ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

8 octobre 2025 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Harcèlement moral – Enquête administrative – Article 12 bis du statut – Demande d’assistance – Rejet de la demande – Article 24 du statut – Obligation de motivation – Impartialité – Droit d’être entendu – Durée de la procédure administrative – Délai raisonnable – Erreur d’appréciation – Responsabilité – Préjudice moral »

Dans l’affaire T‑117/24,

CQ, représenté par Me L. Levi, avocate,

partie requérante,

contre

Comité économique et social européen (CESE), représenté par Mmes M. Pascua Mateo, K. Gambino et M. L. Camarena Januzec, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. L. Truchot, président, H. Kanninen et M. Sampol Pucurull (rapporteur), juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 12 mars 2025,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, CQ, demande, d’une part, l’annulation de la décision du Comité économique et social européen (CESE) du 5 mai 2023, par laquelle celui-ci a rejeté la demande d’assistance qu’il avait introduite à la suite du harcèlement moral dont il aurait fait l’objet (ci-après la « décision attaquée ») et, d’autre part, la réparation du préjudice moral qu’il aurait subi du fait de cette décision.

 Antécédents du litige

2        Le requérant est entré au service du CESE le 1er janvier 2006 en qualité de fonctionnaire, en tant qu’administrateur. Le 1er avril 2015, il est devenu chef de secteur au sein de l’unité [confidentiel](1).

3        Le 15 janvier 2020, le requérant a adressé au secrétaire général du CESE (ci-après le « secrétaire général ») une demande d’assistance sur le fondement de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), au motif qu’il était victime d’un harcèlement moral de la part de son chef d’unité (ci-après le « chef d’unité »), [confidentiel]. Il a joint sept annexes à la demande d’assistance, à savoir une « chronologie indicative des faits principaux, avec commentaires et références » et une série de six annexes détaillant plus précisément certains faits.

4        Le requérant concluait la demande d’assistance en demandant, en substance, au CESE, premièrement, de reconnaître la réalité des conduites abusives subies de la part du chef d’unité, deuxièmement, de lui accorder la protection de l’article 12 bis, paragraphe 2, du statut et de le protéger contre les conséquences qui pourraient encore découler du harcèlement moral subi, en particulier à l’occasion des prochains exercices de notation et de promotion, troisièmement, de reconnaître et de réparer les préjudices subis, y compris les frais exposés pour assurer sa défense, quatrièmement, de garantir la confidentialité et l’anonymat du traitement de la demande d’assistance et, cinquièmement, d’ordonner l’ouverture d’une enquête administrative, conduite par l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC) ou tout autre organe d’enquête externe, pour des raisons d’équité et d’impartialité.

5        Le 16 janvier 2020, le requérant a quitté le CESE et rejoint une institution de l’Union.

6        Par courrier du 8 mai 2020, le directeur des ressources humaines et des finances du CESE (ci-après le « directeur des ressources humaines »), informait le requérant de son intention de recommander au secrétaire général l’ouverture d’une enquête administrative, sur la base de l’article 86 du statut. Il indiquait également que, en l’absence d’accord avec l’IDOC ou avec des enquêteurs externes, l’enquête serait conduite en interne.

7        Par courrier électronique du 29 juin 2020, le directeur des ressources humaines a proposé au secrétaire général d’adopter une décision d’ouverture d’une enquête administrative, sur le fondement de l’article 86, paragraphe 2, et de l’annexe IX du statut.

8        Le 7 août 2020, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision implicite de rejet de la demande d’assistance qui est intervenue le 15 mai 2020, en l’absence de décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») adoptée dans le délai de quatre mois à compter du dépôt de ladite demande.

9        Par décision du 4 décembre 2020, le secrétaire général a ouvert une enquête administrative sur l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut ou de tout autre comportement inapproprié du chef d’unité à l’égard du requérant, susceptible d’enfreindre l’article 12 du statut ou le point II D, intitulé « Devoir de respect à l’égard des collègues », du guide sur les obligations des fonctionnaires et agents du CESE, durant la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2019.

10      Par lettre du 18 décembre 2020, le requérant a demandé à la présidente du CESE de se charger de la conduite de l’enquête administrative et d’en décharger le secrétaire général, par dérogation expresse aux dispositions du CESE en matière de délégation de pouvoirs de l’AIPN concernant le traitement des enquêtes administratives.

11      Le 8 janvier 2021, le secrétaire général a informé le directeur-général de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) de l’ouverture de l’enquête administrative. Il a par ailleurs expliqué les raisons justifiant le délai d’adoption de la décision d’ouverture de ladite enquête.

12      Le 25 février 2021, les enquêteurs ont organisé une audition du requérant. Le même jour, le requérant a transmis aux enquêteurs un document intitulé « Éléments factuels additionnels » ainsi qu’un dossier médical.

13      Le 22 mars 2021, le requérant a communiqué aux enquêteurs des documents additionnels.

14      Le 31 août 2021, le chef d’unité a été auditionné par les enquêteurs et leur a remis un document intitulé « Chronologie factuelle » expliquant sa relation avec le requérant. L’audition s’est poursuivie le 2 septembre 2021.

15      Le 9 décembre 2021, le panel d’enquête a adressé au requérant les conclusions de l’enquête administrative initiale.

16      Le 19 décembre 2021, le requérant a présenté ses observations sur les conclusions de l’enquête administrative initiale.

17      Le 8 février 2022, le chef d’unité a été auditionné, conformément à l’article 3 de l’annexe IX du statut.

18      Le 21 février 2022, le secrétaire général a communiqué au requérant le rapport final d’enquête administrative du 21 décembre 2021 (ci-après le « rapport d’enquête initiale »), dans lequel les enquêteurs ont conclu à l’absence de violation de l’article 12 ou de l’article 12 bis du statut. Il a également joint les annexes du rapport d’enquête, à savoir, notamment, les comptes rendus d’auditions de cinq témoins et le refus, exprimé par courriel, de deux personnes de participer à une audition en tant que témoins. Il a convoqué le requérant à une audition fixée le 11 mars 2022.

19      Le 2 mars 2022, la direction des ressources humaines et des finances du CESE a communiqué au requérant, à la demande de celui-ci, les comptes rendus des deux auditions du chef d’unité ainsi que le document intitulé « Chronologie factuelle » joint au compte rendu de la première audition.

20      Le 11 mars 2022, le requérant a été auditionné par le secrétaire général, en présence de son avocate, du directeur des ressources humaines, d’un représentant du service juridique et d’une secrétaire. Un projet de transcription d’audition a été établi. Par courriel du 17 mars 2022, le requérant a transmis le texte des déclarations qui ont servi de base à ses interventions. Le 10 mai 2022, il a présenté ses commentaires sur ledit projet.

