DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
1er octobre 2025 (*)
« Fonction publique – Fonctionnaires – Notation – Rapport d’évaluation – Exercice d’évaluation 2022 – Droit d’être entendu – Erreur manifeste d’appréciation – Responsabilité »
Dans l’affaire T‑154/24,
AF, représenté par Mes A. Guillerme et F. Patuelli, avocats,
partie requérante,
contre
Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bauer et Mme I. Demoulin, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre),
composé, lors des délibérations, de M. R. da Silva Passos, président, Mmes N. Półtorak (rapporteure) et I. Reine, juges,
greffier : M. A. Marghelis, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 20 mars 2025,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, AF demande, d’une part, l’annulation de son rapport d’évaluation pour l’année 2022 (ci-après le « rapport d’évaluation final ») et, d’autre part, la réparation des préjudices matériel et moral qu’elle aurait subis en raison de celui-ci.
Antécédents du litige
2 La requérante est fonctionnaire et a intégré l’unité [confidentiel](1) du secrétariat général du Conseil de l’Union européenne (ci-après le « SGC ») en 2011 (ci-après l’« unité [confidentiel] »).
3 Après s’être absentée à plusieurs reprises pour des raisons médicales, la requérante a repris le travail le 10 janvier 2022, dans le cadre d’aménagements raisonnables, puis sous le régime du mi-temps médical.
4 Au mois d’avril 2022, la requérante a consulté le grade d’une collègue par le biais du système informatique de gestion du personnel Sysper.
5 Le 18 mai 2022, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a décidé d’ouvrir une enquête administrative à l’égard de la requérante (ci-après l’« enquête administrative »), afin d’établir si elle avait manqué à ses obligations découlant, en particulier, de l’article 12 et de l’article 17, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39), et des dispositions régissant l’utilisation des applications informatiques au sein du SGC, en récupérant en dehors du cadre de ses fonctions professionnelles et en divulguant des informations personnelles relatives à une collègue.
6 La requérante a été en congé de maladie du 9 juillet au 5 août 2022, puis à plusieurs reprises pour de courtes périodes jusqu’au début du mois de novembre et de façon permanente à partir du milieu du mois de novembre 2022 jusqu’à son départ du SGC.
7 Le 19 juillet 2022, le rapport final de l’enquête administrative a été transmis à l’AIPN. Les enquêteurs y concluaient que la requérante avait violé les articles 11 et 12 et l’article 17, paragraphe 1, du statut ainsi que l’article 4 du règlement 2018/1725 et les règles régissant l’utilisation des applications informatiques au sein du SGC, dont Sysper.
8 Le 12 septembre 2022, l’AIPN a informé la requérante qu’elle avait décidé d’ouvrir une procédure disciplinaire sans consultation du conseil de discipline.
9 Le 16 décembre 2022, l’AIPN a adopté la décision d’adresser une mise en garde à la requérante sur le fondement de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de l’annexe IX du statut, au motif qu’elle avait consulté une donnée à caractère personnel d’une collègue dans Sysper en dehors de ses fonctions professionnelles.
10 En février 2023, la requérante a quitté son poste au sein de l’unité [confidentiel] et a été détachée [confidentiel].
11 Le 1er mars 2023, la requérante a participé à un entretien d’évaluation avec sa première notatrice dans le cadre de l’exercice d’évaluation pour l’année 2022.
12 Le 7 mars 2023, la première notatrice a soumis un projet de rapport d’évaluation à la requérante.
13 Le 20 mars 2023, le rapport établi par la première notatrice a été émis (ci-après le « rapport d’évaluation initial »). Il contenait la mention « passable » s’agissant de l’évaluation de l’aptitude au « jugement » de la requérante. La première notatrice a indiqué, à cet égard, que, « [p]endant l’exercice de notation, le niveau de discernement et de jugement de [la requérante] n’a[vait] parfois pas été au niveau que l’on [était] en droit d’attendre d’une [confidentiel] expérimentée de [confidentiel] » et que, « [e]n particulier, elle n’a[vait] parfois pas prêté suffisamment attention aux aspects liés à la confidentialité et à la protection des données personnelles ». Dans l’appréciation globale, elle a ajouté, sur ce point, que « [la requérante devait] veiller à ne pas outrepasser les règles de la confidentialité et de la protection des données dans le domaine sensible où elle travaill[ait] » et que, « [a]u cours de l’exercice de notation, le discernement et le bon sens de [la requérante] à cet égard n’[avaient] parfois pas été à la hauteur de ce que l’on [était] en droit d’attendre d’une [confidentiel] classée à son grade ».
14 Le 3 avril 2023, la requérante a exprimé son désaccord avec le rapport d’évaluation initial.
15 Le 21 avril 2023 s’est tenu un deuxième entretien avec la première notatrice, à la suite duquel la première notatrice a maintenu son appréciation. La requérante a alors demandé, conformément à l’article 8, paragraphe 2, de la décision du Conseil du 19 octobre 1981 fixant les dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut, relatif aux rapports de notation (ci-après la « décision du 19 octobre 1981 »), que le rapport d’évaluation initial soit révisé par un second notateur.
