprise d’assurance au marché d’un autre État membre, mais également d’exercer un contrôle des activités courantes de cette entreprise et de veiller à ce qu’elles soient conformes aux dispositions en vigueur dans les différents États membres.
76. Cela conduit à la conclusion qu’une interprétation téléologique de l’article 155 de la directive solvabilité II plaide également en faveur d’une interprétation selon laquelle cette disposition s’applique à une situation où l’autorité de contrôle de l’État membre d’accueil contrôle le respect, par une entreprise d’assurance d’un autre État membre, des obligations relatives aux pratiques commerciales de telles entreprises qui sont prévues par d’autres actes du droit de l’Union, à moins que ces actes ne prévoient eux-mêmes une solution différente.
6. Conclusion relative à la première question
77. Compte tenu de l’interprétation littérale de l’article 155 de la directive solvabilité II (27), étayée par les enseignements tirés des interprétations systématique (28) et téléologique (29), je suis d’avis qu’il convient de répondre par l’affirmative à la première question. Je propose donc de répondre à cette question que l’article 155 de cette directive doit être interprété en ce sens qu’il s’applique également à une situation dans laquelle l’autorité de contrôle de l’État membre d’accueil contrôle le respect, par une entreprise d’assurance d’un autre État membre, des obligations prévues par le règlement PRIIPs ou par la directive IDD.
B. Sur la seconde question préjudicielle
78. Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 155 de la directive solvabilité II doit être interprété en ce sens que les autorités de contrôle de l’État membre d’accueil sont tenues d’épuiser, en premier lieu, les procédures de notification et de régularisation prévues aux paragraphe 1 à 3 de cet article, même en cas de sanctions administratives infligées en application des paragraphes 5 et 6 dudit article pour des violations des obligations prévues par le règlement PRIIPs ou par la directive IDD, commises sur le territoire de cet État membre.
79. La seconde question préjudicielle est posée par la juridiction de renvoi dans l’hypothèse où la Cour répondrait par l’affirmative à la première question, à savoir que l’article 155 de la directive solvabilité II s’applique également à une situation où l’autorité de contrôle de l’État membre d’accueil contrôle le respect, par une entreprise d’assurance d’un autre État membre, des obligations prévues par le règlement PRIIPs ou par la directive IDD. Il résulte de mon analyse de la première question qu’il convient d’y répondre par l’affirmative. J’examinerai donc également la deuxième question.
80. À titre liminaire, il convient de relever que la seconde question repose sur la prémisse selon laquelle les sanctions infligées à NOVIS et contestées dans l’affaire au principal sont des « sanctions » au sens de l’article 155, paragraphes 5 et 6, de la directive solvabilité II.
81. En revanche, il convient d’examiner la deuxième question tout d’abord sous l’angle de l’article 155, paragraphe 5, de la directive solvabilité II. En effet, cette disposition concerne le pouvoir de l’État membre d’accueil de sanctionner des infractions commises sur son territoire. L’article 155, paragraphe 6, de cette directive semble, quant à lui, confirmer le principe énoncé au paragraphe 5 de cet article et accentuer la possibilité de procéder à l’exécution forcée des sanctions infligées en visant les biens de l’entreprise d’assurance situés sur le territoire de cet État membre.
82. Il ressort de la décision de renvoi que NOVIS a été sanctionnée pour des infractions au règlement PRIIPs et à la directive IDD (30). Afin de répondre à la seconde question préjudicielle, j’analyserai donc, en premier lieu, les dispositions de ce règlement et de cette directive relatives à l’imposition de sanctions et d’amendes administratives pour violation des dispositions de ces actes juridiques. J’analyserai ensuite les dispositions de la directive solvabilité II qui sont directement visées par la deuxième question.
1. Sanctions et mesures administratives en cas de violation des dispositions du PRIIPs et de la directive IDD
83. La question des sanctions administratives et des autres mesures applicables en cas de violation des dispositions du règlement PRIIPs est régie à son article 22.
