DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

1er octobre 2025 (*) 

« Concurrence – Ententes – Secteur aérien – Décision de rejet d’une plainte – Article 7 du règlement (CE) no 773/2004 – Pratique concertée – Aéronefs loués avec équipage – Accès au dossier – Principe de bonne administration – Défaut d’intérêt de l’Union – Probabilité de pouvoir établir l’existence d’une infraction – Délai raisonnable – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑1026/23,

Laudamotion GmbH, établie à Schwechat (Autriche), représentée par Mes N. Levy, G. Rizza et D. Pérez de Lamo, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. S. Baches Opi, T. Franchoo et Mme I. Söderlund, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé, lors des délibérations, de M. R. da Silva Passos, président, Mme N. Półtorak (rapporteure) et M. H. Cassagnabère, juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 13 mars 2025,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Laudamotion GmbH, demande l’annulation de la décision C(2023) 5177 final de la Commission, du 2 août 2023, par laquelle cette dernière a rejeté sa plainte concernant une infraction à l’article 101 TFUE prétendument commise par Deutsche Lufthansa AG (ci-après « Lufthansa ») et Air Berlin PLC & Co. Luftverkehrs KG (ci-après « Air Berlin ») (affaire AT.40612 Lufthansa – Air Berlin, liaisons au départ/à destination de Vienne) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Par lettre du 25 septembre 2018, la requérante a déposé auprès de la Commission européenne une plainte au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), en sollicitant l’ouverture d’une enquête concernant un prétendu accord anticoncurrentiel entre Lufthansa et Air Berlin.

3        En particulier, la requérante a fait valoir que, bien que Lufthansa et Air Berlin aient notifié à la Commission, au Bundeskartellamt (Office fédéral des ententes, Allemagne, ci-après le « BKartA ») et à la Bundeswettbewerbsbehörde (Autorité fédérale de la concurrence, Autriche), le contrat de location avec équipage conclu en 2016, et que celui-ci n’ait pas été considéré par lesdites autorités comme une opération de concentration en vertu des règles applicables, le contrat en question ne constituait qu’un élément d’un accord plus vaste permettant à Lufthansa et à Air Berlin de coordonner leurs actions à l’aéroport de Vienne (Autriche) avant la saison d’été 2017 du calendrier fixé par l’Association internationale du transport aérien (IATA).

4        Par lettre du 20 juillet 2022, la Commission a informé la requérante, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, de son règlement (CE) no 773/2004, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), qu’elle considérait qu’il n’existait pas de motifs suffisants pour donner suite à sa plainte (ci-après la « lettre de rejet provisoire »).

5        Le 2 septembre 2022, la requérante a formulé des observations relatives à la lettre de rejet provisoire (ci-après les « observations »). Tout en contestant l’appréciation provisoire de la Commission, la requérante a reproché à celle-ci de ne pas avoir pris des mesures d’enquête sérieuses et a demandé l’accès à l’ensemble des documents sur lesquels la Commission avait fondé son appréciation.

6        Le 2 août 2023, la Commission a adopté la décision attaquée, en réitérant la motivation retenue dans la lettre de rejet provisoire. En substance, la Commission a considéré que l’existence d’un accord n’était pas la seule explication plausible des actions d’Air Berlin et de Lufthansa à l’aéroport de Vienne avant la saison d’été IATA 2017. Par ailleurs, la Commission a estimé que la probabilité de constater des effets restrictifs sur la concurrence était limitée. Selon la Commission, chacune de ces deux raisons était susceptible, à elle seule, de justifier la conclusion selon laquelle il n’existait pas de motifs suffisants pour donner suite à la plainte de la requérante.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

8        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        À l’appui de son recours, la requérante soulève trois moyens.

10      Dans le cadre du premier moyen, la requérante reproche à la Commission une violation du droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

11      Dans le cadre du deuxième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en rejetant sa plainte au motif qu’il existait une autre explication plausible aux actions menées en parallèle par Lufthansa et Air Berlin.

12      Dans le cadre du troisième moyen, la requérante prétend que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en rejetant sa plainte au motif que l’accord allégué n’aurait pas d’effets anticoncurrentiels.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du droit à une bonne administration

13      Le premier moyen se divise en deux branches. Dans le cadre de la première branche, la requérante fait valoir que la Commission a omis de prendre des mesures d’enquête sérieuses, en méconnaissance du droit à une bonne administration, consacré à l’article 41, paragraphe 1, de la Charte. Dans le cadre de la seconde branche, la requérante allègue une violation du droit d’être entendu et du droit d’accès au dossier qui la concerne, consacrés à l’article 41, paragraphe 2, sous a) et b), de la Charte.

14      Il convient d’examiner d’abord la seconde branche du présent moyen.

 Sur la seconde branche du premier moyen, tirée d’une violation du droit d’être entendu et du droit d’accès au dossier

15      La requérante fait valoir que la Commission a enfreint l’article 41, paragraphe 2, sous a) et b), de la Charte, l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 773/2004 ainsi que le considérant 69 du projet de communication de la Commission relative au traitement par la Commission des plaintes déposées au titre des articles [101] et [102 TFUE] (JO 2004, C 101, p. 65, ci-après le « projet de communication relative au traitement des plaintes »), en lui refusant l’accès aux documents sur lesquels elle avait fondé son appréciation provisoire, au motif que lesdits documents étaient accessibles au public ou qu’ils se trouvaient déjà en sa possession. Selon la requérante, cette affirmation est erronée, dans la mesure où la lettre de rejet provisoire et la décision attaquée sont fondées sur la « présentation d’Air Berlin aux analystes d’affaires du 29 septembre 2016 » (ci-après la « présentation d’Air Berlin »), cette présentation n’étant ni en sa possession ni accessible au public. Le caractère non public de la présentation d’Air Berlin aurait été confirmé par le fait que, tant dans la lettre de rejet provisoire que dans la décision attaquée, ladite présentation a été désignée comme étant le document portant la référence « (ID :20) », sans indication du site Internet correspondant.

16      Ayant produit la présentation d’Air Berlin en annexe à la réplique, la requérante avance que la Commission soutient à tort que ladite présentation était accessible au public « au moyen d’une simple recherche en ligne ». En effet, le site Internet Wikipédia, qui aurait permis de la consulter, ne comporte qu’un lien vers une « archive Internet » qui « héberge ce qui semble être la présentation ». Or, selon la requérante, un document « archivé » ne saurait être considéré comme accessible au public, car « il se peut qu’il n’ait pas été accessible au public au même endroit en temps voulu ». La requérante estime notamment qu’il ne semble pas que la présentation d’Air Berlin ait été disponible au public au moment de l’adoption de la lettre de rejet provisoire, soit au mois de juillet 2022.

17      En tout état de cause, la requérante estime qu’il n’existait aucun motif permettant à la Commission de lui refuser l’accès à une copie de la présentation d’Air Berlin, dès lors que celle-ci avait été versée au dossier de l’enquête.

18      La requérante fait valoir que, en l’absence d’accès à la présentation d’Air Berlin, elle était privée de la possibilité de se prononcer sur un élément important fondant la décision attaquée. Elle estime que, si elle avait eu accès à la présentation d’Air Berlin, elle aurait été en mesure d’attirer l’attention de la Commission sur le caractère général et lacunaire des informations y figurant et de la persuader d’enquêter davantage sur l’infraction alléguée.

19      La Commission conteste les arguments de la requérante.

20      Par son argumentation, la requérante allègue, en substance, une violation de son droit d’être entendue ainsi que de son droit d’accès au dossier, résultant du refus de la Commission de lui accorder l’accès à la présentation d’Air Berlin.

21      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 41, paragraphe 2, de la Charte, le droit à une bonne administration comporte, notamment, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard.

22      Il ressort de la jurisprudence que l’accès au dossier dans les affaires de concurrence a notamment pour objet de permettre aux destinataires de la communication des griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu’ils puissent se prononcer utilement sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue dans sa communication des griefs sur la base de ces éléments (voir arrêt du 14 mai 2020, NKT Verwaltungs et NKT/Commission, C‑607/18 P, non publié, EU:C:2020:385, point 261 et jurisprudence citée). Ainsi, le droit d’accès au dossier constitue le corollaire du principe du respect des droits de la défense dans le cadre d’une procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief (voir, en ce sens, arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 68, et du 13 septembre 2018, UBS Europe e.a., C‑358/16, EU:C:2018:715, points 60 et 61).

23      Il découle également de la jurisprudence que la procédure ouverte à la suite d’une plainte ne constitue pas une procédure contradictoire entre les entreprises intéressées, mais une procédure engagée par la Commission, à la suite du dépôt d’une plainte, dans l’exercice de sa mission, laquelle consiste à veiller au respect des règles de concurrence. Il s’ensuit que les entreprises contre lesquelles la procédure est engagée et celles qui ont introduit une plainte ne se trouvent pas dans la même situation procédurale et que ces dernières ne peuvent pas se prévaloir des droits de la défense. En revanche, ces plaignants doivent être mis en mesure de sauvegarder leurs intérêts légitimes dans le cadre de la procédure engagée par la Commission et être ainsi étroitement associés à ladite procédure, même si les droits procéduraux des plaignants ne sont pas aussi étendus que les droits de la défense des entreprises contre lesquelles la Commission dirige son enquête (voir arrêt du 11 janvier 2017, Topps Europe/Commission, T‑699/14, non publié, EU:T:2017:2, point 29 et jurisprudence citée).

24      Il convient également de préciser que, aux termes de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 773/2004, « [l]orsque la Commission a informé le plaignant de son intention de rejeter la plainte en application de l’article 7, paragraphe 1 [dudit règlement], le plaignant peut demander l’accès aux documents sur lesquels la Commission fonde son appréciation provisoire[ ; à] cet effet, le plaignant ne peut cependant pas avoir accès aux secrets d’affaires et autres informations confidentielles appartenant à d’autres parties à la procédure ».

25      Il découle du libellé de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 773/2004 et d’une jurisprudence bien établie que le droit d’accès au dossier de la Commission reconnu aux plaignants en vertu de cette disposition ne revêt pas la même portée que le droit d’accès au dossier de la Commission reconnu aux personnes, aux entreprises et aux associations d’entreprises auxquelles la Commission a adressé une communication des griefs, qui vise l’ensemble des documents obtenus, produits ou assemblés par la direction générale de la Commission lors de l’enquête, mais se limite aux seuls documents sur lesquels la Commission fonde son appréciation provisoire (voir arrêt du 11 janvier 2017, Topps Europe/Commission, T‑699/14, non publié, EU:T:2017:2, point 30 et jurisprudence citée).