21      Par décision no 119/22 A, du 18 mai 2022, le secrétaire général a ordonné un complément d’enquête pour vérifier les faits allégués par le requérant dans la demande d’assistance et dans les documents présentés les 25 février et 22 mars 2021, à la lumière des observations qu’il avait formulées lors de l’audition du 11 mars 2022, ainsi que des allégations formulées par le chef d’unité lors de l’audition du 8 février 2022. Il a également décidé de recueillir les témoignages de plusieurs témoins additionnels.

22      Le 18 août 2022, les conclusions de l’enquête administrative complémentaire ont été communiquées au requérant. Le 25 août, le chef d’unité a présenté ses observations sur lesdites conclusions. Le 31 août 2022, le requérant a présenté les siennes.

23      Par courriel du 14 octobre 2022, l’avocate du requérant a interrogé le secrétaire général et le directeur des ressources humaines sur l’état d’avancement du traitement de la demande d’assistance. Elle indiquait également que le requérant n’avait pas eu accès aux « pièces venant au soutien de ce complément d’enquête ».

24      Le 22 octobre 2022, le secrétaire général a communiqué au requérant le rapport final de l’enquête administrative daté du 19 octobre 2022 (ci-après le « rapport d’enquête complémentaire »). Les enquêteurs y confirmaient les conclusions du rapport d’enquête initiale selon lesquelles ils n’avaient ni trouvé d’indices irréfutables ni recueilli des témoignages concluants pouvant indiquer que le chef d’unité avait commis une violation des articles 12 et 12 bis du statut. Le secrétaire général convoquait également le requérant à une audition le 7 novembre 2022.

25      Par courrier électronique du 28 octobre 2022, le requérant a informé le CESE qu’il ne serait pas en mesure de participer à l’audition du 7 novembre 2022, en raison du délai insuffisant pour s’y préparer au vu de la quantité d’informations transmises le 22 octobre 2022, de leur caractère sensible et de sa charge de travail très importante.

26      Par courrier électronique du 7 novembre 2022, le secrétaire général a informé le requérant que la date d’audition était reportée au 18 novembre 2022. Le 9 novembre 2022, le requérant a informé le secrétaire général qu’il ne serait pas en mesure de participer à une audition avant le mois de janvier 2023 en raison de sa charge de travail.

27      Par courrier électronique du 14 novembre 2022, le secrétaire général a informé le requérant que la date d’audition était désormais fixée au 25 novembre 2022. Le 15 novembre 2022, l’avocate du requérant a décliné cette nouvelle date d’audition. Celle-ci a par ailleurs sollicité la communication des procès-verbaux d’audition de témoins, le cas échéant, anonymisés.

28      Le 23 novembre 2022, le secrétaire général a fixé au 8 décembre 2022 le délai pour présenter des observations écrites. Il a également communiqué au requérant les témoignages anonymisés recueillis dans le cadre de l’enquête complémentaire.

29      Le 1er décembre 2022, le requérant a décliné l’invitation à soumettre des observations par écrit en raison de sa charge de travail. Par courrier électronique du 7 décembre 2022, le secrétaire général a réitéré son invitation à présenter des observations écrites, en fixant le délai au 12 décembre 2022.

30      Par courrier électronique du 14 décembre 2022, le requérant a présenté des observations écrites.

31      Le 5 mai 2023, le directeur des ressources humaines, en sa qualité d’AIPN, a adopté la décision attaquée. L’AIPN a estimé que par ses agissements, le chef d’unité n’avait manqué ni à son devoir de s’abstenir de tout harcèlement moral, au sens de l’article 12 bis du statut, ni à l’obligation de traiter tout collègue avec dignité, au sens du point II D du guide sur les obligations des fonctionnaires et agents du CESE.

32      Par lettre du 4 juillet 2023, le requérant a présenté au délégué à la protection des données du CESE une demande d’accès au titre de l’article 17 du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39), portant sur l’ensemble des documents du CESE relatifs à la demande d’assistance et visant la période allant du 15 janvier 2020 au 4 juillet 2023, ainsi que les échanges du CESE avec l’OLAF et avec le Parlement européen. Il a indiqué avoir connaissance de la communication par le CESE à l’OLAF d’informations le concernant aux mois de janvier 2021 et juin 2023.

33      Le 17 juillet 2023, le requérant a introduit une nouvelle réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut (ci-après la « réclamation »). À l’appui de cette réclamation, il invoquait, premièrement, une sélection arbitraire des faits retenus par l’AIPN, deuxièmement, une présentation superficielle des faits retenus, troisièmement, le manque d’impartialité de l’AIPN, quatrièmement, des faits de harcèlement de la part du chef d’unité et, cinquièmement, la durée déraisonnable du traitement de la demande d’assistance.

34      Par lettre du 24 juillet 2023, le secrétaire général, en réponse à la demande d’accès à ses données personnelles du 4 juillet 2023, a communiqué au requérant la copie des courriers du 8 janvier 2021 et du 9 juin 2023 adressés par le CESE à l’OLAF.

35      Le 10 août 2023, le requérant a introduit un complément de réclamation auprès de l’AIPN, à la suite de la réponse du 24 juillet 2023 à sa demande d’accès. Il faisait valoir le caractère partiel de cette réponse et un sentiment d’insécurité juridique.

36      Par décision du 13 novembre 2023, notifiée au requérant le 14 novembre, le secrétaire général a rejeté la réclamation (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Conclusions des parties

37      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner le CESE à la réparation de son préjudice moral évalué ex æquo et bono à 60 000 euros ;

–        condamner le CESE aux dépens.

38      Le CESE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation

39      Le requérant invoque, en substance, quatre moyens tirés, le premier, d’une violation de l’obligation de motivation, le deuxième, d’une violation des garanties procédurales prévues à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), en particulier d’une violation du devoir d’impartialité, du droit d’être entendu et de l’obligation d’agir dans un délai raisonnable, le troisième, d’une violation de l’article 24 du statut et du devoir de diligence et, le quatrième, d’erreurs d’appréciation au regard de la définition du harcèlement moral prévue à l’article 12 bis du statut.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

40      Le requérant fait valoir que le CESE a violé l’obligation de motivation en ne répondant pas à ses commentaires et critiques, tant au stade de la procédure d’enquête que dans le cadre de la réclamation. Il admet qu’une décision adoptée à la suite d’une enquête puisse faire reposer sa motivation sur le rapport clôturant ladite enquête. Toutefois, il soutient que l’administration est tenue d’exposer, dans ledit rapport, les motifs rejetant la demande d’assistance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

41      Le CESE conteste les arguments du requérant.

42      Selon une jurisprudence bien établie, la motivation des actes des institutions de l’Union européenne, également exigée à l’article 296 TFUE et à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte, doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, de l’organe ou de l’organisme de l’Union, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction de toutes les circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 21 juin 2023, UG/Commission, T‑571/17 RENV, EU:T:2023:351, point 36 et jurisprudence citée). L’administration n’est ainsi pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle (voir arrêt du 14 juillet 2021, BG/Parlement, T‑253/19, non publié, EU:T:2021:459, point 64 et jurisprudence citée).

