ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
11 septembre 2025 (*)
« Renvoi préjudiciel – Réseaux et services de communications électroniques – Directives 2002/20/CE, 2002/21/CE et 2002/77/CE – Droits d’utilisation de radiofréquences de diffusion numérique terrestre pour la radio et la télévision – Conversion de droits d’utilisation – Attribution de droits d’utilisation – Protection juridictionnelle – Indépendance des autorités réglementaires nationales »
Dans les affaires jointes C‑764/23 à C‑766/23,
ayant pour objet trois demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), par décisions du 1er décembre 2023, parvenues à la Cour le 12 décembre 2023, dans les procédures
Cairo Network Srl (C‑764/23),
Europa Way Srl (C‑765/23),
Persidera SpA (C‑766/23)
contre
Ministero delle Imprese e del Made in Italy (C‑764/23 et C‑766/23),
Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni,
Presidenza del Consiglio dei Ministri (C‑765/23),
Ministero dell’Economia e delle Finanze (C‑765/23),
Ministero dello Sviluppo economico (C‑765/23),
en présence de :
Radiotelevisione italiana SpA (RAI),
Persidera SpA (C‑764/23 et C‑765/23),
Mediaset SpA (C‑764/23 et C‑765/23),
Elettronica Industriale SpA,
Premiata Ditta Borghini e Stocchetti di Torino Srl,
Europa Way Srl (C‑764/23 et C‑766/23),
Prima TV SpA,
Associazione di Categoria Aeranti-Corallo (C‑764/23),
3lettronica Industriale SpA (C‑765/23 et C‑766/23),
Espansione Srl (C‑766/23),
Cairo Network Srl (C‑765/23 et C‑766/23),
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. C. Lycourgos (rapporteur), président de chambre, MM. S. Rodin, N. Piçarra, Mme O. Spineanu‑Matei et M. N. Fenger, juges,
avocat général : M. A. Rantos,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour Cairo Network Srl, par Me L. R. Perfetti, avvocato,
– pour Europa Way Srl, par Mes F. Ferraro et A. Terranova, avvocati,
– pour Persidera SpA, par Mes E. Apa, M. V. La Rosa, M. Montinari et I. Picciano, avvocati,
– pour Radiotelevisione italiana SpA (RAI), par Mes G. de Vergottini, E. Lenzi et M. Petitto, avvocati,
– pour Mediaset SpA et Elettronica Industriale SpA, par Mes C. E. Cazzato, D. Lipani, G. M. Roberti, G. Rossi et M. Serpone, avvocati,
– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino et Mme G. Galluzzo, avvocati dello Stato,
– pour le gouvernement croate, par Mme G. Vidović Mesarek, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par MM. G. Conte et O. Gariazzo, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 mars 2025,
rend le présent
Arrêt
1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 6 et de l’article 19, paragraphe 1, deuxième alinéa, TUE, de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), des articles 3, 5, 7 et 14 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive « autorisation ») (JO 2002, L 108, p. 21), telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO 2009, L 337, p. 37) (ci-après la « directive “autorisation” »), de l’article 3, paragraphes 3 et 3 bis, de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, ainsi que des articles 8 et 9 de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») (JO 2002, L 108, p. 33), telle que modifiée par la directive 2009/140 (ci-après la « directive “cadre” »), des articles 2 et 4 de la directive 2002/77/CE de la Commission, du 16 septembre 2002, relative à la concurrence dans les marchés des réseaux et des services de communications électroniques (JO 2002, L 249, p. 21, ci-après la « directive “concurrence” »), des considérants 11 et 20 de la décision (UE) 2017/899 du Parlement européen et du Conseil, du 17 mai 2017, sur l’utilisation de la bande de fréquences 470-790 MHz dans l’Union (JO 2017, L 138, p. 131), des articles 5, 6, 8, 9, 31 et 45 de la directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018, établissant le code des communications électroniques européen (JO 2018, L 321, p. 36), ainsi que des principes d’équité, de non-discrimination, de transparence, de protection de la concurrence, de protection de la confiance légitime, de proportionnalité et d’adéquation.
2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant Cairo Network Srl (C‑764/23), Europa Way Srl (C‑765/23) et Persidera SpA (C‑766/23) au Ministero delle Imprese e del Made in Italy (ministère des Entreprises et du Made in Italy, Italie) (C‑764/23 et C‑766/23), à l’Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni (Autorité de tutelle des communications, Italie) (ci-après l’« AGCOM »), à la Presidenza del Consiglio dei Ministri (présidence du conseil des ministres, Italie) (C‑765/23), au Ministero dell’Economia e delle Finanze (ministère de l’Économie et des Finances, Italie) (C‑765/23) et au Ministero dello Sviluppo economico (ministère du Développement économique, Italie) (C‑765/23) au sujet de procédures, menées dans le cadre de la reconfiguration de la bande de fréquences 694-790 MHz (ci-après la « bande de fréquences 700 MHz »), de conversion de droits existants d’utilisation de multiplex de technologie DVB-T en droits d’utilisation des capacités de transmission dans des multiplex de technologie DVB-T 2 et d’attribution de ce dernier type de droits d’utilisation.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive « autorisation »
3 L’article 3 de la directive « autorisation » définit les règles relatives aux autorisations générales applicables aux réseaux et aux services de communications électroniques.
4 L’article 5, paragraphes 2 et 6, de cette directive prévoit :
« 2. Lorsqu’il est nécessaire d’octroyer des droits individuels d’utilisation des radiofréquences et des numéros, les États membres les octroient, sur demande, à toute entreprise pour la fourniture de réseaux ou de services dans le cadre de l’autorisation générale visée à l’article 3, sous réserve des dispositions des articles 6 et 7 et de l’article 11, paragraphe 1, point c), de la présente directive, et de toute autre règle garantissant l’emploi efficace de ces ressources, conformément à la [directive “cadre”].
Sans préjudice des critères et procédures particuliers adoptés par les États membres pour octroyer le droit d’utilisation des radiofréquences à des fournisseurs de services de contenus de radio ou de télédiffusion en vue de poursuivre des objectifs d’intérêt général conformément à la législation communautaire, les droits d’utilisation de radiofréquences et de numéros sont octroyés par le biais de procédures ouvertes, objectives, transparentes, non discriminatoires et proportionnées et, dans le cas des radiofréquences, conformément aux dispositions de l’article 9 de la [directive “cadre”]. Les procédures peuvent, exceptionnellement, ne pas être ouvertes lorsque l’octroi de droits individuels d’utilisation de radiofréquences aux fournisseurs de services de contenus de radio ou de télédiffusion est nécessaire à la réalisation d’un objectif d’intérêt général défini par les États membres conformément à la législation communautaire.
[...]
6. Les autorités nationales compétentes veillent à ce que les radiofréquences soient effectivement et efficacement utilisées conformément à l’article 8, paragraphe 2, et à l’article 9, paragraphe 2, de la [directive “cadre”]. Elles veillent aussi à ce que la concurrence ne soit pas faussée du fait d’une cession ou de l’accumulation de droits d’utilisation de radiofréquences. À cet effet, les États membres peuvent prendre des mesures appropriées comme l’obligation de vente ou de location des droits d’utilisation de radiofréquences. »
5 Aux termes de l’article 7, paragraphe 3, de la directive « autorisation » :
« Lorsque l’octroi des droits d’utilisation de radiofréquences doit être limité, les États membres accordent ces droits sur la base de critères de sélection objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés. Ces critères de sélection doivent dûment prendre en considération la réalisation des objectifs de l’article 8 de la [directive “cadre”] ainsi que les exigences de l’article 9 de cette directive. »
6 L’article 14 de la directive « autorisation », intitulé « Modification des droits et obligations », dispose :
« 1. Les États membres veillent à ce que les droits, les conditions et les procédures applicables aux autorisations générales, aux droits d’utilisation ou aux droits de mettre en place des ressources ne puissent être modifiés que dans des cas objectivement justifiés et dans des proportions raisonnables, compte tenu, le cas échéant, des conditions particulières applicables aux droits d’utilisation de radiofréquences cessibles. [...]
2. Les États membres ne restreignent ni ne retirent de droits afférents à la mise en place de ressources ou de droits d’utilisation de radiofréquences avant l’expiration de la période pour laquelle ils ont été octroyés, sauf dans des cas justifiés et, le cas échéant, en conformité avec l’annexe ainsi que les dispositions nationales applicables en matière de compensation pour retrait de droits. »
La directive « cadre »
7 Le considérant 11 de la directive « cadre » est libellé comme suit :
« Conformément au principe de la séparation des fonctions de réglementation et d’exploitation, les États membres devraient garantir l’indépendance de la ou des autorités réglementaires nationales, afin d’assurer l’impartialité de leurs décisions. Cette exigence d’indépendance ne porte pas atteinte à l’autonomie institutionnelle ni aux obligations constitutionnelles des États membres, ni au principe de neutralité, établi à l’article [345 TFUE], à l’égard des règles régissant le régime de la propriété applicables dans les États membres. [...] »
8 Aux termes de l’article 2, sous g), de cette directive, l’« autorité réglementaire nationale » (ci-après l’« ARN ») s’entend comme étant « l’organisme ou les organismes chargés par un État membre d’une quelconque des tâches de réglementation assignées dans la présente directive et dans les directives particulières ». Il ressort de cet article 2, sous l), que la directive « autorisation » figure parmi les « directives particulières ».
9 Le considérant 13 de la directive 2009/140, laquelle a modifié la directive « cadre », énonce :
« Il convient de renforcer l’indépendance des [ARN] afin d’assurer une application plus efficace du cadre réglementaire et d’accroître leur autorité et la prévisibilité de leurs décisions. À cet effet, il y a lieu de prévoir, en droit national, une disposition expresse garantissant que, dans l’exercice de ses fonctions, une [ARN] responsable de la régulation du marché ex ante ou du règlement des litiges entre entreprises est à l’abri de toute intervention extérieure ou pression politique susceptible de compromettre son impartialité dans l’appréciation des questions qui lui sont soumises. Une telle influence externe rend un organisme législatif national impropre à agir en qualité d’[ARN] dans le cadre réglementaire. [...] »
10 L’article 3, paragraphes 1 à 3 bis, de la directive « cadre » dispose :
« 1. Les États membres veillent à ce que chacune des tâches assignées aux [ARN] dans la présente directive et dans les directives particulières soit accomplie par un organisme compétent.
2. Les États membres garantissent l’indépendance des [ARN] en faisant en sorte que celles-ci soient juridiquement distinctes et fonctionnellement indépendantes de toutes les organisations assurant la fourniture de réseaux, d’équipements ou de services de communications électroniques. Les États membres qui conservent la propriété ou le contrôle d’entreprises qui assurent la fourniture de réseaux et/ou de services de communications électroniques veillent à la séparation structurelle effective de la fonction de réglementation d’une part, et des activités inhérentes à la propriété ou à la direction de ces entreprises d’autre part.
3. Les États membres veillent à ce que les [ARN] exercent leurs pouvoirs de manière impartiale, transparente et au moment opportun. Les États membres veillent à ce que les [ARN] disposent des ressources financières et humaines nécessaires pour accomplir les tâches qui leur sont assignées.
3 bis. Sans préjudice des paragraphes 4 et 5, les [ARN] responsables de la régulation du marché ex ante ou du règlement des litiges entre entreprises [...] agissent en toute indépendance et ne sollicitent ni n’acceptent d’instruction d’aucun autre organe en ce qui concerne l’accomplissement des tâches qui leur sont assignées en vertu du droit national transposant le droit communautaire. Ceci n’empêche pas une surveillance conformément aux dispositions nationales de droit constitutionnel. Seuls les organismes de recours établis conformément à l’article 4 ont le pouvoir de suspendre ou d’infirmer les décisions prises par les [ARN].
[...] »
11 L’article 4, paragraphe 1, de cette directive énonce :
« Les États membres veillent à ce que des mécanismes efficaces permettent, au niveau national, à tout utilisateur ou à toute entreprise qui fournit des réseaux et/ou des services de communications électroniques, et qui est affecté par une décision prise par une [ARN], d’introduire un recours auprès d’un organisme indépendant des parties intéressées. Cet organisme, qui peut être un tribunal, dispose des compétences appropriées pour être à même d’exercer ses fonctions efficacement. Les États membres veillent à ce que le fond de l’affaire soit dûment pris en considération et à ce qu’il existe un mécanisme de recours efficace.
Dans l’attente de l’issue de la procédure, la décision de l’[ARN] est maintenue, sauf si des mesures provisoires sont octroyées conformément au droit national. »
12 L’article 8, paragraphes 1 à 4, de ladite directive prévoit :
« 1. Les États membres veillent, dans l’accomplissement des tâches de réglementation spécifiées dans la présente directive ainsi que dans les directives particulières, à ce que les [ARN] prennent toutes les mesures raisonnables visant à la réalisation des objectifs définis aux paragraphes 2, 3 et 4. Ces mesures sont proportionnées à ces objectifs.
[...]
2. Les [ARN] promeuvent la concurrence dans la fourniture des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques et des ressources et services associés [...]