16 Le 31 mai 2023, la deuxième notatrice a établi un second rapport d’évaluation (ci-après le « rapport d’évaluation révisé »), après s’être entretenue avec la requérante. Ce nouveau rapport d’évaluation a confirmé le rapport d’évaluation initial s’agissant de la mention « passable » en ce qui concernait l’aptitude au jugement, au motif que, « [p]endant l’exercice de notation, le niveau de discernement et de jugement de [la requérante] n’a[vait] parfois pas été au niveau que l’on [était] en droit d’attendre d’une [confidentiel] expérimentée de [confidentiel] ». Dans l’évaluation globale, la seconde notatrice énonce ce qui suit :
« Je constate qu[e,] à plusieurs reprises au cours de l’exercice de notation, [le] jugement et [le] discernement [de la requérante] n’étaient pas à la hauteur des exigences requises en matière d’application des règles de confidentialité et de protection des données, eu égard, en particulier, à sa qualité de [confidentiel] dotée de son expertise, de son expérience et de son grade. Bien que [la requérante] ait pu avoir besoin de temps pour actualiser sa connaissance des règles applicables, j’attends de mes collègues qu’ils fassent preuve de bon sens ainsi que de la plus grande retenue et qu’ils demandent conseil à leurs collègues ou à leurs supérieurs, lorsqu’ils traitent de[s] données sensibles [ou] à caractère personnel, et qu’ils hiérarchisent les actions nécessaires au respect des règles applicables en la matière. »
17 Le 12 juin 2023, la requérante a formulé ses observations sur le rapport d’évaluation révisé.
18 Le 8 août 2023, la requérante a fait appel du rapport d’évaluation révisé devant le comité des rapports en vertu de l’article 9 de la décision du 19 octobre 1981.
19 Le comité des rapports s’est entretenu avec la deuxième notatrice le 22 septembre 2023, avec la première notatrice, le 25 septembre 2023 et avec la requérante le 2 octobre 2023.
20 Le 17 octobre 2023, le comité des rapports a rendu son avis dans lequel il a considéré que le rapport d’évaluation révisé était valide. À la suite de cet avis, la deuxième notatrice a décidé de ne pas modifier le rapport d’évaluation révisé.
21 Le 28 novembre 2023, le rapport d’évaluation final a été adopté, le rapport d’évaluation révisé étant devenu définitif.
Conclusions des parties
22 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler le rapport d’évaluation final ;
– condamner le Conseil à réparer les préjudices matériel et moral qu’elle a subis du fait de l’abaissement de sa notation à hauteur d’un montant évalué ex æquo et bono et à titre provisoire à la somme de 30 000 euros, majorée d’intérêts moratoires à compter de la date du prononcé de l’arrêt ;
– condamner le Conseil aux dépens.
23 Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
24 Au soutien de ses conclusions en annulation visant le rapport d’évaluation final, la requérante invoque trois moyens, tirés, le premier de ce que le rapport d’évaluation final repose sur des faits matériellement erronés, le deuxième, d’erreurs manifestes d’appréciation et, le troisième, de la violation du droit d’être entendu et du principe de bonne administration.
25 Il y a lieu d’examiner d’abord le troisième moyen, avant de traiter ensemble les premier et deuxième moyens.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu et du principe de bonne administration
26 La requérante estime que son droit d’être entendue et le principe de bonne administration n’ont pas été garantis au cours de la procédure d’évaluation annuelle de l’année 2022, en violation de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).
27 À cet égard, la requérante soutient qu’elle n’a pas été informée suffisamment tôt de l’intention de la première notatrice d’abaisser sa notation. Or, selon la communication au personnel no 106/97 du SGC, du 22 juillet 1997, relative à l’application de l’article 43 du statut, le comité des rapports devrait suggérer que, si un premier notateur a constaté que le niveau d’un fonctionnaire a régressé ou s’il envisage de lui attribuer une note « laisse à désirer » dans son rapport, le fonctionnaire concerné doit en être informé suffisamment tôt lors d’une discussion informelle avec le premier notateur.
28 Ce manque d’information impliquerait que, au cours de la période de notation, la requérante n’a pas eu la possibilité d’évoquer la question de son « aptitude au jugement » avec la première notatrice, dans le but d’exposer son point de vue et de trouver une solution, conformément au droit d’être entendu. En effet, bien qu’une discussion informelle ait eu lieu entre la première notatrice et la requérante à l’occasion de l’entretien du 17 juin 2022, elle soutient qu’elle n’a pas été informée d’une quelconque défaillance de sa part à propos de son aptitude au jugement ou de toute autre question liée à son travail. Au contraire, la première notatrice aurait fait à cette occasion l’éloge de sa contribution au travail de l’unité. Ainsi, aucun commentaire négatif n’aurait été formulé sur son aptitude au jugement ni sur une éventuelle baisse de la qualité de son travail et aucune suggestion d’amélioration nécessaire de ses performances ne lui aurait été adressée.
29 En outre, il ressortirait de la partie 3, section B, de la communication au personnel no 99/89 du SGC, du 28 juillet 1989, relative au guide de la notation, que les notateurs sont invités à illustrer leurs commentaires par des exemples pratiques, ce que les notatrices de la requérante n’auraient pas été en mesure de fournir dans le rapport d’évaluation final. Plus précisément, le rapport d’évaluation initial et le rapport d’évaluation révisé seraient très imprécis en matière de références circonstanciées à des événements réels.
30 Étant donné que ce n’est qu’au stade de l’audition devant le comité des rapports que les notatrices auraient fourni la liste exhaustive des justifications alléguées, la requérante n’aurait jamais eu l’occasion de commenter ces justifications avant la clôture de l’exercice d’évaluation de l’année 2022. En outre, aucune attention ne lui aurait été prêtée lorsqu’elle aurait tenté de comprendre, puis de clarifier, les premiers exemples donnés par les notatrices lors des entretiens.