43      En l’espèce, d’une part, l’AIPN a estimé dans la décision attaquée que, par ses agissements, le chef d’unité n’avait manqué ni à son devoir de s’abstenir de tout harcèlement moral en vertu de l’article 12 bis du statut, ni à l’obligation de traiter tout collègue avec dignité tel qu’il est prévu au point II D du guide sur les obligations des fonctionnaires et agents du CESE. Elle a ainsi constaté qu’il n’y avait eu ni atteinte à la dignité du requérant, ni manque de respect à son égard, ni réunion des éléments constitutifs d’un harcèlement moral.

44      L’AIPN s’est notamment appuyée sur le rapport d’enquête initiale et sur le rapport d’enquête complémentaire, sur lesquels le requérant a présenté des observations et aux termes desquels, en l’absence d’indices irréfutables ainsi que de témoignages concluants, le chef d’unité ne saurait être regardé comme ayant enfreint les articles 12 et 12 bis du statut. Elle a par ailleurs analysé neuf comportements et événements parmi ceux allégués par le requérant dans la demande d’assistance. Elle a alors estimé, au regard de la jurisprudence, qu’aucun des comportements ou événements en cause, pris isolément, ne caractérisait une situation abusive et que, même considérés dans leur ensemble, ces éléments ne permettaient pas de conclure à l’existence d’un harcèlement moral.

45      Dans ces conditions, l’AIPN n’étant pas tenue, pour satisfaire à l’obligation de motivation, de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle, ainsi que cela résulte de la jurisprudence citée au point 42 ci-dessus, il y a lieu de considérer que la motivation de la décision attaquée est suffisante. Ladite motivation fait apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement au terme duquel l’AIPN a notamment conclu que le comportement du chef d’unité n’était pas constitutif d’un harcèlement moral. Le requérant a donc été mis en mesure d’en comprendre la portée et de faire valoir ses droits devant le Tribunal, et le juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de cette décision.

46      D’autre part, le requérant fait valoir que le CESE a commis une violation de l’obligation de motivation dans la décision de rejet de la réclamation en ne répondant pas aux griefs relatifs à l’examen limité des faits allégués dans la demande d’assistance.

47      Il suffit toutefois de constater que la décision de rejet de la réclamation ne fait pas l’objet du présent recours de sorte que l’argument du requérant est inopérant.

48      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des garanties procédurales de l’article 41 de la Charte

49      Le présent moyen s’articule, en substance, en trois branches tirées, la première, d’une violation du devoir d’impartialité, la deuxième, d’une violation du droit d’être entendu et, la troisième, d’une violation du devoir d’agir dans un délai raisonnable.

–       Sur la première branche, tirée d’une violation du devoir d’impartialité

50      Le requérant reproche au CESE une violation du devoir d’impartialité, tel que garanti à l’article 41, paragraphe 1, de la Charte.

51      En premier lieu, au soutien d’un premier grief, le requérant invoque, en substance, une violation de l’impartialité objective de la procédure. Il fait premièrement valoir que le secrétaire général l’a désigné comme « personne concernée » dans le cadre de l’enquête complémentaire engagée à la suite des allégations du chef d’unité à son égard. Deuxièmement, il reproche au CESE de ne pas avoir justifié le délai écoulé entre l’adoption, par le secrétaire général, le 31 janvier 2023, de la décision de clôturer sans suite la procédure d’enquête visant le chef d’unité et l’adoption, le 5 mai 2023, de la décision attaquée. Troisièmement, il fait valoir que, avant d’être nommé secrétaire général, ce dernier avait assuré les fonctions de directeur des ressources humaines et, à ce titre, était son supérieur hiérarchique direct. En outre, il soutient que ce dernier était à la fois son notateur d’appel et l’AIPN connaissant des réclamations et que celui-ci aurait par ailleurs cumulé les fonctions de secrétaire général et celles de directeur des ressources humaines entre le 14 novembre 2018 et le 31 décembre 2019.

52      En second lieu, au soutien d’un second grief, le requérant remet en cause l’impartialité subjective du secrétaire général, en sa qualité d’AIPN en charge de la conduite de l’enquête administrative. Il rappelle que, dans la demande d’assistance, il avait, pour cette raison, demandé que l’IDOC ou tout autre organe d’enquête externe qualifié conduise l’enquête. Ensuite, il indique que, par courrier du 18 décembre 2020, à la suite de l’ouverture de l’enquête, il avait demandé à la présidente du CESE de dessaisir le secrétaire général de la conduite de l’enquête en raison d’un conflit d’intérêts. Il soutient que, si l’impartialité personnelle se présume jusqu’à preuve du contraire, les éléments présentés sont de nature à renverser cette présomption.

53      Le requérant fait d’abord valoir que le secrétaire général lui a attribué une note chiffrée insuffisante dans son rapport annuel de notation au titre de l’année 2014 (ci-après le « rapport de notation 2014 »). Il affirme que le secrétaire général a par ailleurs systématiquement rejeté les réclamations introduites par lui contre ses rapports annuels de notation, qu’il avait qualifié d’injustes et d’irréguliers, établis par le chef d’unité. Il explique ensuite que le secrétaire général a invité A à porter plainte contre le requérant pour harcèlement à la suite de son évanouissement qui a eu lieu le 7 novembre 2017 (ci-après l’« incident du 7 novembre 2017 ») alors que celui-ci avait témoigné au requérant son soutien le 14 novembre 2017, quelques jours après ledit incident. Il précise que, le 30 novembre 2017, le secrétaire général l’a également informé qu’il n’était pas le seul à souffrir du style de management du chef d’unité. Il indique que, le 21 décembre 2017, il a d’ailleurs fait part au secrétaire général de la manière dont le chef d’unité continuait à le traiter. Enfin, il explique que, le 10 octobre 2019, à l’occasion d’un entretien, le secrétaire général a « fait semblant [de l’interroger] sur sa situation, [que celui-ci] connaissait pourtant déjà de façon très détaillée à cette date ».

