DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

19 septembre 2025 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale MUNICH10A.T.M. – Recevabilité du recours devant la chambre de recours – Tardiveté du dépôt du mémoire exposant les motifs du recours – Requête en poursuite de procédure – Article 105, paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001 – Obligation de motivation – Article 94 du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑684/24,

Tone Watch, SL, établie à Madrid (Espagne), représentée par Me J. López Martínez, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Munich, SL, établie à Barcelone (Espagne),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira (rapporteure), présidente, M. P. Zilgalvis et Mme E. Tichy‑Fisslberger, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Tone Watch, SL, demande au Tribunal d’annuler la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 29 octobre 2024 (affaire R 1271/2024-4) (ci-après la « décision attaquée »), de renvoyer l’affaire devant la chambre de recours et d’enjoindre à celle-ci d’accueillir sa requête en poursuite de procédure et de poursuivre la procédure ou, à titre subsidiaire, de lui enjoindre de statuer sur les arguments avancés à l’appui de ladite requête.

 Antécédents du litige

2        Par demande du 15 mars 2012, la requérante, alors dénommée Importaciones Issar, SL, a sollicité l’enregistrement de la marque verbale MUNICH10A.T.M. en tant que marque de l’Union européenne pour des produits et des services relevant des classes 9, 14 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

3        La marque de l’Union européenne verbale MUNICH10A.T.M.a été enregistrée le 26 juillet 2012.

4        Le 29 juillet 2022, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours, MUNICH, SL, a déposé en vertu de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO2017, L 154, p. 1), une demande en déchéance visant l’ensemble des produits et services couverts par la marque contestée.

5        Par décision du 22 avril 2024, la division d’annulation a partiellement accueilli la demande en déchéance de la marque contestée pour certains produits et services relevant des classes 9, 14 et 35.

6        Le 23 juin 2024, la requérante a formé auprès de l’EUIPO un recours contre la décision de la division d’annulation en tant que cette dernière avait accueilli la demande en déchéance de la marque contestée.

7        Par lettre du 3 septembre 2024, le greffe des chambres de recours a informé la requérante que son recours était susceptible d’être rejeté comme irrecevable, dans la mesure où aucun mémoire exposant les motifs dudit recours n’avait été présenté dans le délai de quatre mois suivant la notification de la décision de la division d’annulation, effectuée le 22 avril 2024. Par la même lettre, la requérante a été invitée à soumettre à l’EUIPO, dans le délai d’un mois, ses observations ou toute preuve relative à la présentation dudit mémoire.

8        Le 21 octobre 2024, le greffe des chambres de recours a informé la requérante que, en l’absence de toute réponse à la lettre du 3 septembre 2024, il serait statué sur la recevabilité de son recours.

9        Le 25 octobre 2024, la requérante a déposé auprès de l’EUIPO une requête en poursuite de procédure, sur le fondement de l’article 105 du règlement 2017/1001, accompagnée d’un mémoire exposant les motifs de son recours du 23 juin 2024. À l’appui de sa requête, elle a fait valoir, notamment, que les dispositions de l’article 105, paragraphe 2, dudit règlement, qui ont pour objet d’exclure la poursuite de la procédure en cas de dépassement des délais qui s’y trouvent énumérés, ne sauraient être interprétées comme visant également le délai de présentation du mémoire exposant les motifs du recours, tel que prévu à l’article 68, paragraphe 1, de ce règlement.

10      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté la requête en poursuite de procédure, en faisant valoir que le délai de quatre mois pour la présentation du mémoire exposant les motifs du recours, tel que défini à l’article 68, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, figure parmi les délais soustraits à l’application du dispositif de poursuite de la procédure en vertu de l’article 105, paragraphe 2, dudit règlement. Par voie de conséquence, ayant considéré que le mémoire exposant les motifs du recours de la requérante avait été introduit hors délai, la chambre de recours a rejeté ce dernier recours comme irrecevable.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée et renvoyer l’affaire devant la chambre de recours de l’EUIPO, en indiquant que celle-ci doit accueillir sa requête en poursuite de procédure et poursuivre la procédure ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée et renvoyer l’affaire devant la chambre de recours de l’EUIPO, en indiquant que celle-ci doit statuer sur les arguments avancés à l’appui de sa requête en poursuite de procédure.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience de plaidoiries.