84. Il ressort de l’article 22, paragraphe 1, du règlement PRIIPs que – « sans préjudice des pouvoirs de contrôle dont disposent les autorités compétentes » – ce règlement impose aux États membres de prévoir les sanctions et mesures administratives applicables en cas d’infraction à ce règlement et de prendre toutes les mesures nécessaires pour que ces règles soient appliquées. L’article 23 de ce règlement, quant à lui, prévoit que les autorités compétentes exercent leurs pouvoirs d’imposer des sanctions conformément audit règlement et au droit national : soit directement, soit en coopération avec d’autres autorités, soit sous leur responsabilité par délégation à ces autorités, ou en saisissant les autorités judiciaires compétentes.
85. NOVIS a été sanctionnée directement par l’autorité de contrôle tchèque pour, notamment, violation des obligations prévues à l’article 6, paragraphe 1, et à l’article 8, paragraphe 3, du règlement PRIIPs (31). L’article 24, paragraphe 1, de ce règlement prévoit que cet article s’applique, entre autres, en cas d’infraction à l’article 6 et à l’article 8, paragraphe 3, de celui-ci.
86. Il ressort également de l’article 24, paragraphe 2, du règlement PRIIPs que « les autorités compétentes ont le pouvoir d’imposer, conformément au droit national, au moins les sanctions et mesures administratives [énumérées dans cette disposition] ». Parmi ces mesures figure « une décision suspendant la commercialisation d’un produit d’investissement packagé de détail et fondé sur l’assurance » [article 24, paragraphe 2, sous b)] ainsi que « des amendes administratives » [article 24, paragraphe 2, sous e)].
87. Le considérant 24 du règlement PRIIPs précise le sens de l’article 24 de ce règlement dans la mesure où il vise les mesures imposées par les autorités compétentes. Ce considérant indique que ledit règlement n’introduit pas de passeport permettant la vente ou la commercialisation transfrontière de produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance à des investisseurs de détail, ni ne modifie les arrangements existants en matière de passeports. Selon ce considérant, ce même règlement ne modifie pas non plus la répartition des responsabilités entre les autorités compétentes qui existent dans le cadre des arrangements en vigueur en matière de passeports. En revanche, « l’autorité compétente de l’État membre dans lequel le produit d’investissement packagé de détail et fondé sur l’assurance est commercialisé devrait être responsable du contrôle de la commercialisation de ce produit. L’autorité compétente de l’État membre dans lequel le produit est commercialisé devrait toujours avoir le droit de suspendre la commercialisation d’un produit d’investissement packagé de détail et fondé sur l’assurance sur le territoire dudit État membre en cas de non‑respect [de ce] présent règlement » (32). Il n’y a aucune raison de supposer qu’il en va autrement en ce qui concerne les « amendes administratives » que les autorités compétentes des États membres « ont le pouvoir d’imposer » en vertu de l’article 24, paragraphe 2, du règlement PRIIPs. En ce qui concerne les infractions commises sur le territoire de l’État membre d’accueil, l’autorité compétente désignée par celui-ci doit pouvoir infliger directement aussi des amendes administratives.
88. Ainsi, le règlement PRIIPs part de l’hypothèse que, si la question de la répartition des compétences et des pouvoirs de contrôle par les autorités des États membres, en tant que telle, n’est pas directement réglée par ce règlement (33), l’État membre sur le territoire duquel le produit d’assurance concerné est disponible doit pouvoir réagir aux infractions commises sur son territoire. Une telle réaction de l’État membre semble intervenir, du point de vue dudit règlement et à la lumière des explications figurant au considérant 24 de celui-ci, « sans préjudice des pouvoirs de contrôle dont disposent les autorités compétentes ».
89. Il ressort de la décision de renvoi que NOVIS a également été sanctionnée pour des infractions à la directive IDD (34). Cette directive prévoit, en matière de sanction des infractions, des solutions analogues à celles figurant dans le règlement PRIIPs.