3. Les [ARN] contribuent au développement du marché intérieur [...]
4. Les [ARN] soutiennent les intérêts des citoyens de l’Union européenne [...] »
13 L’article 9, paragraphe 1, de la même directive énonce :
« Tenant dûment compte du fait que les radiofréquences sont un bien public qui possède une importante valeur sociale, culturelle et économique, les États membres veillent à la gestion efficace des radiofréquences pour les services de communications électroniques sur leur territoire conformément aux articles 8 et 8 bis. Ils veillent à ce que l’attribution du spectre aux fins des services de communications électroniques et l’octroi des autorisations générales ou des droits individuels d’utilisation de telles radiofréquences par les autorités nationales compétentes soient fondés sur des critères objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés.
Lors de l’application du présent article, les États membres respectent les accords internationaux applicables, y compris le règlement de l’[Union internationale des télécommunications (UIT)] relatif aux radiocommunications, et peuvent tenir compte de considérations d’intérêt public. »
La directive « concurrence »
14 L’article 2 de la directive « concurrence » établit des règles relatives aux droits exclusifs et spéciaux pour les réseaux et les services de communications électroniques.
15 L’article 4 de cette directive, intitulé « Droits d’utilisation des fréquences », dispose :
« Sans préjudice des procédures et des critères particuliers qu’ils ont adoptés pour octroyer des droits d’utilisation des radiofréquences aux fournisseurs de contenu de radio ou de télédiffusion, en vue de réaliser des objectifs d’intérêt général conformément au droit communautaire :
1) les États membres n’accordent pas de droits exclusifs ou spéciaux d’utilisation des radiofréquences pour la fourniture de services de communications électroniques ;
2) l’attribution des radiofréquences pour des services de communications électroniques doit être fondée sur des critères objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés. »
La décision 2017/899
16 Les considérants 8, 9, 11, 15 et 20 de la décision 2017/899 sont ainsi rédigés :
« (8) Pour la région 1, qui comprend l’Union [européenne], le règlement des radiocommunications de l’[UIT], adopté en 2015 par la Conférence mondiale des radiocommunications, prévoit l’attribution de la bande de fréquences 700 MHz aux services de radiodiffusion et aux services mobiles (à l’exception du service mobile aéronautique) à titre coprimaire. La bande de fréquences 470-694 MHz [...] reste attribuée exclusivement aux services de radiodiffusion à titre primaire et aux applications [de programmes et d’événements spéciaux (PMSE)] audio sans fil à titre secondaire.
(9) L’augmentation rapide du trafic à haut débit sans fil et l’importance croissante sur les plans économique, industriel et social de l’économie numérique rendent nécessaire l’accroissement de la capacité des réseaux sans fil. Le spectre dans la bande de fréquences 700 MHz offre à la fois une capacité supplémentaire et une couverture universelle, en particulier dans les zones rurales, montagneuses et insulaires ainsi que dans les autres zones isolées posant un problème de rentabilité, prédéterminées conformément aux zones de priorité nationale, y compris le long des grandes voies de transport terrestre, et pour une utilisation en intérieur et pour des communications entre machines à longue portée. Dans ce contexte, des mesures cohérentes et coordonnées en faveur d’une couverture terrestre de haute qualité de l’ensemble de l’Union, s’inspirant des meilleures pratiques nationales en matière d’obligations imposées par les licences d’opérateur, devraient poursuivre l’objectif [...] selon lequel, d’ici à 2020, tous les citoyens au sein de l’Union devraient disposer, à l’intérieur comme à l’extérieur, des vitesses de débit les plus rapides, soit au moins 30 [mégabits par seconde (Mbps)], et devraient chercher à réaliser la vision ambitieuse d’une société du gigabit dans l’Union. Ces mesures permettront de promouvoir des services numériques innovants et de procurer des avantages socioéconomiques à long terme.
[...]
(11) [...] Les secteurs de la [télévision numérique terrestre (TNT)] et des PMSE doivent donc bénéficier d’une prévisibilité réglementaire à long terme quant à la disponibilité d’une partie suffisante du spectre afin de pouvoir durablement garantir la fourniture et le développement de leurs services, en particulier de la télévision gratuite, tout en offrant un cadre approprié aux investisseurs, de sorte que les objectifs de la politique audiovisuelle au niveau de l’Union et au niveau national, tels que la cohésion sociale, le pluralisme des médias et la diversité culturelle, soient atteints. [...]
[...]
(15) Sur la base de motifs dûment justifiés, les États membres devraient être en mesure de reporter de deux ans au plus, au-delà d’une échéance commune à toute l’Union fixée à 2020, l’autorisation d’utiliser la bande de fréquences 700 MHz pour les systèmes de Terre permettant de fournir des services de communications électroniques à haut débit sans fil. Un tel report ne devrait être motivé que par des problèmes non résolus de coordination transfrontalière entraînant des brouillages préjudiciables, par la nécessité d’effectuer la migration technique d’une part importante de la population vers des normes avancées de radiodiffusion et la complexité de cette opération, par des coûts financiers de transition dépassant les recettes attendues générées par les procédures d’attribution ainsi que par des raisons de force majeure. Les États membres devraient prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire le brouillage préjudiciable résultant de ces problèmes dans les États membres affectés. [...]
[...]
(20) Les États membres devraient établir des feuilles de route nationales cohérentes pour faciliter l’utilisation de la bande de fréquences 700 MHz par des services de communications électroniques de Terre à haut débit sans fil tout en assurant la continuité des services de radiodiffusion télévisuelle qui libèrent la bande. Une fois établies, ces feuilles de route nationales devraient être mises à disposition au sein de l’Union par les États membres, de façon transparente. Elles devraient couvrir les activités et calendriers de réaffectation des fréquences, les évolutions techniques du réseau et de l’équipement de l’utilisateur final, la coexistence des équipements radio et non radio, les régimes d’autorisation en vigueur et nouveaux, les mécanismes permettant d’éviter un brouillage préjudiciable à l’égard des utilisateurs du spectre dans les bandes adjacentes et des informations sur la possibilité de compensation pour les coûts de migration, le cas échéant, afin d’éviter, entre autres, un coût pour les utilisateurs finaux ou les radiodiffuseurs. Si les États membres entendent maintenir la TNT, ils devraient envisager, dans leurs feuilles de route nationales, la possibilité de faciliter les mises à niveau des équipements de radiodiffusion pour leur passage à des technologies d’utilisation plus efficace du spectre, comme des normes de codage vidéo (par exemple HEVC) ou des technologies de transmission du signal (par exemple DVB-T 2) avancées. »
17 L’article 1er, paragraphe 1, de cette décision prévoit :
« Au plus tard le 30 juin 2020, les États membres autorisent l’utilisation de la [bande de fréquences 700 MHz] par les systèmes de Terre capables de fournir des services de communications électroniques à haut débit sans fil [...]
Les États membres peuvent toutefois reporter l’autorisation d’utiliser la bande de fréquences 700 MHz de deux ans au plus sur la base d’un ou de plusieurs des motifs dûment justifiés indiqués à l’annexe de la présente décision. [...] Si cela est nécessaire, les États membres appliquent la procédure d’autorisation ou modifient les droits existants pertinents d’utilisation du spectre conformément à la [directive “autorisation”], en vue de permettre cette utilisation. »
La directive 2018/1972
18 L’article 124, paragraphe 1, de la directive 2018/1972 est libellé comme suit :
« Les États membres adoptent et publient, au plus tard le 21 décembre 2020, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive. Ils communiquent immédiatement à la Commission [européenne] le texte de ces dispositions.
Les États membres appliquent ces dispositions à partir du 21 décembre 2020.
[...] »
Le droit italien
19 L’article 1er, paragraphe 1031, de la legge n. 205 – Bilancio di previsione dello Stato per l’anno finanziario 2018 e bilancio pluriennale per il triennio 2018-2020 (loi no 205, portant budget prévisionnel de l’État pour l’année financière 2018 et budget pluriannuel pour la période triennale 2018-2020), du 27 décembre 2017 (GURI no 302, du 29 décembre 2017), telle que modifiée par la legge n. 145 – Bilancio di previsione dello Stato per l’anno finanziario 2019 e bilancio pluriennale per il triennio 2019-2021 (loi no 145, portant budget prévisionnel de l’État pour l’année financière 2019 et budget pluriannuel pour la période triennale 2019-2021), du 30 décembre 2018 (GURI no 302, du 31 décembre 2018) (ci-après la « loi no 205/2017 »), dispose :
« Conformément aux objectifs de la politique audiovisuelle européenne et nationale de cohésion sociale, de pluralisme des moyens de communication et de diversité culturelle, et dans le but de gérer le spectre le plus efficacement possible à l’aide des technologies plus avancées, toutes les fréquences affectées au niveau national et local au service de [TNT] et attribuées dans la bande III VHF et 470-694 MHz sont libérées selon le calendrier visé au paragraphe 1032. Aux mêmes fins que celles visées à la première phrase, les droits d’utilisation des fréquences détenus à la date d’entrée en vigueur de la présente loi par les opérateurs de réseaux nationaux sont convertis en droits d’utilisation de la capacité de transmission dans les multiplex nationaux de nouvelle conception en technologie DVB-T 2, selon les critères définis par l’[AGCOM] le 31 mars 2019 au plus tard, aux fins de l’attribution des droits d’utilisation des fréquences. L’[AGCOM] établit au 31 mars 2019 les critères selon lesquels les droits d’utilisation des fréquences prévues conformément au paragraphe 1030 pour le service de [TNT] sont attribués, au niveau national, aux opérateurs de réseaux nationaux [dans la bande 470-694 MHz UHF], en tenant compte de la nécessité d’assurer la maîtrise des coûts éventuels de transformation et de mise en œuvre des réseaux, la réduction de la durée de la période transitoire visée au paragraphe 1032 ainsi que la minimisation des coûts et des incidences sur les utilisateurs finals. Le 30 juin 2019 au plus tard, le ministère du Développement économique délivre les droits d’utilisation des fréquences visés à la troisième phrase aux opérateurs de réseaux nationaux sur la base des critères définis par l’[AGCOM] au sens de la même phrase. [...] »
20 L’article 1er, paragraphe 1031‑bis, de la loi no 205/2017 prévoit :
« L’attribution de la capacité de transmission supplémentaire disponible au niveau national et des fréquences terrestres, en sus de celles destinées à la conversion des droits d’utilisation visés au paragraphe 1031 et prévues par l’[AGCOM] dans le [plan national d’attribution des fréquences], à affecter au service de [TNT] pour les opérateurs de réseaux nationaux et le concessionnaire du service public de radio, de télévision et multimédia, est effectuée par procédure à titre onéreux sans relance concurrentielle, ouverte pour le 30 novembre 2019 par le ministère du Développement économique, en application des procédures établies pour le 30 septembre 2019 par l’[AGCOM] [...], sur la base des principes et critères suivants :
a) attribuer la capacité de transmission et les fréquences sur la base de lots d’une taille égale à la moitié d’un multiplex ;
b) déterminer une valeur minimale des offres sur la base des valeurs de marché constatées par l’[AGCOM] ;
c) prendre en considération la valeur des offres financières présentées ;
d) garantir la continuité du service, la rapidité de la transition technologique ainsi que la qualité des infrastructures technologiques mises à disposition par les exploitants de réseaux nationaux opérant dans le secteur, y compris le concessionnaire du service public de radio, de télévision et multimédia ;
e) valoriser les expériences acquises par les opérateurs de réseaux nationaux dans le secteur, s’agissant, en particulier, de la mise en œuvre de réseaux de radiodiffusion numérique ;
f) valoriser la capacité structurelle à garantir l’efficacité du spectre, le professionnalisme et les compétences acquises dans le secteur, l’innovation technologique ainsi que l’exploitation optimale, efficace et ponctuelle de la capacité de transmission et des fréquences supplémentaires ;
g) garantir la meilleure valorisation du spectre, en tenant compte de la diffusion actuelle de contenus de bonne qualité en technologie de [TNT] à la plus grande majorité possible de la population italienne. [...] »
21 L’article 1er, paragraphe 1037, de la loi no 205/2017 énonce :
« Les litiges concernant l’attribution des droits d’utilisation des fréquences, les appels à candidatures et les autres procédures visées aux paragraphes 1026 à 1036, en particulier, les procédures de libération des fréquences pour le service de [TNT], ressortissent à la compétence exclusive de la juridiction administrative [...] En raison de l’intérêt national supérieur revêtu par la libération et l’attribution rapides des fréquences, l’annulation des actes et des mesures adoptés dans le cadre des procédures visées aux paragraphes 1026 à 1036 n’emporte pas le rétablissement de la situation antérieure ou réparation en nature et l’éventuelle réparation des dommages due, le cas échéant, n’est effectuée que par équivalent. La portée des mesures conservatoires est limitée au paiement d’une provision »
Les litiges au principal et les questions préjudicielles
22 Cairo Network et Europa Way sont des exploitants de réseaux de TNT qui étaient chacun titulaires de droits d’utilisation d’un multiplex de technologie DVB-T. Persidera est un exploitant de réseaux de TNT qui était titulaire de droits d’utilisation pour cinq multiplex de technologie DVB-T.