 En droit

13      Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

14      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cette disposition, de statuer sans poursuivre la procédure.

15      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 68, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, le recours dirigé contre une décision de l’EUIPO est formé dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée. Le recours n’est considéré comme formé qu’après paiement de la taxe de recours. Un mémoire exposant les motifs du recours est déposé par écrit dans un délai de quatre mois à compter de la date de la notification de ladite décision.

16      Selon l’article 23, paragraphe 1, sous d), du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), la chambre de recours rejette le recours pour irrecevabilité lorsque le mémoire exposant les motifs du recours n’a pas été introduit dans un délai de quatre mois à compter de la date de notification de la décision objet du recours.

17      En outre, aux termes de l’article 105, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque de l’Union européenne ou toute autre partie à une procédure devant l’EUIPO qui a omis d’observer un délai à l’égard de l’EUIPO peut obtenir, sur requête, la poursuite de la procédure, à condition que, au moment où la requête est introduite, l’acte omis ait été accompli. En vertu des dispositions du paragraphe 2 de ce même article, ce dernier ne s’applique cependant pas en cas de dépassement des délais qui s’y trouvent visés, et notamment des délais prévus à l’article 68 dudit règlement.

18      Par la décision attaquée, la chambre de recours a, dans un premier temps, rejeté la requête en poursuite de procédure présentée par la requérante au motif que le délai de quatre mois pour la présentation du mémoire exposant les motifs d’un recours, tel que défini à l’article 68, paragraphe 1, dernière phrase, du règlement 2017/1001, figure parmi les délais visés à l’article 105, paragraphe 2, dudit règlement, qui sont soustraits à l’application du dispositif de poursuite de la procédure.

19      Par voie de conséquence, la chambre de recours a, dans un second temps, rejeté le recours de la requérante comme irrecevable au motif que le mémoire exposant les motifs de ce recours, déposé le 25 octobre 2024, avait été présenté hors délai.

20      À cet égard, la requérante ne conteste pas que son mémoire du 25 octobre 2024 a été présenté à l’EUIPO plus de quatre mois à compter de la notification de la décision prononçant la déchéance partielle de la marque contestée, effectuée le 22 avril 2024.

21      Toutefois, la requérante fait valoir que c’est à tort que la chambre de recours a rejeté la requête en poursuite de procédure qu’elle avait présentée en vue de remédier à la présentation tardive du mémoire exposant les motifs de son recours. Selon elle, la décision attaquée procède à cet égard d’une interprétation erronée de l’article 105, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et n’a pas été suffisamment motivée au vu de l’ensemble des arguments qu’elle avait soulevés à l’appui de ladite requête. Par voie de conséquence, la requérante estime que la décision attaquée méconnaît ses droits fondamentaux et procéduraux consacrés par l’ordre juridique de l’Union européenne, et notamment par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

 Sur le premier moyen, tiré de l’insuffisance de motivation

22      La requérante fait valoir que, pour rejeter sa requête en poursuite de procédure, la chambre de recours s’est contentée de citer et appliquer l’article 105, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 d’une manière purement formaliste et automatique, en omettant de statuer sur l’ensemble de ses arguments visant à démontrer que cette disposition n’a pas vocation à s’appliquer au délai régissant le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours, prévu à l’article 68 dudit règlement. Selon la requérante, il s’ensuit que la décision attaquée est sur ce point entachée d’un défaut de motivation.

23      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

24      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation de motivation a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Elle a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En outre, l’obligation de motivation n’impose pas aux chambres de recours qu’elles fournissent un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements que les parties ont articulés devant elles. Il suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision. Par ailleurs, la motivation peut être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle [voir arrêt du 21 décembre 2021, Fidia farmaceutici/EUIPO – Stelis Biopharma (HYALOSTEL ONE), T‑194/21, non publié, EU:T:2021:934, point 22 et jurisprudence citée].