26      En outre, au considérant 69 du projet de communication relative au traitement des plaintes, il est indiqué que, « [e]n vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement [n°]773/2004, le plaignant a le droit d’accéder aux informations sur lesquelles la Commission fonde sa conclusion préliminaire[ ; e]n principe, la Commission accorde cet accès en annexant à sa lettre une copie des différentes pièces pertinentes ».

27      À la lumière des considérations énoncées ci-dessus, il convient d’examiner les allégations de la requérante tirées du refus de la Commission de lui accorder l’accès à la présentation d’Air Berlin.

28      À cet égard, il convient d’observer que, au point 11 de ses observations, la requérante a demandé l’accès aux documents sur lesquels la Commission avait fondé la lettre de rejet provisoire. Au considérant 15 de la décision attaquée, la Commission n’a pas fait droit à cette demande, en estimant que tous les documents en question étaient « accessibles au public ou déjà en possession » de la requérante. Par ailleurs, la Commission a précisé que « l’objet de [la] demande d’accès aux documents figurant dans [les] observations [de la requérante] n’[était] pas clair, étant donné que [celle-ci] n’[avait] identifié aucun document visé dans la lettre [de rejet provisoire] auquel [elle] n’aurait pas déjà accès ».

29      Ce n’est qu’au stade de la requête que la requérante a précisé qu’elle avait demandé à accéder à la présentation d’Air Berlin. En considérant qu’il s’agissait d’un document sur lequel la Commission avait fondé son appréciation, la requérante a fait valoir que la Commission avait violé son droit d’être entendue et son droit d’accéder au dossier la concernant, garantis par l’article 41, paragraphe 2, sous a) et b), de la Charte, l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 773/2004 et le considérant 69 du projet de communication relative au traitement des plaintes.

30      Compte tenu des précisions apportées par la Commission dans son mémoire en défense, la requérante a accédé par elle-même à la présentation d’Air Berlin et l’a annexée à la réplique, en expliquant qu’elle n’avait eu que récemment la possibilité de l’examiner et de la commenter.

31      Ainsi, la requérante fait valoir que, en l’absence d’indication concernant le site Internet permettant de retrouver la présentation d’Air Berlin, celle-ci doit être considérée comme un document interne. Ce constat serait corroboré par la mention « ID » utilisée par la Commission pour s’y référer, tant dans la lettre de rejet provisoire que dans la décision attaquée. En outre, même à supposer que cette présentation ait été disponible sous la forme d’« archive Internet », il existerait une incertitude concernant tant sa source que la possibilité d’y accéder, ce qui empêcherait de la qualifier de document public.

32      À cet égard, il convient de relever que, ni dans la lettre de rejet provisoire ni dans la décision attaquée la Commission n’a fourni de lien Internet permettant de retrouver la présentation d’Air Berlin. Toutefois, cette circonstance ne suffit pas pour qualifier la présentation en question de document interne, d’autant plus que, comme le soutient la Commission, le caractère public de la présentation d’Air Berlin peut être déduit du libellé de la décision attaquée, dans la mesure où elle s’y est référée, dans ladite décision, de manière détaillée, sans formuler de réserves quant à son caractère interne ou confidentiel.

33      Certes, en se référant à la présentation d’Air Berlin dans la lettre de rejet provisoire ainsi que dans la décision attaquée, la Commission a utilisé la mention « ID ». Toutefois, contrairement aux allégations de la requérante, d’autres documents auxquels la Commission s’est référée dans la décision attaquée ont été assortis d’une telle mention, sans que leur caractère public soit mis en cause par la requérante. En outre, au cours de l’audience, la Commission a expliqué que la mention « ID » faisait référence au numéro désignant le document dans son dossier, et non à une indication relative au caractère interne ou confidentiel de la présentation en question.

34      En ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle la présentation d’Air Berlin ne pouvait être qualifiée de publique, car elle n’était accessible que sous la forme d’une « archive Internet », il convient de constater que la requérante n’avance aucun argument de nature à étayer l’existence de doutes quant à la possibilité d’y accéder.

35      Par ailleurs, dans ses écritures, la Commission a expliqué la raison pour laquelle il n’existait actuellement qu’une version archivée de la présentation en question, en citant plusieurs sources « archives » permettant d’y accéder. Il ressort notamment de la note en bas de page no 92 figurant sur la page du site Internet Wikipédia consacrée à Air Berlin dans sa version anglaise que la présentation qui y est visée a été « récupérée » le 29 septembre 2016. En outre, il ressort du site Internet Archive que la présentation d’Air Berlin a été téléchargée à plusieurs reprises entre le 1er octobre 2016 et la date de la décision attaquée. Interrogée à ce sujet lors de l’audience, la requérante n’a pas présenté d’arguments permettant de remettre en cause les explications de la Commission concernant l’accessibilité de la présentation d’Air Berlin dès sa mise en ligne.

36      En tout état de cause, la requérante a trouvé par elle-même la présentation d’Air Berlin et l’a jointe à la réplique.

37      Par conséquent, il convient de constater que la présentation d’Air Berlin constituait un document public.

38      La requérante estime que, nonobstant le caractère public de la présentation d’Air Berlin, il n’existait pas de motif qui permettait à la Commission de ne pas lui en procurer une copie.

39      À cet égard, il convient de constater que, certes, compte tenu de la jurisprudence citée aux points 22 et 23 ci-dessus, dont il ressort que le plaignant doit être étroitement associé à la procédure entamée à la suite de sa plainte, la Commission aurait pu fournir à la requérante une copie de la présentation d’Air Berlin ou, à tout le moins, lui indiquer le lien Internet permettant d’y accéder, comme elle l’a fait dans son mémoire en défense. En effet, dès lors qu’il s’agit d’un document qui n’a pas été transmis à la Commission par la requérante elle-même, la communication de ladite présentation aurait pu contribuer à la transparence de la procédure menée par la Commission.

40      Toutefois, dans ses observations, la requérante n’a pas demandé spécifiquement l’accès à la présentation d’Air Berlin et n’a pas mentionné d’éventuelles difficultés liées à l’accès à ladite présentation.

41      Partant, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas violé le droit de la requérante d’être entendue ni son droit d’accès au dossier. En tout état de cause, la requérante n’a pas expliqué comment le refus de la Commission de lui communiquer la présentation d’Air Berlin aurait influencé l’issue de la procédure.

42      Il s’ensuit qu’il convient d’écarter la seconde branche du premier moyen.

 Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’absence de mesures d’enquête sérieuses

43      La requérante fait valoir que la Commission a méconnu l’article 41, paragraphe 1, de la Charte ainsi que le considérant 42 du projet de communication relative au traitement des plaintes en n’examinant pas attentivement les éléments de fait et de droit qu’elle avait portés à sa connaissance. En effet, malgré les éléments de preuve solides qu’elle aurait fournis, la Commission n’aurait pris aucune mesure d’enquête en vue de les apprécier. Au contraire, la Commission se serait bornée à fonder son appréciation sur des renseignements publics limités qui l’auraient amenée à la « supposition » selon laquelle les comportements de Lufthansa et d’Air Berlin constituaient des actions indépendantes menées en parallèle.

44      La requérante précise qu’elle ne soutient pas que la Commission était tenue d’ouvrir une procédure d’infraction à l’encontre de Lufthansa et d’Air Berlin sur la base des informations qu’elle avait fournies, mais qu’elle n’a pas instruit sa plainte de manière diligente. En effet, dès lors que la requérante avait démontré que la seule explication plausible (ou, en tout état de cause, l’explication la plus plausible) des actions menées par Lufthansa et Air Berlin était l’existence d’un accord, la Commission aurait dû prendre des mesures d’enquête afin d’examiner, à tout le moins, premièrement, si Lufthansa avait réservé ou maintenu des ressources nécessaires pour s’assurer de l’obtention des créneaux horaires restitués au dernier moment par Air Berlin, deuxièmement, si la restitution par Air Berlin des créneaux horaires juste avant l’expiration du délai était raisonnablement justifiée, troisièmement, si d’autres transporteurs aériens, outre la requérante elle-même, avaient également rencontré des obstacles pour demander des créneaux horaires à l’aéroport de Vienne, quatrièmement, s’il existait des indices relatifs à l’existence d’un pouvoir de marché significatif de Lufthansa de nature à créer des barrières à l’entrée de l’aéroport de Vienne et, cinquièmement, si Lufthansa avait un pouvoir de marché significatif sur certaines liaisons entre deux villes d’origine et de destination données (ci-après les « villes O&D »), au départ ou à destination de l’aéroport de Vienne, conformément à la pratique établie de la Commission.

45      La requérante conclut que, si, au cours des quatre années qui se sont écoulées entre le dépôt de la plainte et la décision attaquée, la Commission avait pris les mesures d’enquête minimales mentionnées au point 44 ci-dessus, il est hautement probable qu’elle serait parvenue à une autre conclusion que celle retenue dans la décision attaquée.

46      La Commission conteste les arguments de la requérante.

47      À cet égard, il convient d’observer que, au considérant 37 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, dans la conduite de ses enquêtes dans les affaires de concurrence, elle disposait d’une liberté d’action. À cet égard, elle a indiqué, en substance, qu’elle n’était pas tenue de mener des entretiens avec d’anciens dirigeants d’Air Berlin ou de demander des informations, voire des documents internes, aux administrateurs judiciaires d’Air Berlin du simple fait que la requérante en avait fait la demande. Par ailleurs, au considérant 38 de la décision attaquée, la Commission a expliqué qu’elle avait examiné de manière approfondie les données et documents contenus dans la plainte de la requérante ainsi que les rapports accessibles au public avant de conclure que ces informations étaient suffisantes pour apprécier les allégations de la requérante et motiver ses conclusions préliminaires.

48      La requérante fait valoir que, en l’absence de mesures d’enquête supplémentaires, notamment celles visées dans la requête, la Commission ne saurait soutenir qu’elle a mené une enquête diligente en examinant attentivement les éléments de fait portés à sa connaissance, conformément à l’obligation de diligence découlant de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte ainsi que du considérant 42 du projet de communication relative au traitement des plaintes.