90. Il ressort en effet de l’article 31, paragraphe 1, de la directive IID que « [s]ans préjudice des pouvoirs de surveillance des autorités compétentes et du droit des États membres de prévoir et d’imposer des sanctions pénales, les États membres veillent à ce que leurs autorités compétentes puissent imposer des sanctions et d’autres mesures administratives applicables en cas d’infraction aux dispositions nationales mettant en œuvre la présente directive, et ils prennent toutes les mesures nécessaires pour garantir leur mise en œuvre ». Aux termes de l’article 31, paragraphe 3, de cette directive, les autorités compétentes exercent les pouvoirs d’enquête et les pouvoirs d’imposer [des] sanctions, conformément à leurs cadres juridiques nationaux, de l’une des manières suivantes : directement, en coopération avec d’autres autorités ou par saisine des autorités judiciaires compétentes. Cette disposition ne s’oppose donc pas à ce que des sanctions pour infraction à ladite directive soient infligées directement par l’État membre d’accueil.
91. Il ressort de l’analyse de l’article 22 du règlement PRIIPs et de l’article 31 de la directive IDD que ces deux actes juridiques supposent que, « sans préjudice des pouvoirs de contrôle dont disposent les autorités compétentes/des pouvoirs de surveillance des autorités compétentes », les États membres sont tenus de prévoir des sanctions et des mesures administratives applicables en cas d’infraction aux dispositions de ces actes juridiques et de prendre toutes les mesures nécessaires pour que ces règles soient appliquées.
92. À la lumière de la réponse que je propose d’apporter à la première question préjudicielle, la répartition des compétences et des pouvoirs de contrôle entre les autorités de l’État membre d’origine et celles de l’État membre d’accueil est déterminée par la directive solvabilité II. Il reste donc à examiner si – également du point de vue de cette directive – une obligation ou un pouvoir de sanctionner les infractions aux dispositions du règlement PRIIPs et de la directive IDD peut effectivement être exercé en dehors de la procédure prévue à l’article 155, paragraphes 1 à 3, de la directive solvabilité II et « sans préjudice des pouvoirs de contrôle dont disposent les autorités compétentes/des pouvoirs de surveillance des autorités compétentes » auxquels cette directive fait référence.
2. Les mesures prises par l’État membre d’accueil et la directive solvabilité II
93. Il convient de commencer cette partie des considérations par l’observation suivante : l’article 155 de la directive solvabilité II contient deux dispositions qui prévoient que « [l]es paragraphes 1, 2 et 3 n’affectent pas les pouvoirs » des États membres décrits dans ces dispositions. Il s’agit de l’article 155, paragraphes 4 et 5, de cette directive.
94. La Cour n’a pas encore eu l’occasion d’interpréter ces dispositions. Toutefois, la jurisprudence de la Cour relative à l’interprétation de la directive à laquelle a succédé la directive solvabilité II fournit des indications précieuses pour l’interprétation de ces dispositions.
95. La question préjudicielle dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Onix Asigurări (35) visait à déterminer si l’article 40, paragraphe 6, de la directive 92/49 s’oppose à ce que l’autorité de contrôle de l’État membre d’accueil prenne, en cas d’urgence, afin de protéger les intérêts des assurés et des personnes ayant droit à des prestations d’assurance, une décision d’interdire la conclusion de nouveaux contrats d’assurance sur son territoire à l’encontre d’une entreprise d’assurance ayant son siège social dans un autre État membre. Une telle interdiction serait fondée sur le non‑respect – originaire ou non – d’une condition d’agrément, telle que celle relative à la réputation d’une personne ayant un lien organique et capitalistique avec l’entreprise d’assurance (36).
96. L’article 40, paragraphe 6, de la directive 92/49 prévoyait une solution proche de celle qui figure aujourd’hui à l’article 155, paragraphe 4, de la directive solvabilité II. En effet, aux termes de cette première disposition, « les paragraphes 3 à 5 n’affectent pas le pouvoir des États membres concernés de prendre, en cas d’urgence, des mesures appropriées pour prévenir les irrégularités commises sur leur territoire. Cela comporte la possibilité d’empêcher une entreprise d’assurance de continuer à conclure de nouveaux contrats d’assurance sur leur territoire ».
97. Dans le cadre de l’interprétation de l’article 40, paragraphe 6, de la directive 92/49, la Cour a relevé que cette disposition ne saurait être comprise comme ne visant que les mesures de régularisation déjà « réalisées » sur le territoire de l’État membre d’accueil. Selon la Cour, cette disposition doit être interprétée en ce sens qu’elle permet l’adoption de mesures visant à prévenir l’apparition d’irrégularités futures (37). En d’autres termes, il s’agit du pouvoir de l’État membre d’accueil d’adopter des mesures à l’égard de l’entreprise d’assurance en cas d’irrégularités ou de risque d’irrégularités (38).
