DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

3 septembre 2025 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale TUNA – Motif absolu de refus – Marque de nature à tromper le public – Article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement (CE) no 207/2009 – Article 63, paragraphe 3, du règlement (UE) 2017/1001 – Autorité de la chose jugée »

Dans l’affaire T‑377/24,

Verband der Islamischen Kulturzentren eV, établie à Cologne (Allemagne), représentée par Mes C. Sánchez Margareto et M. Pastor Palomares, avocates,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Inaba Shokuhin Co. Ltd, établie à Shizuoka (Japon),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere et Mme S. Kingston (rapporteure), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Verband der Islamischen Kulturzentren eV, demande l’annulation  de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 24 mai 2024 (affaire R 1651/2023–5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 5 juillet 2013, Merkez Handels GmbH für Konsumgüter, prédécesseur en droit de la requérante, a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal TUNA.

3        La marque demandée désignait les produits et les services relevant notamment des classes 29 à 31 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes et après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO, à la description suivante :

–        classe 29 : « Volaille ; extraits de viande ; concentrés [bouillons] ; extraits de viande ; gelées de viande ; harengs ; soupes ; croquettes ; huiles comestibles ; lard ; gibier ; saucisses ; saucisses panées ; viandes ; préparations pour bouillons ; sont exceptés des articles précités tous les articles en relation avec le thon » ;

–        classe 30 : « Brioches ; pain ; pain azyme ; sandwiches ; petits‑beurre ; cheeseburgers [sandwiches] ; tourtes à la viande ; sauces au jus de viande ; fondants [confiserie] ; rouleaux de printemps ; repas préparés à base de nouilles ; sauces pour pâtes ; pâtés [pâtisserie] ; tourtes ; pizzas ; sauce tomate ; sont exceptés des articles précités tous les articles en relation avec le thon » ;

–        classe 31 : « Animaux vivants ; aliments pour les animaux ; algarobilla [aliments pour animaux] ; algues pour l’alimentation humaine ou animale ; résidus de distillerie propres à la consommation animale ; farine d’arachide pour animaux ; tourteau d’arachides pour animaux ; nourriture pour animaux de compagnie ; farines pour animaux ; aliments et fourrages pour animaux ; pâtées ; boissons pour animaux de compagnie ; levure pour l’alimentation animale ; biscuits pour chien ; objets comestibles à mâcher pour animaux ; confits [aliments pour animaux] ; fourrages fortifiants ; animaux vivants ; aliments et fourrages pour animaux ; aliments pour oiseaux ; sont exceptés des articles précités tous les articles en relation avec le thon » ;

–        classe 35 : « Services de vente au détail et en gros en relation avec la viande, le poisson, la volaille et le gibier, extraits de viande, poisson salé (poisson en saumure), poisson conservé, poisson [non vivant], filets de poissons, mets à base de poisson, conserves de poissons, ichtyocolle à usage alimentaire, farine de poisson pour la consommation humaine, mousses de poisson, œufs ou laitance de poisson [traités], viande, viande conservée, concentrés de bouillon de viande, extraits de viande, gelées de viande, conserves de viande, articles de boucherie, marinés (salaison), harengs, préparations pour faire du potage, potages, croquettes, huiles comestibles, charcuterie [saucisses à griller, saucisses à cuire], petites saucisses dans de la pâte de cuisson, produits de charcuterie, préparations pour faire du bouillon, brioches, brioches [pâtisserie], pain, pain [non acidifié], pains [garnis], petits-beurre, hamburgers au fromage [sandwiches], tourtes à la viande, jus de viande, fondants [confit], rouleaux de printemps, plats à base de nouilles, sauces pour pâtes alimentaires, pâtés, tourtes, pizzas, sauce tomate, animaux vivants, aliments pour animaux, algorabilla [aliments pour animaux], algues pour l’alimentation humaine ou animale, résidus de distillerie en tant qu’aliments pour animaux, poissons (vivants), farine de poisson en tant qu’aliment pour les animaux, nourriture pour les animaux de compagnie, farines pour les animaux, aliments pour animaux, produits pour l’engraissement des animaux, biscuits pour chiens, os à mâcher pour les animaux (comestibles), purée de son [aliments pour animaux], substances alimentaires fortifiantes pour les animaux, graines de lin pour l’alimentation animale, farine de lin pour l’alimentation animale, produits pour l’engraissement des animaux, pouture, œufs de poissons, aliments pour le bétail, aliments pour oiseaux ; sont exceptés des articles précités tous les articles en relation avec le thon ».

4        La demande d’enregistrement a été publiée le 13 janvier 2014 et la marque a été enregistrée le 31 mai 2016, sous le numéro 11960721.

5        Le 25 février 2022, Inaba Shokuhin a déposé une demande en nullité de la marque contestée pour les produits et les services indiqués au point 3 ci-dessus. La cause invoquée à l’appui de la demande en nullité était celle visée à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous g), du même règlement.

