ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR
30 juin 2025 (*)
« Pourvoi – Intervention – Article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne – Intérêt à la solution du litige – Rejet »
Dans l’affaire C‑585/24 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 5 septembre 2024,
Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. J. Bauerschmidt, M. Chavrier, Mmes E. d’Ursel et A. Westerhof Löfflerová, en qualité d’agents,
partie requérante,
soutenu par :
Commission européenne, représentée par MM. P. Messina et D. Triantafyllou, en qualité d’agents,
partie intervenante au pourvoi,
les autres parties à la procédure étant :
Volkskreditbank AG, établie à Lintz (Autriche), représentée par Mes A. Brenneis, G. Eisenberger et J. Holzmann, Rechtsanwälte,
partie demanderesse en première instance,
Conseil de résolution unique (CRU), représenté initialement par M. D. Ceran, Mmes C. De Falco, H. Ehlers et M. K.-Ph. Wojcik, puis par M. D. Ceran, Mmes C. De Falco et H. Ehlers, en qualité d’agents, assistés de Mes P. Gey et H.-G. Kamann, Rechtsanwälte,
partie défenderesse en première instance,
Parlement européen, représenté par Mme G. C. Bartram, MM. O. Denkov, J. Etienne, M. Menegatti et L. Visaggio, en qualité d’agents,
partie intervenante en première instance,
LE PRÉSIDENT DE LA COUR,
vu la proposition de M. B. Smulders, juge rapporteur,
l’avocat général, M. D. Spielmann, entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, le Conseil de l’Union européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 3 juillet 2024, Volkskreditbank/CRU (Contributions ex ante 2022) (T‑406/22, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2024:439), par lequel celui-ci a annulé la décision du Conseil de résolution unique (CRU), du 11 avril 2022, sur le calcul des contributions ex ante pour 2022 au Fonds de résolution unique (FRU) (SRB/ES/2022/18) (ci-après la « décision litigieuse »), en ce qu’elle concerne Volkskreditbank AG. Dans son mémoire en réponse, cette dernière conclut au rejet de ce pourvoi.
2 Par actes déposés au greffe de la Cour respectivement les 7, 11 et 13 février 2025, DZ Bank AG Deutsche Zentral-Genossenschaftsbank, Frankfurt am Main, Landesbank Baden-Württemberg et Nordea Bank Oyj ont, sur le fondement de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 129, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour, demandé à intervenir au soutien des conclusions de Volkskreditbank.
3 À la suite de la signification de ces demandes d’intervention aux parties par le greffier de la Cour, conformément à l’article 131, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 190, paragraphe 1, de celui-ci, le Parlement européen, le Conseil et le CRU ont déposé, dans les délais impartis, des observations sur lesdites demandes dans lesquelles ils se sont opposés à celles-ci. Volkskreditbank, qui a également déposé des observations sur les mêmes demandes dans ces délais, a indiqué qu’elle ne s’y opposait pas.
Sur les demandes d’intervention
4 À titre liminaire, il y a lieu de relever que, lorsque des demandes d’intervention sont présentées après l’expiration du délai visé à l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, il convient d’avoir égard à l’article 129, paragraphe 4, première phrase, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 190, paragraphe 1, de celui-ci, qui prévoit que le président de la Cour peut prendre en considération une demande d’intervention présentée après l’expiration de ce délai pour autant qu’elle l’a été avant l’adoption de la décision d’ouverture de la phase orale de la procédure.
5 En l’espèce, dès lors que les demandes d’intervention de DZ Bank Deutsche Zentral-Genossenschaftsbank, Frankfurt am Main, Landesbank Baden-Württemberg et Nordea Bank ont été présentées après l’expiration dudit délai, mais avant l’adoption de cette décision, il y a lieu de les prendre en considération.
