ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

3 juillet 2025 (*)

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 72 – Valeur normale – Article 80 – Réévaluation de la base d’imposition – Société mère fournissant des services à ses filiales dans le cadre de la gestion active de celles-ci – Détermination de la valeur normale »

Dans l’affaire C‑808/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Högsta förvaltningsdomstolen (Cour suprême administrative, Suède), par décision du 21 décembre 2023, parvenue à la Cour le 27 décembre 2023, dans la procédure

Högkullen AB

contre

Skatteverket,

LA COUR (première chambre),

composée de M. F. Biltgen, président de chambre, M. T. von Danwitz, vice‑président de la Cour, faisant fonction de juge de la première chambre, M. A. Kumin (rapporteur), Mme I. Ziemele et M. S. Gervasoni, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Högkullen AB, par Mmes M. Hedin et J. van der Gronden,

–        pour Skatteverket, par Mme A. Möller, rättslig expert,

–        pour la Commission européenne, par M. M. Björkland et Mme P. Carlin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 6 mars 2025,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 72 et 80 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Högkullen AB au Skatteverket (agence des impôts, Suède) (ci-après l’« administration fiscale ») au sujet de la détermination de la valeur normale des services fournis par Högkullen à ses filiales en 2016.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive TVA :

« Le principe du système commun de [taxe sur la valeur ajoutée (TVA)] est d’appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services, quel que soit le nombre des opérations intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d’imposition.

À chaque opération, la TVA, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix.

[...] »

4        L’article 72 de cette directive dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par “valeur normale”, le montant total qu’un acquéreur ou un preneur, se trouvant au stade de commercialisation auquel est effectuée la livraison de biens ou la prestation de services, devrait payer, dans des conditions de pleine concurrence, à un fournisseur ou prestataire indépendant sur le territoire de l’État membre dans lequel l’opération est imposable, pour se procurer à ce moment les biens ou les services en question.

Lorsqu’il n’est pas possible d’établir une livraison de biens ou une prestation de services comparables, on entend par la valeur normale les montants suivants :

1)      lorsqu’il s’agit de biens, un montant qui n’est pas inférieur au prix d’achat des objets ou d’objets comparables ou, à défaut de prix d’achat, au prix de revient, déterminés au moment où s’effectuent ces opérations ;

2)      lorsqu’il s’agit de services, un montant qui n’est pas inférieur aux dépenses engagées par l’assujetti pour l’exécution de la prestation de services. »

5        Aux termes de l’article 73 de ladite directive :

« Pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées aux articles 74 à 77, la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. »

6        L’article 80, paragraphe 1, de la même directive prévoit :

« Afin de prévenir la fraude ou l’évasion fiscales, les États membres peuvent prendre des mesures pour que, pour les livraisons de biens et les prestations de services à des bénéficiaires avec lesquels il existe des liens familiaux ou d’autres liens personnels étroits, des liens organisationnels, de propriété, d’affiliation, financiers ou juridiques tels que définis par l’État membre, la base d’imposition soit constituée par la valeur normale de l’opération dans les cas suivants :

a)      lorsque la contrepartie est inférieure à la valeur normale et que le destinataire de la livraison ou de la prestation n’a pas le droit de déduire entièrement la TVA en vertu des articles 167 à 171 et des articles 173 à 177 ;

[...] »

 Le droit suédois

7        Le litige au principal est régi ratione temporis par les dispositions de la Mervärdesskattelagen (1994:200) [loi sur la TVA (1994:200)]. Les articles 72, 73 et 80 de la directive TVA ont été transposés en droit suédois, respectivement, par le chapitre 1er, article 9, premier alinéa, ainsi que par le chapitre 7, articles 2, 3 et 3a, de cette loi.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

8        Högkullen est la société mère d’un groupe de gestion immobilière et participe activement à la gestion de ses filiales. À ce titre, en 2016, elle a fourni à celles-ci des services de gestion d’entreprise, des services financiers, des services de gestion immobilière, des services d’investissement, des services informatiques et d’administration du personnel pour un montant total facturé d’environ 2,3 millions de couronnes suédoises (SEK) (environ 204 200 euros), auquel a été appliquée la TVA.