6        Le 13 juin 2023, la division d’annulation a déclaré la marque contestée nulle pour l’ensemble des produits et des services énumérés au point 3 ci‑dessus.

7        Le 2 août 2023, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

8        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler toutes les condamnations aux dépens prononcées par l’EUIPO à son égard ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

 En droit

 Sur la détermination du droit applicable ratione temporis

11      Au soutien de son recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation des dispositions combinées de l’article 59, paragraphe 1, sous a), et de l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), et, le second,  de la violation de l’article 63, paragraphe 3, de ce même règlement.

12      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 5 juillet 2013, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée).

13      Par conséquent, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la requérante, dans l’argumentation soulevée, à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous g), du même règlement comme visant l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous g), de ce dernier règlement.

14      Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

 Sur l’objet du litige

15      La requérante fait valoir que, le 11 juillet 2024, elle a déposé, devant l’EUIPO, une demande de limitation des produits et des services visés par la marque contestée. La demande de limitation consistait en l’ajout de la spécification « toutes les viandes et volailles et tous les produits associés susmentionnés préparés dans le cadre d’un abattage halal » à chacune des listes de produits et de services en cause relevant des classes 29 à 31 et 35.

16      L’EUIPO fait valoir que la demande de limitation n’a aucune pertinence pour le présent recours, en ce qu’elle a été déposée après l’adoption de la décision attaquée.

17      Il y a lieu de constater à cet égard que, aux termes de l’article 43, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, le demandeur peut, à tout moment, retirer sa demande de marque de l’Union européenne ou limiter la liste des produits ou des services qu’elle contient.

18      Selon une jurisprudence constante, par souci d’économie de procédure, le Tribunal peut tenir compte d’une limitation des produits et des services désignés dans la demande de marque, à condition que celle-ci ne soit pas de nature à modifier le cadre factuel sur lequel a porté l’examen de la chambre de recours en ce qui concerne les produits ou les services non affectés par cette limitation. Ainsi, une limitation opérée, conformément à l’article 43, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, postérieurement à l’adoption de la décision attaquée peut être prise en considération par le Tribunal lorsque le demandeur se borne strictement à réduire l’objet du litige en retirant certaines catégories de produits ou de services de la liste des produits et des services désignés dans la demande de marque. Dans la mesure où la chambre de recours doit apprécier l’existence du risque de confusion par rapport à chacun des produits et des services pour lesquels la marque de l’Union européenne est demandée, le simple retrait d’une ou de plusieurs catégories de produits et de services de la liste pour laquelle la demande de marque est introduite n’est pas, en principe, de nature à modifier le cadre factuel sur lequel a porté l’examen de la chambre de recours en ce qui concerne les produits et les services non affectés par cette limitation [voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2024, Hoffmann/EUIPO – Moldex/Metric (Holex), T‑767/22, non publié, EU:T:2024:108, point 21 et jurisprudence citée].

19      Lorsque, en revanche, cette limitation des produits et des services désignés dans la demande de marque conduit à une modification de l’objet du litige, en ce qu’il en résulte l’introduction d’éléments nouveaux qui n’avaient pas été soumis à l’examen de la chambre de recours aux fins de l’adoption de la décision attaquée, elle ne peut pas, en principe, être prise en compte par le Tribunal. Tel est le cas lorsque la limitation des produits et des services consiste en des spécifications susceptibles d’influer sur l’appréciation de la similitude des produits et des services ou sur la détermination du public ciblé et de modifier, par conséquent, le cadre factuel qui avait été présenté devant la chambre de recours (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2024, Holex, T‑767/22, non publié, EU:T:2024:108, point 22 et jurisprudence citée).

20      En l’espèce, par sa demande de limitation, la requérante cherche à restreindre les produits relevant des classes 29 à 31 et les services afférents à ces produits relevant de la classe 35 pour lesquels la marque contestée est enregistrée, afin de viser exclusivement les denrées alimentaires préparées selon le rituel halal. Ainsi, la limitation en cause ne constitue pas un simple retrait de certains produits ou services de la liste, mais entraîne une modification de la description des produits concernés et, ainsi, est susceptible de modifier le cadre factuel sur lequel a porté l’examen de la chambre de recours, dans la mesure où elle concerne l’une des caractéristiques des produits en cause, ce qui est susceptible d’influer sur l’appréciation de la nature des produits et des services visés par la marque contestée ainsi que sur la détermination du public pertinent.

21      Dans ces conditions, conformément à la jurisprudence citée au point 19 ci-dessus, il y a lieu de considérer qu’une telle restriction ne saurait, dans le cas d’espèce, être prise en compte par le Tribunal aux fins de l’examen de la légalité de la décision attaquée. Partant, le présent litige porte sur la liste des produits et des services visés par la marque contestée, telle qu’examinée par la chambre de recours.