23 Le législateur italien a estimé que la reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz nécessitait de libérer un certain nombre de fréquences en vue de permettre le déploiement de la téléphonie de cinquième génération (ci-après la « 5G »). En conséquence, ce législateur a habilité l’AGCOM à adopter des décisions destinées, d’une part, à convertir les droits existants d’utilisation des multiplex de technologie DVB-T en droits d’utilisation des capacités de transmission dans des multiplex de technologie DVB-T 2 et, d’autre part, à attribuer, au moyen d’une procédure à titre onéreux, des droits d’utilisation de la capacité de transmission supplémentaire dégagée grâce à la transition entre les technologies DVB-T et DVB-T 2.
24 L’AGCOM a, à cette fin, adopté une série de décisions.
25 En particulier, par la décision 39/19/CONS, elle a défini un nouveau plan national d’attribution des fréquences destinées à la TNT. Cette décision a notamment prévu un nombre total de 12 multiplex nationaux de technologie DVB-T 2 et des paramètres de configuration sur la base desquels le principe du remplacement des 20 multiplex nationaux de technologie DVB-T par 10 multiplex nationaux de technologie DVB-T 2 a été établi.
26 Par la décision 129/19/CONS, l’AGCOM a défini les critères applicables à la conversion des droits d’utilisation des multiplex de technologie DVB-T en droits d’utilisation des capacités de transmission dans des multiplex de technologie DVB-T 2 et à l’attribution, au niveau national, des droits d’utilisation de la capacité de transmission supplémentaire.
27 Par la décision 562/20/CONS, l’AGCOM a défini les modalités de la procédure d’attribution à titre onéreux des droits d’utilisation de cette capacité de transmission supplémentaire. Par la décision 564/20/CONS, elle a engagé cette procédure.
28 En application des critères de conversion définis par l’AGCOM, Persidera s’est vu attribuer des droits d’utilisation de capacités de transmission dans 2,5 multiplex de technologie DVB-T 2, alors que Cairo Network et Europa Way ont bénéficié, chacune, de droits d’utilisation de capacités de transmission dans 0,5 multiplex de ce type. Au terme de la procédure d’attribution à titre onéreux, Cairo Network et Persidera ont acquis, chacune, des droits supplémentaires d’utilisation de capacités de transmission dans 0,5 multiplex de technologie DVB-T 2.
29 Cairo Network, Europa Way et Persidera ont introduit des recours en annulation contre plusieurs actes adoptés dans le cadre de la procédure de reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz, parmi lesquels figurent les décisions de l’AGCOM 39/19/CONS et 129/19 CONS.
30 Ces recours ont été rejetés par des jugements du Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie).
31 Cairo Network, Europa Way et Persidera ont interjeté appel de ces jugements devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), qui est la juridiction de renvoi. À l’appui de leurs appels, ces sociétés ont notamment fait valoir que le législateur italien n’avait pas respecté l’indépendance de l’AGCOM, que les droits d’utilisation de multiplex de technologie DVB-T avaient été méconnus et que la procédure de reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz avait été menée irrégulièrement, faute d’avoir pris en considération la circonstance que certains opérateurs auraient préalablement acquis illégalement une position favorable sur le marché de la TNT.
32 Estimant être confronté à plusieurs difficultés d’interprétation du droit de l’Union, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) s’interroge, en premier lieu, dans les affaires C‑764/23 et C‑765/23, sur le caractère effectif de la protection juridictionnelle dont peuvent bénéficier Cairo Network et Europa Way. Elle doute, en effet, que l’exclusion de toute possibilité de rétablissement de la situation antérieure ou de réparation en nature permette de garantir une protection suffisante aux titulaires de droits d’utilisation de fréquences de technologie DVB-T et de sauvegarder l’intérêt général.
33 En deuxième lieu, cette juridiction se demande si le législateur italien a excessivement réduit la marge d’appréciation de l’AGCOM, portant, de ce fait, atteinte à son indépendance. Elle relève, à cet égard, que les décisions adoptées par l’AGCOM dans le cadre du processus de reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz ont été sensiblement influencées par les dispositions de la législation italienne. Ainsi, le coefficient de conversion des droits d’utilisation des radiofréquences aurait été déterminé par l’AGCOM, notamment dans le but de permettre la conduite d’une procédure à titre onéreux ordonnée par ce législateur. En outre, celui-ci aurait soumis cette procédure à des critères et à des principes qu’il a lui-même déterminés, en particulier en autorisant la participation à ladite procédure des opérateurs historiques dominant le marché en cause.
34 En troisième lieu, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) estime que le caractère partiel de la conversion des droits antérieurs d’utilisation des radiofréquences, qui résulte de l’application de ce coefficient de conversion arrêté par l’AGCOM, a désavantagé les opérateurs titulaires d’un droit d’utilisation d’un seul multiplex de technologie DVB-T, en les contraignant à recourir à la procédure d’attribution à titre onéreux de droits d’utilisation ou à conclure entre eux des accords pour pouvoir obtenir des capacités de transmission équivalentes à celles dont ils disposaient avant la conversion de leurs droits antérieurs d’utilisation de radiofréquences.
35 En quatrième lieu, cette juridiction s’interroge sur le caractère suffisant, au regard du droit de l’Union, de la prise en compte, par les autorités italiennes, de la situation respective de chacun des opérateurs en cause eu égard à l’évolution historique du secteur audiovisuel italien.
36 En effet, l’organisation de ce secteur aurait été marquée par plusieurs irrégularités, sur lesquelles la Cour se serait prononcée dans les arrêts du 31 janvier 2008, Centro Europa 7 (C‑380/05, EU:C:2008:59), et du 26 juillet 2017, Persidera (C‑112/16, EU:C:2017:597). Au vu des diverses mesures ayant déjà été adoptées pour remédier à ces irrégularités, l’AGCOM a considéré que l’adoption, lors du processus de reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz, de mesures structurelles serait inadaptée et aurait des effets dépassant le rééquilibrage du marché rendu nécessaire pour remédier auxdites irrégularités. Elle a donc estimé suffisant de prévoir des règles asymétriques destinées à favoriser le pluralisme et la concurrence dans le cadre de la procédure d’attribution à titre onéreux de droits d’utilisation de radiofréquences. Or, la juridiction de renvoi doute de la compatibilité avec le droit de l’Union de ce choix de l’AGCOM.
37 En cinquième et dernier lieu, dans l’affaire C‑764/23, cette juridiction décèle des éléments qu’elle estime de nature à établir, à l’égard de Cairo Network, une confiance légitime digne de protection. Elle souligne ainsi que cette société a acquis ses droits antérieurs d’utilisation de radiofréquences dans le cadre d’une procédure à titre onéreux dont l’appel à candidatures précisait qu’il visait l’attribution de droits d’utilisation de radiofréquences pour les systèmes DVB, soit la norme DVB-T, mais aussi ses évolutions technologiques ultérieures, que l’adjudicataire obtiendrait une fréquence de même couverture ainsi que de même durée au moment de la libération des fréquences aux fins de leur attribution à des opérateurs de télécommunication et que la fréquence attribuée le serait pour une durée de 20 ans.
38 Dans ces conditions, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour, dans l’affaire C‑764/23, les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Le droit de l’Union et, en particulier, l’article 6 et l’article 19, paragraphe 1, deuxième alinéa, TUE, interprétés à la lumière de l’article 47 de la [Charte], l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la [directive “cadre”] et l’article 31 de la directive [2018/1972] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale, telle que celle du droit italien pertinente (article 1er, paragraphe 1037, de la loi no 205/2017), qui, dans une situation relevant du droit de l’Union, limite les effets du recours en annulation en faisant obstacle au rétablissement de la situation antérieure ou réparation en nature et limite la portée des mesures conservatoires au paiement d’une provision, portant ainsi atteinte à la protection juridictionnelle effective ?
2) Le droit de l’Union et, en particulier, l’article 3, paragraphes 3 et 3 bis, les articles 8 et 9 de la [directive “cadre”] ainsi que les articles 5, 6, 8, 9 et 45 de la directive [2018/1972] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à un système comme celui introduit dans l’ordre juridique italien par l’article 1er, paragraphe 1031-bis, de la [loi no 205/2017], dans la mesure où ce système prive l’autorité administrative indépendante de ses fonctions de régulation, ou les limite sensiblement en tout état de cause, en prévoyant que l’attribution d’une capacité de transmission supplémentaire est effectuée au moyen d’une procédure à titre onéreux avec attribution à l’offre économiquement la plus avantageuse et participation des opérateurs historiques dominant le marché ?
3) Le droit de l’Union et, en particulier, les articles 8 et 9 de la [directive “cadre”], les articles 3, 5, 7 et 14 de la [directive “autorisation”], les articles 2 et 4 de la [directive “concurrence”], les considérants 11 et 20 de la décision [2017/899], ainsi que les principes d’équité, de non-discrimination, de protection de la concurrence et de la confiance légitime doivent-ils être interprétés en ce sens qu’il s’opposent à un système tel que celui introduit par la législation nationale pertinente (article 1er, paragraphes 1030, 1031, 1031-bis, 1031-ter et 1032 de la loi no 205/2017), par les décisions 39/19/CONS, 128/19/CONS et 564/20/CONS de l’[AGCOM], ainsi que par les décisions correspondantes portant attribution des droits d’utilisation des fréquences pour le service de télévision numérique, dans la mesure où, aux fins de la conversion “des droits d’utilisation des fréquences” en “droits d’utilisation de la capacité de transmission”, ce système ne prévoit pas de conversion par équivalent, mais réserve une partie de la capacité de transmission à une procédure à titre onéreux, en imposant des coûts supplémentaires à l’opérateur désireux de sécuriser la préservation de ses prérogatives légitimement acquises au fil du temps ?
4) Le droit de l’Union et, en particulier, les articles 8 et 9 de la [directive “cadre”], les articles 3, 5, 7 et 14 de la [directive “autorisation”], les articles 2 et 4 de la [directive “concurrence”], les considérants 11 et 20 de la décision [2017/899], les principes d’équité, de non-discrimination, de protection de la concurrence et de la confiance légitime, ainsi que les principes de proportionnalité et d’adéquation, s’opposent-ils [à un système] tel que celui introduit par la législation nationale pertinente (article 1er, paragraphes 1030, 1031, 1031-bis, 1031-ter et 1032, de la loi no 205/2017), par les décisions 39/19/CONS, 128/19/CONS et 564/20/CONS de l’AGCOM, ainsi que par les décisions correspondantes portant attribution des droits d’utilisation des fréquences pour le service de télévision numérique, en ce que ce système ne comporte pas de mesures de nature structurelle pour remédier à la situation d’inégalité constituée précédemment, eu égard, également, aux illégalités antérieurement constatées par la jurisprudence nationale et supranationale, et ne différencie pas la situation de l’opérateur ayant acquis une fréquence à l’issue d’une procédure concurrentielle à titre onéreux prévoyant le droit de conserver cette fréquence, ou bien, au contraire, les mesures de nature non structurelle adoptées par l’AGCOM à la charge des entreprises historiques dominant le marché et titulaires à l’origine des réseaux dits excédentaires sont-elles appropriées et proportionnées ?
5) Le droit de l’Union et, en particulier les articles 8 et 9 de la [directive “cadre”], les articles 3, 5, 7 et 14 de la [directive “autorisation”], les articles 2 et 4 de la [directive “concurrence”], les considérants 11 et 20 de la décision [2017/899], et les principes d’équité, de non-discrimination, de protection de la concurrence et de la confiance légitime, ainsi que les principes de proportionnalité et d’adéquation, s’opposent-ils [à un système] tel que celui introduit par la législation nationale pertinente (article 1er, paragraphes 1030, 1031, 1031-bis, 1031-ter et 1032, de la loi no 205/2017), ainsi que par les décisions 39/19/CONS, 128/19/CONS et 564/20/CONS de l’AGCOM et les décisions correspondantes portant attribution des droits d’utilisation des fréquences pour le service de télévision numérique, dans la mesure où ce système ne tient pas compte de la confiance légitime qu’avait acquise un opérateur ayant obtenu le droit d’utilisation de la fréquence à l’issue d’une procédure concurrentielle à titre onéreux ayant expressément prévu le droit à une fréquence de couverture similaire et d’une durée équivalente à celles du droit d’utilisation ? »
39 Dans lesdites conditions, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour, dans l’affaire C‑765/23, quatre questions préjudicielles analogues aux première à quatrième questions posées dans l’affaire C‑764/23.
