ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

8 juillet 2025 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question soulevée par le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non‑admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑16/25 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 14 janvier 2025,

Finastra International Ltd, établie à Londres (Royaume‑Uni), représentée par M. S. Malynicz, barrister,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Fenestrae BV, établie à La Haye (Pays‑Bas),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois),

composée de M. T. von Danwitz, vice‑président de la Cour, MM. S. Rodin et N. Piçarra (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. A. Biondi, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Finastra International Ltd demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 4 novembre 2024, Finastra International/EUIPO – Fenestrae (FINASTRA) (T‑346/23, ci‑après l’ « ordonnance attaquée », EU:T:2024:798), par laquelle celui‑ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 12 avril 2023 (affaire R 1296/2022‑1), relative à une procédure d’opposition entre Fenestrae BV et Finastra International.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        En vertu de l’article 170 bis, paragraphe 1, de ce règlement, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

 Argumentation de la partie requérante

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la partie requérante fait valoir que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

7        Par le moyen unique invoqué à l’appui de son pourvoi et tiré, en substance, d’une prétendue erreur de droit dans l’interprétation et dans l’application de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, la partie requérante soutient que la faculté, conférée au Tribunal par cet article, de statuer par voie d’ordonnance motivée, ne pourrait être exercée qu’afin de rejeter des recours qui présentent un vice procédural ou un vice de forme, tels que des recours tardifs. Selon elle, la « légalité » même dudit article serait en cause.

8        Dans ce contexte, l’interprétation retenue par le Tribunal dans l’ordonnance attaquée marquerait une rupture avec sa jurisprudence antérieure et serait donc contraire à celle-ci, dès lors que, en l’espèce, le Tribunal aurait fait application de l’article 126 de son règlement de procédure non pas pour sanctionner un vice procédural ou un vice de forme, mais pour statuer sur une question de fond quant aux motifs de refus d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne.

9        Selon la partie requérante, cette interprétation serait de nature à porter atteinte à l’unité et à la cohérence du droit de l’Union, car le recours à cet article 126 pourrait devenir arbitraire ou imprévisible. Or, cela pourrait donner lieu à des incohérences dans la jurisprudence des différentes chambres du Tribunal.

10      S’agissant, en outre, de l’effet de l’interprétation contestée sur l’issue de la procédure devant le Tribunal, la partie requérante fait valoir que cette interprétation a eu pour conséquence de l’empêcher de contester les arguments présentés dans le mémoire en réponse de l’EUIPO et de la priver de la tenue d’une audience de plaidoiries.

11      Enfin, la partie requérante soutient que l’admission du pourvoi offrirait à la Cour l’opportunité d’examiner, pour la première fois, la nature et la portée de la faculté dont dispose le Tribunal au titre de l’article 126 de son règlement de procédure et d’apporter des éclaircissements sur celle‑ci, qui pourraient avoir une incidence dans divers domaines du droit de l’Union, au-delà des seules affaires de propriété intellectuelle.

 Appréciation de la Cour

12      À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20, et du 4 octobre 2024, Puma/EUIPO, C‑503/24 P, EU:C:2024:871, point 14).

13      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 4 octobre 2024, Puma/EUIPO, C‑503/24 P, EU:C:2024:871, point 15).

14      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22, et du 4 octobre 2024, Puma/EUIPO, C‑503/24 P, EU:C:2024:871, point 16).

15      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16, et du 4 octobre 2024, Puma/EUIPO, C‑503/24 P, EU:C:2024:871, point 17).

16      En l’espèce, l’ordonnance attaquée, qui porte sur un motif relatif de refus d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, prévu à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), a été adoptée sur le fondement de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, intitulé « Recours manifestement voué au rejet ». Aux termes de ce dernier article, « [l]orsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure ». Au point 14 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal s’est estimé suffisamment éclairé par les pièces du dossier et a décidé, en application dudit article 126, de statuer sans poursuivre la procédure.