 Sur le fond

22      Au soutien de son recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation des dispositions combinées de l’article 52, paragraphe 1, sous a), et de l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009 et, le second,  de la violation de l’article 63, paragraphe 3, du règlement 2017/1001.

23      En l’espèce, il convient tout d’abord d’examiner le second moyen, avant de procéder à l’examen du premier moyen.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 63, paragraphe 3, du règlement 2017/1001

24      Par son second moyen, la requérante fait valoir, en premier lieu, que les conditions prévues à l’article 63, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 étaient remplies devant la chambre de recours, de sorte que le recours introduit devant cette dernière par l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO aurait dû être rejeté comme irrecevable. La requérante soutient que l’EUIPO a apprécié plusieurs fois le motif absolu de refus visé par l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009 par rapport à la marque contestée dans le cadre de la procédure initiale d’enregistrement de cette dernière et qu’il a finalement « abandonné » ce motif de refus avant l’enregistrement de la marque contestée en 2016. Par conséquent, et dans un souci de sécurité juridique, l’EUIPO devrait suivre le même raisonnement que par le passé, en écartant ce motif de refus, étant donné que les circonstances seraient restées inchangées.

25      En second lieu, la requérante s’appuie sur les principes d’égalité de traitement et de bonne administration dans la mesure où l’EUIPO devrait tenir compte du contexte des décisions antérieures qu’elle a rendues dans des circonstances identiques.

26      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

27      En premier lieu, il convient de rappeler que, conformément à l’article 63, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, une demande en déchéance ou en nullité est irrecevable lorsqu’une demande ayant le même objet et la même cause a été tranchée sur le fond entre les mêmes parties soit par l’EUIPO, soit par un tribunal des marques de l’Union européenne visé à l’article 123 du même règlement et que la décision de l’EUIPO ou de ce tribunal concernant cette demande est passée en force de chose jugée.

28      En l’espèce, il est constant que l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009 a été invoqué tant au cours de la procédure initiale d’enregistrement de la marque contestée devant l’EUIPO qu’au cours de la procédure de nullité ayant donné lieu à la décision attaquée.

29      Cependant, il suffit de constater, ainsi que le soutient à bon droit l’EUIPO, que, en l’espèce, les conditions visées au point 27 ci‑dessus ne sont pas réunies.

30      S’agissant de l’identité d’objet, il convient de relever que la procédure d’enregistrement et celle de nullité aboutissent à des finalités différentes. L’une vise à l’enregistrement d’une marque et l’autre vise à la déclaration de nullité d’une marque. En effet, il résulte de l’article 6 du règlement 2017/1001 que l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne vise à acquérir une telle marque, tandis que, comme l’a rappelé la chambre de recours au point 23 de la décision attaquée, la procédure de nullité a pour objet, notamment, de permettre à l’EUIPO de revoir la validité de l’enregistrement d’une marque et d’adopter une position qu’il aurait dû, le cas échéant, adopter d’office, en vertu de l’article 37, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 [ordonnance du 19 juin 2014, Donaldson Filtration Deutschland/ultra air, C‑450/13 P, EU:C:2014:2016, point 40 ; voir, également, arrêt du 27 novembre 2024, Vino Vintana/EUIPO – Torrevento (SINCE 1974 PRIMITIVO DI MANDURIA), T‑276/24, non publié, EU:T:2024:868, point 36 et jurisprudence citée].

31      Ainsi, l’enregistrement d’une marque ne saurait créer une confiance légitime pour le titulaire de ladite marque en ce qui concerne le résultat d’une procédure de nullité ultérieure [arrêt du 19 mai 2010, Ravensburger/OHMI – Educa Borras (Memory), T‑108/09, non publié, EU:T:2010:213, point 25].

32      Partant, les procédures d’enregistrement et de nullité ne partagent pas le même objet. Les conditions relatives à l’identité des parties, d’objet et de cause étant cumulatives, un tel constat suffit pour conclure à l’absence d’autorité de la chose jugée en ce qui concerne la décision d’enregistrement de la marque contestée au regard de la décision attaquée.

33      Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante à cet égard doit être rejetée.

34      En second lieu, l’argumentation tirée de ce que, en omettant de tenir compte des décisions antérieures de l’EUIPO relatives à la marque contestée, la chambre de recours aurait violé les principes d’égalité de traitement et de bonne administration ne saurait prospérer.

35      Il est vrai que, selon la jurisprudence, et ainsi que la requérante le rappelle, l’EUIPO doit, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, prendre en considération les décisions antérieures qu’il a adoptées s’agissant de demandes similaires. Il doit s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes devant être conciliée avec le respect du principe de légalité, ce qui implique que l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet et avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce [voir arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 73 à 77 ; voir, également, arrêt du 7 décembre 2022, Puma/EUIPO – Vaillant (Puma), T‑623/21, non publié, EU:T:2022:776, point 108 et jurisprudence citée].