40 Dans les mêmes conditions, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour, dans l’affaire C‑766/23, deux questions préjudicielles analogues aux deuxième et troisième questions posées dans l’affaire C‑764/23 ainsi que la troisième question préjudicielle suivante :
« Le droit de l’Union et, en particulier, les articles 8 et 9 de la [directive “cadre”], les articles 3, 5, 7 et 14 de la [directive “autorisation”], les articles 2 et 4 de la [directive “concurrence”], les considérants 11 et 20 de la décision [2017/899], les principes d’équité, de non-discrimination, de protection de la concurrence et de la confiance légitime, ainsi que les principes de proportionnalité et d’adéquation doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à un système tel que celui introduit en droit italien par l’article 1er, paragraphes 1101 à 1108 de la loi [no 145/18], par l’article 1er paragraphes 1030, 1031, 1031-bis, 1031-quater, 1032, 1033, 1034 et 1037 de la [loi no 205/2017], par les décisions 39/19/CONS [...], 128/19/CONS et 129/19/CONS de l’AGCOM et par les décisions correspondantes portant attribution des droits d’utilisation des fréquences pour le service de télévision numérique, en ce que ce système ne comporte pas de mesures de nature structurelle [et –] même en présence de mesures compensatoires et/ou de rééquilibrage non structurelles – pour remédier à la situation d’inégalité constituée précédemment, prévoit une procédure à titre onéreux imposant à un opérateur des coûts et des charges supplémentaires, et ces normes du droit [de l’Union], au vu, en particulier, des principes de proportionnalité et d’adéquation, ainsi que des principes posés par l’arrêt du 26 juillet 2017, Persidera (C‑112/16, EU:C:2017:597), font-elles obstacle à un système tel que celui rapporté, également au vu de l’évolution générale du système et de ses “anomalies”, “lacunes” et “irrégularités” constatées par la jurisprudence nationale et supranationale et relevées dans la motivation de la présente ordonnance, ou bien, au contraire, les mesures de nature non structurelle adoptées par l’AGCOM pour rééquilibrer le système sont-elles suffisantes ? »
41 Par une décision du président de la Cour du 27 février 2024, les affaires C‑764/23 à C‑766/23 ont été jointes aux fins des phases écrite et orale de la procédure ainsi que de l’arrêt.
Sur les questions préjudicielles
Sur la compétence de la Cour
42 Radiotelevisione italiana SpA (RAI) soutient que la Cour n’est pas compétente pour répondre aux premières et quatrièmes questions dans les affaires C‑764/23 et C‑765/23 ainsi qu’à la troisième question dans l’affaire C‑766/23, dès lors que, par ces questions, la juridiction de renvoi invite la Cour à se prononcer sur la compatibilité de la réglementation italienne en cause au principal avec le droit de l’Union et sur la légalité d’actes adoptés par l’AGCOM.
43 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le système de coopération établi à l’article 267 TFUE est fondé sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour. Dans le cadre d’une procédure introduite en vertu de cet article, l’interprétation des dispositions nationales appartient aux juridictions des États membres et non à la Cour et il n’incombe pas à cette dernière de se prononcer sur la compatibilité de normes de droit interne avec les dispositions du droit de l’Union. En revanche, la Cour est compétente pour fournir à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui permettent à celle-ci d’apprécier la compatibilité de normes de droit interne avec la réglementation de l’Union (voir arrêts du 21 mars 1985, Celestri & C., 172/84, EU:C:1985:137, point 12 ; du 1er juillet 2008, MOTOE, C‑49/07, EU:C:2008:376, point 30, ainsi que du 26 juillet 2017, Europa Way et Persidera, C‑560/15, EU:C:2017:593, point 35).
44 Dans les présentes affaires jointes, par ses questions, la juridiction de renvoi invite précisément la Cour à fournir de tels éléments d’interprétation, de sorte que celle-ci est compétente pour répondre à ces questions.
Sur la recevabilité
45 RAI et Mediaset SpA contestent la recevabilité de tout ou partie des demandes de décisions préjudicielles.
46 En premier lieu, RAI et Mediaset font valoir que les décisions de renvoi ne comportent pas les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de répondre à l’ensemble des questions posées. Plus précisément, tout d’abord, RAI estime que la juridiction de renvoi n’a pas fourni une description complète du processus de reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz. Ensuite, Mediaset avance que cette juridiction n’a exposé ni les raisons pour lesquelles les dispositions de droit de l’Union visées aux troisièmes questions dans les affaires C‑764/23 et C‑765/23 ainsi qu’à la deuxième question dans l’affaire C‑766/23 seraient applicables en l’occurrence ni celles l’ayant conduite à douter de la compatibilité de la réglementation italienne en cause au principal avec ces dispositions. Enfin, selon Mediaset, ladite juridiction n’aurait pas fourni à la Cour des éléments suffisants pour lui permettre de répondre à la cinquième question dans l’affaire C‑764/23.
47 En second lieu, RAI et Mediaset considèrent qu’il n’est pas nécessaire, en vue de statuer sur les litiges au principal, de répondre aux troisièmes et quatrièmes questions dans les affaires C‑764/23 et C‑765/23 ainsi qu’aux deuxième et troisième questions dans l’affaire C‑766/23. En effet, les mesures déjà adoptées par les autorités italiennes auraient été suffisantes pour remédier aux conséquences des illégalités passées dans le secteur audiovisuel italien dont fait état la juridiction de renvoi. En outre, l’exposé de ces illégalités figurant dans les décisions de renvoi comporterait des erreurs ainsi que des approximations. Par ailleurs, ces questions porteraient, pour partie, sur la procédure d’attribution à titre onéreux de droits d’utilisation de capacités de transmission dans des multiplex de technologie DVB-T 2, alors que cette procédure ne ferait pas l’objet des procédures au principal.
48 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir arrêts du 21 avril 1988, Pardini, 338/85, EU:C:1988:194, point 8, et du 24 juillet 2023, Lin, C‑107/23 PPU, EU:C:2023:606, point 61).
49 Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir arrêts du 13 juillet 2000, Idéal tourisme, C‑36/99, EU:C:2000:405, point 20, et du 24 juillet 2023, Lin, C‑107/23 PPU, EU:C:2023:606, point 62).
50 Dans ce contexte, d’une part, il y a lieu de souligner, en ce qui concerne les arguments tirés du caractère supposément incomplet des décisions de renvoi, que, selon une jurisprudence constante de la Cour, désormais reflétée à l’article 94, sous a) et b), de son règlement de procédure, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. En outre, il est indispensable, comme l’énonce cet article 94, sous c), que la demande de décision préjudicielle contienne un exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la réglementation nationale applicable au litige au principal [voir arrêt du 26 janvier 1993, Telemarsicabruzzo e.a., C‑320/90 à C‑322/90, EU:C:1993:26, point 6 ; ordonnance du 28 juin 2000, Laguillaumie, C‑116/00, EU:C:2000:350, point 16, ainsi que arrêt du 4 octobre 2024, Bezirkshauptmannschaft Landeck (Tentative d’accès aux données personnelles stockées sur un téléphone portable), C‑548/21, EU:C:2024:830, point 48].
51 En l’occurrence, les décisions de renvoi exposent, de manière détaillée, le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions posées ainsi que les raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à douter de la compatibilité de la réglementation italienne en cause au principal avec le droit de l’Union.
52 Il s’ensuit que ces décisions répondent aux exigences prévues à l’article 94 du règlement de procédure et qu’elles contiennent donc des éléments suffisants pour permettre à la Cour de répondre à ces questions.
53 D’autre part, il y a lieu de constater que les arguments tirés de l’absence de nécessité de répondre à certaines desdites questions en vue de trancher les litiges au principal reposent, pour partie, sur une description de la situation factuelle en cause au principal qui diffère de celle retenue par la juridiction de renvoi. RAI et Mediaset critiquent ainsi la présentation, figurant dans les décisions de renvoi, des illégalités passées dans le secteur audiovisuel italien et de leurs conséquences.
54 Or, dans le cadre de la nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour mentionnée au point 43 du présent arrêt, toute appréciation des faits de la cause relève de la compétence du juge national, auquel il appartient d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour, alors que la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation ou la validité d’un texte de l’Union à partir des faits qui lui sont indiqués par le juge national (voir arrêts du 16 mars 1978, Oehlschläger, 104/77, EU:C:1978:69, point 4, et du 20 avril 2021, Repubblika, C‑896/19, EU:C:2021:311, point 28).
55 Partant, les arguments de RAI et de Mediaset liés à leur propre appréciation des illégalités passées dans le secteur audiovisuel italien et de leurs conséquences ne sauraient conduire à considérer que certaines des questions posées sont irrecevables.
56 Par ailleurs, la circonstance que les recours au principal ne visent pas directement les actes de l’AGCOM régissant la procédure d’attribution à titre onéreux de droits d’utilisation de radiofréquences ne saurait suffire à démontrer que les questions posées doivent être déclarées irrecevables en tant qu’elles se rapportent à cette procédure.
57 En effet, il n’est pas contesté que ces questions visent à fournir à la juridiction de renvoi des éléments lui permettant d’apprécier la compatibilité avec le droit de l’Union de la procédure de conversion des droits antérieurs d’utilisation de radiofréquences. Or, il ressort des décisions de renvoi que, dans le cadre de la reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz en Italie, cette procédure est mise en œuvre de manière coordonnée avec celle d’attribution à titre onéreux de droits d’utilisation de radiofréquences, de sorte qu’il ne saurait être considéré que les aspects desdites questions qui se rapportent à cette dernière procédure sont manifestement dénués de lien avec les litiges au principal.
58 En conséquence, il y a lieu de répondre à l’ensemble des questions posées.
Sur le fond
59 À titre liminaire, il importe de relever que, si les questions posées portent notamment sur l’interprétation de la directive 2018/1972, il découle de l’article 124, paragraphe 1, de celle-ci que les États membres appliquent les règles destinées à transposer cette directive à compter du 21 décembre 2020. Partant, étant donné que ces questions se rapportent à la compatibilité avec le droit de l’Union d’une réglementation italienne qui a été adoptée avant cette date, il y a lieu d’examiner lesdites questions sur la base des actes de l’Union en vigueur avant ladite date.
Sur les premières questions dans les affaires C‑764/23 et C‑765/23
60 Par ses premières questions dans les affaires C‑764/23 et C‑765/23, qui sont identiques, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 1, de la directive « cadre », lu à la lumière des articles 6 et 19 TUE ainsi que de l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui, d’une part, limite les effets des recours introduits par des opérateurs économiques contre des actes relatifs à l’attribution de droits d’utilisation de radiofréquences, dans le cadre de la reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz, à l’octroi d’une réparation financière et, d’autre part, limite la portée des mesures conservatoires pouvant être ordonnées dans l’attente de l’examen d’un tel recours au paiement d’une provision.
61 Si ces questions font référence à l’article 6 TUE, il importe d’emblée de relever que celui-ci est une disposition d’ordre général qui est sans pertinence aux fins de l’analyse desdites questions [voir, par analogie, arrêt du 23 novembre 2021, IS (Illégalité de l’ordonnance de renvoi), C‑564/19, EU:C:2021:949, point 98].
62 L’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive « cadre » impose aux États membres de prévoir des mécanismes de recours efficaces permettant à tout utilisateur ou à toute entreprise qui fournit des réseaux ou des services de communications électroniques, et qui est affecté par une décision prise par une ARN, d’introduire un recours contre cette décision devant un organisme indépendant disposant des compétences appropriées pour être à même d’exercer ses fonctions efficacement.
63 L’article 4, paragraphe 1, second alinéa, de cette directive prévoit que, dans l’attente de l’issue de la procédure, la décision de l’ARN est maintenue, sauf si des mesures provisoires sont octroyées conformément au droit national.
64 Il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’article 4 de ladite directive constitue une émanation du principe de protection juridictionnelle effective, garanti par l’article 47 de la Charte et auquel se réfère l’article 19, paragraphe 1, TUE, en vertu duquel il incombe aux juridictions des États membres d’assurer la protection juridictionnelle des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 21 février 2008, Tele2 Telecommunication, C‑426/05, EU:C:2008:103, point 30, ainsi que du 13 octobre 2016, Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej et Petrotel, C‑231/15, EU:C:2016:769, point 20).
65 Cela étant, l’article 4 de la même directive ne prescrit pas de règles de procédure précises visant à mettre en œuvre l’obligation qu’il impose aux États membres de prévoir des mécanismes de recours efficaces et, en particulier, ne définit pas les pouvoirs dont doit disposer une juridiction nationale appelée à statuer sur un recours introduit contre un acte relatif à l’attribution de droits d’utilisation de radiofréquences.
66 En l’absence de réglementation de l’Union en la matière, il appartient aux États membres de définir ces pouvoirs dans le cadre de leur autonomie procédurale, à condition toutefois que lesdits pouvoirs ne soient pas, dans les situations relevant du droit de l’Union, moins étendus que ceux dont disposerait une juridiction appelée à statuer sur des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et que l’étendue des mêmes pouvoirs ne rende pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité) (voir, par analogie, du 13 octobre 2016, Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej et Petrotel, C‑231/15, EU:C:2016:769, point 23 ainsi que jurisprudence citée).
67 En ce qui concerne le principe d’équivalence, la juridiction de renvoi a indiqué que le régime sur lequel portent les premières questions dans les affaires C‑764/23 et C‑765/23 s’applique indifféremment aux recours fondés sur le droit national et sur le droit de l’Union.
68 S’agissant du principe d’effectivité, il convient de relever que la Cour a jugé, aux points 25 et 31 de l’arrêt du 13 octobre 2016, Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej et Petrotel (C‑231/15, EU:C:2016:769), qu’une juridiction nationale saisie d’un recours contre une décision de l’ARN doit pouvoir annuler celle-ci avec effet rétroactif, si elle juge que cela est nécessaire pour assurer une protection effective des droits de l’entreprise qui a introduit ce recours.
69 Cependant, il ne saurait en être déduit que le principe d’effectivité implique nécessairement qu’une juridiction nationale saisie d’un tel recours doit être habilitée à annuler toute décision d’une ARN relevant de la directive « cadre ».