98. La Cour a également constaté que l’article 40 de la directive 92/49 prévoit « deux procédures distinctes » dans le cadre desquelles les autorités de l’État membre d’accueil peuvent adopter – en cas d’« irrégularités » ou de risque d’« irrégularités » – des mesures à l’égard d’une entreprise d’assurance ayant son siège social dans un autre État membre.
99. La première procédure est régie à l’article 40, paragraphes 4 et 5, de la directive 92/49. Cette disposition correspond à l’article 155, paragraphes 2 et 3, de la directive solvabilité II.
100. La seconde procédure est, quant à elle, régie à l’article 40, paragraphe 6, de la directive 92/49. Pour reprendre les termes de la Cour : « [Cette disposition] ne prévoit [pas], par dérogation à la procédure ordinaire visée aux paragraphes 4 et 5 de cet article, d’obligation, pour l’État membre de la prestation de services concerné, ni d’informer de ces irrégularités les autorités compétentes de l’État membre d’origine ni de faire part à ces dernières de son intention d’adopter des mesures appropriées » (39).
101. La Cour a établi une distinction plus poussée entre ces deux procédures régies, respectivement, à l’article 40, paragraphes 4 et 5, et à l’article 40, paragraphe 1, de la directive 92/49.
102. Premièrement, la procédure de l’article 40, paragraphe 6, de la directive 92/49 ne peut s’appliquer qu’en cas d’urgence nécessitant l’adoption immédiate de mesures appropriées (40).
103. Deuxièmement, la Cour semble considérer que, en adoptant des mesures dans le cadre de la procédure de l’article 40, paragraphe 6, de la directive 92/49, l’État membre d’accueil ne peut pas usurper les pouvoirs exercés par l’État membre d’origine de l’entreprise d’assurance concernée, en vertu du principe du contrôle par l’État membre d’origine (41). Les mesures que ces États membres prennent doivent non seulement être justifiées par l’urgence, mais ne sauraient être « que conservatoires », de sorte que l’État membre d’accueil, lorsqu’il les applique, n’entre pas dans la sphère de contrôle réservée à l’État membre d’origine. La Cour a affirmé ceci : « [Ces mesures] ne s’appliquent, par conséquent, que dans l’attente d’une décision des autorités compétentes de l’État membre d’origine tirant les conséquences [...] des éléments factuels relevés par l’État membre de la prestation de services » (42).
104. Ajoutons que l’arrêt Onix Asigurări (43) portait sur le pouvoir de l’État membre d’origine de délivrer un agrément et de vérifier le respect des conditions auxquelles était subordonnée la délivrance d’un tel agrément. L’article 4 de la directive 92/49, qui a un contenu normatif proche de celui de l’article 14 de la directive solvabilité II, présumait qu’il s’agissait d’un domaine réservé à l’État membre d’origine.
105. Comme déjà indiqué (44), l’équivalent de l’article 40, paragraphe 6, de la directive 92/49 est l’article 155, paragraphe 4, de la directive solvabilité II. Dans le cadre de l’interprétation de l’article 155, paragraphe 4, de la directive solvabilité II, on peut donc exploiter les enseignements tirés de l’arrêt Onix Asigurări (45) et concernant l’article 40, paragraphe 6, de la directive 92/49. Cela signifie que l’État membre d’accueil peut, sur le fondement de l’article 155, paragraphe 4, de la directive solvabilité II, prendre des mesures sans tenir compte de l’article 155, paragraphes 1 à 3, de cette directive dans la mesure où, d’une part, la condition de l’urgence plaide en ce sens et que, d’autre part, ces mesures, par leur nature même, n’empiètent pas sur le domaine réservé à l’État membre d’origine.
106. Toutefois, les questions préjudicielles dans la présente affaire ne portent pas sur l’article 155, paragraphe 4, de la directive solvabilité II. Rien n’indique d’ailleurs que la juridiction de renvoi considère que l’autorité de contrôle tchèque a adopté des mesures à l’encontre NOVIS en invoquant l’urgence de leur application à cette société.