36      En l’espèce, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a examiné en détail les décisions antérieures de l’EUIPO invoquées par la requérante et en a conclu qu’elles ne modifiaient pas sa conclusion quant au caractère trompeur de la marque contestée. En effet, aux points 106 à 112 de la décision attaquée, la chambre de recours a écarté à bon droit la pertinence desdites décisions, au vu de la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus. À cet égard, il suffit de constater, à l’instar de l’EUIPO, que la requérante ne présente aucun argument étayé remettant en cause les conclusions de la chambre de recours à ce sujet.

37      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le second moyen comme non fondé.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous g), de ce même règlement

38      Au soutien de son premier moyen, la requérante avance, en substance, trois branches, tirées, la première, d’une appréciation erronée de l’étendue de la protection de la marque contestée, la deuxième, d’une appréciation erronée du public pertinent et, la troisième, d’une appréciation erronée du risque de tromperie eu égard, notamment, à l’étiquetage des produits commercialisés sous la marque contestée.

39      À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont de nature à tromper le public, par exemple sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

40      Les cas de refus d’enregistrement visés à l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009 supposent que l’existence d’une tromperie effective ou d’un risque suffisamment grave de tromperie du consommateur puisse être retenue [voir arrêt du 26 octobre 2017, Alpirsbacher Klosterbräu Glauner/EUIPO (Klosterstoff), T‑844/16, EU:T:2017:759, point 42 et jurisprudence citée].

41      À cet égard, il convient de rappeler qu’une marque a pour fonction essentielle de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service qu’elle désigne, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance. En effet, pour que la marque puisse jouer son rôle d’élément essentiel du système de concurrence non faussé que le traité entend établir et maintenir, elle doit constituer la garantie que tous les produits ou les services qu’elle désigne ont été fabriqués ou fournis sous le contrôle d’une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité. Or, une marque perd ce rôle de garantie si l’information qu’elle comporte est de nature à tromper le public [voir arrêt du 13 mai 2020, SolNova/EUIPO – Canina Pharma (BIO-INSECT Shocker), T‑86/19, EU:T:2020:199, point 72 et jurisprudence citée].

42      L’appréciation du motif absolu de refus mentionné à l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009 ne peut être portée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services en cause et, d’autre part, par rapport à la perception de la marque par le public pertinent [voir arrêt du 29 juin 2022, Hijos de Moisés Rodríguez González/EUIPO – Irlande et Ornua (La Irlandesa 1943), T‑306/20, EU:T:2022:404, point 56 et jurisprudence citée].

43      En outre, l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009 implique une désignation suffisamment spécifique des caractéristiques potentielles des produits et des services couverts par la marque. Ce n’est que lorsque le consommateur visé est amené à croire que les produits et les services possèdent certaines caractéristiques, qu’ils ne possèdent pas en réalité, qu’il est trompé par la marque (voir arrêt du 29 juin 2022, La Irlandesa 1943, T‑306/20, EU:T:2022:404, point 57 et jurisprudence citée).

44      Par ailleurs, en vertu de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, la nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, lorsque cette marque a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 du même règlement.

45      Dans le cadre d’une procédure de nullité fondée sur un motif absolu de refus, la marque de l’Union européenne enregistrée étant présumée valide, il appartient à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause sa validité [arrêt du 13 septembre 2013, Fürstlich Castell’sches Domänenamt/OHMI – Castel Frères (CASTEL), T‑320/10, EU:T:2013:424, point 28].

46      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner, au vu de l’appréciation exposée par la chambre de recours dans la décision attaquée, l’argumentation de la requérante.

47      Il y a lieu d’examiner tout d’abord la deuxième branche du premier moyen, puis de considérer ensemble les première et troisième branches de celui‑ci.

–       Sur la deuxième branche, tirée d’une appréciation erronée du public pertinent

48      Par la deuxième branche de son premier moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir retenu une définition erronée du public pertinent. Selon elle, la chambre de recours aurait ignoré un argument tiré du fait que, dans la mesure où elle avait pour objectif de diffuser la pratique religieuse musulmane en Allemagne, elle ne commercialisait que des produits halal, de sorte que le public pertinent était le public musulman résidant dans l’Union, qui suit des règles strictes en matière de consommation de viande et dont le niveau d’attention est supérieur à la moyenne. Ainsi, la chambre de recours se serait erronément limitée à la constatation selon laquelle les produits et les services en cause ne contenaient pas de références directes à la production selon le rituel halal, mais plutôt des références générales à des produits alimentaires. À cet égard, elle se fonde également sur la demande de limitation visée au point 15 ci-dessus.