70 En effet, tout d’abord, la question posée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 octobre 2016, Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej et Petrotel (C‑231/15, EU:C:2016:769), visait à déterminer non pas si l’article 4, paragraphe 1, de la directive « cadre » impose qu’une juridiction saisie d’un recours contre une décision d’une ARN dispose du pouvoir d’annuler cette décision, mais uniquement si cette disposition s’oppose à ce que ce pouvoir puisse être reconnu, par une réglementation nationale, à une telle juridiction.
71 Ensuite, cette question se rapportait explicitement, comme la Cour l’a d’ailleurs relevé dans sa réponse, à une situation dans laquelle la juridiction de renvoi dans cette affaire avait déjà établi qu’il était nécessaire d’annuler la décision contestée pour préserver les droits de l’entreprise concernée. À l’inverse, par ses premières questions dans les affaires C‑764/23 et C‑765/23, la juridiction de renvoi invite précisément la Cour à apprécier dans quelle mesure une telle annulation peut être regardée comme étant nécessaire pour garantir les droits des requérants dans une situation telle que celle en cause au principal.
72 Enfin, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 octobre 2016, Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej et Petrotel (C‑231/15, EU:C:2016:769), la Cour était interrogée sur les modalités du contrôle juridictionnel d’une décision imposant l’adaptation de tarifs liés à un réseau de téléphonie mobile. Or, dès lors qu’une telle décision produit des effets de nature différente de ceux d’une décision relative à l’attribution de droits d’utilisation de radiofréquences, il ne saurait être présumé que les pouvoirs dont la juridiction compétente doit disposer pour examiner les recours introduits contre ces deux types de décisions sont nécessairement similaires.
73 Dans ce contexte, en vue de déterminer si un régime tel que celui en cause au principal est compatible avec le principe d’effectivité, il convient de rappeler que chaque cas où se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible en pratique ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, du déroulement et des particularités de celle-ci, ainsi que, le cas échéant, des principes qui sont à la base du système juridictionnel national, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2022, Unicaja Banco, C‑869/19, EU:C:2022:397, point 28 et jurisprudence citée).
74 À cet égard, ainsi que le souligne la juridiction de renvoi, l’octroi d’une réparation financière, assortie, le cas échéant, du paiement d’une provision, n’est certes pas de nature, en tant que tel, à garantir que la situation illégale résultant d’une attribution irrégulière de droits d’utilisation de radiofréquences soit effectivement remise en cause et que l’opérateur qui a introduit le recours puisse obtenir l’octroi des droits d’utilisation de radiofréquences auxquels il aurait droit.
75 Il importe toutefois de relever que l’annulation d’un acte relatif à l’attribution de tels droits d’utilisation ou la suspension durable des effets d’un tel acte dans l’attente d’une décision sur un recours est susceptible d’avoir d’importantes conséquences sur l’utilisation des radiofréquences qui risquent, en pratique, de faire obstacle à la reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz exigée par la décision 2017/899.
76 En effet, il découle de l’article 1er, paragraphe 1, de cette décision que cette reconfiguration, qui est destinée à permettre l’utilisation de la bande de fréquences 700 MHz par des services de communications électroniques à haut débit sans fil, aurait dû intervenir, en principe, le 30 juin 2020 et, au plus tard, le 30 juin 2022, un report de ladite reconfiguration à cette dernière date devant être communiquée aux autres États membres ainsi qu’à la Commission et être fondé sur des motifs dûment justifiés.
77 En outre, il ressort des considérants 8, 9 et 15 de ladite décision qu’un retard dans la libération de la bande de fréquences 700 MHz dans un État membre est non seulement de nature à faire obstacle au déploiement de la 5G dans cet État membre, mais risque également de causer des brouillages préjudiciables dans d’autres États membres, risque dont le gouvernement croate s’est d’ailleurs prévalu devant la Cour.
78 Or, l’annulation d’actes relatifs à l’attribution de droits d’utilisation de radiofréquences adoptés en vue de permettre la reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz impliquerait logiquement la réattribution des radiofréquences concernées à leurs titulaires antérieurs, y compris postérieurement aux dates mentionnées au point 76 du présent arrêt, au risque de réduire à néant cette reconfiguration et de porter ainsi atteinte au bon fonctionnement de la 5G dans l’Union.
79 De même, une suspension durable des effets d’actes relatifs à l’attribution de droits d’utilisation de radiofréquences pourrait soit empêcher le développement de la 5G, si les radiofréquences concernées demeuraient couvertes par les droits antérieurs d’utilisation, soit faire obstacle à la continuité de la diffusion de la TNT, si ces radiofréquences étaient libérées sans mettre à la disposition des diffuseurs de la TNT d’autres radiofréquences leur permettant de poursuivre leurs activités.
80 En outre, si une mesure de réparation en nature, consistant à réattribuer directement les droits d’utilisation des radiofréquences dont l’attribution aurait été irrégulière, peut, en principe, ne pas faire obstacle au déploiement de la 5G, elle serait susceptible, en revanche, de nuire à la continuité de la diffusion de la TNT, dès lors que, au regard de l’ampleur des investissements nécessaires pour permettre l’exploitation d’un réseau de diffusion de la TNT, il ne saurait être exclu qu’une réattribution a posteriori de droits d’utilisation de radiofréquences qui ont déjà été exercés porte atteinte à la continuité de cette diffusion.
81 De surcroît, l’annulation d’un acte relatif à l’attribution de droits d’utilisation de radiofréquences ou une mesure de réparation en nature consistant à réattribuer directement des droits d’utilisation déjà attribués serait susceptible, dans certains cas, de porter atteinte aux droits d’opérateurs de bonne foi qui se sont vu attribuer ces droits d’utilisation.
82 Il convient par ailleurs de relever qu’un recours tel que ceux en cause au principal a pour seul objet de défendre les intérêts d’opérateurs économiques actifs dans le secteur audiovisuel, intérêts qui devraient normalement pouvoir faire l’objet d’une évaluation matérielle et, partant, d’une réparation financière.
83 Dans ces conditions, la limitation des pouvoirs de la juridiction compétente pour examiner des recours introduits contre des actes relatifs à l’attribution de droits d’utilisation de radiofréquences, dans le cadre de la reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz, à l’octroi d’une réparation financière ne saurait être regardée comme étant nécessairement incompatible avec le principe d’effectivité.
84 Néanmoins, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 36 de ses conclusions, l’octroi d’une telle réparation n’est de nature à conférer une protection juridictionnelle effective aux opérateurs économiques concernés que dans la mesure où les modalités de cette réparation permettent de compenser intégralement les dommages subis par ces opérateurs économiques du fait de l’application de l’acte que la juridiction compétente a estimé illégal.
85 S’agissant plus spécifiquement des mesures provisoires, étant donné que le législateur de l’Union n’a pas déterminé précisément le type de mesures provisoires devant pouvoir être octroyées par la juridiction compétente, il y a lieu de considérer que, lorsque le pouvoir que cette juridiction peut exercer à l’issue de l’examen du recours dont elle est saisie a valablement été limité à l’octroi d’une réparation financière, le paiement d’une provision suffit à assurer une protection provisoire permettant d’anticiper, au besoin, le résultat final de ce recours.
86 En conséquence, il y a lieu de répondre aux premières questions dans les affaires C‑764/23 et C‑765/23 que l’article 4, paragraphe 1, de la directive « cadre », lu à la lumière de l’article 19 TUE ainsi que de l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui, d’une part, limite les effets des recours introduits par des opérateurs économiques contre des actes relatifs à l’attribution de droits d’utilisation de radiofréquences, dans le cadre de la reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz, à l’octroi d’une réparation financière et, d’autre part, limite la portée de mesures conservatoires pouvant être ordonnées dans l’attente de l’examen d’un tel recours au paiement d’une provision, pour autant que les modalités de cette réparation financière permettent de compenser intégralement les dommages subis par ces opérateurs économiques du fait de l’application de ces actes.
Sur les deuxièmes questions dans les affaires C‑764/23 et C‑765/23 ainsi que sur la première question dans l’affaire C‑766/23
87 Par ses deuxièmes questions dans les affaires C‑764/23 et C‑765/23 ainsi que par sa première question dans l’affaire C‑766/23, qui sont similaires, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 3, 8 et 9 de la directive « cadre » doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un législateur national prévoie que l’attribution de droits d’utilisation d’une capacité de transmission supplémentaire, dégagée dans le cadre de la transition entre deux technologies de diffusion, soit effectuée au moyen d’une procédure à titre onéreux dont ce législateur définit lui-même certaines caractéristiques relatives aux conditions d’attribution de ces droits et aux opérateurs pouvant participer à cette procédure.
88 En premier lieu, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive « cadre », les États membres veillent à ce que chacune des tâches assignées aux ARN dans cette directive et dans les directives particulières soit accomplie par un organisme compétent. En outre, conformément à l’article 3, paragraphes 2 et 3, de cette directive, lu à la lumière du considérant 11 de celle-ci, les États membres doivent garantir l’indépendance des ARN afin que celles-ci puissent exercer leurs pouvoirs de manière impartiale et transparente ainsi qu’au moment opportun (arrêt du 26 juillet 2017, Europa Way et Persidera, C‑560/15, EU:C:2017:593, point 50 ainsi que jurisprudence citée).
89 Si l’article 3 de la directive « cadre », dans sa version initiale, visait, pour l’essentiel, conformément à ce considérant 11, à garantir l’indépendance et l’impartialité des ARN en assurant la séparation des fonctions de réglementation et d’exploitation, le législateur de l’Union a, avec la directive 2009/140 et ainsi que cela ressort du considérant 13 de celle-ci, entendu renforcer l’indépendance des ARN afin d’assurer une application plus efficace du cadre réglementaire et d’accroître leur autorité et la prévisibilité de leurs décisions (arrêt du 26 juillet 2017, Europa Way et Persidera, C‑560/15, EU:C:2017:593, point 51 ainsi que jurisprudence citée).
90 Cet objectif de renforcement de l’indépendance et de l’impartialité des ARN trouve son expression dans l’article 3, paragraphe 3 bis, de la directive « cadre ». Conformément au premier alinéa de cette disposition, sans préjudice des cas de consultation et de coopération avec d’autres autorités nationales prévus à cet article, les ARN responsables de la régulation du marché ex ante ou du règlement des litiges entre entreprises doivent agir en toute indépendance et ne solliciter ni accepter d’instruction d’aucun autre organe en ce qui concerne l’accomplissement des tâches qui leur sont assignées (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Europa Way et Persidera, C‑560/15, EU:C:2017:593, point 53).
91 En second lieu, il convient de préciser que la directive « cadre » confère aux ARN des tâches spécifiques de réglementation, qui sont définies aux articles 8 à 13 de cette directive. Conformément à l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive, l’attribution du spectre aux fins des services de communications électroniques ainsi que l’octroi des autorisations générales et des droits individuels d’utilisation des radiofréquences font partie des tâches spécifiques de réglementation incombant à ces autorités (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Europa Way et Persidera, C‑560/15, EU:C:2017:593, point 54).
92 Partant, l’organisation des procédures d’attribution de droits d’utilisation de radiofréquences, telles que les procédures de conversion des droits antérieurs d’utilisation de radiofréquences et d’attribution à titre onéreux en cause au principal, relève de l’exercice d’une tâche de réglementation, au sens de la directive « cadre », qui revient à une ARN.
93 Il s’ensuit que les interventions d’un législateur national dans l’organisation de telles procédures sont limitées par l’obligation de respecter l’indépendance de l’ARN. Ainsi, la Cour a jugé que l’indépendance d’une telle autorité serait compromise s’il était permis à des entités extérieures, telles qu’un législateur national, de suspendre, voire d’annuler, en dehors des hypothèses de surveillance et de recours prévues par la directive « cadre », une procédure de sélection pour l’attribution des radiofréquences en cours organisée sous la responsabilité de cette autorité (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Europa Way et Persidera, C‑560/15, EU:C:2017:593, point 56).
94 Cela étant, les questions posées dans les présentes affaires jointes portent sur la compatibilité avec le droit de l’Union d’une intervention d’un législateur national tendant non pas à remettre en cause une procédure d’attribution de droits d’utilisation de radiofréquences menée par une ARN après que celle-ci a été lancée, mais à définir, de façon anticipée, certaines exigences auxquelles l’ARN devra se conformer lors de l’organisation et de la mise en œuvre d’une telle procédure.
95 Or, si le principe de l’indépendance de l’ARN ne fait aucunement obstacle à ce que celle-ci reste soumise au respect de la loi, il n’en demeure pas moins qu’un législateur national ne saurait, sans méconnaître l’indépendance de l’ARN, soustraire à celle-ci les pouvoirs que lui attribue la directive « cadre » et les directives particulières ou exercer ces pouvoirs à la place de l’ARN [voir, par analogie, arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Allemagne (Transposition des directives 2009/72 et 2009/73), C‑718/18, EU:C:2021:662, points 126 et 130].
96 À cet égard, il importe de souligner que l’article 8, paragraphe 1, de la directive « cadre » prévoit que les ARN doivent, dans l’accomplissement des tâches spécifiques de réglementation qui leur incombent, prendre toutes les mesures raisonnables visant à la réalisation des objectifs définis à cet article, qui consistent à promouvoir la concurrence dans la fourniture des réseaux et des services de communications électroniques, à contribuer au développement du marché intérieur et à soutenir les intérêts des citoyens de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2014, TDC, C‑556/12, EU:C:2014:2009, point 39).