54      Le CESE conteste les arguments du requérant.

55      Il y a lieu de rappeler que l’article 41 de la Charte consacre le droit à une bonne administration. Ce droit implique, en vertu de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, notamment, le droit pour toute personne de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions, les organes et les organismes de l’Union.

56      Selon la jurisprudence, l’administration est tenue, en vertu du principe de bonne administration, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce dont elle est saisie et de réunir tous les éléments de fait et de droit nécessaires à l’exercice de son pouvoir d’appréciation ainsi que d’assurer le bon déroulement et l’efficacité des procédures qu’elle met en œuvre (voir arrêt du 20 octobre 2021, Kerstens/Commission, T‑220/20, EU:T:2021:716, point 33 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 12 mai 2022, Klein/Commission, C‑430/20 P, EU:C:2022:377, point 88 et jurisprudence citée).

57      En outre, il incombe à ces institutions, organes et organismes de se conformer à l’exigence d’impartialité, dans ses deux composantes que sont, d’une part, l’impartialité subjective, en vertu de laquelle aucun membre de l’institution concernée ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, conformément à laquelle cette institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé. À cet égard, afin de démontrer que l’organisation de la procédure administrative n’offre pas de garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé, il n’est pas requis d’établir l’existence d’un manque d’impartialité. Il suffit qu’un doute légitime à cet égard existe et ne puisse pas être dissipé (voir arrêts du 21 octobre 2021, Parlement/UZ, C‑894/19 P, EU:C:2021:863, point 54 et jurisprudence citée, et du 20 septembre 2023, YD/FRA, T‑648/21, non publié, EU:T:2023:575, point 63 et jurisprudence citée).

58      Par ailleurs, l’impartialité personnelle se présume jusqu’à preuve du contraire (voir arrêts du 24 mars 2022, Wagenknecht/Commission, C‑130/21 P, EU:C:2022:226, point 16 et jurisprudence citée, et du 15 juin 2022, QI/Commission, T‑122/21, non publié, EU:T:2022:361, point 71 et jurisprudence citée). Afin de prouver un manque d’impartialité subjective, la partie requérante doit présenter des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir la véracité ou la vraisemblance de ses allégations (voir arrêt du 8 septembre 2021, AH/Eurofound, T‑630/19, non publié, EU:T:2021:538, point 98 et jurisprudence citée).

59      En premier lieu, concernant le premier grief du requérant, tiré de la violation du principe d’impartialité objective, et s’agissant, premièrement, de son argument selon lequel, dans le cadre de l’enquête complémentaire, il a eu le statut de « personne concernée », alors que cette enquête visait à examiner les allégations du chef d’unité à son égard, il convient de rappeler que ladite enquête avait pour but de vérifier les faits allégués par le requérant dans la demande d’assistance et dans les documents qu’il a présentés les 25 février et 22 mars 2021, à la lumière des observations formulées lors de l’audition du 11 mars 2022, ainsi que les allégations présentées par le chef d’unité lors de l’audition du 8 février 2022. Il ressort enfin de la décision n119/22 A, du 18 mai 2022, que le CESE a estimé nécessaire de recueillir les témoignages de certaines personnes.

60      Il y a ainsi lieu de constater que l’enquête complémentaire ne visait pas seulement à éclaircir les allégations formulées par le chef d’unité lors de l’audition du 8 février 2022, se rapportant notamment à des difficultés rencontrées au sein du secteur du requérant. Il ressort ensuite de la décision n119/22 A, du 18 mai 2022, d’une part, que le chef d’unité était toujours la personne concernée, au sens de l’article 3 de l’annexe IX du statut, dans le cadre de cette enquête et, d’autre part, que le statut du requérant n’a pas été modifié au cours de ladite enquête, ainsi que le requérant l’a reconnu au cours de l’audience en réponse à une question du Tribunal.

61      Deuxièmement, s’agissant de l’argument du requérant relatif au délai écoulé entre l’adoption par le secrétaire général, le 31 janvier 2023, de la décision de clôturer sans suite la procédure d’enquête visant le chef d’unité et l’adoption, le 5 mai 2023, de la décision attaquée, force est de constater que le requérant n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles ce délai caractériserait une violation de l’obligation d’impartialité objective. Ainsi, cet argument doit être rejeté comme étant irrecevable en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal.

62      Troisièmement, le requérant explique que le secrétaire général avait précédemment exercé les fonctions de directeur des ressources humaines et, à ce titre, était son supérieur hiérarchique direct, qu’il avait été à la fois son notateur d’appel et l’AIPN connaissant des réclamations et avait par ailleurs cumulé entre le 14 novembre 2018 et le 31 décembre 2019 les fonctions de secrétaire général et celles de directeur des ressources humaines.

63      À cet égard, il convient de rappeler qu’une connaissance préalable des faits par ceux qui sont appelés à participer à l’adoption d’une décision judiciaire ou administrative ne constitue pas, à elle seule, une circonstance susceptible d’entacher cette décision d’un défaut d’impartialité. En effet, une telle connaissance préalable se révèle parfois inévitable compte tenu d’une activité professionnelle exercée antérieurement ou en parallèle par les personnes concernées. Ainsi, il est nécessaire d’établir s’il existe dans le cas particulier un élément objectif, tel un conflit d’intérêts dans le chef de fonctionnaires et d’agents agissant pour le compte des institutions, des organes et des organismes de l’Union, de nature à faire naître un doute légitime, aux yeux des tiers, quant à l’impartialité de la procédure en cause (arrêt du 21 octobre 2021, Parlement/UZ, C‑894/19 P, EU:C:2021:863, point 55).

64      Or, en l’espèce, il convient de relever que le requérant n’a invoqué aucun élément objectif, au sens de la jurisprudence mentionnée au point 63 ci-dessus, de nature à faire naître un doute légitime, aux yeux des tiers, quant à l’impartialité du traitement de la demande d’assistance, en raison des fonctions passées du secrétaire général. En particulier, il n’apparaît pas que l’exercice antérieur des fonctions de directeur des ressources humaines était de nature à placer le secrétaire général dans une situation de conflit d’intérêts, pour des raisons professionnelles et indépendamment de sa conduite personnelle, de sorte qu’il aurait dû s’abstenir de s’impliquer dans le traitement de la demande d’assistance présentée par le requérant. Enfin, il y a lieu de constater que la décision attaquée n’a pas été adoptée par le secrétaire général, mais par une autorité distincte, à savoir le directeur des ressources humaines, et surtout que la décision no 635/05 A, du 7 décembre 2005, portant dispositions générales d’exécution relatives aux procédures disciplinaires et aux enquêtes administratives au sein du CESE prévoit expressément, à son article 2, paragraphe 2, que nonobstant la compétence du secrétaire général pour ouvrir une enquête administrative, les  fonctionnaires chargés de celle-ci exercent leurs pouvoirs de manière indépendante, sans demander ni recevoir d’instructions de quiconque.