31 La requérante ajoute que l’une des raisons invoquées par la notatrice pour justifier l’abaissement de sa notation, à savoir le prétendu alignement des notes au sein de l’unité, ne saurait suffire à motiver à suffisance de droit l’abaissement de sa notation, même s’il était étayé par des faits, quod non.
32 Quant au quatrième point soulevé par la seconde notatrice, la requérante soutient qu’il n’a jamais été évoqué avec elle durant l’année 2022, ni à l’occasion de son évaluation, et que c’est en recevant l’avis du comité des rapports qu’elle a pris pour la première fois connaissance de cette question. Or, dans la mesure où les avis du comité des rapports ne sont pas des actes susceptibles de recours, la requérante n’aurait pas eu la faculté de prendre position ni d’être entendue à ce sujet.
33 Or, si la requérante avait pu se prononcer sur les événements spécifiques allégués qui ont conduit ses notatrices à abaisser ses notes, elle soutient qu’elle aurait été en mesure de démontrer que les faits allégués étaient erronés et de convaincre ses notatrices de revoir à la hausse son évaluation avant de la finaliser.
34 Le Conseil conteste l’argumentation de la requérante.
35 Il y a lieu de relever d’emblée que, dans le cadre du troisième moyen, l’argumentation de la requérante vise, en substance, à démontrer qu’elle n’a pas utilement été entendue.
36 À cet égard, il convient de rappeler que les droits de la défense, parmi lesquels compte le droit d’être entendu, figurent au nombre des droits fondamentaux qui font partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union et sont consacrés par la Charte (voir arrêt du 8 mai 2019, PT/BEI, T‑571/16, non publié, EU:T:2019:301, point 162 et jurisprudence citée).
37 Aux termes de l’article 41, paragraphe 2, de la Charte, le droit à une bonne administration comporte, notamment, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard (voir arrêt du 8 mai 2019, PT/BEI, T‑571/16, non publié, EU:T:2019:301, point 163 et jurisprudence citée).
38 Selon la jurisprudence, le droit d’être entendu s’applique à toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief, quand bien même la réglementation applicable ne le prévoirait pas (voir arrêt du 8 mai 2019, PT/BEI, T‑571/16, non publié, EU:T:2019:301, point 164 et jurisprudence citée).
39 Le principe du respect du droit d’être entendu exige que l’intéressé soit mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments qui pourraient être retenus à sa charge dans l’acte à intervenir. Dans le domaine de l’évaluation du personnel de l’Union, ce principe doit permettre à l’intéressé, au cours de la procédure d’évaluation, de se défendre face à l’allégation de faits susceptibles d’être retenus à sa charge dans le rapport d’évaluation (arrêt du 8 mai 2019, PT/BEI, T‑571/16, non publié, EU:T:2019:301, point 165).
40 Certes, ce principe ne saurait être interprété comme imposant à l’administration une obligation d’avertissement préalable antérieurement à la procédure aboutissant à une telle évaluation. Il implique, néanmoins, que l’administration, lors de la procédure d’évaluation, ne retienne pas contre l’intéressé des pièces qui ne figurent pas dans le dossier individuel de celui-ci ou qui ne lui ont pas été communiquées au préalable et, plus généralement, porte à sa connaissance l’ensemble des éléments susceptibles d’être retenus à sa charge avant que le rapport d’évaluation ne soit définitivement établi. Il s’agit, notamment, de permettre à l’administration de tenir utilement compte de l’ensemble des éléments pertinents et à l’intéressé de corriger une erreur ou de faire valoir tel ou tel élément relatif à sa situation personnelle qui milite pour que l’acte soit pris, ne soit pas pris ou ait tel ou tel contenu (voir arrêt du 8 mai 2019, PT/BEI, T‑571/16, non publié, EU:T:2019:301, point 166 et jurisprudence citée).
41 C’est pourquoi, la seule connaissance avérée, par l’intéressé, des éléments factuels qui sont à la base du rapport d’évaluation ne saurait suffire à établir qu’il a eu la possibilité de défendre utilement ses intérêts préalablement à l’adoption de ce rapport. Encore faut-il que l’administration mette l’intéressé en mesure de comprendre que ces éléments factuels sont de nature à justifier ledit rapport (voir arrêt du 8 mai 2019, PT/BEI, T‑571/16, non publié, EU:T:2019:301, point 167 et jurisprudence citée).
42 En outre, un dialogue de qualité est impératif au cours de l’exercice d’évaluation, ledit dialogue étant la clé du système de notation. La nature même d’un dialogue et son objet supposent un contact direct entre le noté et le notateur. Sans un échange direct, la notation ne saurait remplir pleinement sa fonction d’outil de gestion des ressources humaines et d’instrument d’accompagnement du développement professionnel de l’intéressé. Par ailleurs, seul ce contact est de nature à favoriser un dialogue franc et approfondi entre le notateur et le noté, leur permettant, d’une part, de mesurer avec exactitude la nature, les raisons et la portée de leurs divergences éventuelles et, d’autre part, de parvenir à une meilleure compréhension réciproque (voir arrêt du 25 octobre 2007, Lo Giudice/Commission, T‑27/05, EU:T:2007:321, points 48 et 49 et jurisprudence citée).
43 En l’occurrence, la décision du 19 octobre 1981 établit le cadre applicable à l’établissement des rapports d’évaluation annuels des fonctionnaires du SGC.