97 Dans ce cadre, il appartient aux ARN, et non aux législateurs nationaux, d’effectuer la pondération des objectifs énoncés à l’article 8 de la directive « cadre » (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2009, Commission/Allemagne, C‑424/07, EU:C:2009:749, point 91).
98 Pour autant, si l’article 9, paragraphe 1, de la directive « cadre » prévoit certes qu’il appartient aux ARN d’attribuer les droits d’utilisation des radiofréquences, cette disposition précise également qu’il incombe non pas spécifiquement aux ARN, mais aux « États membres », de façon plus générale, de s’assurer que cette attribution soit fondée sur des critères objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés.
99 La Cour a d’ailleurs reconnu, sur le fondement notamment de ladite disposition, une marge d’appréciation aux États membres pour décider de remplacer une procédure d’attribution à titre gratuit de droits d’utilisation de radiofréquences par une procédure d’attribution à titre onéreux de tels droits, dans un contexte où cette décision avait été prise par le législateur national (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Europa Way et Persidera, C‑560/15, EU:C:2017:593, points 65 et 71).
100 Dès lors, au vu des rôles ainsi conférés respectivement aux ARN et aux organes politiques des États membres, il y a lieu de considérer que les principes devant guider l’organisation des procédures d’attribution de droits d’utilisation de radiofréquences, qui doivent garantir le respect des exigences énoncées à l’article 9, paragraphe 1, de la directive « cadre », peuvent être définis par un législateur national.
101 Dans le même temps, étant donné que l’intervention de ce législateur dans l’organisation de ces procédures ne saurait aller jusqu’à soustraire à l’ARN sa tâche spécifique de réglementation en la matière, ledit législateur ne saurait adopter des règles ayant pour conséquence que l’ARN ne dispose plus d’une marge d’appréciation substantielle dans la définition des modalités techniques de la procédure d’attribution de ces droits et qu’elle doit ainsi se borner à mettre en œuvre une procédure définie par le même législateur.
102 S’il appartient à la juridiction de renvoi d’examiner si cette exigence est respectée dans les litiges au principal, la Cour peut, toutefois, dans le cadre de la coopération judiciaire instaurée à l’article 267 TFUE, à partir des éléments du dossier, fournir à cette juridiction les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui pourraient lui être utiles dans l’appréciation des effets de telle ou telle disposition de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2024, Vivacom Bulgaria, C‑369/23, EU:C:2024:1043, point 41).
103 Dans cette perspective, il convient, tout d’abord, de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 99 du présent arrêt, il est en principe loisible à un législateur national d’opter, s’il l’estime approprié, pour une procédure d’attribution à titre onéreux des droits d’utilisation de radiofréquences.
104 Au regard de la marge d’appréciation dont dispose ainsi un législateur national, il ne saurait être considéré, dans une situation, telle que celle en cause au principal, où une transition technologique implique d’attribuer de nouveaux multiplex ayant une capacité de transmission nettement supérieure à celle des multiplex attribués précédemment, que le choix du caractère gratuit ou onéreux de l’attribution des droits d’utilisation de la capacité de transmission supplémentaire découlant de cette transition devrait nécessairement relever de la sphère de compétences de l’ARN.
105 En ce qui concerne, ensuite, les modalités de la procédure d’attribution à titre onéreux de ces droits d’utilisation, il découle des décisions de renvoi que le législateur italien a arrêté une série de principes encadrant cette procédure. Ces principes concernent essentiellement la définition de la taille des lots attribués dans le cadre de ladite procédure, l’obligation de déterminer une valeur minimale des offres et la fixation d’une série d’objectifs devant être pris en compte lors de la sélection des offres.
106 Au vu du caractère général desdits principes, il apparaît, de prime abord, que l’établissement de tels principes par un législateur national n’a pas pour effet de priver l’ARN d’une marge d’appréciation substantielle dans la détermination des modalités précises de la procédure d’attribution à titre onéreux des droits d’utilisation de radiofréquences, notamment quant au niveau de la valeur minimale des offres, quant aux critères concrets sur la base desquels les offres devraient finalement être appréciées ainsi qu’à la pondération de ces critères ou encore quant à la possibilité de prévoir des règles asymétriques d’accès à cette procédure.
107 S’il est vrai que des principes tels que ceux en cause au principal semblent impliquer, comme le souligne la juridiction de renvoi, que les opérateurs dominant historiquement le secteur audiovisuel de l’État membre concerné peuvent participer à la procédure d’attribution des droits d’utilisation de radiofréquences, cette circonstance ne saurait suffire à démontrer que l’ARN est dépourvue d’une marge d’appréciation substantielle dans l’organisation de cette procédure, comme le confirme d’ailleurs le fait que l’AGCOM a finalement décidé que seuls certains des lots pouvaient être attribués à ces opérateurs et qu’elle a établi des règles destinées à favoriser d’autres opérateurs.
108 Enfin, s’il ressort des décisions de renvoi que le choix du législateur national d’organiser une procédure d’attribution à titre onéreux des droits d’utilisation des radiofréquences a été pris en compte, à côté d’autres facteurs, lors de la définition, par l’ARN, des modalités de conversion des droits antérieurs d’utilisation des radiofréquences, une telle prise en compte constitue simplement une conséquence de la faculté dont dispose ce législateur d’opter pour une procédure d’attribution à titre onéreux des droits d’utilisation des radiofréquences dans un contexte où les capacités de transmission disponibles ont objectivement augmenté. Partant, une telle circonstance ne saurait être regardée comme établissant que le législateur national a porté atteinte aux compétences propres à l’ARN.
109 Au vu de ces éléments, il y a lieu de répondre aux deuxièmes questions dans les affaires C‑764/23 et C‑765/23 ainsi qu’à la première question dans l’affaire C‑766/23 que les articles 3, 8 et 9 de la directive « cadre » doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’un législateur national prévoie que l’attribution de droits d’utilisation d’une capacité de transmission supplémentaire, dégagée dans le cadre de la transition entre deux technologies de diffusion, soit effectuée au moyen d’une procédure à titre onéreux dont ce législateur définit lui-même certaines caractéristiques relatives aux conditions d’attribution de ces droits et aux opérateurs pouvant participer à cette procédure, pour autant que ledit législateur se borne à définir des principes qui n’ont pas pour conséquence que l’ARN ne dispose plus d’une marge d’appréciation substantielle dans la définition des modalités techniques de la procédure d’attribution desdits droits et qu’elle doit ainsi se borner à mettre en œuvre une procédure définie par le même législateur.
Sur les troisième et cinquième questions dans l’affaire C‑764/23, la troisième question dans l’affaire C‑765/23 ainsi que sur la deuxième question dans l’affaire C‑766/23
110 Par ses troisième et cinquième questions dans l’affaire C‑764/23, sa troisième question dans l’affaire C‑765/23 ainsi que par sa deuxième question dans l’affaire C‑766/23, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 8 et 9 de la directive « cadre », les articles 3, 5, 7 et 14 de la directive « autorisation », les articles 2 et 4 de la directive « concurrence » ainsi que le principe de protection de la confiance légitime doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale relative à l’attribution de droits d’utilisation de radiofréquences qui, lors d’une transition technologique accompagnant la reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz, ne prévoit pas une conversion par équivalent des droits antérieurs d’utilisation de radiofréquences et impose ainsi à un opérateur souhaitant conserver sa capacité de transmission de participer à une procédure à titre onéreux ou de passer un accord avec un autre opérateur.
111 À titre liminaire, il convient de constater que l’article 3 de la directive « autorisation », qui définit les règles relatives aux autorisations générales applicables aux réseaux et aux services de communications électroniques, et l’article 2 de la directive « concurrence », qui établit des règles se rapportant aux droits exclusifs et spéciaux pour ces réseaux et ces services, ne comportent pas d’éléments utiles pour répondre à ces questions.
112 Cette précision étant faite, il y a lieu de relever que ni la directive « cadre », ni la directive « autorisation », ni la directive « concurrence » ne comportent de disposition prévoyant explicitement une obligation générale de conversion par équivalent des droits existants d’utilisation de radiofréquences lorsque ces droits doivent être réattribués dans le cadre d’une transition technologique.
113 Certes, l’article 14, paragraphe 1, de la directive « autorisation » énonce que les droits d’utilisation de radiofréquences ne peuvent être modifiés que dans des cas objectivement justifiés et dans des proportions raisonnables. En outre, l’article 14, paragraphe 2, de cette directive dispose que ces droits d’utilisation ne peuvent être restreints ou retirés avant l’expiration de la période pour laquelle ils ont été octroyés que dans des cas justifiés.
114 Toutefois, une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle un État membre est tenu de procéder à la reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz et souhaite, à cette occasion, opérer une transition technologique entre les normes de diffusion DVB-T et DVB-T 2, implique à la fois une réduction du nombre de multiplex pouvant être attribués à des opérateurs économiques aux fins de la diffusion de la TNT et une évolution sensible des capacités de transmission de chaque multiplex mis à la disposition de ces opérateurs.
115 De ce fait, une telle situation doit être considérée comme constituant un cas dans lequel la modification, la restriction ou le retrait de droits existants d’utilisation de radiofréquences peuvent être justifiés en application de l’article 14 de la directive « autorisation ».
116 Cet article ne saurait, dès lors, être interprété comme imposant aux États membres, dans cette situation, de garantir la préservation de l’ensemble des droits existants d’utilisation de multiplex de technologie DVB-T en les convertissant en droits d’utilisation de multiplex de technologie DVB-T 2.
117 Au demeurant, alors que la décision 2017/899 établit des règles régissant la reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz, laquelle implique nécessairement une réattribution partielle des droits d’utilisation de radiofréquences, force est de constater que cette décision ne prévoit aucunement que cette réattribution devrait nécessairement impliquer une conversion par équivalent des droits existants d’utilisation de radiofréquences, y compris lorsque ladite réattribution est combinée avec une transition technologique, comme l’envisage le considérant 20 de ladite décision.
118 Pour autant, il ne saurait être déduit de ce qui précède que les États membres disposent, dans une situation telle que celle en cause au principal, d’un pouvoir entièrement discrétionnaire pour attribuer les droits d’utilisation des multiplex de technologie DVB-T 2.
119 En effet, il découle de l’article 4, paragraphe 2, de la directive « concurrence », de l’article 5, paragraphe 2, deuxième alinéa, et de l’article 7, paragraphe 3, de la directive « autorisation » ainsi que de l’article 9, paragraphe 1, de la directive « cadre » que les droits d’utilisation des radiofréquences doivent être attribués sur la base de critères objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés. Ces critères doivent être respectés non seulement lors de l’attribution initiale des radiofréquences, mais également à l’occasion de toute attribution ultérieure, d’une reconduction ou d’une conversion de radiofréquences dans le contexte d’une transition technologique (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Persidera, C‑112/16, EU:C:2017:597, points 39 et 40).
120 Si une attribution gratuite de nouveaux droits d’utilisation de radiofréquences aux opérateurs qui étaient titulaires de droits antérieurs d’utilisation de radiofréquences, telle que l’envisage la juridiction de renvoi, peut être compatible avec cette exigence (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Europa Way et Persidera, C‑560/15, EU:C:2017:593, point 70), il ne ressort pas de la jurisprudence de la Cour qu’une telle conversion de ces droits d’utilisation découlerait nécessairement de ladite exigence.
121 La Cour a, au contraire, souligné que la gratuité de l’attribution de droits d’utilisation de radiofréquences ne figure pas au nombre des principes prévus par le droit de l’Union sur la base desquels les procédures de sélection doivent être organisées (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Europa Way et Persidera, C‑560/15, EU:C:2017:593, point 64).
122 Partant, si les dispositions visées au point 119 du présent arrêt ne s’opposent pas, par principe, à ce que les États membres mettent en œuvre la reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz en combinant une procédure de conversion partielle des droits antérieurs d’utilisation de radiofréquences et une procédure d’attribution à titre onéreux de droits d’utilisation de radiofréquences, elles imposent, en revanche, que ces procédures soient menées sur la base de critères objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés et que lesdites procédures soient conformes aux objectifs rappelés au point 96 du présent arrêt (voir, par analogie, arrêt du 26 juillet 2017, Europa Way et Persidera, C‑560/15, EU:C:2017:593, point 66).
123 Or, la juridiction de renvoi exprime des doutes, en premier lieu, quant au choix de procéder à la conversion de l’ensemble des droits antérieurs d’utilisation de radiofréquences en utilisant un coefficient unique, en application duquel un droit d’utilisation d’un multiplex de technologie DVB-T est converti en un droit d’utilisation de capacités de transmission dans 0,5 multiplex de technologie DVB-T 2, sans prévoir un régime plus favorable pour les opérateurs économiques qui ne détenaient des droits d’utilisation que pour un multiplex de technologie DVB-T (ci-après les « petits opérateurs »).