65      Il résulte de ce qui précède que les arguments avancés par le requérant ne sont pas de nature à démontrer l’insuffisance des garanties prévues par le CESE afin d’exclure tout doute quant à un éventuel préjugé, au sens de la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus, de sorte que le premier grief du requérant, tiré d’un manque d’impartialité objective dans la procédure de traitement de la demande d’assistance, doit être rejeté comme non fondé.

66      En second lieu, au soutien du second grief, le requérant invoque le manque d’impartialité subjective du secrétaire général, qui était l’AIPN en charge de l’ouverture de l’enquête administrative.

67      Premièrement, le requérant fait valoir que le rôle joué par le secrétaire général à l’occasion d’exercices d’évaluation antérieurs démontre un manque d’impartialité subjective, d’une part, par l’attribution d’une note faible dans le rapport de notation 2014 et, d’autre part, par le rejet de ses réclamations introduites contre des rapports annuels de notation établis par le chef d’unité.

68      D’une part, il ressort du rapport de notation 2014 que, au titre de l’exercice d’évaluation concerné, le notateur du requérant était le secrétaire général, qui exerçait alors les fonctions de directeur des ressources humaines. Ce dernier a attribué au requérant une note de 4 points sur 7 en qualifiant ses prestations de « satisfaisantes ». Dans la rubrique intitulée « Conduite dans le service », le secrétaire général a notamment indiqué que le requérant maintenait des relations excellentes avec ses collègues et qu’il fournissait de bons conseils à sa hiérarchie. Il a néanmoins constaté que les conditions discutées avec la hiérarchie pour ce qui était de l’affectation du requérant à l’issue de la période de travail de ce dernier au sein d’un autre service n’avaient pas été entièrement respectées. Le requérant a alors fait appel de ce rapport en demandant le retrait de la mention litigieuse relative à sa conduite dans le service, qui, selon lui, entachait sans fondement sa réputation professionnelle et qu’il considérait, pour cette raison, comme diffamatoire.

69      Force est de constater que ce prétendu différend entre le requérant et le directeur des ressources humaines portait sur sa réaffectation dans sa direction après sa mise à disposition de cinq mois dans une autre direction du CESE au mois de novembre 2014 et que la mention figurant dans le rapport de notation 2014 que le requérant a contestée ne revêtait pas, dans les termes dans lesquels elle était rédigée, le caractère d’un reproche ou d’une critique personnelle à son égard, mais celui d’un constat objectif.

70      Dans cette mesure, le présent argument n’est pas de nature à démontrer une animosité personnelle, ni même un préjugé défavorable du secrétaire général envers le requérant lors de l’examen de la demande d’assistance.

71      D’autre part, en ce qui concerne le rejet des réclamations présentées à l’encontre des rapports de notation au titre des années 2017 et 2018 établis par le chef d’unité, il suffit de constater que le requérant ne précise pas l’objet desdites réclamations. Le simple fait que, en sa qualité d’AIPN, le secrétaire général ait rejeté des réclamations introduites contre des rapports annuels de notation, ne suffit en effet pas à démontrer qu’il aurait manifesté un parti pris ou un préjugé personnel au sens de la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus.

72      Deuxièmement, le requérant explique qu’il s’est plaint à plusieurs reprises auprès du secrétaire général au sujet du comportement du chef d’unité, en particulier les 14 novembre, 30 novembre et 21 décembre 2017 et lors d’un entretien en date du 10 octobre 2019. Toutefois, le secrétaire général n’aurait pris aucune mesure en sa faveur, par exemple en ouvrant une enquête administrative, alors que celle-ci aurait d’ailleurs été recommandée par le comité des rapports dans sa décision sur l’appel contre le rapport de notation au titre de l’année 2017. Ainsi, le requérant considère que le refus du secrétaire général d’intervenir au sujet du comportement du chef d’unité démontrerait un manque d’impartialité subjective de sa part.

73      D’abord, ainsi qu’il a été rappelé au point 63 ci-dessus, une connaissance préalable des faits par ceux qui sont appelés à participer à l’adoption d’une décision administrative ne constitue pas, à elle seule, une circonstance susceptible d’entacher cette décision d’un défaut d’impartialité.

74      Ensuite, il y a lieu de relever que, à défaut d’avoir, à l’époque, formellement introduit une demande d’assistance au sens de l’article 24 du statut, le requérant ne saurait faire grief au secrétaire général de ne pas avoir ouvert spontanément, dès l’année 2017, une enquête administrative portant sur le comportement du chef d’unité. En effet, la connaissance par le secrétaire général des différends intervenus entre le requérant et le chef d’unité et dont il n’apparaît pas qu’ils revêtaient un caractère de gravité justifiant l’ouverture d’une enquête administrative à l’initiative du secrétaire général, n’est pas suffisante pour prouver l’absence d’impartialité subjective au sens de la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus.

75      Troisièmement, le requérant fait valoir que le secrétaire général a invité A à porter plainte contre le requérant à la suite de l’incident du 7 novembre 2017.

76      Le requérant se contente toutefois de faire valoir que le secrétaire général a invité A à porter plainte contre lui et que cela démontre un manquement au devoir d’impartialité subjective, sans avancer d’élément de preuve au soutien de son argument. En tout état de cause, ce seul fait n’est pas de nature à démontrer l’existence d’une animosité personnelle ou d’un préjugé défavorable qui aurait fait obstacle à l’implication du secrétaire général dans le traitement de la demande d’assistance présentée par le requérant.

77      Ainsi, le requérant n’a pas présenté d’indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à démontrer le manque d’impartialité subjective du secrétaire général au sens de la jurisprudence citée au point 58 ci-dessus, de sorte qu’il y a lieu de rejeter le second grief comme non fondé.