44 L’article 2, paragraphe 2, de la décision du 19 octobre 1981 dispose ce qui suit :
« Tout fonctionnaire fait l’objet d’une évaluation par deux notateurs choisis de sorte que le premier soit suffisamment proche du fonctionnaire faisant l’objet de son évaluation pour être en mesure d’apprécier en toute connaissance les mérites de celui‑ci et que le second soit en position de procéder à une évaluation éclairée par un recul suffisant pour pouvoir apprécier de manière globale le cas. »
45 En outre, lorsque l’intéressé conteste le rapport établi par le premier notateur, l’article 7 de la décision du 19 octobre 1981 dispose ce qui suit :
« 1. Lorsque le fonctionnaire faisant l’objet de l’évaluation n’est pas d’accord avec le rapport établi par le premier notateur[,] il peut, dans un délai de dix jours ouvrables après réception du rapport :
– demander un entretien avec le premier notateur, entretien qui doit avoir lieu dans les sept jours ouvrables à compter de la date de la demande [ ;]
– ajouter ses propres commentaires au rapport, accompagnés d’une demande de révision du rapport.
Le rapport doit être envoyé au premier notateur dans un délai de dix jours ouvrables.
2. Après l’entretien ou après réception de la demande de révision, le premier notateur établit un nouveau rapport ou maintient le rapport initial et le transmet au fonctionnaire faisant l’objet de l’évaluation, dans un délai de sept jours ouvrables […] »
46 L’article 8 de la décision du 19 octobre 1981 définit la procédure applicable en cas de désaccord du fonctionnaire noté avec le premier notateur sur le rapport d’évaluation initial. Il y est indiqué que, « [l]orsque le fonctionnaire faisant l’objet de l’évaluation n’accepte pas les conclusions du premier notateur, il signe le rapport, en y ajoutant une demande de révision par le deuxième notateur, et le retourne au premier notateur, dans un délai de sept jours ouvrables ». Ensuite, « [l]e premier notateur transmet le rapport sans délai au deuxième notateur ». Enfin, « [l]e deuxième notateur établit un nouveau rapport, qui se référera expressément au rapport du premier notateur et aux commentaires du fonctionnaire faisant l’objet de l’évaluation, et le transmet à ce dernier, dans un délai de quatorze jours ouvrables ».
47 En l’espèce, après que le rapport d’évaluation initial établi par la première notatrice a été contesté par la requérante, le rapport d’évaluation révisé a été établi par la seconde notatrice. Après l’établissement du rapport d’évaluation révisé par la seconde notatrice, la requérante a demandé l’intervention du comité des rapports, prévue à l’article 9 de la décision du 19 octobre 1981. Le rapport d’évaluation révisé est devenu définitif le 28 novembre 2023, à la suite de l’avis du comité des rapports du 17 octobre 2023.
48 Il ressort du dossier que la requérante a été entendue le 1er mars 2023 par la première notatrice dans le cadre de l’établissement du rapport d’évaluation initial et qu’elle a également été entendue le 21 avril 2023 par la première notatrice lors d’un deuxième entretien. Elle a ensuite été entendue par la deuxième notatrice le 31 mai 2023, dans le cadre de l’établissement du rapport d’évaluation final. La requérante a, en outre, eu l’occasion de présenter son point de vue au comité des rapports le 2 octobre 2023. Par ailleurs, le 3 février et le 17 juin 2022, des réunions informelles se sont tenues entre la requérante et la première notatrice.
49 Au soutien de son argumentation, premièrement, la requérante s’appuie, sur le point 5 de la communication no 106/97, qui énonce ce qui suit :
« Le Comité suggère qu[e,] au cas où un premier notateur aurait constaté qu’un fonctionnaire a régressé dans son travail ou qu’il envisage de lui attribuer un “laisse à désirer” dans son rapport, le fonctionnaire concerné en soit informé suffisamment tôt lors d’un entretien informel entre lui et le premier notateur : ainsi, ce fonctionnaire ne sera pas pris au dépourvu au moment du rapport et il aura eu l’occasion d’améliorer son travail avant que le rapport ne soit établi. Un tel entretien informel pourrait également constituer l’occasion d’exprimer la satisfaction lorsque des prestations exceptionnelles ont été accomplies. »
50 Cependant, il y a lieu de relever que le point 5 de la communication no 106/97 n’est pas applicable au présent litige dans la mesure où ladite communication a couvert l’établissement des rapports d’évaluation pour la période allant de 1995 à 1997. En tout état de cause, il convient de noter que le point 5 de la communication no 106/97 établit une suggestion, non contraignante, de bonne pratique.
51 Deuxièmement, la requérante se réfère à l’arrêt du 18 octobre 2023, Gomez Calavia/Cour de justice de l’Union européenne (T‑336/22, non publié, EU:T:2023:652, points 44 et 45), duquel il ressortirait que l’intention d’un notateur de rabaisser les notations en appliquant des critères plus rigoureux que de coutume constitue une « justification vague et générale » qui ne suffit pas, à elle seule, pour mettre l’intéressé en mesure de contester cette nouvelle lecture.
52 À cet égard, il y a lieu de relever que, en l’espèce, l’abaissement de la notation s’agissant de l’aptitude au jugement de la requérante est justifié, ainsi que cela est rappelé au point 16 ci-dessus, par la circonstance que celle-ci avait, à plusieurs reprises au cours de l’exercice d’évaluation, fait preuve d’un jugement et d’un discernement qui n’étaient pas à la hauteur des exigences requises en matière d’application des règles de confidentialité et de protection des données, eu égard, en particulier, à sa qualité de [confidentiel] dotée de son expertise, de son expérience et de son grade.