49      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

50      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que, dans la mesure où la marque contestée comprenait un mot qui était couramment utilisé en anglais, l’appréciation du caractère enregistrable de la marque contestée devait être fondée sur la partie anglophone du public de l’Union, qui comprend à tout le moins le public des États membres dans lesquels l’anglais est une langue officielle, à savoir l’Irlande et Malte. Par ailleurs, rejetant l’argumentation de la requérante selon laquelle le public pertinent se limite uniquement au public musulman qui consomme souvent des produits halal, la chambre de recours a indiqué que les produits et les services de vente au détail en cause étaient destinés au grand public, faisant preuve d’un niveau d’attention moyen, dans la mesure où la liste des produits et des services visés par la marque contestée ne faisait pas référence à des produits préparés selon le rituel halal. En revanche, pour ce qui concerne les services de vente en gros, ces derniers s’adresseraient également au public professionnel, dont le niveau d’attention serait élevé.

51      Il ressort de la jurisprudence que le public pertinent est constitué du consommateur moyen, qui est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [voir, en ce sens, arrêts du 27 février 2002, Ellos/OHMI (ELLOS), T‑219/00, EU:T:2002:44, point 30, et du 30 juin 2004, Norma Lebensmittelfilialbetrieb/OHMI (Mehr für Ihr Geld), T‑281/02, EU:T:2004:198, point 27].

52      À titre liminaire, il y a lieu de constater que la requérante ne conteste pas la conclusion de la chambre de recours s’agissant des services de vente en gros relevant de la classe 35 pour lesquels un niveau d’attention élevé a été constaté.

53      En l’espèce, premièrement, il y a lieu de relever que, en application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, le public pertinent par rapport auquel il convient d’apprécier le motif absolu de refus est un public anglophone, le signe verbal en cause étant composé d’un élément de langue anglaise [voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 2003, Nordmilch/OHMI (OLDENBURGER), T‑295/01, EU:T:2003:267, point 35 et jurisprudence citée, et du 29 novembre 2023, Myforest Foods/EUIPO (MYBACON), T‑107/23, non publié, EU:T:2023:769, point 33].

54      Deuxièmement, il convient d’observer que la requérante soutient à tort que le public pertinent est limité au public musulman résidant dans l’Union. En effet, comme l’a observé à bon droit la chambre de recours au point 51 de la décision attaquée, la désignation des produits et des services, telle qu’elle figure au point 3 ci-dessus, ne fait aucunement référence aux méthodes de préparation selon le rituel halal. Par conséquent, tous les produits et les services sont destinés à la consommation générale, et non pas aux seules personnes pratiquant la religion musulmane, dès lors que toute personne est susceptible à un moment ou à un autre d’acquérir de tels produits de manière soit régulière soit ponctuelle [voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2005, Naipes Heraclio Fournier/OHMI – France Cartes (Épée d’un jeu de cartes), T‑160/02 à T‑162/02, EU:T:2005:167, point 45].

55      En outre, en ce qui concerne les arguments de la requérante se fondant sur sa demande de limitation des produits et des services en l’espèce, ces arguments doivent être écartés pour les raisons énoncées aux points 20 et 21 ci-dessus.

56      Troisièmement, en ce qui concerne l’argumentation de la requérante selon laquelle l’usage qui a été fait de la marque contestée démontre que cette dernière vise une catégorie limitée de consommateurs qui consomme de la viande préparée selon le rituel halal, il suffit de rappeler que la seule date pertinente aux fins de l’examen d’une demande en nullité est celle du dépôt de la demande de marque contestée (ordonnances du 24 septembre 2009, Bateaux mouches/OHMI, C‑78/09 P, non publiée, EU:C:2009:584, point 18, et du 23 avril 2010, OHMI/Frosch Touristik, C‑332/09 P, non publiée, EU:C:2010:225, point 41). Dès lors, des éléments postérieurs à la date de la demande de marque ne peuvent être pris en compte qu’à la condition qu’ils concernent la situation à cette date [arrêt du 3 juin 2009, Frosch Touristik/OHMI – DSR touristik (FLUGBÖRSE), T‑189/07, EU:T:2009:172, points 19 et 28].

57      Quatrièmement, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la chambre de recours n’a pas ignoré son argumentation mentionnée au point 56 ci-dessus, mais l’a traitée aux points 50 à 59 de la décision attaquée, auxquels elle a constaté que les produits et les services en cause s’adressaient au grand public, pour les raisons résumées au point 50 ci-dessus.

58      Par ailleurs, s’agissant du niveau d’attention du public pertinent, il suffit de constater que les produits en cause relevant des classes 29 à 31 sont des produits de consommation courante que le client achète normalement rapidement et sans y prêter grande attention [voir, en ce sens, arrêts du 17 décembre 2010, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli/OHMI (Forme d’un lapin en chocolat), T‑395/08, non publié, EU:T:2010:550, point 20, et du 29 janvier 2019, The GB Foods/EUIPO – Yatecomeré (YATEKOMO), T‑336/17, non publié, EU:T:2019:36, point 45 et jurisprudence citée].