78      Il convient donc de rejeter la présente branche comme non fondée.

–       Sur la deuxième branche, tirée d’une violation du droit d’être entendu et du droit d’accès au dossier

79      Le requérant fait valoir, au soutien d’un premier grief, que son droit d’être entendu a été méconnu. Il explique que, le 22 octobre 2022, le CESE lui a communiqué le rapport d’enquête complémentaire et a fixé la date de son audition au 7 novembre 2022. Il indique que, le 9 novembre 2022, il a demandé le report de ladite audition au mois de janvier 2023, en motivant sa demande par sa charge de travail, laquelle l’empêchait de formuler des observations utiles dans les délais fixés par le CESE. Il précise que sa demande a été rejetée, alors qu’elle était raisonnable, justifiée et n’était pas de nature à emporter un rallongement excessif de la procédure. Par ailleurs, il prétend que le CESE ne lui a communiqué les procès-verbaux des auditions des témoins que le 23 novembre 2022. En conséquence, il soutient qu’il n’a pu communiquer que des observations écrites limitées le 14 décembre 2022. Or, selon lui, il ne saurait être exclu que la décision attaquée aurait eu un contenu différent s’il avait pu bénéficier de davantage de temps pour faire valoir certains arguments, qu’il aurait notamment invoqués dans sa réclamation.

80      Au soutien d’un second grief, le requérant fait valoir qu’il n’a pas eu accès à l’ensemble des pièces du dossier de l’enquête, en particulier, premièrement, un courriel que le chef d’unité a reçu d’un ancien membre de son équipe après l’incident du 7 novembre 2017, deuxièmement, une note du 8 novembre 2017 adressée par le chef d’unité à sa hiérarchie relative audit incident, troisièmement, des documents auxquels le chef d’unité a fait référence lors de l’audition du 31 août 2021, portant sur ses rapports annuels de notation, quatrièmement, des notes que le chef d’unité aurait adressées à une ou plusieurs personnes dont le nom a été anonymisé.

81      Le CESE conteste les arguments du requérant.

82      À cet égard, il y a lieu d’indiquer que la décision attaquée constitue, dès lors qu’elle rejette la demande d’assistance au motif de l’absence d’un harcèlement moral, une mesure individuelle prise à l’égard du requérant l’affectant défavorablement, au sens de l’article 41, paragraphe 2, de la Charte.

83      Il convient de préciser que, dans le cadre d’une procédure telle que celle en cause, la prétendue victime d’un harcèlement peut se prévaloir du droit d’être entendue, au titre du principe de bonne administration. En effet, l’article 41 de la Charte, prévoit, à son paragraphe 1, que toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et les organes de l’Union (arrêt du 25 juin 2020, HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:490, point 56).

84      Par ailleurs, cet article 41 dispose, à son paragraphe 2, que le droit à une bonne administration comporte, notamment, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard, le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires, ainsi que l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions (arrêt du 25 juin 2020, HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:490, point 57).

85      En particulier, le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir arrêts du 25 juin 2020, HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:490, point 58 et jurisprudence citée, et du 1er février 2023, BG/Parlement, T‑164/20, non publié, EU:T:2023:35, point 36 et jurisprudence citée).

86      La personne ayant déposé une plainte pour harcèlement est en droit, afin de pouvoir présenter utilement ses observations à l’institution ou l’organe concernés avant que ceux-ci ne prennent une décision, de se faire communiquer, à tout le moins, un résumé des déclarations de la personne accusée de harcèlement et des différents témoins entendus au cours de la procédure d’enquête, la communication de ce résumé devant être effectuée, le cas échéant, dans le respect du principe de confidentialité. Il en va ainsi dans la mesure où ces déclarations ont été utilisées dans le rapport remis à l’autorité qui a pris la décision de ne pas donner suite à la plainte et qui comprenait des recommandations au regard desquelles cette autorité avait fondé sa décision (voir arrêt du 25 juin 2020, HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:490, point 60 et jurisprudence citée ; arrêt du 2 février 2022, LU/BEI, T‑536/20, non publié, EU:T:2022:40, point 57).

87      En outre, afin de garantir la confidentialité des témoignages et les objectifs que celle-ci protège, tout en s’assurant que c’est utilement que la partie requérante est entendue avant qu’une décision lui faisant grief ne soit adoptée, il peut être recouru à certaines techniques telles que l’anonymisation, voire la divulgation de la substance des témoignages sous la forme d’un résumé, ou encore le masquage de certaines parties du contenu des témoignages (arrêts du 25 juin 2020, HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:490, point 66, et du 2 février 2022, LU/BEI, T‑536/20, non publié, EU:T:2022:40, point 58).

88      Enfin, afin de faire connaître utilement son point de vue quant aux éléments sur lesquels l’administration entend fonder sa décision, la personne concernée doit bénéficier d’un délai suffisant (voir, en ce sens, arrêt du 1er septembre 2021, KN/CESE, T‑377/20, EU:T:2021:528, point 115 et jurisprudence citée).

89      C’est au regard de ces principes qu’il convient d’examiner la présente branche.

90      En l’espèce, il résulte de la description des antécédents du litige effectuée aux points 12 à 20 ci-dessus, ainsi qu’aux points 22 et 24 ci-dessus, que le requérant a été entendu, oralement ou par écrit, à tous les stades de la procédure, tant dans le cadre de l’enquête initiale que de l’enquête complémentaire.

91      Cependant, le requérant estime que, lorsqu’il a soumis des observations écrites le 14 décembre 2022, il n’a pas été entendu utilement car, d’une part, il aurait dû bénéficier d’une audition au mois de janvier 2023 et, d’autre part, il ne disposait pas de suffisamment de temps, au regard notamment de la communication tardive, le 23 novembre 2022, des comptes rendus des auditions de témoins et du délai restreint imparti pour présenter ses observations écrites.

92      En premier lieu, le requérant n’est pas fondé à soutenir qu’il aurait dû être entendu lors d’une audition et que, ainsi, l’invitation à présenter des observations par écrit, au lieu de reporter l’audition au mois de janvier 2023, constitue une violation du droit d’être entendu. En effet, ni le statut, ni la décision no 200/14 A concernant les procédures de prévention et de traitement du harcèlement psychologique et sexuel au travail au sein du CESE, ni la décision no 090/22 A du 31 mars 2022 la modifiant, ni la décision no 635/05 A portant dispositions générales d’exécution relatives aux procédures disciplinaires et aux enquêtes administratives ne prévoient l’organisation par l’AIPN d’une audition pour entendre le requérant sur le rapport d’enquête complémentaire.

93      Par ailleurs, il résulte d’une jurisprudence constante que l’échange par lequel le fonctionnaire concerné doit être mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet du projet de décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts peut être oral ou écrit (voir arrêt du 12 octobre 2022, Paesen/SEAE, T‑88/21, EU:T:2022:631, point 107 et jurisprudence citée).

94      De surcroît, le CESE a octroyé au requérant un délai supplémentaire afin de lui permettre de se préparer à l’audition et d’être entendu oralement, en reportant à deux reprises la date d’audition.

95      En deuxième lieu, il ressort de la décision attaquée que, afin de statuer sur la demande d’assistance du requérant, l’AIPN disposait notamment des comptes rendus d’audition des témoins.