49      Il convient de rappeler que l’article 41 de la Charte, intitulé « Droit à une bonne administration », dispose, à son paragraphe 1, que « [t]oute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union ».

50      Il ressort de la jurisprudence relative au principe de bonne administration que, dans les cas où les institutions de l’Union européenne disposent d’un pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir arrêt du 22 mars 2012, Slovak Telekom/Commission, T‑458/09 et T‑171/10, EU:T:2012:145, point 68 et jurisprudence citée).

51      Il découle également de la jurisprudence que l’article 7 du règlement no 1/2003 ne confère pas au plaignant le droit d’exiger de la Commission une décision définitive quant à l’existence ou à l’inexistence de l’infraction alléguée et n’oblige pas, en tout état de cause, la Commission à poursuivre la procédure jusqu’au stade d’une décision finale (voir arrêt du 26 septembre 2018, EAEPC/Commission, T‑574/14, EU:T:2018:605, point 71 et jurisprudence citée).

52      Par ailleurs, il est inhérent à la procédure des plaintes que la charge de la preuve de l’infraction alléguée incombe au plaignant (voir arrêt du 12 mars 2020, LL-Carpenter/Commission, T‑531/18, non publié, EU:T:2020:91, point 69 et jurisprudence citée), tandis que la Commission, investie par l’article 105, paragraphe 1, TFUE de la mission consistant à veiller à l’application des articles 101 et 102 TFUE, est appelée à définir et à mettre en œuvre la politique de concurrence de l’Union. Or, la Commission ne dispose que de ressources limitées, qu’elle doit utiliser pour agir à l’encontre d’un nombre potentiellement élevé de conduites contraires au droit de la concurrence. Dès lors, afin de s’acquitter efficacement de cette tâche, la Commission est en droit d’accorder des degrés de priorité différents aux plaintes dont elle est saisie et dispose à cet effet d’un pouvoir discrétionnaire (voir arrêt du 26 septembre 2018, EAEPC/Commission, T‑574/14, EU:T:2018:605, point 72 et jurisprudence citée).

53      Sur la base des principes rappelés aux points 51 et 52 ci-dessus, il a été jugé que, dès lors que la Commission n’a pas l’obligation de se prononcer sur l’existence ou non d’une infraction, elle ne saurait être contrainte de mener une instruction, puisque cette dernière ne pourrait avoir d’autre objet que de rechercher les éléments de preuve relatifs à l’existence ou non d’une infraction qu’elle n’est pas tenue de constater (voir arrêt du 16 décembre 2020, Fakro/Commission, T‑515/18, non publié, EU:T:2020:620, point 208 et jurisprudence citée).

54      Toutefois, le pouvoir discrétionnaire de la Commission n’est pas sans limites. D’une part, la Commission doit prendre en considération tous les éléments de droit et de fait pertinents afin de décider de la suite à donner à une plainte. Elle est plus particulièrement tenue d’examiner attentivement l’ensemble des éléments de fait et de droit que le plaignant porte à sa connaissance. À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que, lorsque les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale et que, parmi ces garanties, figure notamment l’obligation, pour l’institution compétente, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir arrêt du 26 septembre 2018, EAEPC/Commission, T‑574/14, EU:T:2018:605, point 76 et jurisprudence citée).

55      D’autre part, la Commission est astreinte à une obligation de motivation lorsqu’elle refuse de poursuivre l’examen d’une plainte. La motivation devant être suffisamment précise et détaillée pour mettre le Tribunal en mesure d’exercer un contrôle effectif sur l’exercice par la Commission de son pouvoir discrétionnaire de définir des priorités, cette institution est tenue d’exposer les éléments de fait dont dépend la justification de la décision et les considérations juridiques qui l’ont amenée à prendre celle-ci (voir arrêt du 26 septembre 2018, EAEPC/Commission, T‑574/14, EU:T:2018:605, point 77 et jurisprudence citée).

56      Il ressort de la jurisprudence citée aux points 52 et 54 ci-dessus que, au stade de l’instruction de la plainte aboutissant à l’adoption de la décision au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 773/2004, la Commission n’était pas tenue de prendre en considération des éléments qui n’avaient pas été portés à sa connaissance par la requérante.

57      À cet égard, il convient d’observer que la requérante soutient, en substance, que, en omettant d’entreprendre des mesures d’enquête complémentaires, la Commission n’a pas dûment examiné les éléments qu’elle avait portés à sa connaissance.

58      Dès lors, conformément à la jurisprudence citée au point 54 ci-dessus, il convient d’établir si la Commission a satisfait à son obligation d’examiner attentivement tous les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par la requérante, en appréciant s’ils faisaient apparaître un comportement de nature à fausser le jeu de la concurrence sur le marché intérieur et à affecter le commerce entre les États membres.

59      En l’espèce, la requérante reproche à la Commission, en premier lieu, de ne pas avoir établi si Lufthansa avait réservé ou maintenu les ressources nécessaires pour s’assurer de l’obtention des créneaux horaires restitués au dernier moment par Air Berlin.

60      À cet égard, il convient d’observer que, au considérant 57 de la décision attaquée, la Commission a considéré que la requérante n’avait pas étayé son « affirmation selon laquelle Lufthansa a[vait] réservé ou [maintenu] les ressources nécessaires pour obtenir les créneaux horaires restitués tardivement par Air Berlin ». Selon la Commission, cette affirmation était « hautement spéculative », d’autant plus que la requérante n’avait pas même tenté de chiffrer les ressources prétendument conservées. La Commission a expliqué, audit considérant 57, que, compte tenu du nombre de créneaux horaires restitués tardivement par Air Berlin, à savoir 170 créneaux hebdomadaires, et en supposant que Lufthansa utiliserait six créneaux horaires quotidiens par avion, soit 42 créneaux hebdomadaires, Lufthansa aurait eu besoin de quatre appareils pour exploiter les créneaux horaires restitués. Étant donné que la flotte de Lufthansa comptait environ 600 appareils en 2017, la Commission a conclu qu’il était difficilement concevable que Lufthansa n’ait pas disposé de la flexibilité ou de la marge d’optimisation opérationnelle pour redéployer sans discontinuité quatre appareils.

61      Comme le fait valoir la Commission, il ressort de ces considérations que la première allégation de la requérante a été diligemment examinée et rejetée par cette institution, en raison de son caractère « hautement spéculati[f] », dans la mesure où, d’une part, la requérante n’avait présenté aucun indice de nature à l’étayer, notamment aucune estimation portant sur des ressources que Lufthansa aurait prétendument conservées, et, d’autre part, sur la base des données fournies par la requérante au point 29 de ses observations, la Commission a considéré que Lufthansa disposait d’une flexibilité et d’une capacité opérationnelle suffisantes pour redéployer ses appareils et qu’elle n’avait ainsi pas besoin de réserver ou de retenir des ressources en vue d’exploiter de nouvelles liaisons.

62      Par ailleurs, dans le mémoire en défense, premièrement, la Commission a expliqué que, dès lors que Lufthansa savait qu’elle avait besoin de créneaux horaires supplémentaires afin d’exploiter des aéronefs dans le cadre du contrat de location avec équipage, elle n’avait aucune raison de compter sur la restitution au pool, par Air Berlin, de créneaux horaires pour demander les créneaux dont elle avait besoin. Deuxièmement, la Commission a réfuté l’affirmation de la requérante selon laquelle Lufthansa n’avait demandé les créneaux horaires dont elle avait besoin qu’en janvier 2017, en estimant qu’elle était dénuée de fondement et peu crédible. En effet, selon la Commission, Lufthansa pouvait s’attendre à avoir déjà besoin de créneaux horaires supplémentaires au mois d’octobre 2016, de sorte qu’elle était en droit de les solliciter conformément au calendrier d’attribution des créneaux, c’est-à-dire de présenter la demande de créneaux horaires avant le 6 octobre 2016 pour se les voir attribuer le 27 octobre 2016, et ce d’autant plus que l’aéroport de Vienne n’était pas soumis à des contraintes de créneaux horaires.

63      En deuxième lieu, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’a pas apprécié si la restitution par Air Berlin des créneaux horaires, intervenue immédiatement avant la date limite de cette restitution, était raisonnablement justifiée, il convient d’observer que l’allégation de la requérante concernant la date de retour des créneaux horaires a été amplement examinée par la Commission, aux considérants 60, 61, 63 et 64 de la décision attaquée.

64      Il ressort des considérants 60, 61, 63 et 64 de la décision attaquée que, en premier lieu, la Commission a considéré que, en restituant au pool un grand nombre de créneaux horaires très peu de temps avant la date limite de retour de ces créneaux, Air Berlin avait agi dans le cadre juridique fixé par le règlement (CEE) no 95/93 du Conseil, du 18 janvier 1993, fixant des règles communes en ce qui concerne l’attribution des créneaux horaires dans les aéroports de la Communauté (JO 1993, L 14, p. 1). En second lieu, la Commission a indiqué que, bien que cette restitution tardive puisse ne pas être la pratique habituelle du secteur, elle ne constituait pas une indication suffisante de l’existence d’un accord plus large entre Lufthansa et Air Berlin à cet égard. En effet, cette restitution tardive pourrait s’expliquer par le fait qu’Air Berlin souhaitait maintenir ses options ouvertes pour la saison d’été IATA 2017 aussi longtemps que possible, compte tenu de l’incertitude résultant de la restructuration en cours et de l’attente de la décision du BKartA concernant le contrat de location avec équipage. À cet égard, la Commission a précisé que, à la fin de l’année 2016 et au début de l’année 2017, la restructuration d’Air Berlin avait entraîné une réduction de 50 % de son nombre d’aéronefs et de 77 % de son nombre de liaisons et que celle-ci était toujours en cours, en particulier s’agissant de l’activité touristique. La Commission a estimé que l’ampleur de la restructuration d’Air Berlin et les incertitudes entourant sa mise en œuvre pouvaient être considérées, en elles-mêmes, comme « peu fréquentes, voire sans précédent » et expliquer la taille exceptionnelle du portefeuille de créneaux restitués ainsi que le moment du retour de ces créneaux.

65      Il ressort ainsi clairement des considérants 60, 61, 63 et 64 de la décision attaquée que la Commission a examiné les allégations de la requérante concernant le caractère tardif de la restitution des créneaux horaires, en motivant sa position de manière détaillée.