25      En l’espèce, il y a lieu de relever que, en exposant les motifs qui l’ont conduite à rejeter la requête en poursuite de procédure, la chambre de recours a rappelé la teneur des dispositions de l’article 105, paragraphes 1 et 2, du règlement 2017/1001, en soulignant que cet article ne s’applique pas aux « délais » prévus, notamment, à l’article 68 dudit règlement, pour en conclure que le dispositif de poursuite de la procédure n’est pas applicable en cas de dépassement du délai régissant le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours, tel que défini audit article 68.

26      À cet égard, à la lumière des arguments soulevés à l’appui du présent recours, il y a lieu de constater que la motivation de la décision attaquée, quoique succincte, a permis à la requérante de comprendre que la chambre s’était fondée sur une interprétation littérale de l’article 105, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, selon laquelle le pluriel « délais » figurant à cette disposition désigne l’ensemble des délais définis à l’article 68, y compris le délai de quatre mois fixé aux fins du dépôt du mémoire exposant les motifs du recours.

27      Dans ces conditions, bien que la chambre de recours n’ait pas détaillé l’ensemble des arguments téléologiques et systématiques de la requérante qu’elle avait ainsi nécessairement rejetés de manière implicite, force est de constater que la décision attaquée a fait apparaître, de façon claire et non équivoque, les considérations juridiques essentielles ayant présidé au rejet de la requête en poursuite de procédure.

28      Dès lors, conformément aux principes rappelés au point 24 ci-dessus, le moyen tiré de l’insuffisance de la motivation de la décision attaquée doit être rejeté comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du règlement 2017/1001

29      La requérante soutient que le motif du rejet de sa requête en poursuite de procédure méconnait les dispositions du règlement 2017/1001, et notamment l’article 105, paragraphe 2, lu conjointement avec l’article 68, paragraphe 1, de ce règlement.

30      À cet égard, la requérante soutient, en substance, qu’il résulte des dispositions combinées de ces deux articles que la poursuite de la procédure est exclue en cas d’introduction tardive du recours ou de paiement tardif de la taxe y afférente, lesquels doivent être accomplis dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision attaquée. En revanche, la poursuite de la procédure demeure possible en cas de dépassement du délai de quatre mois prévu pour le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours. Selon la requérante, toute autre interprétation irait à l’encontre de l’esprit du règlement 2017/1001 et des intentions du législateur de l’Union, qui n’a peut-être pas tenu compte du fait que l’article 68, paragraphe 1, mentionne deux délais différents, et ne les a pas distingués expressément à l’article 105, paragraphe 2, mais qui a clairement entendu permettre la poursuite de la procédure dans tous les cas de présentation tardive des mémoires exposant les arguments des parties à la procédure devant l’EUIPO.

31      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

32      À titre liminaire, il importe de rappeler que la décision attaquée est fondée sur le libellé de l’article 105, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, dont il ressort sans équivoque que le dispositif de poursuite de la procédure n’est pas applicable en cas de dépassement de certains délais qui s’y trouvent visés, et notamment du délai de quatre mois pour la présentation du mémoire exposant les motifs du recours, tel que prévu à l’article 68 de ce règlement.

33      Toutefois, conformément à une jurisprudence constante, afin d’interpréter une disposition du droit de l’Union, il convient non seulement de se référer aux termes de celle‑ci, mais également de tenir compte de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêt du 20 septembre 2022, VD et SR, C‑339/20 et C‑397/20, EU:C:2022:703, point 68 et jurisprudence citée).

34      Dès lors, il incombe au Tribunal de vérifier si les arguments que la requérante entend tirer des objectifs et de la systématique du règlement 2017/1001 sont de nature à remettre en cause l’interprétation littérale des dispositions de son article 105, paragraphe 2, telle que retenue en l’espèce par la chambre de recours.