59      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que le public par rapport auquel le caractère enregistrable de la marque contestée devait être apprécié était le grand public d’Irlande et de Malte, faisant preuve d’un niveau d’attention moyen pour les produits des classes 29 à 31 et les services de la classe 35, à l’exception des services de vente en gros pour lesquels un niveau d’attention élevé faisait foi.

60      Partant, la deuxième branche du premier moyen doit être écartée.

–       Sur les première et troisième branches, tirées d’une appréciation erronée de l’étendue de la protection et de l’usage sur le marché de la marque contestée ainsi que de la commercialisation des produits en cause

61      Par la première branche de son premier moyen, la requérante soutient que la chambre de recours n’a pas correctement tenu compte de l’étendue de la protection de la marque contestée et a commis plusieurs erreurs d’appréciation en ce qui concerne des éléments qu’elle a apportés pour démontrer la manière dont la marque contestée est utilisée sur le marché.

62      En premier lieu, la chambre de recours aurait ignoré la limitation déposée par la requérante en 2013 pour les produits et les services en cause, formulée de la manière suivante : « sont exceptés des articles précités tous les articles en relation avec le thon » (ci-après la « limitation intervenue en 2013 »).

63      En deuxième lieu, la requérante considère que la chambre de recours a méconnu l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009 en se fondant sur de simples suppositions lorsqu’elle a conclu à l’existence d’un lien entre les produits commercialisés sous la marque contestée et des produits à base de poisson. À cet égard, la requérante rappelle qu’elle a fourni plusieurs arguments et éléments de preuve relatifs à la manière dont les produits en cause sont utilisés sur le marché et tendant à démontrer, notamment, que les ingrédients de ces produits sont clairement listés sur les emballages, que lesdits produits sont placés dans les rayons des supermarchés contenant des produits à base de viande et que le consommateur est attentif à une politique de transparence très stricte. La requérante ajoute que la marque contestée n’était pas perçue comme trompeuse par le public pertinent au moment du dépôt de la demande d’enregistrement et qu’elle n’a jamais reçu de plaintes liées aux produits en cause commercialisés sous ladite marque.

64      À cet égard, dans le cadre de la troisième branche de son premier moyen, la requérante revendique le fait que les produits visés par la marque contestée sont conformes aux règles d’étiquetage de l’Union, de manière qu’une simple inspection du produit permet au consommateur de déterminer si ce produit contient ou non du thon, contrairement à ce que constate la chambre de recours. La requérante se réfère à des exemples d’étiquetage et d’emballage des produits commercialisés sous la marque contestée à cet égard et souligne que le public pertinent peut, par cet étiquetage, prendre facilement connaissance du fait que toutes les denrées alimentaires vendues sous la marque contestée concernent des produits à base de viande.

65      En troisième lieu, la requérante se réfère à plusieurs enregistrements antérieurs allemands, ainsi qu’à une marque de l’Union européenne dont elle est titulaire, qui couvrent des produits à base de viande afin de démontrer que la marque contestée était déjà distinctive au moment de son enregistrement, sans entraîner de risque de tromperie à l’égard du public pertinent.

66      En quatrième lieu, la requérante revendique le fait que l’objectif des documents qu’elle a présentés lors de la procédure administrative n’était pas de prouver le caractère distinctif acquis de la marque contestée pour les consommateurs, mais plutôt d’exposer la pertinence et le contexte de ladite marque ainsi que l’intention derrière la demande d’enregistrement de cette marque, laquelle n’était pas de tromper, mais de vendre des produits alimentaires qui se conforment au rituel halal. Selon la requérante, les documents démontrent la façon dont les produits sont étiquetés et vendus sur Internet ainsi que dans les magasins et supermarchés et ne sauraient être ignorés par le Tribunal, dans la mesure où ils clarifient la situation telle qu’elle se présentait à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée. De même, la requérante soutient que les produits alimentaires à base de poisson et de viande sont placés dans des sections différentes des magasins et des sites Internet et que les consommateurs connaissent l’organisation des magasins et ne sauraient confondre lesdits produits.

67      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

68      Dans la décision attaquée, tout d’abord, la chambre de recours a relevé que la marque contestée était composée du mot « tuna » et serait comprise par le public pertinent comme se référant à un « poisson de grande taille vivant dans des mers chaudes, qui est pêché pour être mangé et servir de nourriture ». La requérante ne conteste pas cette constatation.