66      En troisième lieu, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’a pas examiné s’il existait des obstacles à la demande de créneaux horaires à l’aéroport de Vienne ou d’autres barrières à l’entrée susceptibles d’empêcher d’autres compagnies aériennes de proposer leurs services à cet aéroport, force est de constater que la requérante fait uniquement valoir que l’aéroport de Vienne est un aéroport coordonné de niveau 3, qui se caractérise par une pénurie de créneaux horaires, sans avancer aucune preuve susceptible d’étayer ses allégations à cet égard.

67      Par ailleurs, la Commission a expliqué, au considérant 79 de la décision attaquée, en substance, que la requérante n’avait avancé aucune preuve susceptible d’établir l’existence d’obstacles à l’obtention de créneaux horaires à l’aéroport de Vienne et, au considérant 68 de la décision attaquée, qu’elle ne disposait d’« aucune information indiquant que les transporteurs aériens concurrents se seraient heurtés à des obstacles pour demander des créneaux horaires dans cet aéroport ». En outre, au considérant 79 de la décision attaquée, la Commission a ajouté qu’il ressortait des données publiques que des compagnies aériennes concurrentes avaient considérablement renforcé leur présence à l’aéroport de Vienne depuis 2016, y compris lors de la saison d’été IATA 2017.

68      Il ressort de ce qui précède que la Commission a examiné, bien qu’il ne soit pas étayé dans sa plainte, l’argument de la requérante selon lequel il existait des obstacles à la demande de créneaux horaires à l’aéroport de Vienne dans la période concernée par ladite plainte.

69      Enfin, en ce qui concerne les arguments de la requérante selon lesquels la Commission n’a pas examiné l’existence d’indices relatifs à un pouvoir de marché significatif détenu par Lufthansa à l’aéroport de Vienne et sur certaines liaisons entre deux villes O&D au départ ou à destination de l’aéroport de Vienne, il convient d’observer que, en premier lieu, en se référant aux preuves apportées par la requérante, au considérant 77 de la décision attaquée, la Commission a constaté que cette dernière n’avait pas étayé ses allégations « par des données ou des éléments de preuve, au-delà d’une référence générique dans ses observations à “un certain nombre d’évolutions du marché depuis 2018” ». En deuxième lieu, au considérant 78 de la décision attaquée, la Commission a constaté que le tableau 1 des observations de la requérante, comportant une juxtaposition de changements de certaines liaisons proposées par Lufthansa et supprimées par Air Berlin à partir de l’aéroport de Vienne au cours de la saison d’été IATA 2017, ne confirmait pas la thèse de la requérante selon laquelle Lufthansa détenait un pouvoir de marché significatif à l’aéroport de Vienne sur certaines liaisons entre deux villes O&D. En troisième lieu, au considérant 80 de la décision attaquée, la Commission a considéré que la requérante avait « indûment imput[é] à l’accord allégué la perte de concurrence entre Lufthansa et Air Berlin », alors que le changement de la situation concurrentielle au sein de l’aéroport de Vienne résultait de la restructuration d’Air Berlin entre 2016 et 2017 et, notamment, du transfert de ses activités de l’aéroport de Vienne à l’aéroport Tegel de Berlin (Allemagne) et à l’aéroport de Düsseldorf (Allemagne). En quatrième lieu, en se référant aux arguments de la requérante concernant la concentration postérieure (intervenue à la fin de l’année 2017) entre Lufthansa et Air Berlin et les problèmes de concurrence relevés lors de son examen, la Commission a expliqué, audit considérant 80, que ces problèmes résultaient de la concurrence directe entre Lufthansa et Niki Luftfahrt GmbH (ci-après « Niki »), une filiale d’Air Berlin, sur de nombreuses liaisons au départ et à destination de l’aéroport de Vienne, intervenue postérieurement à la mise en œuvre de l’accord allégué. Selon la Commission, ces difficultés, au lieu de constituer un indice d’un prétendu accord entre Lufthansa et Air Berlin, étaient de nature à mettre en évidence que l’intensité de la concurrence entre Lufthansa et Niki, la filiale d’Air Berlin, n’avait pas été réduite.

70      Ainsi, il ressort de la décision attaquée que la Commission a examiné, avec suffisamment de soin et de diligence, les allégations concernant le renforcement de la position de Lufthansa à l’aéroport de Vienne et qu’elle a estimé, en substance, que les données présentées par la requérante n’étaient pas de nature à démontrer que la position de Lufthansa sur cet aéroport était susceptible de créer des barrières à l’entrée.

71      À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission a examiné attentivement l’ensemble des éléments de fait et de droit que la requérante avait portés à sa connaissance, de sorte que cette dernière ne saurait lui reprocher une méconnaissance ni de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte ni du considérant 42 du projet de communication relative au traitement des plaintes.

72      En ce qui concerne les critiques de la requérante concernant la durée de l’examen de sa plainte par la Commission, force est de constater que la requérante se limite, dans la partie introductive de la requête, à indiquer que la Commission a prolongé abusivement l’enquête. Dans l’hypothèse où la requérante entendrait ainsi reprocher à la Commission une durée excessive de la procédure, il convient d’observer que, bien que les 58 mois qui se sont écoulés entre le dépôt de la plainte et l’adoption de la décision attaquée représentent une longue période, force est de constater que, contrairement aux allégations de la requérante, la Commission n’est pas restée inactive pendant ce délai.

73      À cet égard, il y a lieu de relever, tout d’abord, que, aux considérants 26 et 27 de la décision attaquée, la Commission a précisé que, un mois après le dépôt de la plainte de la requérante, elle avait adressé à cette dernière son opinion préliminaire sur ses allégations et que, lors d’une conférence téléphonique, intervenue le 23 juin 2022, elle avait informé la requérante de son intention de rejeter sa plainte. Ensuite, au considérant 28 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que, deux mois après la réception de la plainte de la requérante, elle avait entamé des discussions avec le BKartA et l’autorité fédérale de la concurrence au sujet des allégations de la requérante. Enfin, aux considérants 29 à 34 de la décision attaquée, la Commission a indiqué, premièrement, que, avant de traiter ce dossier, elle devait instruire au préalable deux autres plaintes déposées par la société mère de la requérante, respectivement, le 14 septembre et le 22 décembre 2017, deuxièmement, qu’il était nécessaire d’attendre le prononcé de la décision du Tribunal dans l’affaire enregistrée sous le numéro T‑296/18, finalement intervenu le 20 octobre 2021, qui concernait des questions comparables à celles soulevées dans la plainte de la requérante et, troisièmement, qu’il convenait d’attendre l’issue des affaires concernant les aides d’État accordées à Lufthansa dans le cadre de la pandémie de COVID-19, dans la mesure où celles-ci présentaient des similitudes sur le plan factuel et juridique avec la plainte de la requérante.

74      Ainsi, même si la durée de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée a été longue, elle peut s’expliquer par les circonstances propres de l’espèce. En tout état de cause, la requérante n’avance aucun argument tendant à démontrer que la durée de la procédure a influencé l’issue de la procédure.

75      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il convient de rejeter la première branche du premier moyen et, par conséquent, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré de lerreur manifeste d’appréciation qu’aurait commise la Commission en rejetant la plainte au motif de l’existence d’une autre explication plausible aux actions menées en parallèle par Lufthansa et Air Berlin

76      Le deuxième moyen comporte deux branches. Dans le cadre de la première branche, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur de droit en concluant, sur la base d’un critère juridique erroné, qu’il était peu probable que la violation de l’article 101 TFUE soit avérée. Dans le cadre de la seconde branche, elle reproche à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant une autre explication plausible s’agissant des actions menées en parallèle par Lufthansa et Air Berlin.

77      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission, investie par l’article 105, paragraphe 1, TFUE de la mission de veiller à l’application des articles 101 et 102 TFUE, est appelée à définir et à mettre en œuvre la politique de la concurrence de l’Union et dispose à cet effet d’un pouvoir discrétionnaire dans le traitement des plaintes (voir arrêt du 26 septembre 2018, EAEPC/Commission, T‑574/14, EU:T:2018:605, point 72 et jurisprudence citée).

78      Toutefois, comme cela ressort de la jurisprudence citée au point 54 ci-dessus, le pouvoir discrétionnaire de la Commission n’est pas sans limites. En effet, la Commission doit prendre en considération, en les examinant attentivement, tous les éléments de fait et de droit pertinents portés à sa connaissance par le plaignant.

79      Par ailleurs, lorsque, en exerçant son pouvoir discrétionnaire, la Commission décide d’accorder des degrés de priorité différents aux plaintes dont elle est saisie, elle peut non seulement arrêter l’ordre dans lequel les plaintes seront examinées, mais également rejeter une plainte pour défaut d’intérêt suffisant de l’Union à poursuivre l’examen de l’affaire (voir arrêt du 16 décembre 2020, Fakro/Commission, T‑515/18, non publié, EU:T:2020:620, point 67 et jurisprudence citée). Étant donné que l’évaluation de l’intérêt de l’Union présenté par une plainte est fonction des circonstances de chaque espèce, il ne convient ni de limiter le nombre des critères d’appréciation auxquels la Commission peut se référer ni, à l’inverse, de lui imposer le recours exclusif à certains critères. Compte tenu du fait que, dans un domaine tel que celui du droit de la concurrence, le contexte factuel et juridique peut varier considérablement d’une affaire à l’autre, il est possible, d’une part, d’appliquer des critères qui peuvent différer considérablement, et non des critères prédéterminés qui seraient d’application obligatoire, ou, d’autre part, d’appliquer des critères qui n’avaient pas été envisagés jusqu’alors ou de donner la priorité à un seul critère pour évaluer cet intérêt de l’Union (voir arrêt du 26 septembre 2018, EAEPC/Commission, T‑574/14, EU:T:2018:605, point 74 et jurisprudence citée).

80      En outre, comme cela ressort de la jurisprudence citée au point 53 ci-dessus, lorsque la Commission décide, comme en l’espèce, de ne pas ouvrir une enquête, elle n’est pas tenue d’établir, au soutien d’une telle décision, l’absence d’infraction.