9        Cette contrepartie a été déterminée en appliquant la méthode dite « du prix de revient majoré » et se composait d’un montant correspondant aux coûts d’achat et d’exécution des services par Högkullen ainsi que d’une marge bénéficiaire. À cet égard, cette société a appliqué une clé de répartition selon laquelle un certain pourcentage des coûts qu’elle supportait pour la direction de l’entreprise et pour des éléments tels que les locaux, le téléphone, les outils informatiques, la représentation et les voyages étaient considérés comme étant imputables aux services fournis aux filiales. En revanche, elle a considéré que les coûts d’« actionnaire », tels que les frais d’établissement des comptes annuels, d’audit et d’assemblée générale, ainsi que les frais de levée de fonds, n’avaient aucun lien avec les services fournis. Ces frais ont donc été exclus du calcul de ladite contrepartie, de même que les coûts liés à une nouvelle émission d’actions prévue et à une cotation en Bourse.

10      Les coûts totaux supportés par Högkullen au cours de l’année 2016 s’élevaient à environ 28 millions SEK (environ 2 484 000 euros). Environ la moitié de ce montant concernait des coûts soumis à la TVA, tandis que le reste concernait des coûts exonérés de la TVA et d’autres coûts non soumis à la TVA, tels que les charges salariales. Cette société a déduit l’intégralité de la TVA en amont relative aux frais qu’elle avait supportés et pour lesquels la TVA lui avait été facturée, ce qui incluait également la TVA relative aux coûts d’« actionnaire ».

11      L’administration fiscale a considéré que les services fournis par Högkullen à ses filiales avaient été facturés à un prix inférieur à la valeur normale. Dès lors que, selon cette administration, il n’existait pas de services comparables proposés librement sur le marché, elle a déterminé la base d’imposition à concurrence d’un montant correspondant à l’ensemble des coûts supportés par cette société pour l’année 2016.

12      Après que, par un arrêt du 3 mars 2021, le Kammarrätten i Göteborg (Cour d’appel administrative de Göteborg, Suède) a confirmé en deuxième instance la décision de l’administration fiscale de réévaluer la base d’imposition de Högkullen, celle-ci a formé un pourvoi contre cet arrêt devant le Högsta förvaltningsdomstolen (Cour suprême administrative, Suède), qui est la juridiction de renvoi.

13      La juridiction de renvoi rappelle que, en vertu de l’article 80, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA, des mesures peuvent être prises pour que la base d’imposition corresponde à la valeur normale lorsqu’il existe des liens organisationnels entre les assujettis impliqués, que la contrepartie est inférieure à la valeur normale et que le destinataire de la prestation n’a pas le droit de déduire entièrement la TVA. Alors que les première et troisième de ces conditions seraient remplies en l’occurrence, des doutes subsisteraient sur ce qu’il faut entendre par « valeur normale ».

14      Ainsi, les parties à la procédure devant cette juridiction auraient des points de vue différents sur la question de savoir si l’article 72, premier alinéa, de la directive TVA peut être appliqué pour déterminer la valeur normale des services fournis par une société mère à ses filiales. Il ressortirait de cette disposition, notamment, que la notion de « valeur normale » viserait le montant total qu’un preneur devrait payer, dans des conditions de pleine concurrence, à un prestataire indépendant pour se procurer les services en question.