107. La deuxième question, quant à elle, se réfère expressément, entre autres, à l’article 155, paragraphe 5, de la directive solvabilité II. Il convient toutefois de relever que tant l’article 155, paragraphe 4, que l’article 155, paragraphe 5, de cette directive, prévoient une dérogation à la procédure prévue aux paragraphes 1 à 3 de cet article (46). Il s’ensuit que, si l’interprétation de l’article 40, paragraphe 6, de la directive 92/49 retenue dans l’arrêt Onix Asigurări (47) est pertinente pour l’interprétation de l’article 155, paragraphe 4, de la directive solvabilité II, cela a aussi une importance indirecte dans le cadre de l’interprétation de l’article 155, paragraphe 5, de cette directive.
108. Il en découle la conclusion suivante : l’article 155, paragraphe 4, de la directive solvabilité II vise des situations dans lesquelles des mesures urgentes sont nécessaires pour prévenir les effets indésirables résultant d’« irrégularités » commises par une entreprise d’assurance. Dans ce cas, l’État membre d’accueil n’est pas tenu de respecter la manière de procéder prévue à l’article 155, paragraphes 1 à 3, de cette directive. Toutefois, l’État membre doit veiller à ce que les mesures qu’il prend ne portent pas atteinte au principe du contrôle par l’État membre d’origine et que ces mesures doivent être strictement encadrées.
109. Dans le même ordre d’idées : l’article 155, paragraphe 5, de la directive solvabilité II dispense également les États membres de l’obligation de se conformer à la manière de procéder décrite à l’article 155, paragraphes 1 à 3, de cette directive. De même, les mesures prises par l’État membre d’accueil en vertu des pouvoirs visés à l’article 155, paragraphe 5, de ladite directive ne sauraient remettre en cause le principe du contrôle par l’État membre d’origine.
110. Enfin, l’article 155, paragraphe 5, de la directive solvabilité II vise nécessairement les pouvoirs de l’État membre d’accueil autres que ceux visés au paragraphe 4 de cet article. Dans le cas contraire, l’application simultanée de ces deux dispositions dans le cadre de cette directive serait dépourvue de sens.
111. L’article 155, paragraphe 4, de la directive solvabilité II vise – tout comme l’article 155, paragraphe 1, de celle-ci – la réaction aux « irrégularités » ou au risque d’irrégularités. Le fait que ces deux dispositions visent des situations de même type (des « irrégularités ») explique pourquoi, dans l’arrêt Onix Asigurări (48), la Cour a accordé une telle importance au fait que l’exercice, par l’État membre d’accueil, des pouvoirs visés à l’article 155, paragraphe 4, de cette directive n’impliquait pas un empiètement sur le domaine de contrôle réservé à l’État membre d’origine (49). En effet, dans ce domaine, les autorités des États membres sont tenues de respecter la procédure prévue à l’article 155, paragraphe 1 à 3, de ladite directive.
112. L’article 155, paragraphe 5, de la directive solvabilité II, quant à lui, vise les sanctions pour les « infractions » commises sur le territoire de l’État membre d’accueil. Il n’est pas question ici, me semble-t-il, d’une situation durable de fonctionnement irrégulier de l’entreprise d’assurance, ou d’un risque d’une telle situation, à laquelle/auquel il ne peut être remédié qu’en intervenant « à la source », dans l’État membre d’origine de l’entreprise d’assurance concernée. En effet, une telle situation est constitutive d’une « irrégularité », au sens de l’article 155 de cette directive. À l’article 155, paragraphe 5, de ladite directive, il est plutôt question d’infractions commises lorsqu’une entreprise d’assurance s’acquitte des obligations qui lui incombent dans ses relations avec les preneurs d’assurance et les bénéficiaires présents sur le territoire de l’État membre concerné. L’imposition de telles sanctions ne remet pas en cause la compétence de principe de l’État membre en matière de contrôle de l’entreprise d’assurance ayant son siège social dans cet État.