53 Il s’ensuit que, à la différence de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 octobre 2023, Gomez Calavia/Cour de justice de l’Union européenne (T‑336/22, non publié, EU:T:2023:652), qui concernait la motivation de la décision qui était attaquée, et non le droit d’être entendu, la motivation du rapport d’évaluation final ne saurait en tout état de cause être considérée comme une justification vague et générale qui ne suffit pas, à elle seule, pour mettre l’intéressé en mesure de contester sa notation.
54 Troisièmement, la requérante n’est pas fondée à soutenir qu’elle n’a pas eu l’occasion d’être utilement entendue sur les motifs ayant fondé l’abaissement de sa notation avant la clôture de l’exercice d’évaluation, dans la mesure où ce n’est qu’au stade de l’audition devant le comité des rapports que les notatrices ont fourni la liste exhaustive des motifs ayant fondé sa notation s’agissant de ses aptitudes en matière d’« aptitude au jugement ».
55 En effet, d’une part, il ressort expressément du rapport d’évaluation initial ainsi que du rapport d’évaluation final qu’il était reproché à la requérante de ne pas avoir toujours été à la hauteur des exigences requises en matière d’application des règles de confidentialité et de protection des données. Or, ainsi que cela est rappelé au point 48 ci-dessus, la requérante a été entendue le 1er mars 2023 par la première notatrice dans le cadre de l’établissement du rapport d’évaluation initial et a également été entendue le 21 avril 2023 par la première notatrice lors d’un deuxième entretien, entretiens au cours desquels ce reproche a été discuté. Elle a ensuite été entendue, le 31 mai 2023, par la deuxième notatrice dans le cadre de l’établissement du rapport d’évaluation final. En outre, elle a présenté ses observations écrites sur le rapport d’évaluation initial et sur le rapport d’évaluation final respectivement les 3 avril et 12 juin 2023.
56 D’autre part, il ressort de l’audition de la requérante devant le comité des rapports qu’elle reconnaît avoir été informée, lors de son deuxième entretien avec la première notatrice, que celle-ci avait relevé qu’elle mettait un temps excessif à obtenir sa clé de cryptage et qu’elle lui avait fait parvenir un courriel en provenance de sa messagerie électronique personnelle. Il y a également lieu de noter que la requérante admet, dans ses écritures, avoir « tenté de comprendre, puis de clarifier, les premiers exemples donnés par les notatrices lors des entretiens ».
57 Par ailleurs, la requérante a également été entendue le 2 octobre 2023 par le comité des rapports, avant que celui-ci rende son avis le 17 octobre 2023 et que le rapport d’évaluation devienne définitif.
58 Dans ces conditions, il y a lieu de juger que la requérante s’est vu offrir la possibilité d’être utilement entendue avant la finalisation du rapport d’évaluation final.
59 Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’allégation de la requérante selon laquelle, même si l’entretien du 31 mai 2023 avec la seconde notatrice a eu lieu formellement, son objectif n’a pas pu être atteint dès lors que le résultat était déjà connu d’avance, puisque la seconde notatrice aurait déclaré qu’elle n’avait aucune intention de modifier la notation émise par la première notatrice. En effet, force est de constater que ladite allégation ne repose sur aucun élément de preuve à son soutien.
60 Partant, il convient d’écarter le troisième moyen.
Sur les premier et deuxième moyens, tirés de ce que le rapport d’évaluation final repose sur des faits matériellement erronés et est entaché d’erreurs manifestes d’appréciation
61 Dans le cadre des premier et deuxième moyens, la requérante soutient, en substance, que le rapport d’évaluation final repose sur des erreurs de fait et est entaché d’erreurs manifestes d’appréciation.
62 Premièrement, la requérante avance que les notatrices lui reprochent une violation des données et de la confidentialité qui n’aurait pas eu lieu, l’AIPN n’ayant elle-même retenu aucune violation du règlement 2018/1725 dans la décision faisant l’objet du recours dans l’affaire pendante devant le Tribunal et enregistrée sous le numéro d’affaire T‑1047/23. En outre, contrairement aux déclarations émises par les notatrices devant le comité des rapports, la requérante n’aurait jamais admis ni reconnu avoir récupéré ou divulgué des informations confidentielles.
63 Deuxièmement, les notatrices reprocheraient injustement à la requérante un retard dans l’obtention de sa clé de cryptage, alors que celui-ci serait dû à un dysfonctionnement interne du SGC, étranger à ses actes et à sa bonne volonté. La requérante avance à cet égard qu’il ressort des correspondances internes pertinentes que, d’une part, elle s’est adressée à plusieurs reprises au service informatique et que, d’autre part, elle a sollicité l’aide du chef de bureau de son unité, en vain.
64 Troisièmement, les notatrices reprocheraient également à la requérante un problème technique qui devrait en fait être imputé au SGC lui-même et à son service technique, à savoir l’envoi par l’intermédiaire de la messagerie électronique Gmail d’un courriel à caractère professionnel.
65 La requérante soutient que, le 20 mars 2022, elle a elle-même découvert ce problème technique, alors qu’elle était en congé de maladie, et qu’elle l’a immédiatement signalé à la première notatrice.