81      Enfin, il convient de relever que le contrôle du juge de l’Union sur l’exercice, par la Commission, du pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu dans le traitement des plaintes ne doit pas le conduire à substituer son appréciation de l’intérêt de l’Union à celle de la Commission, mais vise à vérifier que la décision litigieuse ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et qu’elle n’est entachée d’aucune erreur de droit ni d’aucune erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir. En effet, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de l’intérêt de l’Union à celle de la Commission en vérifiant si d’autres critères que ceux retenus par la Commission dans la décision qui est attaquée auraient dû conduire cette dernière à retenir l’existence d’un intérêt de l’Union à ce qu’elle poursuive l’examen de l’affaire. De même, il est de jurisprudence constante en matière de rejet de plaintes que les appréciations effectuées par la Commission portant sur des allégations d’infraction à l’article 101 TFUE ou à l’article 102 TFUE impliquent des appréciations économiques complexes, et ce d’autant plus lorsque la Commission procède à des analyses prospectives, dont le contrôle par le juge de l’Union se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi qu’à celle de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir arrêt du 26 septembre 2018, EAEPC/Commission, T‑574/14, EU:T:2018:605, point 78 et jurisprudence citée).

82      Afin de permettre au Tribunal d’exercer un contrôle effectif sur l’exercice, par la Commission, de son pouvoir discrétionnaire de définir des priorités, cette institution est astreinte à une obligation de motivation lorsqu’elle refuse de poursuivre l’examen d’une plainte, cette motivation devant être suffisamment précise et détaillée, comme cela ressort de la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus.

83      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante avancés dans le cadre du deuxième moyen.

 Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de l’erreur de droit qu’aurait commise la Commission en concluant, sur la base d’un critère juridique erroné, au caractère peu probable de la violation

84      La requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur de droit en rejetant sa plainte au motif qu’il existait une autre explication plausible au-delà de l’accord allégué, sans apprécier le degré de sa probabilité par rapport à la plausibilité d’une entente.

85      En particulier, la requérante soutient que, si la Commission est tenue, afin de constater l’existence d’un accord ou d’une pratique concertée au sens de l’article 101 TFUE, de vérifier au préalable s’il n’existe pas d’autre explication au comportement allégué, elle ne saurait appliquer ce même critère en vue de rejeter une plainte l’invitant à déterminer s’il y a lieu d’ouvrir l’enquête. L’application d’un tel critère ferait peser une charge intolérable sur les plaignants.

86      La requérante allègue que la Commission a l’obligation d’apprécier le degré de probabilité des différentes explications plausibles et qu’elle ne peut rejeter une plainte que si l’explication apportée par le plaignant n’est pas plausible ou s’il existe d’autres explications plus plausibles. En effet, il ressortirait de l’arrêt du 18 septembre 1992, Automec/Commission (T‑24/90, EU:T:1992:97, point 86), que, lorsqu’elle apprécie l’intérêt de l’Union, la Commission est tenue de mettre en balance différents éléments, notamment la probabilité de pouvoir établir l’infraction alléguée.

87      La Commission conteste les arguments de la requérante.

88      À cet égard, aux considérants 45 à 47 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, comme pour les autres éléments mentionnés à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, elle était tenue d’apporter des indices précis et concordants susceptibles de démontrer l’existence d’un accord ou d’une pratique concertée. En revanche, la Commission a considéré qu’il lui incombait de justifier qu’il existait d’autres explications plausibles au comportement parallèle allégué. En se référant, notamment, aux arrêts du 27 septembre 1988, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission (89/85, 104/85, 114/85, 116/85, 117/85 et 125/85 à 129/85, EU:C:1988:447, point 71), et du 13 juillet 1989, Tournier (395/87, EU:C:1989:319, point 24), la Commission a expliqué, d’une part, qu’une pratique concertée ne saurait être présumée lorsque le parallélisme de comportement pouvait s’expliquer par des raisons autres que l’existence d’une concertation. En effet, l’interdiction de toute forme de collusion faussant la concurrence ne priverait pas les opérateurs économiques du droit de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents (voir arrêt du 16 mai 2017, Agria Polska e.a./Commission, T‑480/15, EU:T:2017:339, point 44 et jurisprudence citée). À la lumière de ces principes, la Commission a considéré que, en l’espèce, pour étayer sa constatation d’une faible probabilité d’infraction, elle n’était pas tenue de démontrer que l’accord ou la pratique concertée allégués n’étaient pas plausibles ou moins plausibles que les autres explications qu’elle proposait ni d’identifier des informations démontrant l’absence d’accord anticoncurrentiel. En effet, elle s’est estimée seulement tenue de justifier qu’il existait d’autres explications plausibles au comportement parallèle allégué.

89      Il convient de relever qu’il ressort d’une jurisprudence constante que l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiels doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêts du 17 septembre 2015, Total Marketing Services/Commission, C-634/13 P, EU:C:2015:614, point 26, et du 26 janvier 2017, Commission/Keramag Keramische Werke e.a., C-613/13 P, EU:C:2017:49, point 51). À cet égard, le parallélisme de comportement ne peut être considéré comme apportant la preuve d’une concertation que si la concertation en constitue la seule explication plausible. En effet, si l’article 101 TFUE interdit toute forme de collusion de nature à fausser le jeu de la concurrence, il n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, EU:C:1993:120, point 71 et jurisprudence citée).

90      À cet égard, le Tribunal a jugé, en substance, que la Commission n’avait pas commis d’erreur d’appréciation en rejetant la plainte au motif qu’un parallélisme de comportement ne pouvait être considéré comme apportant la preuve d’une concertation que si la concertation en constituait la seule explication plausible. Le Tribunal a ajouté qu’il appartenait à la requérante de fournir des éléments permettant d’établir que l’entente alléguée était la seule explication plausible au parallélisme allégué et a estimé que, dans cette affaire, la requérante n’avait pas fourni de tels éléments (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Spira/Commission, T‑108/07 et T‑354/08, non publié, EU:T:2013:367, point 347).

91      Ainsi, contrairement aux allégations de la requérante, il ne ressort pas de la jurisprudence que la Commission est tenue d’apprécier le degré de probabilité des différentes explications plausibles. En particulier, une telle obligation ne ressort nullement de l’arrêt du 18 septembre 1992, Automec/Commission (T‑24/90, EU:T:1992:97). En effet, au point 86 de cet arrêt, le Tribunal a seulement jugé qu’afin d’apprécier l’intérêt de l’Union, la Commission devait tenir compte des circonstances du cas d’espèce et, notamment, des éléments de fait et de droit qui lui étaient présentés dans la plainte dont elle était saisie. Le Tribunal a ajouté qu’il appartenait à la Commission, notamment, de mettre en balance l’importance de l’infraction alléguée pour le fonctionnement du marché commun, la probabilité de pouvoir établir son existence et l’étendue des mesures d’investigation nécessaires, en vue de remplir, dans les meilleures conditions, sa mission de surveillance du respect des articles 101 et 102 TFUE.

92      Si, selon l’arrêt du 18 septembre 1992, Automec/Commission (T‑24/90, EU:T:1992:97), la probabilité de pouvoir établir l’existence de l’infraction constitue l’un des critères d’appréciation auxquels la Commission peut se référer en évaluant l’intérêt de l’Union, il ne ressort pas de l’arrêt précité que, en examinant ce critère, la Commission devrait mettre en balance le degré de probabilité du constat de l’infraction avec le degré de probabilité de l’existence d’autres explications plausibles du comportement allégué.

93      Il ressort ainsi de la jurisprudence citée au point 92 ci-dessus que la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation étendu dans l’application des critères servant à évaluer l’intérêt de l’Union à poursuivre l’instruction d’une plainte au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 773/2004.

94      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, en l’espèce, en appréciant la probabilité de l’existence d’une infraction alléguée, c’est à bon droit que la Commission s’est limitée à considérer qu’il existait une autre explication plausible au-delà de l’entente alléguée.

95      Il s’ensuit que la Commission ne s’est pas fondée sur un critère juridique erroné afin de conclure qu’il était peu probable que la violation alléguée soit avérée. Partant, la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

 Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée de l’erreur manifeste d’appréciation qu’aurait commise la Commission en identifiant une autre explication plausible aux actions menées en parallèle par Lufthansa et Air Berlin

96      La requérante fait valoir, en substance, que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en rejetant sa plainte au motif qu’il existait une autre explication plausible au-delà de l’accord allégué. Son argumentation repose sur trois griefs.

97      Dans le cadre du premier grief, la requérante allègue que la Commission a surestimé la capacité de Lufthansa à prendre une décision commerciale indépendante fondée uniquement sur l’annonce et la présentation d’Air Berlin.

98      Dans le cadre du deuxième grief, la requérante soutient que la Commission a minimisé le caractère invraisemblable de la temporalité de la restitution des créneaux horaires.

99      Dans le cadre du troisième grief, la requérante reproche à la Commission d’avoir surestimé le caractère indépendant de la procédure d’attribution des créneaux horaires.

100    À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 81 ci-dessus que le contrôle du juge de l’Union ne doit pas le conduire à substituer son appréciation de l’intérêt de l’Union à celle de la Commission, mais vise à vérifier que la décision litigieuse ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et qu’elle n’est entachée d’aucune erreur de droit ni d’aucune erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir.

–       Sur le premier grief, tiré de ce que la Commission aurait surestimé la capacité de Lufthansa à prendre une décision commerciale indépendante fondée uniquement sur l’annonce et la présentation d’Air Berlin

101    La requérante estime que la Commission a considéré, à tort, que la décision de Lufthansa d’étendre ses services au départ et à destination de Vienne à compter de la saison d’été IATA 2017 constituait une décision commerciale indépendante.

102    À cet égard, la requérante soutient que les documents publics sur lesquels la Commission a fondé son appréciation, soit l’annonce et la présentation d’Air Berlin, n’étayent pas de manière plausible la conclusion mentionnée au point 101 ci-dessus. En effet, lesdits documents seraient vagues et susciteraient des doutes supplémentaires sur l’explication possible du comportement d’Air Berlin. Par ailleurs, sur la base de ces documents, aucun transporteur aérien concurrent ne pouvait raisonnablement anticiper la restitution des créneaux horaires par Air Berlin. Dans ces circonstances, et compte tenu du fait que la question de la restitution des créneaux horaires n’a pas été abordée dans la présentation d’Air Berlin, Lufthansa devait nécessairement, selon la requérante, connaître à l’avance la temporalité exacte de la restitution des créneaux horaires par Air Berlin.