96      Or, il est constant que le requérant ne disposait pas des comptes rendus d’audition des témoins interrogés lors de l’enquête complémentaire pour préparer ses observations en vue de l’audition initialement prévue le 7 novembre 2022. La version non confidentielle desdits comptes rendus lui a été communiquée le 23 novembre 2022.

97      D’une part, s’agissant de la présence, dans la version non confidentielle du rapport d’enquête complémentaire, d’un résumé des déclarations des témoins entendus, il convient d’observer que, dans cette version dudit rapport, les enquêteurs ont indiqué avoir entendu plusieurs personnes dans le cadre de l’enquête complémentaire, dont l’identité et la fonction ont été rendues anonymes.

98      Les témoignages des personnes interrogées ont été rapportés sous le titre « Vérification additionnelle des faits allégués par le plaignant dans sa demande d’assistance ». Le rapport d’enquête complémentaire comporte des renvois directs aux témoignages, sous la forme de citations, ainsi que des renvois indirects, sous la forme d’une reformulation par les enquêteurs de certains passages des témoignages.

99      Il ressort de ce qui précède que la version non confidentielle du rapport d’enquête complémentaire contient un résumé des déclarations des témoins.

100    Or, le 22 octobre 2022, le CESE a convoqué le requérant à une audition fixée le 7 novembre 2022. Le CESE a ensuite reporté la date d’audition à deux reprises, en la fixant au 18 novembre puis au 25 novembre 2022. La première date d’audition, à savoir le 7 novembre 2022, laissait au requérant un délai de plus de deux semaines pour préparer l’audition. À la suite des deux reports d’audition, le CESE lui a accordé un délai supplémentaire de onze jours puis de sept jours supplémentaires pour préparer l’audition.

101    Ainsi, force est de constater que le requérant a bénéficié d’un délai total de plus d’un mois pour préparer l’audition, entre la communication du rapport d’enquête complémentaire le 22 octobre 2022 et la troisième date d’audition proposée le 25 novembre 2022.

102    Le requérant a donc été en mesure de faire valoir des observations utiles et dans un délai raisonnable sur le rapport d’enquête complémentaire communiqué le 22 octobre 2022.

103    De surcroît, le 23 novembre 2022, le secrétaire général a transmis au requérant la version non confidentielle des comptes rendus d’audition des témoins interrogés lors de l’enquête complémentaire et a fixé au 8 décembre 2022 le délai pour présenter des observations écrites. Le 7 décembre 2022, il a reporté ce délai au 12 décembre 2022. Le CESE a ainsi octroyé un délai de quinze jours au requérant pour présenter des observations écrites, puis lui a accordé un délai supplémentaire de quatre jours. Le requérant a transmis ses observations écrites le 14 décembre 2022.

104    Le requérant a donc bénéficié d’un délai de 21 jours pour présenter des observations écrites à partir de la communication des comptes rendus des auditions organisées dans le cadre de l’enquête complémentaire. Or, ce délai doit être considéré comme étant raisonnable au regard des neuf témoignages transmis le 23 novembre 2022, d’une longueur totale d’environ quinze pages.

105    Il résulte de ce qui précède que le requérant a disposé d’un délai suffisant, d’abord pour préparer l’audition, puis pour présenter des observations écrites sur le rapport d’enquête complémentaire, compte tenu des justifications invoquées dans ses demandes de report d’audition, tenant à sa charge de travail à cette période.

106    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que le requérant a eu la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, et dans un délai suffisant, son point de vue sur le contenu du rapport d’enquête complémentaire et en particulier sur les déclarations des témoins, avant l’adoption de la décision attaquée, conformément à la jurisprudence citée au point 85 ci-dessus. Ainsi, c’est à tort qu’il soutient que son droit d’être entendu avant l’adoption de la décision attaquée a été méconnu.

107    En troisième lieu, en ce qui concerne le second grief du requérant, tiré de ce qu’il n’a pas eu accès à certaines pièces du dossier, il y a lieu de rappeler que l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte consacre le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires. Ce droit d’accès au dossier implique que l’institution en cause doit donner à la personne concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense (voir arrêt du 14 juillet 2021, AI/ECDC, T‑65/19, EU:T:2021:454, point 155 et jurisprudence citée, voir également, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2011, Solvay/Commission, C‑109/10 P, EU:C:2011:686, points 53 et 54).

108    Cependant, le droit d’accès au dossier n’est pas absolu. L’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte garantit ce droit sous deux conditions. D’une part, le droit d’accès d’une personne ne porte que sur un « dossier qui la concerne ». D’autre part, l’accès doit être assuré dans le respect des « intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires » (arrêt du 14 juillet 2021, AI/ECDC, T‑65/19, EU:T:2021:454, point 163 ; voir également, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:490, point 63 et jurisprudence citée).

109    Par ailleurs, il convient de distinguer la procédure d’enquête diligentée à la suite d’une demande d’assistance d’un fonctionnaire avec plainte pour harcèlement moral de la procédure d’enquête ouverte à l’encontre dudit fonctionnaire (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2012, Skareby/Commission, F‑42/10, EU:F:2012:64, point 46). À cet égard, il convient de distinguer le dossier concernant le requérant de celui visant le chef d’unité, qui était la personne concernée dans l’enquête administrative. Ainsi, certains documents mentionnés par le requérant font partie du dossier concernant le chef d’unité, que ce dernier a invoqués pour sa défense dans le cadre de l’enquête administrative ouverte à son égard.

110    Premièrement, en ce qui concerne le courriel d’un ancien collègue qui se serait plaint du management du requérant auprès du chef d’unité, à la suite de l’incident du 7 novembre 2017, il convient d’observer, d’une part, qu’un tel courrier a été déclaré « confidentiel » par son auteur et que, d’autre part, ce courriel a été mentionné par le chef d’unité dans le cadre de l’enquête le visant. À cet égard, ni l’enquête administrative faisant suite à la demande d’assistance, ni la décision attaquée ne visaient à établir la réalité des comportements reprochés à ce dernier par certains collègues. S’il est fait référence à ce courriel dans le document intitulé « Chronologie factuelle » établi par le chef d’unité et communiqué aux enquêteurs, puis annexé au rapport d’enquête initiale, il convient d’observer que les allégations de l’auteur du courriel n’ont été examinées ni par les enquêteurs dans ledit rapport ni par l’AIPN dans ladite décision. Il n’apparaissait ainsi pas justifié de le communiquer au requérant, pour lequel il n’était pas question de se défendre contre des allégations de faits de harcèlement le concernant.