66 En outre, la ligne d’assistance aurait reconnu que le problème résultait de la mauvaise configuration par le service informatique de l’application de la messagerie électronique de la requérante sur son téléphone au SGC. Cela serait également confirmé par le chef du bureau du service clientèle informatique de la direction « Smart Digital Solutions du SGC ».
67 Quatrièmement, la seconde notatrice aurait reproché à la requérante, pour la première fois lors des auditions devant le comité des rapports, un avis exprimé pendant une réunion. Elle n’aurait toutefois pas identifié la date et la teneur des opinions de la requérante ni les raisons pour lesquelles elle se serait trouvée dans une situation délicate.
68 Cinquièmement, la requérante avance qu’il est erroné d’affirmer que les notes des [confidentiel] ont été généralement abaissées depuis l’année 2021, année de la prise de fonctions de la première notatrice en qualité de chef d’unité, et que l’abaissement de ses notes était dû à l’alignement sur les notes attribuées aux autres [confidentiel].
69 Le Conseil conteste l’argumentation de la requérante.
70 À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation à celle des personnes chargées d’évaluer le travail de la personne notée. En effet, un large pouvoir d’appréciation est reconnu aux évaluateurs dans les jugements relatifs au travail des personnes qu’ils ont la charge de noter. Dès lors, le contrôle juridictionnel exercé par le juge de l’Union sur le contenu des rapports d’évaluation est limité au contrôle de la régularité procédurale et de la bonne application des règles de droit, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (voir arrêt du 15 juin 2022, QI/Commission, T‑122/21, non publié, EU:T:2022:361, point 96 et jurisprudence citée).
71 À cet égard, lorsque l’AIPN explicite les motifs à l’origine de l’évaluation d’un notateur par la référence à des faits matériels précis, le juge de l’Union doit vérifier que ces motifs reposent sur des faits matériellement exacts. Ce faisant, le juge ne substitue pas son appréciation à celle des notateurs, mais se limite à contrôler si les faits à l’origine de cette évaluation sont matériellement exacts (voir arrêt du 16 mars 2022, TA/Parlement, T‑314/21, non publié, EU:T:2022:143, point 42 et jurisprudence citée).
72 En outre, il y a lieu de relever qu’une erreur peut seulement être qualifiée de manifeste lorsqu’elle peut être aisément détectée à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner l’exercice d’un pouvoir décisionnel (arrêt du 15 juin 2022, QI/Commission, T‑122/21, non publié, EU:T:2022:361, point 97).
73 En conséquence, afin d’établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation du rapport d’évaluation contesté, les éléments de preuve qu’il incombe à la requérante d’apporter doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans lesdits rapports. En d’autres termes, le grief tiré d’une erreur manifeste d’appréciation doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la requérante, l’appréciation contestée peut toujours être admise comme étant justifiée et cohérente (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2022, QI/Commission, T‑122/21, non publié, EU:T:2022:361, point 98 et jurisprudence citée).
74 Il en va particulièrement ainsi lorsque la décision en cause est entachée d’erreurs d’appréciation qui, prises dans leur ensemble, ne présentent qu’un caractère mineur insusceptible d’avoir déterminé l’administration (voir arrêt du 18 mars 2015, Rajala/OHMI, F‑24/14, EU:F:2015:10, point 44 et jurisprudence citée).
75 C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante au soutien des premier et deuxième moyens, tirés d’erreurs de fait et d’erreurs manifestes d’appréciation dans le rapport d’évaluation final.
76 Il convient de rappeler que le rapport d’évaluation initial, établi par la première notatrice, a été contesté par la requérante et qu’il a donc fait l’objet d’une révision par la seconde notatrice, celle-ci ayant établi le rapport d’évaluation révisé, devenu le rapport d’évaluation final. Ledit rapport est devenu définitif le 28 novembre 2023, après que le comité des rapports a rendu son avis le 17 octobre 2023.
77 En substance, le rapport d’évaluation final a confirmé le rapport d’évaluation initial s’agissant de la mention « passable » en ce qui concerne l’aptitude au jugement, au motif que, « [p]endant l’exercice de notation, le niveau de discernement et de jugement de [la requérante] n’a[vait] parfois pas été au niveau que l’on [était] en droit d’attendre d’une [confidentiel] expérimentée de [confidentiel] ». Dans l’évaluation globale, la seconde notatrice énonce ce qui suit :
« Je constate qu[e] à plusieurs reprises au cours de l’exercice de notation, [le] jugement et [le] discernement [de la requérante] n’étaient pas à la hauteur des exigences requises en matière d’application des règles de confidentialité et de protection des données, eu égard, en particulier, à sa qualité de [confidentiel] de [confidentiel] dotée de son expertise, de son expérience et de son grade. Bien que [la requérante] ait pu avoir besoin de temps pour actualiser sa connaissance des règles applicables, j’attends de mes collègues qu’ils fassent preuve de bon sens ainsi que de la plus grande retenue et qu’ils demandent conseil à leurs collègues ou à leurs supérieurs, lorsqu’ils traitent de[s] données sensibles [ou] à caractère personnel, et qu’ils hiérarchisent les actions nécessaires au respect des règles applicables en la matière ».