35      À cet égard, d’une part, la requérante fait valoir que le libellé de l’article 105, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 ne tient pas compte du fait que, contrairement aux autres dispositions qui s’y trouvent visées, l’article 68 est le seul à énoncer, au sein d’un paragraphe, deux délais différents, à savoir le délai de deux mois prévu pour l’introduction du recours et le paiement de la taxe y afférente, et le délai de quatre mois prévu pour le dépôt du mémoire exposant les motifs dudit recours.

36      D’autre part, à la lumière de l’ensemble des dispositions visées à l’article 105, paragraphe 2, la requérante estime que le législateur n’a entendu exclure la possibilité de poursuive la procédure que dans des cas de dépassement des délais prévus aux fins des déclarations ou des formalités qui ont pour objet d’initier la procédure devant l’EUIPO, tandis que les mémoires exposant les moyens, les arguments ou les observations des parties sont, dans tous les cas, susceptibles d’être présentés au titre de l’article 105, paragraphe 1, de ce règlement.

37      La requérante en déduit que la référence à l’article 68 constitue, dans l’économie générale de l’article 105, paragraphe 2, du règlement, une disposition singulière, en ce que ledit article 68 serait le seul, parmi les autres dispositions qui s’y trouvent visées, à énoncer, à la fois, un « délai constitutif » en vue de l’introduction du recours, et un autre délai prévu aux fins de la présentation des motifs du recours, et qu’elle devrait à ce titre faire l’objet d’une interprétation spécifique, conformément à la logique du règlement 2017/1001 et aux intentions du législateur, qui a entendu permettre la poursuite de la procédure dans tous les cas de présentation tardive des motifs d’une demande initiale déposée auprès de l’EUIPO.

38      Au vu de ces arguments, qui doivent être examinés dans le contexte de l’ensemble des dispositions pertinentes du règlement 2017/1001, premièrement, il importe de relever que, parmi les dispositions visées à l’article 105, paragraphe 2, dudit règlement, l’article 68 n’est pas le seul à énoncer plusieurs délais différents au sein d’un paragraphe, puisqu’il en va de même de l’article 39, paragraphe 2, de l’article 53, paragraphe 3, ainsi que de l’article 104, paragraphe 2, de ce règlement.

39      Deuxièmement, en rapport avec les dispositions dudit article 39, paragraphe 2, il y a lieu de constater que celles-ci énoncent également deux délais de type différents, tels que distingués par la requérante, à savoir un délai de deux mois pour la revendication d’ancienneté d’une marque nationale, courant à compter de la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne, et un délai de trois mois pour le dépôt des documents à l’appui de cette revendication, qui prend effet à la date de la revendication d’ancienneté.

40      Troisièmement, s’agissant de la prétendue omission imputée au législateur, dans la mesure où le libellé de l’article 105, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 ne tiendrait pas compte de ce que l’article 68 de ce règlement prévoit deux délais différents, il y a lieu de relever que cette première disposition tient toutefois dûment compte de la présence des deux délais à l’article 39, paragraphe 2, en visant explicitement le délai de deux mois pour la revendication d’ancienneté postérieure à la demande de marque de l’Union européenne, ce qui reflète clairement la volonté du législateur de permettre la poursuite de la procédure en cas de dépassement du délai de trois mois pour le dépôt des documents à l’appui de la revendication. Il s’ensuit que l’absence de distinction similaire entre les délais énoncés à l’article 68 doit être interprétée, a contrario, comme tendant à exclure la possibilité de poursuivre la procédure en cas de dépassement de l’un de ces deux délais.

41      Quatrièmement, et contrairement à ce que fait valoir la requérante, il n’est pas exact que la poursuite de la procédure est permise dans tous les cas de présentation tardive des motifs de la demande initiale. En effet, il résulte des dispositions combinées de l’article 104, paragraphes 2 et 3, et de l’article 105, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, que la possibilité de poursuivre la procédure est exclue en cas de présentation tardive de la requête en restitutio in integrum, qui doit être motivée dès son introduction.