103    La requérante avance que l’annonce et la présentation d’Air Berlin n’ont pas suffisamment levé les doutes sur l’ampleur de la restitution des créneaux horaires afin de fournir une explication plausible aux étapes suivies par Lufthansa. Dans ce contexte, la requérante indique qu’il ressort de la pratique décisionnelle de la Commission que les créneaux horaires sont particulièrement précieux à un aéroport coordonné tel que l’aéroport de Vienne. Partant, en restituant des créneaux horaires au pool et en renonçant à un large portefeuille de liaisons, les compagnies aériennes se priveraient irrémédiablement de droits ou d’actifs précieux sans contrepartie.

104    Par ailleurs, la requérante fait valoir qu’il n’est pas plausible que Lufthansa ait pris le risque d’étendre sensiblement son offre sur les liaisons d’Air Berlin à l’aéroport de Vienne sans savoir au préalable que cette dernière envisageait de libérer presque 10 000 créneaux horaires dans les dix jours précédant la date limite de restitution des créneaux horaires. En effet, l’exploitation d’une nouvelle liaison exigerait de nombreuses démarches qui sont habituellement entreprises par les compagnies aériennes, même celles de la taille de Lufthansa, bien en amont de la saison IATA donnée. Dans ce contexte, la requérante fait également valoir que la Commission a sous-estimé les ressources que Lufthansa aurait dû réserver afin d’être en mesure d’utiliser les créneaux horaires d’Air Berlin, en particulier le nombre d’aéronefs nécessaires.

105    La Commission conteste les arguments de la requérante.

106    Il y a lieu de relever que, pour affirmer qu’il était peu probable que seule Lufthansa ait été prévenue des détails relatifs à la restructuration à venir d’Air Berlin, de sorte que l’hypothèse d’un accord anticoncurrentiel ne constituait pas la seule explication plausible au redéploiement des activités de ces deux compagnies, la Commission a indiqué, aux considérants 49 à 51 de la décision attaquée, que, le 29 septembre 2016, Air Berlin avait communiqué aux analystes d’affaires une présentation illustrant son intention de restructurer ses activités à venir. Premièrement, la Commission a précisé que ce projet comportait la réduction des liaisons court- et moyen-courriers qui s’étaient avérées déficitaires et la concentration de l’activité d’Air Berlin sur les plates-formes de l’aéroport Tegel de Berlin et de l’aéroport de Düsseldorf. Deuxièmement, la Commission a révélé qu’Air Berlin envisageait de conclure un contrat de location de 40 avions avec Lufthansa et de poursuivre l’exploitation d’une flotte de base de 75 appareils. Troisièmement, au considérant 49 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’Air Berlin souhaitait transférer ses activités de loisirs à une unité commerciale indépendante. Compte tenu de ces éléments, notamment de l’annonce publique faite par Air Berlin selon laquelle elle allait concentrer ses activités futures à l’aéroport Tegel de Berlin et à l’aéroport de Düsseldorf, la Commission a considéré que tout autre transporteur aérien concurrent pouvait s’attendre à une réduction significative du nombre de services de transport aérien de passagers proposés par Air Berlin, y compris depuis l’aéroport de Vienne.

107    La Commission a, en outre, précisé, au considérant 54 de la décision attaquée, que les rapports des analystes examinant les annonces publiques d’Air Berlin indiquaient que cette dernière avait décrit l’exploitation de 35 aéronefs comme étant une activité « non essentielle » consistant à opérer des vols à destination de lieux touristiques et que 19 de ces 35 aéronefs seraient basés en Autriche et exploités par Niki, la filiale d’Air Berlin. En s’appuyant sur le constat figurant dans le rapport d’HSBC selon lequel Air Berlin souhaitait abandonner son activité « non essentielle », la Commission a considéré que, au vu de ces éléments, il était possible pour des compagnies aériennes autres que Lufthansa d’estimer le nombre de vols qu’Air Berlin retirerait d’Autriche et qu’une « incertitude limitée » existait en ce qui concernait la réduction des activités d’Air Berlin sur les liaisons saisonnières à basse fréquence, telles que les liaisons entre Vienne et les îles grecques énumérées dans le tableau 1 des observations de la requérante.

108    À cet égard, il convient de relever que, pour établir les constatations mentionnées aux points 106 et 107 ci-dessus, la Commission a, aux notes en bas de page nos 49 à 53 de la décision attaquée, cité la présentation d’Air Berlin, le communiqué de presse accompagnant la décision du BKartA du 30 janvier 2017 ainsi que les articles de presse spécialisés suivants :

–        l’annonce d’Air Berlin, publiée sur le site Internet de ch-aviation, qui se présente comme étant la base de données la plus complète et la plus actuelle concernant le secteur aérien

–        l’annonce du conseil de surveillance du groupe Lufthansa, publiée sur le site Internet de ce dernier ;

–        un article publié sur le site Internet de International Airport Review, qui se présente comme étant la « principale source d’information pour la communauté aéroportuaire et aéronautique » ;

–        un article publié sur le site Internet d’Airways, qui se présente comme étant « l’une des principales publications mondiales sur l’aviation commerciale ».

109    La Commission a constaté que, compte tenu de la restructuration d’activités annoncée par Air Berlin, Lufthansa ainsi que tout autre transporteur aérien concurrent auraient pu s’attendre à une réduction significative du nombre de services de transport aérien de passagers proposés par Air Berlin. Tel était le cas en ce qui concernait l’aéroport de Vienne, dès lors qu’Air Berlin avait annoncé publiquement son intention de concentrer ses activités sur des vols long-courriers à destination et en provenance de ses deux plates-formes, établies respectivement à l’aéroport Tegel de Berlin et à l’aéroport de Düsseldorf (considérant 50 de la décision attaquée), de réduire significativement sa flotte et de transférer ses activités de loisirs à une unité commerciale indépendante (considérant 49 de la décision attaquée).

110    Contrairement aux allégations de la requérante, aucun des documents sur lesquels la Commission a fondé son appréciation n’est de nature à faire naître une incertitude quant à la restructuration d’Air Berlin.

111    À cet égard, force est de constater que la présentation d’Air Berlin comporte des informations précises exposant en détail la réorganisation envisagée. De plus, les articles de presse corroborent ces informations, en présentant la restructuration d’Air Berlin comme étant certaine et imminente.

112    En ce qui concerne la temporalité et l’ampleur de la restitution des créneaux horaires, il y a lieu de relever que, d’une part, selon plusieurs sources citées au point 108 ci-dessus, le contrat de location avec équipage conclu avec Lufthansa devait entrer en vigueur à partir de la saison d’été IATA 2017, sous réserve de son approbation par les autorités régulatrices compétentes. D’autre part, tous les documents cités par la Commission faisaient clairement apparaître les dimensions de la restructuration envisagée. En effet, il ressort de ces documents qu’Air Berlin devait presque réduire sa flotte de moitié et envisageait de licencier 1 200 personnes, soit environ 14 % de son personnel. Par ailleurs, il était indiqué clairement dans ces documents qu’Air Berlin concentrerait ses activités sur les plates-formes situées à l’aéroport Tegel de Berlin et à l’aéroport de Düsseldorf s’agissant de ses vols long-courriers, ceux-ci constituant l’activité clé d’Air Berlin après restructuration.

113    En outre, en ce qui concerne les « activités touristiques » de Niki, la filiale d’Air Berlin, celles-ci avaient vocation à être incorporées dans une entreprise commune constituée du groupe TUI et d’Etihad Airways. Bien qu’Air Berlin ait indiqué dans sa présentation que, en ce qui concernait l’avenir de Niki, elle évaluait toujours les options stratégiques, la presse informait que la restructuration d’Air Berlin était de toute façon susceptible de renforcer la position d’Austrian Airlines, une filiale de Lufthansa, à l’aéroport de Vienne et que, du point de vue de Lufthansa, la réorganisation d’Air Berlin était susceptible d’éliminer son concurrent sur de nombreux marchés secondaires.

114    À la lumière des éléments susmentionnés, il y a lieu de conclure que les documents publics, disponibles en septembre 2016, étaient de nature à justifier le constat de la Commission selon lequel Lufthansa ainsi que tout autre transporteur aérien concurrent pouvaient raisonnablement anticiper la restitution des créneaux horaires par Air Berlin. Partant, contrairement aux allégations de la requérante, la Commission n’a pas surestimé la capacité de Lufthansa à prendre une décision commerciale indépendante fondée sur ces documents.

115    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel la restitution des créneaux horaires par Air Berlin ne constituait pas une solution rationnelle sur un plan économique, dans des circonstances où il existait de meilleures solutions, plus courantes dans le secteur et plus rationnelles sur le plan économique, notamment des accords relatifs à la location des créneaux horaires ou des accords de « babysitting » consistant à accorder à une autre compagnie aérienne, provisoirement et sans frais, un droit d’utilisation de ses propres créneaux horaires.

116    En effet, il suffit de constater que ni la présentation d’Air Berlin ni les articles de presse mentionnés au point 108 ci-dessus n’évoquaient l’intention d’Air Berlin de conclure des accords portant sur les créneaux horaires, notamment en ce qui concernait des vols se rapportant à l’aéroport de Vienne. En tout état de cause, il ressort de la jurisprudence citée aux points 51 à 54 ci-dessus que la Commission est tenue d’examiner les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par le plaignant, en vue d’apprécier si lesdits éléments font apparaître un comportement de nature à fausser le jeu de la concurrence. En revanche, elle n’est pas tenue d’en apprécier la rationalité économique.

117    Ladite conclusion ne saurait non plus être remise en cause par les arguments de la requérante selon lesquels, en premier lieu, les compagnies aériennes qui se préparent en amont à la saison IATA ne seraient plus en mesure, après l’attribution initiale des créneaux horaires, de modifier substantiellement leurs programmes de vols et, en second lieu, la Commission n’aurait pas expliqué de manière plausible que Lufthansa disposait des ressources nécessaires pour être en mesure d’utiliser les créneaux horaires d’Air Berlin.