69      Ensuite, la chambre de recours a constaté que les produits et les services en cause consistaient essentiellement en différents aliments destinés à la consommation humaine ou animale ou en des services liés à ces produits et que tous partageaient la caractéristique de ne pas contenir de thon et de n’avoir aucun lien avec ce poisson, ce qui était confirmé par la limitation intervenue en 2013. Toutefois, selon la chambre de recours, l’exclusion, par la limitation intervenue en 2013, des produits et des services en lien avec le thon impliquait nécessairement que ces derniers étaient susceptibles d’avoir un lien avec ce poisson. Dans ce contexte, au moins une partie du public pertinent comprendrait la marque contestée comme faisant référence au thon en tant qu’ingrédient des aliments concernés. Or, selon la chambre de recours, la limitation intervenue en 2013 indiquerait clairement le contraire.

70      Ainsi, en premier lieu, il convient de constater que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la chambre de recours n’a pas ignoré la limitation intervenue en 2013. Au contraire, elle a considéré que, eu égard à la signification de la marque contestée, il existait une incohérence manifeste entre les informations véhiculées par cette marque, qui fait référence au thon, et les caractéristiques des produits et des services en cause, étant donné que la liste desdits produits et services excluait explicitement les produits et les services en relation avec le thon. Dès lors, la chambre de recours a considéré qu’il existait un risque sérieux que le public pertinent pense que les produits et les services portant la marque contestée possèdent certaines caractéristiques qu’ils ne possèdent pas en réalité.

71      Or, l’argumentation de la requérante ne remet pas en cause cette conclusion. En effet, il ressort de la jurisprudence que, aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009, la chambre de recours devait vérifier si, à la date de la demande d’enregistrement, il n’existait pas de contradiction entre l’information que la marque contestée véhiculait et les caractéristiques des produits désignés dans ladite demande (voir arrêt du 29 juin 2022, La Irlandesa 1943, T‑306/20, EU:T:2022:404, point 71 et jurisprudence citée). En l’espèce, la chambre de recours a correctement considéré que le public pertinent percevrait la marque contestée comme indiquant que les produits et les services couverts par celle-ci contiennent du thon, sont composés de thon ou proviennent du thon. Il en résulte que le signe est propre à tromper le public pertinent sur la qualité des produits et des services concernés dès lors qu’ils ne contiennent pas un tel ingrédient, et n’y font pas référence [voir, par analogie, arrêt du 19 juillet 2017, Lackmann Fleisch- und Feinkostfabrik/EUIPO (медведь), T‑432/16, non publié, EU:T:2017:527, point 54].

72      Ainsi, la chambre de recours a dûment établi que, au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, il existait une contradiction entre la signification de cette marque et les caractéristiques des produits et des services en cause, que la limitation intervenue en 2013 ne permettait pas de surmonter.

73      En deuxième lieu, en ce qui concerne l’argumentation de la requérante selon laquelle l’emballage des produits en cause permet aux consommateurs de prendre connaissance du fait que lesdits produits ne contiennent pas de thon, il convient de relever que, ainsi que l’a observé la chambre de recours, le thon et les aliments qui ne contiennent pas ce dernier se trouvent souvent les uns à côté des autres dans les rayons des supermarchés. En outre, étant donné qu’il n’existe pas de formes particulières d’emballage qui seraient généralement utilisées uniquement pour le thon, lesdits produits ne peuvent pas être distingués uniquement au moyen de la forme de leur emballage. Au contraire, par exemple, certains produits relevant de la classe 29, tels que, notamment, la volaille et les extraits de viande, sont souvent présentés découpés en morceaux pouvant être facilement confondus avec des morceaux de thon, d’autant plus que la viande de thon et les produits à base de viande sont de couleur similaire et, en tout état de cause, sont parfois emballés dans des emballages non transparents, ce qui empêche les consommateurs d’identifier clairement les produits qu’ils contiennent.

74      À cet égard, contrairement à ce que fait valoir, en substance, la requérante, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a pu se fonder sur des faits notoires, relatifs aux liens entre les produits et les services en cause et les produits à base de thon, aux points 81 à 83 de la décision attaquée. En effet, dans le cadre d’une procédure de nullité, la chambre de recours peut prendre en considération, outre les arguments et les faits avancés par les parties, des faits notoires, c’est-à-dire des faits qui sont susceptibles d’être connus par toute personne ou qui peuvent être connus par des sources généralement accessibles, pour savoir si un motif de refus s’opposait à l’enregistrement de la marque contestée au moment du dépôt de la demande de son enregistrement [voir arrêt du 7 février 2024, Beauty Biosciences/EUIPO – Société de Recherche Cosmétique (BEAUTYBIO SCIENCE), T‑81/23, non publié, EU:T:2024:59, point 22 et jurisprudence citée].