42      Enfin, en rapport avec les dispositions dudit article 104, et comme l’a fait valoir à juste titre l’EUIPO, il y a lieu d’observer que la requérante aurait pu remédier au dépôt tardif du mémoire exposant les motifs de son recours en présentant à l’EUIPO une requête en restitutio in integrum, à condition de pouvoir se prévaloir de circonstances qui l’auraient empêchée de respecter le délai de quatre mois visé à l’article 68 en dépit de la vigilance nécessaire.

43      À cet égard, il résulte des dispositions combinées de l’article 104, paragraphe 5, et de l’article 105, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, que les délais visés à l’article 68 peuvent être rétablis exclusivement dans le cadre de la procédure de restitutio in integrum, sous réserve de l’existence d’un empêchement légitime dans le chef du requérant.

44      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que l’interprétation de l’article 105, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 avancée par la requérante ne trouve aucun fondement dans le texte dudit règlement ni dans son contexte ou ses objectifs, son adoption risquant en outre de conduire au contournement des exigences qui régissent le rétablissement des délais visés à l’article 68 au moyen d’une requête en restitutio in integrum.

45      Partant, le grief tiré de la violation l’article 105 du règlement 2017/1001 doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

46      En ce qui concerne les autres dispositions du règlement 2017/1001 qui, de l’avis de la requérante, auraient été méconnues par la chambre de recours, mais qui n’ont pas été précisées dans la requête, il suffit de rappeler qu’un exposé sommaire des moyens, qui doit figurer dans toute requête, au sens de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, de ce statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, signifie que la requête doit expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé. Ainsi, il est nécessaire, notamment, pour qu’un recours devant le Tribunal soit recevable que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir arrêt du 13 février 2025, Commission e.a./Carpatair, C‑244/23 P à C‑246/23 P, EU:C:2025:87, point 76 et jurisprudence citée). La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen (voir arrêt du 25 mars 2015, Belgique/Commission, T‑538/11, EU:T:2015:188, point 131 et jurisprudence citée ; ordonnance du 27 novembre 2020, PL/Commission, T‑728/19, non publiée, EU:T:2020:575, point 64) .

47      Partant, le grief tiré de la violation des autres dispositions du règlement 2017/1001 doit être rejeté comme manifestement irrecevable. Par voie de conséquence, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation des droits fondamentaux et procéduraux de la requérante

48      Selon la requérante, en refusant de faire droit à sa demande de poursuite de procédure, la chambre de recours aurait porté atteinte à ses droits fondamentaux et procéduraux consacrés par les dispositions du droit de l’Union, et notamment par la charte des droits fondamentaux. À cet égard, la requérante soulève, en substance, une violation du droit à une bonne administration et de ses droits de la défense, notamment le droit d’être entendue, le droit de pétition et le droit à un recours effectif.

49      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

50      À cet égard, à la lumière de l’ensemble des arguments de la requête, il suffit de relever que le moyen tiré de la méconnaissance des droits fondamentaux et procéduraux de la requérante, qui n’est assorti d’aucune motivation spécifique, est fondé sur les prétendues conséquences des violations alléguées dans le cadre des deux premiers moyens. Dès lors, pour les motifs déjà exposés aux points 27, 44 et 46 ci-dessus, le troisième moyen doit être également rejeté comme étant en partie manifestement irrecevable, et en partie manifestement non fondé.

51      Il s’ensuit que le présent recours doit être également rejeté, en partie, comme étant manifestement irrecevable, et en partie comme étant manifestement non fondé, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la demande de renvoi et la compétence du Tribunal pour statuer sur les conclusions à fin d’injonction formulées par la requérante.

 Sur les dépens

52      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

53      En l’espèce, bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens qu’en cas de convocation à une audience. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Tone Watch SL et l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supporteront leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 19 septembre 2025.

Le greffier

 

La présidente

V. Di Bucci

 

M. J. Costeira


*      Langue de procédure : l’espagnol.