Arrêt de la Cour (Grande chambre) du 10 juillet 2025 (demande de décision préjudicielle de l’Ustavno sodišče Republike Slovenije - Slovénie) – INTERZERO Trajnostne rešitve za svet brez odpadkov d.o.o. et autres, Surovina, družba za predelavo odpadkov d.o.o. et autres / Državni zbor Republike Slovenije
(Affaire C-254/231 , INTERZERO e.a.)
(Renvoi préjudiciel – Liberté d’établissement et libre prestation des services – Articles 49 et 56 TFUE – Protocole (no 26) sur les services d’intérêt général, annexé aux traités UE et FUE – Services dans le marché intérieur – Directive 2006/123/CE – Champ d’application – Monopoles et services d’intérêt économique général – Exigences à évaluer – Article 15 – Déchets – Directive 2008/98/CE – Régimes de responsabilité élargie des producteurs – Articles 8 et 8 bis – Création d’un monopole sur le marché de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs – Organisation unique sans but lucratif – Article 106, paragraphe 2, TFUE – Notion d’“entreprise” – Modalités de création et de fonctionnement – Modalités transitoires – Obligation d’adhésion incombant aux producteurs soumis à la responsabilité élargie – Articles 16 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Liberté d’entreprise et droit de propriété – Principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime – Proportionnalité)
Langue de procédure: le slovène
Juridiction de renvoi
Ustavno sodišče Republike Slovenije
Parties à la procédure au principal
Parties requérantes: INTERZERO Trajnostne rešitve za svet brez odpadkov d.o.o., Interzero Circular Solutions Europe GmbH, et autres parties (à compléter avec la demande de renvoi préjudiciel), Surovina, družba za predelavo odpadkov d.o.o., DINOS, družba za pripravo sekundarnih surovin d.o.o., et autres parties (à compléter avec la demande de renvoi préjudiciel)
Partie défenderesse: Državni zbor Republike Slovenije
Dispositif
L’article 106, paragraphe 2, TFUE
doit être interprété en ce sens que :
une personne morale qui, d’une part, bénéficie du droit exclusif d’exercer, conformément aux articles 8 et 8 bis de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives, telle que modifiée par la directive (UE) 2018/851 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2018, une activité consistant à mettre en œuvre, pour une catégorie de produits donnée et sur l’ensemble du territoire d’un État membre, des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pour le compte des producteurs concernés et qui, d’autre part, est tenue d’exercer cette activité sans but lucratif, doit être considérée comme étant une entreprise chargée de la gestion d’un service d’intérêt économique général, au sens de cet article 106, paragraphe 2, à condition que cette personne morale ait été effectivement chargée de l’exécution d’obligations de service public et que la nature, la durée et la portée de ces obligations soient clairement définies dans le droit national.
Les articles 8 et 8 bis de la directive 2008/98, telle que modifiée par la directive 2018/851, l’article 15 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, les articles 49, 56 et 106 TFUE, les articles 16 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime
doivent être interprétés en ce sens que :
sous réserve du respect du principe de proportionnalité, ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui :
instaure une situation de monopole par la création d’une organisation chargée de la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs qui dispose du droit exclusif d’exercer cette activité pour une catégorie de produits donnée, tout en prévoyant tant la révocation ex lege des autorisations ayant permis aux opérateurs économiques d’exercer ladite activité jusque-là que la résiliation ex lege de l’ensemble des contrats conclus par ces opérateurs dans l’exercice de la même activité, à condition cependant que, d’une part, cette réglementation s’accompagne de la mise en place d’un cadre normatif propre à garantir que le titulaire de ce monopole sera effectivement à même de poursuivre, de manière cohérente et systématique, les objectifs de protection de l’environnement et de la santé publique que l’État membre concerné s’est fixés au moyen d’une offre quantitativement mesurée et qualitativement aménagée en fonction de ces objectifs et soumise à un contrôle strict de la part des autorités publiques et, d’autre part, qu’elle prévoie des adaptations à l’application des nouvelles règles propres à éviter toute charge excessive pour les opérateurs économiques concernés, en particulier une période transitoire d’une durée suffisante pour leur permettre de s’adapter aux modifications ou un système de compensation raisonnable du préjudice subi par ceux-ci ;
impose à cette organisation d’exercer son activité sans but lucratif ;
prévoit l’obligation, pour les producteurs soumis à des obligations de responsabilité élargie des producteurs qui mettent sur le marché au moins 51 % de la quantité totale d’une même catégorie de produits relevant de cette responsabilité élargie, de créer une telle organisation et de détenir une participation dans celle-ci ;
prévoit l’obligation, pour les détenteurs d’une participation dans cette organisation, d’être producteurs sur le marché concerné ;
prévoit l’interdiction, pour ces producteurs, d’exercer une activité de collecte et de traitement des déchets, ainsi que l’interdiction de liens de capital ou de parenté entre, d’un côté, ladite organisation, les membres de son organe de direction et lesdits producteurs et, de l’autre côté, les personnes qui effectuent la collecte et le traitement des déchets ainsi que les personnes disposant d’un droit de vote dans l’organe de gestion ou l’organe de surveillance de celle-ci ;
rend obligatoire la mise en œuvre collective des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pour les producteurs de produits soumis à cette responsabilité élargie et impose à ceux-ci de contracter avec la même organisation, à condition cependant que ces obligations soient assorties de garanties procédurales suffisantes, notamment en ce qui concerne d’éventuels conflits d’intérêts ou désavantages concurrentiels, permettant d’éviter toute charge excessive pour les producteurs concernés dans l’exercice de leur activité économique résultant d’effets arbitraires ou imprévisibles sur leurs relations contractuelles.
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1 JO C 252, du 17.07.2023.