113. Cette ligne d’interprétation peut également être confirmée par l’arrêt Commission/Italie, précité (50). Pour rappel, cette affaire avait pour objet des sanctions infligées à une entreprise d’assurance pour le caractère illégal, au regard du droit de l’État membre d’accueil, du calcul des primes d’assurance appliquées aux contrats conclus avec les preneurs d’assurance dans l’État membre d’accueil. Comme déjà indiqué (51), cet arrêt peut laisser à penser que l’article 155, paragraphe 5, de la directive solvabilité II confirme le pouvoir de l’État membre d’accueil de sanctionner les violations, commises sur son territoire, des dispositions qui régissent les pratiques commerciales des entreprises d’assurance.
114. Enfin, le fait de laisser aux autorités de contrôle de l’État membre concerné le pouvoir d’infliger des sanctions en cas de violations des obligations liées à l’exercice de l’activité d’assurance vis‑à-vis des preneurs et des bénéficiaires situés sur le territoire de cet État membre apparaît comme étant la solution la plus appropriée et la plus efficace du point de vue d’une protection effective et aussi rapide que possible par ces autorités.
3. Conclusion sur la seconde question
115. Les dispositions du règlement PRIIPs et de la directive IDD, d’une part, et de la directive solvabilité II, d’autre part, se complètent donc dans la mesure où elles visent l’imposition de sanctions pour des infractions commises par une entreprise d’assurance sur le territoire de l’État membre d’accueil.
116. En effet, d’une part, le règlement PRIIPs et la directive IID prévoient que, « sans préjudice des pouvoirs de contrôle dont disposent les autorités compétentes/ des pouvoirs de surveillance des autorités compétentes », les États membres sont tenus de prévoir les sanctions et les mesures administratives applicables en cas d’infraction aux dispositions de ces actes juridiques et de prendre toutes les mesures nécessaires pour que ces règles soient appliquées (52).
117. D’autre part, la répartition des compétences et des pouvoirs entre les autorités de contrôle de l’État membre d’origine et celles de l’État membre d’accueil est régie par la directive solvabilité II (53). À cet égard, les autorités des États membres doivent, en principe, respecter la procédure prévue à l’article 155, paragraphes 1 à 3, de cette directive. Toutefois, l’article 155, paragraphe 5, de ladite directive prévoit que, par dérogation à cette procédure, les États membres d’accueil peuvent exercer leur pouvoir de sanctionner les infractions commises sur leur territoire.
118. Au vu des conclusions concordantes auxquelles aboutit l’interprétation des dispositions du règlement PRIIPs et de la directive IDD, d’une part, et de la directive solvabilité II, d’autre part, je propose de répondre à la seconde question que l’article 155 de la directive solvabilité II doit être interprété en ce sens que les autorités de contrôle de l’État membre d’accueil ne sont pas tenues d’épuiser en premier lieu les procédures de notification et de régularisation prévues aux paragraphes 1 à 3 de cet article, en cas de sanctions administratives infligées en application des paragraphes 5 et 6 dudit article pour des violations des obligations prévues par le règlement PRIIPs ou par la directive IDD, commises sur le territoire de cet État membre.
V. Conclusion
119. EU égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions posées par le Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême) :
1) L’article 155 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II),
doit être interprété en ce sens que :
il s’applique également à une situation dans laquelle l’autorité de contrôle de l’État membre d’accueil contrôle le respect, par une entreprise d’assurance d’un autre État membre, des obligations prévues par le règlement (UE) no 1286/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 26 novembre 2014, sur les documents d’informations clés relatifs aux produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance (PRIIPs) ou par la directive (UE) 2016/97 du Parlement européen et du Conseil, du 20 janvier 2016, sur la distribution d’assurances.
2) L’article 155 de la directive 2009/138
doit être interprété en ce sens que :
les autorités de contrôle de l’État membre d’accueil ne sont pas tenues d’épuiser en premier lieu les procédures de notification et de régularisation prévues aux paragraphes 1 à 3 de cet article, en cas de sanctions administratives infligées en application des paragraphes 5 et 6 dudit article pour des violations des obligations prévues par le règlement PRIIPs ou par la directive 2016/97, commises sur le territoire de cet État membre.