6 À l’appui de leurs demandes d’intervention, DZ Bank Deutsche Zentral-Genossenschaftsbank, Frankfurt am Main, Landesbank Baden-Württemberg et Nordea Bank font valoir, en substance, qu’elles ont un intérêt direct, et non seulement indirect, à la solution du litige dans la présente affaire dès lors que, à la différence de demandeurs en intervention qui se trouvent simplement dans une situation analogue à celle d’une partie à un litige et qui avancent les mêmes moyens et arguments qu’une telle partie, elles sont dans la même situation que Volkskreditbank. En effet, elles relèvent qu’elles sont elles aussi destinataires de la décision litigieuse et que l’objet des affaires CRU/Landesbank Baden-Württemberg (C‑846/24 P), CRU/DZ Bank (C‑853/24 P) et CRU/Nordea Bank (C‑884/24 P), pourvois dans lesquels elles ont la qualité de parties, est essentiellement identique à celui de la présente affaire.
7 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, toute personne physique ou morale justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige soumis à la Cour, autre qu’un litige entre États membres, entre institutions de l’Union européenne ou entre ces États, d’une part, et lesdites institutions, d’autre part, est en droit d’intervenir à ce litige.
8 Selon une jurisprudence constante, la notion d’« intérêt à la solution d’un litige », au sens de cette disposition, doit se définir au regard de l’objet du litige et s’entendre comme étant un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens ou aux arguments soulevés. En effet, les termes « solution du litige » renvoient à la décision finale demandée, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt ou de l’ordonnance à intervenir (ordonnance du président de la Cour du 29 février 2024, CEPD/CRU, C‑413/23 P, EU:C:2024:199, point 8 et jurisprudence citée).
9 À cet égard, il convient, notamment, de vérifier si le demandeur en intervention est touché directement par l’acte attaqué et si son intérêt à l’issue du litige est certain. Or, en principe, un intérêt à la solution du litige d’un opérateur économique ne saurait être considéré comme suffisamment direct que dans la mesure où cette solution est de nature à modifier la position juridique du demandeur en intervention (ordonnance du président de la Cour du 26 septembre 2024, Air France-KLM et Air France/Ryanair et Malta Air, C‑192/24 P, EU:C:2024:811, point 8 ainsi que jurisprudence citée).
10 En outre, le droit d’intervenir à un litige soumis à la Cour doit se concilier avec le principe de bonne administration de la justice. Or, ce principe justifie que, lorsque la Cour est saisie d’un nombre particulièrement important d’affaires portant sur des questions de droit identiques ou intrinsèquement liées, elle puisse désigner parmi ces affaires une ou plusieurs affaires « pilotes » et suspendre l’ensemble des autres affaires en application de l’article 55, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure dans l’attente de sa ou de ses décisions mettant fin à l’instance dans cette ou ces affaires pilotes. En effet, la désignation d’affaires pilotes assortie de la suspension des autres affaires portant sur des questions de droit intrinsèquement liées, voire identiques, facilite et accélère considérablement le traitement de telles affaires et réduit le retard que le traitement desdites affaires occasionne dans le traitement de l’ensemble des autres affaires dont est également saisie la Cour.
11 Il s’ensuit que les parties dans des affaires suspendues à la suite de la désignation d’une ou de plusieurs affaires pilotes par le Tribunal ou la Cour ne sont, en principe, pas autorisées, de ce simple fait, à intervenir dans la procédure de cette ou de ces affaires pilotes. En effet, autoriser ces parties à intervenir en raison de la seule circonstance que leur affaire a été suspendue à la suite de la désignation d’une affaire pilote méconnaîtrait l’objectif d’une telle désignation qui consiste à faciliter le traitement par la Cour d’un nombre important d’affaires afin de garantir la bonne administration de la justice (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 30 avril 2020, Commission/HSBC Holdings e.a., C‑806/19 P, EU:C:2020:364, point 22 ainsi que jurisprudence citée).
12 La désignation d’affaires pilotes par le Tribunal ou la Cour n’entraîne pas une méconnaissance du droit à un procès équitable dont disposent les parties dont les affaires ont été suspendues à la suite de cette désignation. En effet, en l’espèce, le droit de DZ Bank Deutsche Zentral-Genossenschaftsbank, Frankfurt am Main, Landesbank Baden-Württemberg et Nordea Bank à faire valoir leurs droits et d’exposer leurs arguments, tel qu’il découle de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et, notamment, des garanties inhérentes au droit à un recours effectif que consacre cette disposition, est garanti de manière adéquate par leur qualité de parties aux procédures distinctes de pourvoi dans les affaires CRU/Landesbank Baden-Württemberg (C‑846/24 P), CRU/DZ Bank (C‑853/24 P) et CRU/Nordea Bank (C‑884/24 P) (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 30 avril 2020, Commission/HSBC Holdings e.a., C‑806/19 P, EU:C:2020:364, point 21 ainsi que jurisprudence citée).