78 Lors de son audition devant le comité des rapports, la première notatrice a précisé qu’il y avait « trois raisons principales justifiant la note “passable” attribuée concernant l’“aptitude au jugement” », à savoir « i) une violation de la protection des données via l’accès à Sysper, que [la requérante] possédait, bien que la version ultérieure des évènements a[vait] éventuellement changé ; ii) [le fait que] tous [confidentiel] [étaient] tenus de posséder une clé de cryptage [et que la requérante] a[vait] pris un très long temps pour obtenir la sienne ; iii) [le fait que,] en mars 2022, [la requérante] a[vait] envoyé [à la première notatrice] un courriel professionnel avec son adresse Gmail ». Elle a également indiqué que l’abaissement de la notation de la requérante était lié à « son alignement avec les notes attribuées aux autres [confidentiel], qui en avaient déjà fait l’expérience en 2021 quand [la première notatrice] avait rejoint l’unité ».
79 Lors de son audition devant le comité des rapports, la seconde notatrice a également précisé les raisons qui l’avaient amenée à confirmer la mention « passable » attribuée à la requérante en ce qui concernait l’« aptitude au jugement ». Le procès-verbal de cette audition énonce ce qui suit :
« En ce qui concerne la notation “passable” relative au “jugement”, [la seconde notatrice] a maintenu qu’[elle] avait été informée d’un certain nombre de problèmes : i) une violation de la protection des données via l’accès à Sysper, que la fonctionnaire notée a reconnue ; cette violation donne une image particulièrement mauvaise d’une unité chargée de traiter des questions sensibles relatives au personnel ; ii) [la requérante] a pris beaucoup de temps pour obtenir sa clé de cryptage, alors que tous ses collègues l’ont obtenue relativement rapidement ; iii) [la requérante] a envoyé une question relative à son travail par courrier électronique privé à [la première notatrice] ; iv) au cours d’une réunion organisée dans le cadre d’une procédure concernant l’article 42 quater, [la requérante] a exprimé des points de vue qui ont placé [la deuxième notatrice] dans une situation difficile. [La deuxième notatrice] a toutefois ajouté que les actes [de la requérante] avaient été inspirés par de bonnes intentions. »
80 Ainsi que cela est rappelé au point 71 ci-dessus, lorsque les notateurs explicitent les motifs à l’origine de leurs évaluations par la référence à des faits matériels précis, le juge de l’Union doit vérifier que ces motifs reposent sur des faits matériellement exacts. En l’espèce, tel que cela est exposé aux points 78 et 79 ci-dessus, les notatrices ont étayé, lors de leurs auditions devant le comité des rapports, par des exemples concrets, le jugement de valeur par lequel elles ont reproché à la requérante d’avoir fait preuve d’un manque de discernement et de jugement en matière d’application des règles de confidentialité et de protection des données, en faisant référence à quatre exemples concrets.
81 La requérante conteste à la fois l’exactitude matérielle des motifs invoqués par les notatrices et l’appréciation selon laquelle lesdits motifs témoigneraient du manque de discernement et de jugement qui lui est reproché.
82 S’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle c’est sans fondement qu’une violation de la protection de données à caractère personnel lui est reprochée, il convient de relever qu’il n’est pas contesté que, au mois d’avril 2022, la requérante a consulté le grade d’une collègue par le biais de Sysper, de sorte qu’il n’y a pas lieu de douter de l’exactitude matérielle de ladite consultation.
83 En outre, la requérante soutient que la consultation de la donnée litigieuse était légitime du fait que celle-ci était pertinente aux fins de l’exercice de ses fonctions de [confidentiel] et qu’aucune divulgation d’information ne s’est produite.
84 Toutefois, à cet égard, il convient de noter que, d’une part, les notatrices n’ont pas reproché à la requérante d’avoir divulgué une donnée personnelle et que, d’autre part, la consultation de la donnée en cause s’est faite sur l’initiative propre de la requérante, et non dans le cadre d’une tâche professionnelle qui lui aurait été assignée par sa hiérarchie, ce que la requérante a confirmé à l’audience.
85 De plus, lors de l’audience et en réponse à une question du Tribunal, le Conseil a précisé que les appréciations formulées par les notatrices dans le rapport d’évaluation final ne se fondaient pas sur l’issue des procédures administrative et disciplinaire dont la requérante avait fait l’objet en raison de la consultation de la donnée litigieuse, mais sur la consultation litigieuse elle-même, laquelle constituait un fait dont les notatrices, parmi lesquelles la cheffe d’unité de la requérante, avaient connaissance dans la mesure où celui-ci s’était produit au sein de ladite unité et avait fait l’objet d’une enquête interne.
86 Dans ce contexte, sans qu’il soit nécessaire de trancher la question de savoir si les notatrices étaient fondées à se référer, lors de leurs auditions respectives devant le comité des rapports, à la qualification de « violation de la protection de données » prétendument commise par la requérante (voir points 78 et 79 ci-dessus), il y a lieu de considérer qu’elles ont pu estimer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que le jugement et le discernement de la requérante n’avaient pas été à la hauteur des exigences requises en matière d’application des règles de confidentialité et de protection des données, eu égard, en particulier, à sa qualité de [confidentiel] dotée de son expertise, de son expérience et de son grade, du fait de la consultation, par le biais de Sysper, de la donnée litigieuse. Dans ce contexte, les éléments de preuve apportés par la requérante ne sont pas suffisants pour priver de plausibilité l’appréciation « passable » retenue par les notatrices en ce qui concerne l’aptitude au jugement, au sens de la jurisprudence citée au point 73 ci-dessus.