15      À cet égard, Högkullen considère que les différents services fournis par une société mère à ses filiales doivent être évalués individuellement et que des services équivalents peuvent être acquis librement sur le marché. En revanche, l’administration fiscale soutient que la gestion active des filiales par une société mère est un service unique et cohérent dont l’équivalent n’existe pas entre parties indépendantes sur le marché libre. Dès lors qu’il s’agirait de prestations propres au groupe constitué par la société mère et ses filiales, leur valeur normale ne pourrait être déterminée conformément aux dispositions de l’article 72, premier alinéa, de la directive TVA, mais devrait s’effectuer sur la base des dispositions du second alinéa de cet article 72.

16      Selon la juridiction de renvoi, il est nécessaire que la Cour clarifie la question de savoir si l’on peut considérer, à l’instar de l’administration fiscale, qu’il n’existe pas de prestations comparables proposées librement sur le marché en ce qui concerne le type de services en cause et qu’il est donc conforme aux articles 72 et 80 de la directive TVA de toujours déterminer la valeur normale dans ce cas en se fondant sur la règle alternative figurant à l’article 72, second alinéa, de cette directive.

17      S’agissant de cet article 72, second alinéa, il existerait également une divergence de vues entre les parties au litige dont cette juridiction est saisie. En vertu de cette disposition, on entend par valeur normale un montant qui n’est pas inférieur aux dépenses engagées par l’assujetti pour l’exécution de la prestation de services. Selon Högkullen, la méthode du prix de revient majoré utilisée par elle pour calculer la contrepartie en cause conduit à ce que cette dernière soit au moins égale aux coûts qu’elle a supportés pour la fourniture des services. En revanche, l’administration fiscale est d’avis que tous les coûts de la société mère constituent des coûts pour la fourniture des services fournis aux filiales.

18      La juridiction de renvoi souhaite donc savoir si, lorsque la seule activité d’une société mère consiste à gérer activement ses filiales et que cette société a déduit l’intégralité de la TVA en amont afférente à ses coûts, le fait de considérer que l’ensemble des coûts de ladite société, y compris les coûts d’actionnaire, constituent des coûts exposés par la même société pour fournir des services à ses filiales est conforme aux articles 72 et 80 de la directive TVA.

19      Dans ces conditions, le Högsta förvaltningsdomstolen (Cour suprême administrative) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Est-il conforme aux articles 72 et 80 de la directive TVA de considérer, aux fins de l’application des règles nationales relatives à la réévaluation de la base d’imposition, que lorsqu’une société mère fournit à ses filiales des services du type de ceux en cause en l’espèce, il s’agit toujours de prestations [propres au groupe] dont la valeur normale ne peut être déterminée au moyen de la comparaison prévue à [l’article 72, premier alinéa, de cette directive] ?

2)      Est-il conforme aux articles 72 et 80 de la directive TVA de considérer, aux fins de l’application des règles nationales relatives à la réévaluation de la base d’imposition, que l’ensemble des coûts d’une société mère, y compris les coûts de mobilisation de capitaux et les coûts d’actionnaire, constitue le coût pour la société des services fournis à ses filiales, lorsque la seule activité de la société mère est la gestion active des filiales et que la société a déduit l’ensemble de la TVA en amont relative à ses acquisitions ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

20      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 72 et 80 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que les services fournis par une société mère à ses filiales dans le cadre de la gestion active de celles-ci soient, dans tous les cas, considérés par l’administration fiscale comme constituant une prestation unique excluant que la valeur normale de ces services puisse être déterminée au moyen de la méthode de comparaison prévue à l’article 72, premier alinéa, de cette directive.

21      Afin de répondre à cette question, il convient de rappeler que, selon la règle générale énoncée à l’article 73 de la directive TVA, pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées aux articles 74 à 77 de cette directive, la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. Il s’agit donc de la contrepartie établie entre les parties et réellement reçue par l’assujetti, et non d’une valeur estimée selon des critères objectifs, telle que la valeur de marché ou une valeur de référence déterminée par l’administration fiscale (voir, en ce sens, arrêts du 7 novembre 2013, Tulică et Plavoşin, C‑249/12 et C‑250/12, EU:C:2013:722, point 33, ainsi que du 25 novembre 2021, Amper Metal, C‑334/20, EU:C:2021:961, point 28).