118    En effet, s’agissant, premièrement, de l’argument concernant la possibilité pour les compagnies aériennes de modifier leurs programmes de vols après l’attribution initiale des créneaux horaires, il y a lieu de relever que, au considérant 58 de la décision attaquée, la Commission a considéré que la requérante n’avait pas étayé son affirmation selon laquelle les compagnies aériennes avaient réglé leurs plans de vol pour la saison d’été IATA 2017 bien avant la restitution des créneaux horaires, de sorte qu’il était presque impossible pour les transporteurs aériens autres que Lufthansa de demander les créneaux horaires restitués au pool. À cet égard, la Commission a indiqué que, dans le cadre de son rachat par Ryanair en 2018, la requérante avait substantiellement modifié ses programmes de vols pour la saison d’été IATA 2018 en cours et que Ryanair avait mis à sa disposition au moins neuf appareils afin de garantir que ses droits historiques sur certains créneaux horaires soient préservés. Au considérant 69 de la décision attaquée, la Commission a également cité les exemples de deux autres compagnies qui ont apporté des modifications à leurs calendriers au cours des saisons IATA.

119    À cet égard, il convient de relever que, outre le fait que la requérante ne se prévaut d’aucun élément utile susceptible de remettre en cause les constatations de la Commission mentionnées aux considérants 58 et 69 de la décision attaquée, lesquelles écartent ses arguments comme étant non étayés et contredits par la pratique, force est de constater que le point 8.5.2 des lignes directrices mondiales de planification horaire de l’IATA, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, prévoit explicitement que, « [m]ême dans de brefs délais, il peut être possible de réattribuer à d’autres opérateurs les créneaux horaires restitués ».

120    Par ailleurs, bien que les exemples avancés par la Commission aux considérants 58 et 69 de la décision attaquée concernent des situations différentes du cas d’espèce et que la requérante conteste leur pertinence, ils corroborent la thèse de la Commission selon laquelle les compagnies aériennes sont, dans une certaine mesure, capables de modifier leur calendrier en fonction des circonstances.

121    S’agissant, deuxièmement, de l’argument de la requérante concernant la situation spécifique de Lufthansa, il y a lieu de relever que la Commission a, aux considérants 56 et 57 de la décision attaquée, considéré que la requérante n’avait pas étayé ses allégations à cet égard et que, en tout état de cause, « il semblait difficile de faire valoir que Lufthansa ne disposait pas de la flexibilité ou de la marge d’optimisation opérationnelle nécessaires pour redéployer sans discontinuité quatre appareils ou qu’[elle aurait dû] annuler un nombre important de services pour redéployer [ces] avions ».

122    De plus, dans son mémoire en défense, la Commission a précisé, d’une part, qu’il n’existait aucun lien entre les vols commercialisés par Lufthansa dès octobre 2016 et la restitution des créneaux horaires par Air Berlin en janvier 2017. La Commission a expliqué, d’autre part, que Lufthansa n’avait pas besoin d’utiliser les créneaux horaires restitués par Air Berlin à l’aéroport de Vienne, dès lors qu’elle était en mesure de les demander, conformément au calendrier régulier d’attribution des créneaux horaires. Selon la Commission, étant donné que, d’une part, Lufthansa était exposée au risque commercial lié à l’exploitation des aéronefs loués en vertu du contrat de location avec équipage et, d’autre part, il n’y avait pas de contraintes liées aux créneaux horaires à l’aéroport de Vienne, Lufthansa aurait très probablement reçu tous les créneaux horaires demandés dès le moment de l’attribution initiale en octobre 2016.

123    Par conséquent, dès lors que la Commission ne disposait d’aucune preuve ni d’aucun indice de l’existence de contraintes liées aux créneaux horaires à l’aéroport de Vienne, que la requérante ne s’est prévalue d’aucune preuve quant à l’existence d’un lien entre les vols programmés par Lufthansa dès octobre 2016 et la restitution des créneaux horaires par Air Berlin en janvier 2017 et qu’il a été constaté que la taille de la flotte de Lufthansa était de nature à permettre à Lufthansa de s’adapter aux nouveaux créneaux horaires, la Commission n’a pas entaché d’illégalité son constat selon lequel Lufthansa pouvait commencer à programmer ses vols dès octobre 2016.

124    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la Commission a pu considérer, à juste titre, que la décision de Lufthansa d’étendre ses activités à l’aéroport de Vienne, à compter de la saison d’été IATA 2017, pouvait raisonnablement être considérée comme une décision commerciale indépendante. Par conséquent, il convient de rejeter le premier grief comme non fondé.

–       Sur le deuxième grief, tiré de ce que la Commission aurait minimisé le caractère invraisemblable de la temporalité de la restitution des créneaux horaires

125    La requérante reproche à la Commission d’avoir minimisé le caractère invraisemblable du moment de la restitution des créneaux horaires par Air Berlin. La requérante précise qu’elle n’allègue pas qu’Air Berlin a restitué des créneaux horaires en violation du règlement no 95/93, mais que Lufthansa et Air Berlin ont coordonné l’ampleur et la temporalité de la restitution afin d’empêcher toute autre compagnie aérienne de demander les créneaux horaires concernés.

126    La requérante fait valoir que le constat, figurant au considérant 61 de la décision attaquée, selon lequel Air Berlin a différé la restitution des créneaux horaires au motif qu’« elle souhaitait maintenir ses options ouvertes pour la saison [d’]été [IATA 2017] aussi longtemps que possible, compte tenu de l’incertitude qui l’entourait du fait de sa restructuration en cours et de la décision à venir du BKartA concernant les locations avec équipage » est manifestement erroné, invraisemblable, voire contradictoire, dans la mesure où Air Berlin a restitué les créneaux horaires avant l’adoption de la décision par le BKartA.

127    La Commission conteste les arguments de la requérante.

128    À cet égard, il convient de rappeler que, au considérant 60 de la décision attaquée, la Commission a considéré que ni le règlement no 95/93 ni aucun autre acte juridique n’obligeaient un transporteur aérien à restituer des créneaux horaires dans un délai donné ou un délai minimum avant la date limite de leur retour. Elle a ajouté, audit considérant, que le simple fait qu’Air Berlin ait restitué au pool un grand nombre de créneaux horaires peu avant la date limite de retour et que cela pourrait ne pas correspondre à la pratique habituelle dans le secteur ne constituait pas, à lui seul, une indication suffisante de l’existence d’un accord plus large entre Lufthansa et Air Berlin.

129    Ainsi, la Commission a considéré que, en l’absence d’autres preuves, la restitution des créneaux horaires, qui a été opérée conformément aux règles fixées par le règlement applicable, ne témoignait pas de l’existence d’une infraction.

130    Aux considérants 61 à 63 de la décision attaquée, pour répondre aux objections de la requérante selon lesquelles Air Berlin a restitué les créneaux horaires avant même que le BKartA ne statue sur l’autorisation qui lui était demandée, la Commission a relevé que la décision d’Air Berlin de conserver ses créneaux horaires aussi longtemps que possible était justifiée, compte tenu de l’ensemble des incertitudes liées à la restructuration en cours dont cette compagnie faisait l’objet, notamment de la reprise éventuelle de Niki, la filiale d’Air Berlin, par Etihad Airways. La Commission a ajouté que la décision du BKartA n’était pas dénuée de pertinence pour la décision d’Air Berlin de conserver ou de restituer des créneaux horaires, dans la mesure où, si le BKartA avait refusé d’approuver le contrat de location avec équipage, cette compagnie aurait eu besoin de créneaux horaires pour continuer à fournir des services de transport aérien de passagers avec la capacité de vol couverte par ce contrat. À l’inverse, si le contrat était approuvé, il appartiendrait à Lufthansa d’obtenir, par d’autres moyens qu’un transfert des créneaux d’Air Berlin, c’est-à-dire dans le cadre de la procédure générale d’attribution des créneaux horaires, les créneaux horaires dont elle avait besoin pour déployer des services de transport aérien en utilisant les aéronefs couverts par le contrat de location avec équipage.

131    Ainsi, il ressort de la décision attaquée que la Commission a considéré que l’incertitude liée à la décision du BKArtA était l’une des incertitudes entourant la restructuration d’Air Berlin. Compte tenu de l’ensemble des incertitudes liées à la restructuration en cours, notamment la reprise éventuelle de Niki, la filiale d’Air Berlin, par Etihad Airways, la Commission a constaté que l’estimation selon laquelle Air Berlin « souhaitait maintenir ses options ouvertes pour la saison [d’]été [IATA 2017] aussi longtemps que possible » (considérant 61 de la décision attaquée) était plausible. Toutefois, la date limite fixée par le règlement no 95/93 approchant, Air Berlin ne pouvait plus retarder la restitution de créneaux horaires à l’aéroport de Vienne, bien que le BKArtA n’ait pas encore formellement approuvé le contrat de location avec équipage.

132    Dans ces circonstances, bien qu’il puisse exister d’éventuelles incertitudes relatives au processus d’approbation du BKartA, elles devaient être mises en perspective avec les informations publiques concernant la restructuration d’Air Berlin, dont il ressortait que cette dernière se retirerait d’un grand nombre de liaisons à l’aéroport de Vienne à partir de la saison d’été IATA 2017 (voir points 106, 109 et 112 ci-dessus).

133    Certes, comme le fait valoir la requérante, au considérant 63 de la décision attaquée, la Commission affirme, en substance, que la décision du BKartA n’était pas dénuée de pertinence pour la décision d’Air Berlin de conserver ou de restituer des créneaux horaires, dans la mesure où, si le BKartA n’avait pas approuvé le contrat de location avec équipage, Air Berlin aurait eu besoin de ses créneaux horaires pour continuer à fournir des services. Toutefois, selon la Commission, une fois cette transaction approuvée, Air Berlin n’avait plus besoin des créneaux restitués et il appartenait à Lufthansa d’obtenir les créneaux horaires, dans le cadre de la procédure générale, pour effectuer de nouveaux vols.

134    En d’autres termes, contrairement aux allégations de la requérante, le raisonnement de la Commission figurant dans la décision attaquée n’est pas contradictoire, dans la mesure où il en ressort que la décision de retarder la restitution des créneaux horaires à l’aéroport de Vienne était justifiée par un ensemble d’incertitudes entourant la restructuration d’Air Berlin, notamment celle résultant de l’attente de la décision du BKartA. Même si ces incertitudes n’étaient pas dissipées, Air Berlin a dû restituer les créneaux avant la date finale fixée par la réglementation applicable.