13 En l’espèce, il ressort du pourvoi du Conseil que celui-ci a conclu, à titre principal, à l’annulation de l’arrêt attaqué et au rejet de la requête en annulation de Volkskreditbank, à titre subsidiaire, au renvoi de l’affaire devant le Tribunal et, à titre infiniment subsidiaire, au maintien des effets de la décision litigieuse jusqu’à l’adoption d’une nouvelle décision au plus tard dans un délai de 30 mois après le prononcé de l’arrêt de la Cour. Dans son mémoire en réponse, Volkskreditbank a conclu au rejet du pourvoi.
14 Or, que la Cour accueille ou rejette ce pourvoi, la solution du litige telle qu’elle sera consacrée dans le dispositif de l’arrêt à intervenir ne sera pas, en tant que telle, de nature à modifier directement la position juridique de DZ Bank Deutsche Zentral-Genossenschaftsbank, Frankfurt am Main, de Landesbank Baden-Württemberg ou de Nordea Bank, dès lors que cette solution n’aura trait qu’à la légalité de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal a annulé la décision litigieuse dans la mesure où elle portait sur la contribution ex ante au FRU pour l’année 2022 due par Volkskreditbank. En effet, la décision litigieuse, bien que rédigée et publiée sous la forme d’une seule décision, doit s’analyser comme un faisceau de décisions individuelles relatives aux contributions ex ante au FRU pour l’année 2022 dues par chacun des établissements financiers visés par cette décision (voir, par analogie, arrêt du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C‑310/97 P, EU:C:1999:407, point 18).
15 Ainsi, contrairement à la situation où le recours distinct introduit par un demandeur en intervention tend à l’annulation du même acte que celui qui est en cause dans le litige auquel ce demandeur souhaite intervenir (voir, par exemple et par analogie, ordonnance du président de la Cour du 21 décembre 2016, Commission/Espagne e.a., C‑128/16 P, EU:C:2016:1007, points 13 à 15), une décision de la Cour confirmant l’annulation de la décision litigieuse, dans la mesure où elle porte sur la contribution ex ante au FRU pour l’année 2022 due par Volkskreditbank, n’aurait pas pour conséquence de rendre définitive l’annulation, ex tunc et erga omnes, des décisions du CRU portant sur les contributions ex ante au FRU pour l’année 2022 dues par d’autres établissements financiers que Volkskreditbank, quand bien même ces dernières décisions et la décision relative à la contribution de Volkskreditbank ont été rédigées et publiées sous la forme d’une seule décision.
16 Partant, la solution du litige dans la présente affaire n’affectera pas, en soi, la légalité des arrêts du Tribunal du 23 octobre 2024, Landesbank Baden-Württemberg/CRU (Contributions ex ante 2022) (T‑396/22, EU:T:2024:734), du 23 octobre 2024, DZ Bank/CRU (Contributions ex ante 2022) (T‑401/22, EU:T:2024:739), du 23 octobre 2024, DZ Bank/CRU (Contributions ex ante 2022) (T‑403/22, EU:T:2024:741), et du 23 octobre 2024, Nordea Bank/CRU (Contributions ex ante 2022) (T‑430/22, EU:T:2024:743), annulant les décisions du CRU portant sur les contributions ex ante au FRU pour l’année 2022 de, respectivement, Landesbank Baden-Württemberg, DZ Bank Deutsche Zentral-Genossenschaftsbank, Frankfurt am Main, et Nordea Bank. Pour les mêmes motifs, ladite solution n’affectera pas non plus la validité des ordonnances du Tribunal du 6 août 2024, DZ Bank/CRU (T‑484/23, EU:2024:525), du 6 août 2024, Nordea Bank/CRU (T‑412/23, EU:T:2024:526), et du 6 août 2024, Landesbank Baden-Württemberg/CRU (T‑441/23, EU:T:2024:555), annulant la décision du CRU, du 2 mai 2023, sur le calcul des contributions ex ante pour 2023 au FRU (SRB/ES/2023/23), en ce qu’elle concerne, respectivement, DZ Bank Deutsche Zentral-Genossenschaftsbank, Frankfurt am Main, Nordea Bank et Landesbank Baden-Württemberg.