22      Afin de prévenir la fraude et l’évasion fiscales, l’article 80, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA institue une exception à la règle générale prévue à l’article 73 de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2021, Amper Metal, C‑334/20, EU:C:2021:961, point 29), en ce qu’il permet de considérer que la base d’imposition est la valeur normale de l’opération lorsque, premièrement, cette opération est une livraison de biens ou une prestation de services à des bénéficiaires avec lesquels il existe des liens familiaux ou d’autres liens personnels étroits, des liens organisationnels, de propriété, d’affiliation, financiers ou juridiques, que, deuxièmement, la contrepartie est inférieure à la valeur normale et que, troisièmement, le destinataire de la livraison ou de la prestation n’a pas le droit de déduire entièrement la TVA.

23      En l’occurrence, s’agissant des services que Högkullen a fournis à ses filiales, il est constant que les première et troisième conditions d’application de l’article 80, paragraphe 1, sous a), de la directive TVA, indiquées au point précédent, sont remplies. En revanche, il existe des doutes sur l’application de la deuxième condition, tenant à la « valeur normale ».

24      Cette notion est définie à l’article 72, premier alinéa, de la directive TVA comme étant « le montant total qu’un acquéreur ou un preneur, se trouvant au stade de commercialisation auquel est effectuée la livraison de biens ou la prestation de services, devrait payer, dans des conditions de pleine concurrence, à un fournisseur ou prestataire indépendant sur le territoire de l’État membre dans lequel l’opération est imposable, pour se procurer à ce moment les biens ou les services en question ».

25      Or, l’administration fiscale soutient que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, il n’est pas possible, par principe, de déterminer une valeur normale conformément à cet article 72, premier alinéa, dès lors que la gestion active des filiales par une société mère constitue un service unique et cohérent dont l’équivalent n’existe pas entre parties indépendantes sur le marché libre.

26      À cet égard, il est de jurisprudence constante que, lorsqu’une opération est constituée d’un faisceau d’éléments et d’actes, il y a lieu de prendre en considération toutes les circonstances dans lesquelles se déroule l’opération en question, afin de déterminer si cette opération donne lieu, aux fins de la TVA, à deux ou à plusieurs prestations distinctes ou à une prestation unique (arrêts du 18 avril 2024, Companhia União de Crédito Popular, C‑89/23, EU:C:2024:333, point 34, et du 17 octobre 2024, Digital Charging Solutions, C‑60/23, EU:C:2024:896, point 46 ainsi que jurisprudence citée).

27      En particulier, s’il découle de l’article 1er, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive TVA que chaque opération doit normalement être considérée, aux fins de la TVA, comme étant distincte et indépendante, l’opération constituée d’une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de TVA. Il existe une prestation unique lorsque plusieurs éléments ou actes fournis par l’assujetti au client sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable, dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel (arrêts du 18 avril 2024, Companhia União de Crédito Popular, C‑89/23, EU:C:2024:333, point 35, et du 17 octobre 2024, Digital Charging Solutions, C‑60/23, EU:C:2024:896, point 47 ainsi que jurisprudence citée).

28      En outre, dans certaines circonstances, plusieurs prestations formellement distinctes, qui pourraient être fournies isolément et ainsi donner lieu, séparément, à taxation ou à exonération, doivent être considérées comme étant une opération unique lorsqu’elles ne sont pas indépendantes (arrêts du 18 avril 2024, Companhia União de Crédito Popular, C‑89/23, EU:C:2024:333, point 36, et du 17 octobre 2024, Digital Charging Solutions, C‑60/23, EU:C:2024:896, point 48 ainsi que jurisprudence citée).