87 Cette conclusion n’est pas susceptible d’être remise en cause par la contestation par la requérante du bien-fondé des motifs additionnels évoqués par les notatrices lors de leurs auditions respectives devant le comité des rapports. En effet, dans la mesure où le Conseil a pu fonder l’appréciation « passable » figurant dans le rapport d’évaluation final sur la consultation litigieuse, il n’y a pas lieu d’analyser si les autres motifs indiqués par les notatrices sont de nature à étayer davantage cette conclusion.
88 À la lumière de ces éléments, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas démontré l’existence d’une erreur dans la matérialité des faits ni d’une erreur manifeste dans l’appréciation « passable » portée sur son jugement, cette appréciation pouvant être admise comme étant justifiée et cohérente au sens de la jurisprudence citée au point 73 ci-dessus.
89 Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’écarter les premier et deuxième moyens du recours et de rejeter les conclusions en annulation du rapport d’évaluation final dans leur ensemble.
Sur les conclusions indemnitaires
90 La requérante soutient avoir subi un préjudice moral et un préjudice matériel, évalués ex æquo et bono à 30 000 euros.
91 En premier lieu, s’agissant du préjudice moral, la requérante avance que la condition relative à l’illégalité du comportement est satisfaite eu égard à l’illégalité du rapport d’évaluation final et aux manquements du SGC. Les fausses accusations portées à l’encontre de la requérante dans le rapport d’évaluation final auraient porté atteinte à sa dignité, à sa réputation professionnelle et à sa santé. En outre, le comportement de l’administration au cours de la procédure d’évaluation lui aurait causé une tension et une anxiété importantes.
92 Dans ces conditions, la requérante estime avoir subi un préjudice moral évalué ex æquo et bono à 10 000 euros qui ne peut être réparé par le retrait tardif du rapport d’évaluation final.
93 En second lieu, s’agissant du préjudice matériel, celui-ci résulterait des notes injustifiées attribuées à la requérante dans le rapport d’évaluation final et qui ont anéanti ses chances de promotion en 2023. En effet, le système de promotion au sein du SGC étant fondé sur les notes résultant de tous les rapports d’évaluation établis pour un grade donné et la requérante n’ayant pas été évaluée en 2020 ni en 2021 en raison de son état de santé, la note très basse que lui a attribuée le rapport d’évaluation final en 2022 aurait entraîné la perte de toute chance de promotion en 2023, ce qui réduirait également ses chances de promotion en 2024 et les années suivantes.
94 En outre, une évaluation « passable » figurant dans le rapport final de la requérante limiterait fortement ses chances d’évolution de carrière à venir au sein du SGC, cette note n’étant attribuée au SGC que très rarement et en cas de manquements graves et répétés aux devoirs et obligations basiques du personnel, après plusieurs rappels ciblés de la hiérarchie et en cas de refus de tout effort d’amélioration des intéressés, autant d’éléments qui seraient étrangers au cas de la requérante.
95 La requérante souligne que, au moment du dépôt de la requête, elle était détachée auprès d’une autre institution, mais que son détachement prend fin en janvier 2025 et que le rapport final d’évaluation entrave sérieusement ses chances de postuler avec succès à un poste au sein de l’institution d’accueil, dans laquelle elle se sentirait heureuse et appréciée, ce qui aurait un impact positif sur sa santé. En outre, le même scénario se produirait si la requérante décidait de revenir au SGC.
96 Selon la requérante, l’abaissement de ses notes dans le rapport d’évaluation vise à bloquer sa carrière après sa décision de quitter l’unité [confidentiel] et a été décidé en représailles aux démarches juridiques qu’elle avait entreprises pour défendre ses droits contre de fausses accusations et une procédure irrégulière, ainsi que cela est exposé dans l’affaire enregistrée sous le numéro T‑1047/23. Cela transparaîtrait avec évidence de l’examen des deux entretiens divergents qu’elle a eus avec sa cheffe d’unité, dans la mesure où, lors de la première réunion bilatérale du mois de juin 2022, elle était encore considérée comme un élément précieux de l’unité et aucune recommandation n’avait été émise pour qu’elle améliore son aptitude au jugement. Or, lors de l’entretien d’évaluation du 1er mars 2023, elle n’aurait soudainement « pas répondu aux attentes » et son aptitude au jugement serait devenue « passable ».
97 La requérante demande à ce titre la réparation du préjudice matériel consécutif, évalué ex æquo et bono à 20 000 euros.
98 Le Conseil conteste l’argumentation de la requérante.
99 En ce qui concerne le préjudice moral invoqué par la requérante, il y a lieu de constater que celui-ci se fonde sur la circonstance que le rapport d’évaluation final est entaché d’illégalités, en ce sens qu’il contiendrait de fausses accusations contre elle concernant le traitement d’informations confidentielles.
100 En ce qui concerne le préjudice matériel invoqué par la requérante, celui-ci repose, en substance, sur la circonstance que l’évaluation « passable » dans le rapport d’évaluation final porte atteinte à ses chances de trouver un poste correspondant à ses qualifications et d’être promue.
101 Or, selon une jurisprudence constante, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice doivent être rejetées dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont elles-mêmes été rejetées soit comme irrecevables soit comme non fondées (voir arrêt du 13 juillet 2022, TL/Commission, T‑438/21, non publié, EU:T:2022:455, point 87 et jurisprudence citée).
102 Dans ce contexte, compte tenu de ce que les conclusions indemnitaires présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation, il y a lieu de les rejeter et, partant, de rejeter le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
103 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) AF est condamnée aux dépens.
da Silva Passos | Półtorak | Reine |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er octobre 2025.
Signatures