75      S’agissant des exigences d’étiquetage ressortant de la réglementation de l’Union invoquées par la requérante, il y a lieu de relever que l’argumentation de cette dernière à cet égard impliquerait que le caractère trompeur de la marque ne serait levé qu’à la lecture de l’étiquette mentionnant les ingrédients des produits. Contrairement à ce qu’affirme la requérante, le fait de considérer que les consommateurs auront conscience que ces produits ne contiennent pas de thon n’est donc nullement évident. Ainsi que la chambre de recours l’a rappelé, il ressort de la jurisprudence que la possibilité offerte au consommateur de contrôler sur l’étiquette les ingrédients qui sont utilisés dans la fabrication d’une denrée alimentaire ne s’oppose pas, en soi, à ce que la marque désignant ces denrées soit trompeuse (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2017, Klosterstoff, T‑844/16, EU:T:2017:759, point 45 et jurisprudence citée).

76      Par conséquent, il suffit de constater que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant que la possibilité de vérifier l’étiquette d’un produit n’excluait pas qu’un consommateur puisse simplement se fier à l’élément verbal « tuna » composant la marque contestée lors d’un achat effectué à la hâte. En effet, pour de tels achats, les consommateurs ne chercheront pas à analyser le libellé de l’emballage ou à vérifier le contenu des produits emballés et pourraient, par conséquent, être induits en erreur.

77      En outre, il suffit de constater à l’instar de la chambre de recours que, dès lors que l’existence d’une tromperie effective ou d’un risque suffisamment grave de tromperie du consommateur a été établie, la circonstance selon laquelle la marque demandée peut également être perçue dans un sens qui ne soit pas trompeur est indifférente [arrêt du 27 octobre 2016, Caffè Nero Group/EUIPO (CAFFÈ NERO), T‑29/16, non publié, EU:T:2016:635, point 48].

78      En troisième lieu, s’agissant des arguments de la requérante visant à revendiquer l’usage de la marque contestée sur le marché, tirés tant de l’usage antérieur que de l’usage postérieur à l’enregistrement de cette dernière et soulevés également dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, il y a lieu de rappeler que le caractère trompeur d’une marque constitue une cause de nullité absolue de celle-ci en vertu des dispositions combinées de l’article 52, paragraphe 1, sous a), et de l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009 et, par ailleurs, une cause de déchéance au titre de l’article 51, paragraphe 1, sous c), dudit règlement.

79      Or, l’article 51, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 dispose explicitement que le caractère trompeur d’une marque enregistrée, qui justifie que son titulaire soit déclaré déchu de ses droits, découle de l’usage qui en est fait, tandis que les dispositions combinées de l’article 52, paragraphe 1, sous a), et de l’article 7, paragraphe 1, sous g), dudit règlement, qui frappent de nullité la marque qui a été enregistrée en dépit de son caractère trompeur, ne contiennent pas de référence à un tel usage.

80      Ainsi, l’examen d’une demande en nullité exige d’établir que le signe déposé aux fins de l’enregistrement en tant que marque était en lui‑même de nature à tromper le consommateur au moment du dépôt de la demande d’enregistrement, la gestion ultérieure dudit signe étant dépourvue de pertinence [voir, en ce sens, arrêts du 8 juin 2017, W. F. Gözze Frottierweberei et Gözze, C‑689/15, EU:C:2017:434, points 55 et 56, et du 29 juin 2022, La Irlandesa 1943, T‑306/20, EU:T:2022:404, point 66].

81      En effet, toute circonstance concrète extérieure aux qualités intrinsèques de la marque qui ne résulte pas de la marque elle-même et de la liste des produits et des services couverts par celle-ci, telle que son usage particulier sur le marché, ne devrait pas être prise en considération dans l’appréciation du caractère trompeur au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009.

82      Par conséquent, en l’espèce, la marque contestée « en elle-même » devait être considérée comme trompeuse, sans tenir compte des circonstances extérieures telles que l’usage qui en a été fait, comme le relève à bon droit l’EUIPO.

83      En quatrième lieu, en ce qui concerne l’argumentation de la requérante fondée sur l’absence d’intention de tromper, il convient de rappeler que l’application du motif de refus de l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement 2017/1001 ne requiert pas une intention de tromper le consommateur. En effet, afin qu’il puisse être constaté qu’une marque a été enregistrée en méconnaissance du motif de refus tenant au risque de tromperie, il doit être établi que le signe déposé aux fins de l’enregistrement en tant que marque générait par lui-même un tel risque [voir ordonnance du 31 mars 2023, Thomas Henry/EUIPO (MATE MATE), T‑482/22, non publiée, EU:T:2023:185, point 64 et jurisprudence citée].

84      Il s’ensuit que les première et troisième branches du premier moyen ne sont pas fondées.

85      Au vu de tout ce qui précède, les trois branches ayant été écartées, il y a lieu de rejeter le premier moyen dans son intégralité.

86      Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

87      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

88      Bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens qu’en cas de convocation à une audience. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Kornezov

De Baere

Kingston

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 septembre 2025.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.