17      En premier lieu, force est de constater que la partie requérante, dans son argumentation exposée aux points 7 à 11 de la présente ordonnance, n’indique aucun élément tiré du libellé, de l’économie, de la finalité ou de la genèse de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal qui serait susceptible de justifier l’interprétation qu’elle en fait, en ce sens que son champ d’application devrait être limité aux recours présentant un vice procédural ou un vice de forme. Or, d’une part, il ressort du libellé de cet article que le Tribunal peut en faire application, notamment, lorsqu’un recours est manifestement dépourvu de tout fondement en droit. D’autre part, et en tout état de cause, la partie requérante demeure en défaut d’exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles la question de droit soulevée à cet égard serait importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, au sens de la jurisprudence rappelée au point 14 de la présente ordonnance.

18      En deuxième lieu, bien que la partie requérante semble contester également la « légalité » de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, elle n’indique aucun principe ni aucune disposition du droit de l’Union dont la violation permettrait d’établir une telle illégalité. À cet égard, la présente demande d’admission du pourvoi ne répond pas à l’exigence de clarté et de précision rappelée au point 14 de la présente ordonnance.

19      En troisième lieu, la partie requérante allègue que l’interprétation de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal retenue dans l’ordonnance attaquée – selon laquelle le champ d’application de cet article s’étend aux affaires portant sur des motifs absolus et relatifs de refus d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne – s’écarte de l’interprétation antérieure du Tribunal, qui aurait limité ce champ d’application aux seuls vices procéduraux et de forme, sans pour autant indiquer la jurisprudence retenant cette dernière interprétation. Dès lors, elle méconnaît l’exigence énoncée au point 14 de la présente ordonnance, qui lui impose d’identifier précisément une telle jurisprudence.

20      En quatrième lieu, dans la mesure où la partie requérante soutient que l’interprétation de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal retenue dans l’ordonnance attaquée l’a empêchée de contester les arguments présentés dans le mémoire en réponse de l’EUIPO, il y a lieu de rappeler qu’aucune obligation de tenir une audience ni d’entendre à nouveau les parties ne s’impose au Tribunal lorsqu’il estime qu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, au sens de cet article 126 (voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2018, Apcoa Parking Holdings/EUIPO, C‑32/17 P, EU:C:2018:396, point 22, et ordonnance du 30 janvier 2024, NO/Commission, C‑522/23 P, EU:C:2024:108, points 26 et 27 ainsi que jurisprudence citée). En tout état de cause, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, un tel argument ne saurait suffire, à lui seul, pour établir que le pourvoi concerné soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, au regard de l’ensemble des exigences énoncées au point 14 de la présente ordonnance.

21      En cinquième et dernier lieu, la circonstance, à la supposer établie, que la question de droit portant sur l’interprétation dudit article 126 n’ait jamais été examinée par la Cour ne suffit toutefois pas pour qu’une telle question revête nécessairement une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. En effet, l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi est toujours tenu de démontrer une telle importance en fournissant des indications précises non seulement sur le caractère nouveau de cette question, mais également sur les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard de ces critères (voir, en ce sens, ordonnances du 19 février 2024, Balaban/EUIPO, C‑651/23 P, EU:C:2024:140, point 19, ainsi que du 8 mai 2024, Wyrębski/QC e.a., C‑689/23 P, EU:C:2024:397, point 23 et jurisprudence citée).

22      Or, une telle démonstration ne ressort manifestement pas de la présente demande d’admission du pourvoi. En effet, la partie requérante se borne à affirmer qu’une décision de la Cour tranchant la même question aurait une incidence sur des affaires relevant de divers domaines du droit de l’Union. À cet égard, il y a lieu de constater, d’une part, qu’il ne s’agit que d’un argument d’ordre général, qui n’est pas de nature, conformément à la jurisprudence rappelée au point 14 de la présente ordonnance, à justifier l’admission du pourvoi et, d’autre part, que le fait qu’une question pourrait concerner de multiples affaires, relevant de divers domaines du droit de l’Union, ne saurait être considéré comme étant nécessairement pertinent ni, en tout état de cause, suffisant pour établir l’importance de celle-ci pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 17 juin 2025, Butzkies-Schiemann/EUIPO, C-46/25 P, EU:C:2025:453, point 20 et jurisprudence citée).

23      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande d’admission du pourvoi présentée par la partie requérante n’est pas de nature à établir que son pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

24      Eu égard aux motifs qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

25      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

26      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles‑ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la partie requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Finastra International Ltd supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.