124 S’agissant de ces doutes, qui ont essentiellement trait à l’exigence, mentionnée au point 119 du présent arrêt, selon laquelle une procédure de conversion doit être fondée sur des critères non discriminatoires, il convient de rappeler que le principe général d’égalité de traitement impose non seulement que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, mais également que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. Le caractère comparable des situations doit, notamment, être déterminé et apprécié à la lumière de l’objet et du but de l’acte qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et objectifs du domaine dont relève cet acte (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Europa Way et Persidera, C‑560/15, EU:C:2017:593, point 69).
125 À cet égard, il découle de la jurisprudence de la Cour que l’application de coefficients de conversion différents à des opérateurs placés dans une situation comparable est constitutive d’une différence de traitement entre ces opérateurs (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Persidera, C‑112/16, EU:C:2017:597, point 49).
126 En outre, la Cour a jugé que des opérateurs qui ont exploité des chaînes analogiques se trouvent, en principe, dans une situation comparable aux fins de la conversion de ces chaînes en réseaux numériques (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Persidera, C‑112/16, EU:C:2017:597, point 47).
127 Toutefois, il ne saurait être exclu que des opérateurs qui disposent de droits d’utilisation de plusieurs multiplex de technologie DVB-T puissent, au regard notamment des capacités de transmission dont ils disposent et de leur positionnement dans le secteur audiovisuel, être regardés comme se trouvant, aux fins de la conversion de ces droits d’utilisation, dans une situation différente de celle des petits opérateurs.
128 En vue d’évaluer si une telle appréciation est justifiée au regard des objectifs d’une procédure de conversion de droits existants d’utilisation de radiofréquences, il convient de souligner que cette procédure doit respecter l’ensemble des objectifs visés à l’article 8 de la directive « cadre », qui ont été rappelés au point 96 du présent arrêt, et la nécessité d’une gestion efficace des radiofréquences, telle qu’exigée par l’article 9, paragraphe 1, de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Persidera, C‑112/16, EU:C:2017:597, point 51).
129 En l’occurrence, la différence, envisagée par la juridiction de renvoi, entre la situation dans laquelle se trouvent les opérateurs qui disposent de droits d’utilisation de plusieurs multiplex de technologie DVB-T et celle dans laquelle se trouvent les petits opérateurs tiendrait au fait que l’application d’un coefficient de conversion unique pourrait faire obstacle à la poursuite de l’activité de ces derniers, de sorte qu’un traitement différent de ces situations procéderait de l’objectif de promotion de la concurrence dans la fourniture des réseaux et des services de communications électroniques.
130 Dès lors que cet objectif fait partie des objectifs visés à l’article 8 de la directive « cadre » et qu’il doit donc être pris en considération lors de la définition des critères d’attribution de droits d’utilisation de radiofréquences, il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer si l’application d’un coefficient de conversion plus favorable aux petits opérateurs aurait effectivement été nécessaire, au regard de la situation spécifique de ceux-ci, en vue de promouvoir la concurrence dans le secteur audiovisuel italien à la suite de la reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz, sans pour autant méconnaître le principe de proportionnalité en produisant des effets dépassant ce qui est nécessaire pour promouvoir cette concurrence.
131 S’il appartient à la juridiction de renvoi de procéder à une telle appréciation, la Cour peut, ainsi qu’il ressort du point 102 du présent arrêt, dans le cadre de la coopération judiciaire instaurée à l’article 267 TFUE, à partir des éléments du dossier, fournir à cette juridiction les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui pourraient lui être utiles dans l’appréciation des effets de telle ou telle disposition de celui-ci.
132 À cet égard, premièrement, il ressort des décisions de renvoi que l’application d’un coefficient plus favorable aux petits opérateurs garantirait que ceux-ci puissent poursuivre leur activité de façon autonome après la reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz, étant donné qu’il ne serait pas techniquement possible de procéder à une diffusion autonome sans disposer de l’ensemble d’un multiplex de technologie DVB-T 2 et que l’application à l’ensemble des opérateurs d’un coefficient unique de conversion implique qu’un petit opérateur ne disposera pas de droits d’utilisation d’un multiplex de technologie DVB-T 2 complet.
133 Toutefois, deuxièmement, dès lors qu’il découle des points 112 à 117 du présent arrêt que le droit de l’Union ne prévoit pas d’obligation de conversion par équivalent des droits antérieurs d’utilisation de radiofréquences dans une situation telle que celle en cause au principal, la juridiction de renvoi doit, en vue d’apprécier les conséquences de l’impossibilité technique de diviser les radiofréquences en cause, prendre en considération non pas les effets de la seule procédure de conversion des droits antérieurs d’utilisation des radiofréquences, mais ceux de l’ensemble des procédures mises en place par les autorités italiennes en vue d’assurer la reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz et la transition technologique entre les normes de diffusion DVB-T et DVB- 2.
134 Or, il résulte des décisions de renvoi et des observations présentées devant la Cour que ces autorités ont mis en place divers mécanismes destinés à permettre aux petits opérateurs d’accéder de façon préférentielle aux ressources nécessaires pour pouvoir compléter le droit d’utilisation des capacités de transmission de 0,5 multiplex de technologie DVB-T 2 obtenu, à titre gratuit, dans le cadre de la procédure de conversion des droits antérieurs d’utilisation de radiofréquences. Lesdites autorités auraient ainsi, tout d’abord, défini à cette fin les modalités de la procédure d’attribution à titre onéreux des droits d’utilisation, ensuite, autorisé les opérateurs concernés à conclure des accords en vue de combiner leurs droits respectifs d’utilisation des capacités de transmission de multiplex de technologie DVB-T 2 et, enfin, lancé une nouvelle procédure destinée à permettre à deux petits opérateurs d’accéder à des droits d’utilisation des capacités de transmission d’un multiplex de technologie DVB-T 2 qui n’avaient initialement pas été attribués.
135 Sur la base des demandes de décision préjudicielle et des observations présentées à la Cour, il apparaît, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, que les divers mécanismes mis en place par les autorités italiennes pour préserver les activités des petits opérateurs ont fonctionné de manière effective, chacun d’entre eux ayant été utilisé, selon les informations présentées à la Cour, par certains des petits opérateurs actifs dans le secteur audiovisuel italien afin de poursuivre leur activité après la reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz.
136 Troisièmement, en ce qui concerne le respect du principe de proportionnalité, il y a lieu de relever, d’une part, que la juridiction de renvoi semble envisager l’application aux petits opérateurs d’un coefficient de conversion spécifique, qui permettrait à chaque petit opérateur de disposer, après la conversion des droits antérieurs d’utilisation de radiofréquences, du droit d’utiliser un multiplex. Au regard des caractéristiques des multiplex de technologie DVB-T 2 indiquée par la juridiction de renvoi, l’application d’un tel coefficient de conversion aurait entraîné une nette augmentation des capacités de transmission de ces petits opérateurs.
137 Une telle augmentation ne saurait être regardée comme devant normalement résulter d’une procédure de conversion de droits d’utilisation de radiofréquences. La Cour a d’ailleurs déjà constaté qu’une mesure qui conduirait à attribuer aux opérateurs déjà présents sur le marché un nombre de radiofréquences supérieur à celui qui serait suffisant pour assurer la continuité de leur offre pourrait être disproportionnée et nuire à l’accès au marché de nouveaux opérateurs (voir, en ce sens, arrêts du 26 juillet 2017, Europa Way et Persidera, C‑560/15, EU:C:2017:593, point 76, ainsi que du 26 juillet 2017, Persidera, C‑112/16, EU:C:2017:597, point 53).
138 D’autre part, il semble découler des informations figurant dans les décisions de renvoi sur le nombre de multiplex de technologie DVB-T 2 disponibles et sur le nombre d’opérateurs titulaires de droits d’utilisation de multiplex de technologie DVB-T que l’octroi d’un multiplex de technologie DVB-T 2 à chacun des petits opérateurs aurait également impliqué une réduction importante des capacités de transmission des autres opérateurs.
139 Or, une telle différence de traitement entre les divers types d’opérateurs présents sur un même marché ne pourrait, au regard de ses conséquences, constituer une mesure proportionnée que si elle apparaissait indispensable pour préserver la concurrence dans le secteur audiovisuel en cause.
140 En second lieu, la juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité avec le principe de protection de la confiance légitime de l’absence de conversion par équivalent des droits antérieurs d’utilisation de radiofréquences.
141 Selon une jurisprudence constante de la Cour, le principe de protection de la confiance légitime s’inscrit parmi les principes fondamentaux de l’Union et doit être respecté par les institutions de l’Union, mais également par les États membres dans l’exercice des pouvoirs que leur confèrent les directives de l’Union (arrêt du 26 juillet 2017, Europa Way et Persidera, C‑560/15, EU:C:2017:593, point 79 ainsi que jurisprudence citée).
142 Le droit de se prévaloir de ce principe s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une autorité administrative a fait naître des espérances fondées du fait d’assurances précises qu’elle lui aurait fournies. Constituent des assurances susceptibles de faire naître de telles espérances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels, concordants et émanant de sources autorisées et fiables (arrêt du 26 juillet 2017, Europa Way et Persidera, C‑560/15, EU:C:2017:593, point 80 ainsi que jurisprudence citée).
143 Un opérateur économique ne saurait, toutefois, placer sa confiance dans l’absence totale de modification législative, mais peut uniquement mettre en cause les modalités d’une telle modification (arrêt du 20 décembre 2017, Global Starnet, C‑322/16, EU:C:2017:985, point 47 et jurisprudence citée).
144 Partant, le seul fait qu’un opérateur soit titulaire de droits d’utilisation de radiofréquences ne saurait fonder une confiance légitime dans le fait que ces droits resteront intangibles et que, en cas de transition technologique, ceux-ci seront nécessairement convertis pour lui permettre d’exploiter de nouvelles radiofréquences lui offrant des capacités de transmission équivalentes ou supérieures. Il ressort d’ailleurs des points 114 à 116 du présent arrêt qu’une transition technologique telle que celle en cause dans les présentes affaires jointes constitue, au contraire, une situation susceptible de justifier, au regard de l’article 14 de la directive « autorisation », la modification, la restriction ou le retrait de droits existants d’utilisation de radiofréquences.
145 En revanche, un opérateur est en droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime si une autorité administrative lui a fourni des garanties précises, inconditionnelles et concordantes quant au fait qu’une éventuelle transition technologique ne serait pas de nature à remettre en cause les droits d’utilisation de radiofréquences qui lui ont été attribués ou que, dans une telle hypothèse, il aurait droit à une conversion de ces droits d’utilisation en vue de lui assurer une capacité de transmission au moins équivalente à celle dont il disposait au titre desdits droits d’utilisation.
146 En l’occurrence, la juridiction de renvoi relève que Cairo Network a acquis ses droits d’utilisation de radiofréquences dans le cadre d’une procédure à titre onéreux dont l’appel à candidatures précisait que celui-ci visait l’attribution de droits d’utilisation de fréquences pour les systèmes DVB, soit la norme DVB-T, mais aussi ses évolutions technologiques ultérieures, que l’adjudicataire obtiendrait une fréquence de même couverture ainsi que de même durée au moment de la libération des fréquences aux fins de leur attribution à des opérateurs de télécommunication et que la fréquence attribuée le serait pour une durée de 20 ans.
147 De telles indications doivent être regardées, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 68 de ses conclusions, comme étant suffisantes pour permettre à l’opérateur qui les a reçues de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime quant au maintien ou à la conversion par équivalent des droits qu’il a acquis lors de la reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz comme lors de la transition technologique entre les normes DVB-T et DVB-T 2.
148 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre aux troisième et cinquième questions dans l’affaire C‑764/23, à la troisième question dans l’affaire C‑765/23 ainsi qu’à la deuxième question dans l’affaire C‑766/23 que les articles 8 et 9 de la directive « cadre », les articles 5, 7 et 14 de la directive « autorisation », l’article 4 de la directive « concurrence » ainsi que le principe de protection de la confiance légitime doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale relative à l’attribution de droits d’utilisation de radiofréquences qui, lors d’une transition technologique accompagnant la reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz, ne prévoit pas une conversion par équivalent des droits antérieurs d’utilisation de radiofréquences et impose ainsi à un opérateur souhaitant conserver sa capacité de transmission de participer à une procédure à titre onéreux ou de passer un accord avec un autre opérateur, pour autant qu’une telle conversion ne soit pas nécessaire pour préserver la concurrence sur le marché concerné et que les opérateurs en cause n’aient pas reçu, de la part d’autorités administratives, de garanties précises, inconditionnelles et concordantes quant au maintien de leur capacité de transmission en cas de reconfiguration des droits d’utilisation de radiofréquences.
Sur les quatrièmes questions dans les affaires C‑764/23 et C‑765/23 ainsi que sur la troisième question dans l’affaire C‑766/23
149 Par ses quatrièmes questions dans les affaires C‑764/23 et C‑765/23 ainsi que par sa troisième question dans l’affaire C‑766/23, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 8 et 9 de la directive « cadre », les articles 3, 5, 7 et 14 de la directive « autorisation » ainsi que les articles 2 et 4 de la directive « concurrence » doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à un régime de reconfiguration des droits d’utilisation de radiofréquences qui ne comporte pas de mesures structurelles destinées à compenser des illégalités relatives à des procédures antérieures d’attribution de tels droits ou aux conditions passées d’exploitation de radiofréquences.