29      Tel est, notamment, le cas lorsqu’un ou plusieurs éléments doivent être considérés comme constituant la prestation principale, alors que, à l’inverse, d’autres éléments doivent être regardés comme étant une ou des prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale. À cet égard, un critère à prendre en considération est l’absence de finalité autonome de la prestation du point de vue du consommateur moyen. Ainsi, une prestation doit être considérée comme étant accessoire à une prestation principale lorsqu’elle constitue pour la clientèle non pas une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire (arrêts du 18 avril 2024, Companhia União de Crédito Popular, C‑89/23, EU:C:2024:333, point 37, et du 17 octobre 2024, Digital Charging Solutions, C‑60/23, EU:C:2024:896, point 48 ainsi que jurisprudence citée).

30      Dans ce contexte, le fait qu’un prix unique soit facturé ou que des prix distincts soient contractuellement prévus n’a pas une importance décisive pour déterminer s’il y a lieu de conclure à l’existence de plusieurs opérations distinctes et indépendantes ou d’une opération unique (voir, en ce sens, arrêts du 25 février 1999, CPP, C‑349/96, EU:C:1999:93, point 31, et du 2 décembre 2010, Everything Everywhere, C‑276/09, EU:C:2010:730, point 29 ainsi que jurisprudence citée).

31      En l’occurrence, les services fournis par Högkullen à ses filiales étaient, plus spécifiquement, des services de gestion d’entreprise, des services financiers, des services de gestion immobilière, des services d’investissement ainsi que des services informatiques et d’administration du personnel.

32      Or, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 26 à 30 du présent arrêt, il ne saurait être considéré que, par principe, de tels services sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable et, partant, une prestation unique.

33      En effet, ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé aux points 43 et 44 de ses conclusions, d’une part, lesdits services, même s’ils sont fournis en commun, semblent avoir chacun un caractère propre et identifiable. D’autre part, le fait qu’un prix global est payé par chacune des filiales à Högkullen pour l’ensemble des services que celle-ci lui rend ne saurait être déterminant en matière de prestations intragroupe dès lors que, dans le cas contraire, le groupe serait lui-même en mesure d’influencer la qualification qu’il convient de conférer à ces prestations aux fins de la TVA en fonction des modalités de rémunération convenues.

34      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que les articles 72 et 80 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que les services fournis par une société mère à ses filiales dans le cadre de la gestion active de celles-ci soient, dans tous les cas, considérés par l’administration fiscale comme constituant une prestation unique excluant que la valeur normale de ces services puisse être déterminée au moyen de la méthode de comparaison prévue à l’article 72, premier alinéa, de cette directive.

 Sur la seconde question

35      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi sollicite, en substance, une interprétation de l’article 72, second alinéa, de la directive TVA.

36      À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que cette question repose sur la prémisse selon laquelle l’interprétation de la directive TVA permettrait de supposer que, en cas de gestion active de ses filiales par une société mère, il n’existe pas de prestations comparables proposées librement sur le marché. Si cette prémisse était exacte, il s’agirait alors de déterminer s’il est conforme à cette directive de toujours déterminer, dans ce cas, la valeur normale en se fondant sur la nature unique des services en cause, selon la règle alternative prévue à l’article 72, second alinéa, de ladite directive.

37      Or, ainsi qu’il ressort des motifs venant au soutien de la réponse à la première question, la thèse selon laquelle les services fournis par une société mère à ses filiales dans le cadre de la gestion active de celles-ci constituent dans tous les cas une prestation unique ne saurait être retenue.

38      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.

 Sur les dépens

39      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

Les articles 72 et 80 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée,

doivent être interprétés en ce sens que :

ils s’opposent à ce que les services fournis par une société mère à ses filiales dans le cadre de la gestion active de celles-ci soient, dans tous les cas, considérés par l’administration fiscale comme constituant une prestation unique excluant que la valeur normale de ces services puisse être déterminée au moyen de la méthode de comparaison prévue à l’article 72, premier alinéa, de cette directive.

Signatures


*      Langue de procédure : le suédois.