135    À la lumière de ce qui précède, il convient de constater que la Commission a correctement examiné les allégations de la requérante concernant la temporalité de la restitution des créneaux horaires d’Air Berlin à l’aéroport de Vienne. Par conséquent, il convient de rejeter le deuxième grief comme non fondé.

–       Sur le troisième grief, tiré de ce que la Commission aurait surestimé le caractère indépendant de la procédure d’attribution des créneaux horaires

136    La requérante fait valoir que la Commission a surestimé le caractère indépendant de la procédure d’attribution des créneaux horaires. En effet, dans la mesure où elle soutient que Lufthansa et Air Berlin ont coordonné l’ampleur et la temporalité de la restitution des créneaux horaires de sorte à empêcher toute autre compagnie aérienne de les demander, la requérante estime que l’argument tiré du caractère indépendant du coordonnateur et de la procédure d’attribution des créneaux horaires ne répond pas de manière adéquate au problème soulevé dans la plainte.

137    Dans ce contexte, la requérante estime qu’est dénué de pertinence l’argument de la Commission, développé au considérant 69 de la décision attaquée, selon lequel d’autres compagnies aériennes que Lufthansa auraient pu demander les créneaux horaires après la procédure initiale d’attribution, ce que démontreraient deux exemples de compagnies qui seraient parvenues à accroître rapidement leurs opérations peu de temps après s’être vu attribuer des créneaux horaires. En effet, à la différence de la décision soudaine et inattendue d’Air Berlin de restituer les créneaux horaires, dans les cas des compagnies aériennes invoquées dans la décision attaquée, la temporalité et l’ampleur exacte de la réattribution de ces créneaux horaires auraient été prévisibles.

138    La requérante conteste également le constat de la Commission selon lequel les autres compagnies aériennes pouvaient anticiper le moment de la restitution, car, en l’absence de restitution des créneaux à la date limite, Air Berlin s’exposait au risque de sanctions.

139    La Commission conteste les arguments de la requérante.

140    À cet égard, il convient d’observer que, aux considérants 66 à 70 de la décision attaquée, la Commission a développé des arguments relatifs au caractère indépendant de la procédure d’attribution des créneaux horaires. En premier lieu, la Commission a considéré qu’aucun accord sur les créneaux horaires n’était plausible, car Lufthansa ne pouvait pas être certaine qu’elle allait tous les obtenir. En deuxième lieu, afin de répondre aux allégations de la requérante tirées de ce qu’Air Berlin et Lufthansa se sont entendues afin de coordonner la restitution des créneaux par Air Berlin à l’aéroport de Vienne, de sorte à empêcher les autres compagnies de solliciter les créneaux horaires, la Commission a estimé que, compte tenu du fait que les annonces publiques concernant la restructuration d’Air Berlin avaient été effectuées avant la procédure initiale d’attribution des créneaux horaires, toute compagnie aérienne concurrente « avait eu le temps et la possibilité de demander des créneaux horaires à l’aéroport de Vienne » et qu’elle « ne dispos[ait] d’aucune information indiquant que les transporteurs aériens concurrents [s’étaient] heurtés à des obstacles pour demander des créneaux horaires dans cet aéroport. » En troisième lieu, afin de réfuter les allégations de la requérante tirées de ce qu’il était impossible pour les autres compagnies aériennes de solliciter des créneaux restitués tardivement par Air Berlin, la Commission a cité des exemples de compagnies aériennes ayant décidé d’augmenter leurs activités et sollicité des créneaux supplémentaires après la procédure initiale d’attribution.

141    Dans ces circonstances, il y a lieu de constater, en premier lieu, que la requérante n’a pas démontré que la Commission avait surestimé le caractère indépendant de la procédure d’attribution des créneaux horaires. En effet, les créneaux horaires sont attribués par le coordonnateur indépendant suivant les règles établies par le règlement no 95/93 et les lignes directrices mondiales de planification horaire, celles-ci assurant que les créneaux horaires soient alloués de manière équitable, non discriminatoire et transparente. Partant, même si Lufthansa et Air Berlin s’étaient entendues au sujet du transfert des créneaux horaires, Lufthansa aurait dû les solliciter auprès du coordinateur de l’aéroport de Vienne, conformément aux règles applicables.

142    En deuxième lieu, la Commission a pu considérer à bon droit que les informations relatives à la restructuration d’Air Berlin avaient été rendues publiques suffisamment tôt pour que des compagnies aériennes intéressées puissent envisager l’accroissement de leur offre à l’aéroport de Vienne, en sollicitant, le cas échéant, des créneaux horaires supplémentaires, même dans le cadre de la procédure initiale d’attribution.

143    La Commission a relevé, au surplus, que, même si les compagnies aériennes disposaient des informations nécessaires pour évaluer la possibilité de solliciter des créneaux horaires supplémentaires, rien n’indiquait qu’elles les avaient sollicités. En effet, bien qu’elle soutienne que l’aéroport de Vienne est un aéroport coordonné de niveau 3 qui se caractérise par une pénurie de créneaux horaires, la requérante n’avance aucune preuve susceptible d’étayer ses allégations à cet égard (voir point 67 ci-dessus). Du reste, interrogée à ce sujet à l’audience, la requérante n’a pu indiquer aucune compagnie concurrente qui aurait voulu solliciter davantage de créneaux horaires à l’aéroport de Vienne pour la saison d’été IATA 2017.

144    En ce qui concerne la pertinence des exemples d’autres compagnies cités par la Commission au considérant 69 de la décision attaquée, bien qu’il s’agisse de situations différentes du cas d’espèce, ces exemples corroborent de manière générale la thèse de la Commission selon laquelle les compagnies aériennes sont, dans une certaine mesure, capables de modifier leur calendrier en fonction des circonstances dans le secteur.

145    En troisième lieu, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la restitution des créneaux horaires après la date limite de restitution serait susceptible d’exposer la compagnie aérienne à des sanctions, il convient de relever que, conformément au point 8.3.2 des lignes directrices mondiales de planification horaire ainsi qu’à l’article 8, paragraphe 1, sous a), du règlement no 95/93, les créneaux horaires sont attribués en priorité aux transporteurs qui les ont exploités lors de la saison précédente (historic slots). Or, aux termes des points 8.5.4 et 8.5.5 desdites lignes directrices, « [l]es compagnies aériennes qui restituent intentionnellement des séries de créneaux après la date limite de retour des séries recevront une priorité inférieure de la part du coordinateur lors de la coordination initiale de la prochaine saison équivalente [ ; u]ne liste des compagnies aériennes qui restituent des séries de créneaux après la date limite de retour des séries sera maintenue et publiée par le coordinateur ».

146    Il ressort de ce qui précède que la violation des règles relatives à la restitution des créneaux horaires, telle que la restitution des créneaux après la date limite prévue par la réglementation applicable, affaiblit la position du transporteur dans l’aéroport donné, en ce qu’elle peut impacter le nombre de créneaux horaires qui lui sont attribués « en priorité », du seul fait de sa présence continue à l’aéroport concerné.

147    Il s’ensuit que la Commission n’a pas surestimé le caractère indépendant de la procédure d’attribution des créneaux horaires et qu’il convient de rejeter le troisième grief comme non fondé.

148    À la lumière de ce qui précède, il convient de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant que l’existence d’un accord allégué n’était pas la seule explication plausible des comportements d’Air Berlin et de Lufthansa s’agissant de l’aéroport de Vienne avant la saison d’été IATA 2017, dès lors que ces comportements auraient pu résulter des conditions normales de concurrence dues à la restructuration et à la réduction des activités d’Air Berlin.

149    Ainsi, il convient d’écarter également la seconde branche du deuxième moyen et, par conséquent, le deuxième moyen dans son ensemble.

150    En ce qui concerne le troisième moyen, tiré de ce que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que l’accord allégué n’avait pas d’effets anticoncurrentiels, force est de constater que, dans la décision attaquée, les allégations de la requérante à ce sujet n’ont été examinées que « par souci d’exhaustivité et à titre subsidiaire », dès lors que le rejet de la plainte a été fondé sur le constat selon lequel l’existence d’un tel accord n’était pas la seule explication plausible des comportements d’Air Berlin et de Lufthansa s’agissant de l’aéroport de Vienne avant la saison d’été IATA 2017. Dans la mesure où les arguments soulevés par la requérante à l’encontre de ce constat dans le cadre du deuxième moyen ont été écartés, il n’y a plus lieu d’examiner le bien-fondé des arguments mettant en cause les motifs avancés dans la décision attaquée à titre complémentaire.

151    Partant, il convient de rejeter le recours dans son intégralité, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le troisième moyen.

 Sur les dépens

152    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, aux termes de l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

153    En l’espèce, la requérante a succombé en ses conclusions et la Commission a expressément conclu à ce qu’elle soit condamnée aux dépens. Cependant, eu égard aux circonstances de l’espèce, et en particulier à la durée particulièrement longue de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, l’équité exige, conformément à l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, que chaque partie supporte ses propres dépens (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2020, Fakro/Commission, T‑515/18, non publié, EU:T:2020:620, point 215).

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Laudamotion GmbH et la Commission européenne supporteront chacune leurs propres dépens.

da Silva Passos

Półtorak

Cassagnabère

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er octobre 2025.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré de la violation du droit à une bonne administration

Sur la seconde branche du premier moyen, tirée d’une violation du droit d’être entendu et du droit d’accès au dossier

Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’absence de mesures d’enquête sérieuses

Sur le deuxième moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation qu’aurait commise la Commission en rejetant la plainte au motif de l’existence d’une autre explication plausible aux actions menées en parallèle par Lufthansa et Air Berlin

Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de l’erreur de droit qu’aurait commise la Commission en concluant, sur la base d’un critère juridique erroné, au caractère peu probable de la violation

Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée de l’erreur manifeste d’appréciation qu’aurait commise la Commission en identifiant une autre explication plausible aux actions menées en parallèle par Lufthansa et Air Berlin

– Sur le premier grief, tiré de ce que la Commission aurait surestimé la capacité de Lufthansa à prendre une décision commerciale indépendante fondée uniquement sur l’annonce et la présentation d’Air Berlin

– Sur le deuxième grief, tiré de ce que la Commission aurait minimisé le caractère invraisemblable de la temporalité de la restitution des créneaux horaires

– Sur le troisième grief, tiré de ce que la Commission aurait surestimé le caractère indépendant de la procédure d’attribution des créneaux horaires

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.