150 À titre liminaire, il convient de constater que l’article 3 de la directive « autorisation », qui définit les règles relatives aux autorisations générales applicables aux réseaux et aux services de communications électroniques, et l’article 2 de la directive « concurrence », qui établit des règles se rapportant aux droits exclusifs et spéciaux pour ces réseaux et ces services, ne comportent pas d’éléments utiles pour répondre à ces questions.
151 L’article 8 de la directive « cadre » assigne aux États membres l’obligation de s’assurer que les ARN prennent toutes les mesures raisonnables visant à promouvoir la concurrence dans la fourniture des services de communications électroniques, en veillant à ce que la concurrence ne soit pas faussée ni entravée dans le secteur des communications électroniques et en supprimant les derniers obstacles à la fourniture de ces services au niveau de l’Union (arrêt du 26 juillet 2017, Persidera, C‑112/16, EU:C:2017:597, point 37 et jurisprudence citée).
152 Ainsi qu’il a été relevé aux points 96 et 119 du présent arrêt, les ARN doivent, dans l’accomplissement de leur tâche d’attribution des droits d’utilisation de radiofréquences, prendre toutes les mesures raisonnables visant à la réalisation des objectifs énoncés à l’article 8 de la directive « cadre » et procéder à cette attribution sur la base de critères objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés.
153 En outre, il ressort de l’article 5, paragraphe 6, de la directive « autorisation » que les ARN veillent à ce que la concurrence ne soit pas faussée du fait, notamment, de l’accumulation de droits d’utilisation de radiofréquences.
154 La Cour a déduit de ces dispositions que le nouveau cadre réglementaire commun aux services de communications électroniques, aux réseaux de communications électroniques ainsi qu’aux ressources et aux services associés est, notamment, fondé sur un objectif de concurrence effective et non faussée et vise à son développement, dans le respect en particulier des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité (arrêt du 26 juillet 2017, Persidera, C‑112/16, EU:C:2017:597, point 42).
155 De manière plus spécifique, la Cour a jugé que l’article 9, paragraphe 1, de la directive « cadre », l’article 5, paragraphe 1, de la directive « autorisation » et l’article 4, point 1, de la directive « concurrence » s’opposent à des mesures nationales qui ont pour effet de figer les structures du marché national et de protéger la position des opérateurs nationaux déjà actifs sur ce marché en empêchant ou en restreignant l’accès de nouveaux opérateurs audit marché, à moins que ces mesures ne soient justifiées par des objectifs d’intérêt général et aménagées sur la base de critères objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés (arrêt du 26 juillet 2017, Persidera, C‑112/16, EU:C:2017:597, point 43 et jurisprudence citée).
156 La Cour a, de surcroît, considéré qu’il serait également contraire au droit de l’Union de faire perdurer voire de renforcer, au profit d’un opérateur déjà présent sur le marché, un avantage concurrentiel indu, obtenu en méconnaissance des exigences légales et contraire à l’objectif de concurrence effective et non faussée, tout en empêchant ou en restreignant l’accès de nouveaux opérateurs au marché (arrêt du 26 juillet 2017, Persidera, C‑112/16, EU:C:2017:597, point 44).
157 Ainsi que le relève la juridiction de renvoi, la Cour a déduit de ces considérations que des chaînes analogiques illégalement exploitées ne devaient pas être prises en compte dans une procédure de conversion de droits d’utilisation de radiofréquences menée dans le contexte de la transition numérique, dès lors que la conversion des droits d’utilisation concernés conduirait à prolonger, voire à renforcer un avantage concurrentiel indu (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Persidera, C‑112/16, EU:C:2017:597, point 45).
158 Si cette solution est logiquement transposable s’agissant d’une procédure de conversion de droits d’utilisation de radiofréquences, il y a lieu de relever que la situation en cause au principal se distingue nettement de celle qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 juillet 2017, Persidera (C‑112/16, EU:C:2017:597).
159 En effet, il ressort des décisions de renvoi que l’ensemble des multiplex de technologie DVB-T dont les droits d’utilisation ont fait l’objet de la procédure de conversion en cause au principal étaient, avant la reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz, exploités en conformité avec les règles italiennes applicables.
160 Cependant, il ne saurait être entièrement exclu que, même dans une telle situation, l’ARN puisse être tenue, en vue de réaliser l’objectif de concurrence effective et non faussée mentionné au point 154 du présent arrêt, d’adopter des mesures qui apparaîtraient nécessaires pour remédier à des distorsions notables de concurrence résultant d’illégalités relatives à des procédures antérieures d’attribution de droits d’utilisation de radiofréquences ou aux conditions passées d’exploitation de radiofréquences.
161 Tel serait le cas s’il était établi que de telles distorsions de concurrence auraient vocation à persister dans le secteur concerné après la reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz.
162 Néanmoins, il ne saurait être considéré que le droit de l’Union impose aux ARN, en vue de remédier à de telles distorsions de concurrence, de recourir de manière préférentielle à des mesures structurelles impliquant de modifier l’attribution des droits d’utilisation de radiofréquences. Au contraire, le respect du principe de proportionnalité ne permet aux ARN d’adopter de telles mesures que lorsque des mesures plus limitées ne seraient pas susceptibles de leur permettre d’atteindre les objectifs rappelés au point 96 du présent arrêt.
163 Il incombe donc à la juridiction de renvoi de déterminer s’il y a lieu de remettre en cause l’appréciation de l’AGCOM selon laquelle les mesures déjà adoptées par les autorités italiennes sont suffisantes pour remédier aux distorsions notables de concurrence qui pourraient résulter des illégalités relatives à des procédures antérieures d’attribution de droits d’utilisation de radiofréquences ou aux conditions passées d’exploitation de radiofréquences, commises dans le secteur audiovisuel italien.
164 S’il appartient à la juridiction de renvoi de mener à bien cette appréciation, la Cour peut, ainsi qu’il ressort des points 102 et 131 du présent arrêt, dans le cadre de la coopération judiciaire instaurée à l’article 267 TFUE, à partir des éléments du dossier, fournir à cette juridiction les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui pourraient lui être utiles dans l’appréciation des effets de telle ou telle disposition de celui-ci.
165 En l’occurrence, la juridiction de renvoi fait état de plusieurs illégalités qui ont pu avoir une influence sur le secteur audiovisuel italien. Tout d’abord, à l’époque où la télévision faisait l’objet d’une diffusion analogique, RAI et Mediaset auraient exploité, chacune, une chaîne de façon irrégulière. Ensuite, à la même époque, Centro Europa 7 Srl, à laquelle se rattache Europa Way, se serait vu attribuer une concession pour la radiodiffusion télévisuelle sans pour autant obtenir de fréquence lui permettant d’exercer son activité. Enfin, lors de la transition numérique, le législateur italien aurait illégalement annulé une procédure d’attribution de droits d’utilisation de radiofréquences et les autorités italiennes auraient utilisé une méthode de conversion des droits antérieurs d’utilisation de radiofréquences défavorable à Persidera.
166 Cette juridiction n’expose toutefois pas de quelle manière ces illégalités passées continueraient d’exercer des effets notables sur la concurrence entre opérateurs dans le secteur audiovisuel italien. De tels effets ne ressortent pas non plus du dossier dont dispose la Cour. Au contraire, il découle notamment de ce dossier que, avant même la reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz, Europa Way était titulaire de droits d’utilisation d’un multiplex de technologie DVB-T lui permettant d’exercer son activité et que Persidera détenait des droits d’utilisation pour le nombre maximal de multiplex de technologie DVB-T qu’un opérateur pouvait exploiter conformément au droit italien.
167 Par ailleurs, les décisions de renvoi indiquent que les autorités italiennes ont adopté de nombreuses mesures destinées à remédier aux effets des illégalités mentionnées au point 165 du présent arrêt, notamment en imposant des obligations spécifiques à RAI et à Mediaset ainsi qu’en organisant des procédures d’attribution de droits d’utilisation de radiofréquences prévoyant des mesures favorisant les opérateurs qui ont été négativement affectés par ces illégalités ou qui ne disposaient pas d’une forte implantation dans le secteur audiovisuel italien. Des mesures de cet ordre apparaissent également avoir été prévues lors de la reconfiguration de la bande de fréquences 700 MHz, puisque la procédure d’attribution à titre onéreux des droits d’utilisation de radiofréquences mise en place à cette occasion comportait certaines règles destinées à favoriser les petits opérateurs et Persidera.
168 Dans ces conditions, il ne ressort pas des éléments dont dispose la Cour que les caractéristiques d’une situation telle que celle en cause au principal justifieraient l’adoption de mesures structurelles impliquant de modifier l’attribution des droits d’utilisation de radiofréquences en vue de remédier aux conséquences d’illégalités passées. Il appartient donc à la juridiction de renvoi de vérifier s’il ressort d’éléments dont elle n’aurait pas fait état dans les décisions de renvoi que l’adoption de mesures structurelles serait nécessaire à cette fin.
169 Partant, il y a lieu de répondre aux quatrièmes questions dans les affaires C‑764/23 et C‑765/23 ainsi qu’à la troisième question dans l’affaire C‑766/23 que les articles 8 et 9 de la directive « cadre », les articles 5, 7 et 14 de la directive « autorisation » ainsi que l’article 4 de la directive « concurrence » doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à un régime de reconfiguration des droits d’utilisation de radiofréquences qui ne comporte pas de mesures structurelles destinées à compenser des illégalités relatives à des procédures antérieures d’attribution de tels droits ou aux conditions passées d’exploitation de radiofréquences, à condition que d’autres mesures adoptées par les autorités compétentes soient suffisantes pour remédier aux distorsions notables de concurrence qui pourraient résulter de ces illégalités.
Sur les dépens
170 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :
1) L’article 4, paragraphe 1, de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre »), telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, lu à la lumière de l’article 19 TUE ainsi que de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,
doit être interprété en ce sens que :
il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui, d’une part, limite les effets des recours introduits par des opérateurs économiques contre des actes relatifs à l’attribution de droits d’utilisation de radiofréquences, dans le cadre de la reconfiguration de la bande de fréquences 694-790 MHz, à l’octroi d’une réparation financière et, d’autre part, limite la portée de mesures conservatoires pouvant être ordonnées dans l’attente de l’examen d’un tel recours au paiement d’une provision, pour autant que les modalités de cette réparation financière permettent de compenser intégralement les dommages subis par ces opérateurs économiques du fait de l’application de ces actes.
2) Les articles 3, 8 et 9 de la directive 2002/21, telle que modifiée par la directive 2009/140,
doivent être interprétés en ce sens que :
ils ne s’opposent pas à ce qu’un législateur national prévoie que l’attribution de droits d’utilisation d’une capacité de transmission supplémentaire, dégagée dans le cadre de la transition entre deux technologies de diffusion, soit effectuée au moyen d’une procédure à titre onéreux dont ce législateur définit lui-même certaines caractéristiques relatives aux conditions d’attribution de ces droits et aux opérateurs pouvant participer à cette procédure, pour autant que ledit législateur se borne à définir des principes qui n’ont pas pour conséquence que l’autorité réglementaire nationale ne dispose plus d’une marge d’appréciation substantielle dans la définition des modalités techniques de la procédure d’attribution desdits droits et qu’elle doit ainsi se borner à mettre en œuvre une procédure définie par le même législateur.
3) Les articles 8 et 9 de la directive 2002/21, telle que modifiée par la directive 2009/140, les articles 5, 7 et 14 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive « autorisation »), telle que modifiée par la directive 2009/140, l’article 4 de la directive 2002/77/CE de la Commission, du 16 septembre 2002, relative à la concurrence dans les marchés des réseaux et des services de communications électroniques, ainsi que le principe de protection de la confiance légitime
doivent être interprétés en ce sens que :
ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale relative à l’attribution de droits d’utilisation de radiofréquences qui, lors d’une transition technologique accompagnant la reconfiguration de la bande de fréquences 694-790 MHz, ne prévoit pas une conversion par équivalent des droits antérieurs d’utilisation de radiofréquences et impose ainsi à un opérateur souhaitant conserver sa capacité de transmission de participer à une procédure à titre onéreux ou de passer un accord avec un autre opérateur, pour autant qu’une telle conversion ne soit pas nécessaire pour préserver la concurrence sur le marché concerné et que les opérateurs en cause n’aient pas reçu, de la part d’autorités administratives, de garanties précises, inconditionnelles et concordantes quant au maintien de leur capacité de transmission en cas de reconfiguration des droits d’utilisation de radiofréquences.
4) Les articles 8 et 9 de la directive 2002/21, telle que modifiée par la directive 2009/140, les articles 5, 7 et 14 de la directive 2002/20, telle que modifiée par la directive 2009/140, ainsi que l’article 4 de la directive 2002/77
doivent être interprétés en ce sens que :
ils ne s’opposent pas à un régime de reconfiguration des droits d’utilisation de radiofréquences qui ne comporte pas de mesures structurelles destinées à compenser des illégalités relatives à des procédures antérieures d’attribution de tels droits ou aux conditions passées d’exploitation de radiofréquences, à condition que d’autres mesures adoptées par les autorités compétentes soient suffisantes pour remédier aux distorsions notables de concurrence qui pourraient résulter de ces illégalités.
Signatures