ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR

2 septembre 2025 (*)

« Procédure accélérée »

Dans l’affaire C‑427/25 [Uffida] (i),

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale di Catania (tribunal de Catane, Italie), par décision du 26 juin 2025, parvenue à la Cour le 26 juin 2025, dans la procédure pénale contre

Ignoti [« Inconnus »],

en présence de :

Sostituto procuratore presso la Procura della Repubblica di Catania,

Procura Generale presso la Corte di Appello di Catania,

A.B.,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR,

le juge rapporteur, M. T. von Danwitz, et l’avocat général, M. J. Richard de la Tour, entendus,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive vie privée et communications électroniques) (JO 2002, L 201, p. 37), telle que modifiée par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO 2009, L 337, p. 11, et rectificatif JO 2013, L 241, p. 9) (ci-après la « directive 2002/58 »), lu à la lumière des articles 7, 8, 11 et 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et des articles 3 et 5 du règlement (UE) 2023/1543 du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2023, relatif aux injonctions européennes de production et aux injonctions européennes de conservation concernant les preuves électroniques dans le cadre des procédures pénales et aux fins de l’exécution de peines privatives de liberté prononcées à l’issue d’une procédure pénale (JO 2023, L 191, p. 118).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre des inconnus du chef d’usurpation d’identité commise au détriment de A.B. au moyen d’un profil de réseau social.

3        Le Tribunale di Catania (tribunal de Catane, Italie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 15, paragraphe 1, de la directive 2002/58, lu à la lumière des articles 7, 8, 11 et 52 de la [Charte] et dans le cadre de la nouvelle réglementation relative à la preuve électronique (articles 3 et 5 du règlement [2023/1543]), peut-il être interprété en ce sens que l’accès des autorités publiques aux données télématiques pouvant être définies comme fichiers journaux, à savoir les accès et sorties (log-in et log-out) d’un utilisateur du système ou de l’application, avec les adresses IP y afférentes et les horodatages correspondants (c’est-à-dire sur une période déterminée), lorsqu’ils ne servent qu’à identifier l’auteur d’une infraction – en matière de prévention, de recherche, de détection et de poursuite d’infractions pénales – implique une ingérence dans les droits fondamentaux des personnes auxquelles les données se rapportent ne présentant pas – contrairement à ce qui est le cas pour les données relatives au trafic et de géolocalisation – une gravité telle que cet accès doive être limité à la lutte contre la criminalité grave, celui-ci pouvant au contraire s’étendre à l’ensemble des infractions pénales ?

2)      À titre subsidiaire, si la Cour estime que l’accès aux fichiers journaux (à savoir les accès et sorties, c’est-à-dire les log-in et log-out, d’un utilisateur du système ou de l’application, avec les adresses [Internet Protocol (IP)] y afférentes et les horodatages correspondants), bien qu’ils ne servent qu’à identifier l’auteur d’une infraction, peut impliquer une ingérence grave dans les droits fondamentaux, tels que consacrés par la [Charte], des personnes auxquelles les données se rapportent, l’article 15 de la directive 2002/58 peut-il être interprété en ce sens que la nécessité de détecter et de poursuivre les infractions commises en utilisant le réseau télématique – lorsque l’auteur ne peut être identifié que grâce à l’obtention des données télématiques, telles que les fichiers journaux susmentionnés, et compte tenu du caractère anonyme typique du réseau – est de nature à justifier l’accès aux données à caractère personnel traitées par les fournisseurs de services (y compris les données relatives au trafic et de localisation) indépendamment de la “gravité” de ces infractions telle que définie par les États [membres] et, partant, une législation nationale qui prévoit un tel accès peut-elle être considérée comme appropriée, proportionnée à l’objectif poursuivi et nécessaire dans une société démocratique, eu égard également à la protection du droit à la confidentialité et à l’identité des victimes de ces infractions pénales ? »

4        La juridiction de renvoi a également demandé à la Cour de soumettre la présente affaire à la procédure accélérée prévue à l’article 105 du règlement de procédure de la Cour.

5        Aux termes de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsque la nature d’une affaire exige son traitement dans de brefs délais, le président de la Cour peut, à la demande de la juridiction de renvoi ou, à titre exceptionnel, d’office, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, décider de soumettre cette affaire à une procédure accélérée dérogeant aux dispositions de ce règlement de procédure.

6        Au regard des raisons sur lesquelles la juridiction de renvoi fonde sa demande de procédure accélérée dans la présente affaire, liées notamment au risque de perte des données télématiques nécessaires pour l’identification des utilisateurs du profil du réseau social en cause, il importe de relever que l’application de la procédure préjudicielle accélérée dépend non pas de la nature du litige au principal en tant que telle, mais des circonstances exceptionnelles propres à l’affaire concernée, lesquelles doivent établir l’urgence extraordinaire de statuer sur ces questions (ordonnance du président de la Cour du 5 novembre 2024, Maski, C‑542/24, EU:C:2024:944, point 7 et jurisprudence citée). Or, en l’occurrence, la juridiction de renvoi n’a pas établi l’urgence à traiter la présente affaire dans de brefs délais.

7        Certes, la juridiction de renvoi indique que le délai de conservation des données télématiques en cause est d’un an à compter de la date de l’infraction commise sur le réseau concerné et que, en l’espèce, ce délai aurait commencé à courir le 19 janvier 2025 et devrait expirer le 19 janvier 2026. Cependant, il n’apparaît pas, sur la base de la réponse de la juridiction de renvoi à la demande d’informations adressée par la Cour, que le 19 janvier 2025 soit effectivement la date de la dernière utilisation du profil en cause et que, après le 19 janvier 2026, les données relatives à ce profil ne soient plus disponibles. De plus, il n’apparaît pas non plus que la juridiction de renvoi se trouve dans l’impossibilité d’adopter des mesures provisoires lui permettant de garantir l’efficacité de la décision de la Cour à intervenir.

8        En outre, il y a lieu de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, le nombre important de personnes ou de situations juridiques potentiellement concernées par la décision qu’une juridiction de renvoi doit rendre après avoir saisi la Cour à titre préjudiciel n’est pas susceptible, en tant que tel, de constituer une circonstance exceptionnelle de nature à justifier le recours à une procédure accélérée. Il en va de même du nombre important d’affaires qui pourraient être suspendues dans l’attente de la décision de la Cour rendue sur le renvoi préjudiciel (ordonnance du président de la Cour du 12 février 2025, Ministerul Finanţelor, C‑606/24, EU:C:2025:101, point 8 et jurisprudence citée).

9        Au vu de ce qui précède, la nature de la présente affaire préjudicielle n’exige pas son traitement dans de brefs délais. Par conséquent, la demande de la juridiction de renvoi, tendant à ce que cette affaire soit soumise à une procédure accélérée dérogeant aux dispositions du règlement de procédure au titre de l’article 105, paragraphe 1, de ce règlement, ne peut être accueillie.

Par ces motifs, le président de la Cour ordonne :

La demande du Tribunale di Catania (tribunal de Catane, Italie) tendant à ce que l’affaire C427/25 soit soumise à la procédure accélérée prévue à l’article 105 du règlement de procédure de la Cour est rejetée.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.


i      Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.