17 Par leurs demandes d’intervention, DZ Bank Deutsche Zentral-Genossenschaftsbank, Frankfurt am Main, Landesbank Baden-Württemberg et Nordea Bank défendent leur propre situation qui, bien que comparable à celle de Volkskreditbank, en est néanmoins juridiquement distincte. En effet, l’intérêt qu’elles défendent consiste à démontrer que l’annulation par le Tribunal des décisions du CRU relatives à leurs contributions ex ante au FRU pour l’année 2022, et non l’annulation de la décision du CRU relative à la contribution de Volkskreditbank pour cette même année, est justifiée.
18 Il découle d’ailleurs des arguments avancés par DZ Bank Deutsche Zentral-Genossenschaftsbank, Frankfurt am Main, Landesbank Baden-Württemberg et Nordea Bank que leur prétendu intérêt à la solution du présent litige se rapporte en réalité au raisonnement par lequel le Tribunal a interprété l’article 70, paragraphe 2, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1), et non pas à la solution du litige en tant que telle. Or, un tel intérêt n’est pas suffisant pour établir l’existence d’un intérêt à la solution du litige, au sens de la jurisprudence rappelée au point 8 de la présente ordonnance.
19 En outre, admettre l’intervention de DZ Bank Deutsche Zentral-Genossenschaftsbank, Frankfurt am Main, Landesbank Baden-Württemberg et Nordea Bank dans la présente affaire remettrait en cause l’effet utile du choix fait par la Cour, dans l’intérêt de la bonne administration de la justice, consistant à retenir, parmi plus de 70 pourvois introduits par le Conseil, le CRU et des établissements de crédit ou d’investissement contre des décisions du Tribunal annulant, pour des motifs très similaires, des décisions du CRU portant sur les contributions ex ante au FRU pour les années 2022 et 2023, sept affaires comme étant des affaires pilotes, à savoir la présente affaire et les affaires C‑454/24 P, C‑529/24 P, C‑536/24 P, C‑537/24 P, C‑671/24 P ainsi que C‑705/24 P. En effet, ainsi qu’il ressort, en substance, du point 11 de la présente ordonnance, si chaque partie à une affaire qui est suspendue à la suite de la désignation d’une affaire pilote devait être autorisée à intervenir dans cette dernière affaire en raison de cette suspension, la désignation d’une affaire pilote n’aurait plus de raison d’être.
20 Il s’ensuit que les demandes d’intervention présentées par DZ Bank Deutsche Zentral-Genossenschaftsbank, Frankfurt am Main, Landesbank Baden-Württemberg et Nordea Bank doivent être rejetées.
Sur les dépens
21 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
22 Le CRU ayant conclu à la condamnation de DZ Bank Deutsche Zentral-Genossenschaftsbank, Frankfurt am Main, Landesbank Baden-Württemberg et Nordea Bank aux dépens et celles-ci ayant succombé en leurs demandes d’intervention, il y a lieu de décider qu’elles supporteront, outre leurs propres dépens afférents à ces demandes, ceux exposés par le CRU afférents auxdites demandes.
23 Le Parlement, le Conseil et Volkskreditbank n’ayant pas conclu à une telle condamnation, il y a lieu de décider qu’ils supporteront leurs propres dépens afférents aux demandes d’intervention.
Par ces motifs, le président de la Cour ordonne :
1) Les demandes d’intervention de DZ Bank AG Deutsche Zentral-Genossenschaftsbank, Frankfurt am Main, Landesbank Baden-Württemberg et Nordea Bank Oyj sont rejetées.
2) DZ Bank AG Deutsche Zentral-Genossenschaftsbank, Frankfurt am Main, Landesbank Baden-Württemberg et Nordea Bank Oyj supportent leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de résolution unique.
3) Le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et Volkskreditbank AG supportent leurs propres dépens.
Signatures