111    Deuxièmement, s’agissant de la note du 8 novembre 2017 adressée par le chef d’unité à la hiérarchie relative à l’incident du 7 novembre 2017, dont le chef d’unité a remis une copie aux enquêteurs lors de l’audition du 31 août 2021 et à laquelle il est fait référence dans le rapport d’enquête complémentaire, il y a lieu d’observer que ladite note, si elle a été portée à la connaissance des enquêteurs, n’a en revanche pas été examinée dans leur rapport, ni par l’AIPN dans la décision attaquée.

112    Troisièmement, s’agissant des documents auxquels le chef d’unité aurait fait référence lors de l’audition du 31 août 2021, dont le compte rendu a été communiqué au requérant le 2 mars 2022, ainsi qu’il ressort du point 19 ci-dessus, et qui porteraient sur ses rapports annuels de notation, il suffit de constater que le requérant ne précise pas la nature des documents visés.

113    Quatrièmement, s’agissant des notes que le chef d’unité aurait adressées à des personnes dont le nom a été anonymisé et auxquelles il est fait référence au point 8.3 du rapport d’enquête complémentaire, celles-ci ont été communiquées par le chef d’unité aux enquêteurs le 8 février 2022, lors de l’audition organisée conformément à l’article 3 de l’annexe IX du statut. Toutefois, il y a lieu de relever que, si ces notes sont également mentionnées au point 15 de la décision attaquée, dans une partie relative à la procédure administrative ayant précédé l’adoption de ladite décision, il ne ressort ni des motifs de cette décision, ni du rapport d’enquête complémentaire que l’AIPN se soit fondée sur le contenu de ces notes.

114    Il résulte de tout ce qui précède que le requérant a été mis en mesure, au cours de la procédure administrative aboutissant à la décision attaquée, de faire utilement valoir son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances sur la base desquels l’AIPN a adopté la décision attaquée, et qu’il a eu accès au dossier le concernant.

115    Il convient donc de rejeter la présente branche comme non fondée.

–       Sur la troisième branche, tirée d’une violation du délai raisonnable

116    Le requérant invoque la durée excessive de la procédure administrative, laquelle a duré plus de trois ans et trois mois, alors que l’AIPN était tenue de traiter avec célérité la demande d’assistance. Il dénonce les délais déraisonnables écoulés entre les différentes phases de la procédure. Premièrement, il fait valoir que la décision d’ouverture d’une enquête n’a été adoptée que le 4 décembre 2020, soit près de onze mois après l’introduction de la demande d’assistance, sans que le CESE justifie ce délai. Or, dès le 8 mai 2020, le directeur des ressources humaines aurait recommandé au secrétaire général l’ouverture d’une procédure d’enquête. De plus, le 29 juin 2020, le directeur des ressources humaines aurait communiqué au secrétaire général un projet d’ouverture d’une enquête administrative, des projets de mandats et des projets de courriers à l’attention du chef d’unité et du requérant. Deuxièmement, le requérant souligne que l’enquête initiale et l’enquête complémentaire ont chacune duré onze mois, à savoir de février à décembre 2021 et du 18 mai au 19 octobre 2022. Troisièmement, il fait valoir que la décision attaquée a été adoptée plus de quatre mois après la présentation de ses commentaires le 14 décembre 2022.

117    Le requérant rejette les justifications avancées par le CESE, notamment celles relatives au confinement causé par la pandémie de COVID‑19 et par l’ouverture d’une enquête complémentaire. Il souligne le caractère particulièrement préjudiciable de l’incertitude à laquelle doit faire face l’auteur de la demande d’assistance et la nécessité de recueillir les éléments de preuve de façon rapide. À cet égard, il indique que plusieurs témoins ont fait état de leurs difficultés à se rappeler de certains faits.

118    Le CESE conteste les arguments du requérant.

119    À cet égard, l’obligation d’observer un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives constitue un principe général du droit de l’Union dont le juge doit assurer le respect et qui est repris, comme une composante du droit à une bonne administration, par l’article 41, paragraphe 1, de la Charte (voir, en ce sens, arrêts du 12 mai 2022, Klein/Commission, C‑430/20 P, EU:C:2022:377, point 87, et du 15 novembre 2023, PL/Commission, T‑790/21, EU:T:2023:724, point 104 et jurisprudence citée).

120    Il convient de rappeler que, lorsque l’AIPN est saisie, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, d’une demande d’assistance au sens de l’article 24 dudit statut, elle doit, en vertu de l’obligation d’assistance et si cette autorité est en présence d’un incident incompatible avec l’ordre et la sérénité du service, intervenir avec toute l’énergie nécessaire et répondre avec la rapidité et la sollicitude requises par les circonstances de l’espèce en vue d’établir les faits et d’en tirer, en connaissance de cause, les conséquences appropriées. À cette fin, il suffit que le fonctionnaire ou l’agent qui réclame la protection de l’institution ou de l’organe qui l’emploie apporte un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme faire l’objet. En présence de tels éléments, il appartient à l’institution ou à l’organe en cause de prendre les mesures appropriées, notamment en faisant procéder à une enquête administrative, afin d’établir les faits à l’origine de la plainte, en collaboration avec l’auteur de celle‑ci et, au regard des résultats de l’enquête, d’adopter les mesures qui s’imposent (voir arrêt du 3 octobre 2019, DQ e.a./Parlement, T‑730/18, EU:T:2019:725, point 80 et jurisprudence citée).

121    En outre, en présence d’allégations de harcèlement, l’obligation d’assistance comporte, en particulier, le devoir pour l’administration d’examiner sérieusement, avec rapidité et en toute confidentialité, la demande d’assistance dans laquelle un harcèlement est allégué et d’informer le demandeur de la suite réservée à celle-ci (voir arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 98 et jurisprudence citée).

122    Ainsi, lorsque le demandeur d’assistance fournit un commencement de preuve suffisant de ses allégations, d’une part, l’administration est tenue d’ouvrir une enquête administrative afin d’éclaircir les faits et de pouvoir adopter ensuite, le cas échéant, les mesures d’assistance appropriées, sans disposer à cet égard d’un large pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité d’ouvrir et de conduire ladite enquête administrative et, d’autre part, l’enquête doit être diligentée avec la plus grande célérité afin de pouvoir, à terme, restaurer des conditions de travail conformes à l’intérêt du service (voir arrêt du 3 octobre 2019, DQ e.a./Parlement, T‑730/18, EU:T:2019:725, point 84 et jurisprudence citée).

123    S’agissant du délai global dans lequel la demande d’assistance a été traitée en l’espèce, il convient de rappeler que, dans la mesure où le statut ne prévoit pas de disposition spécifique quant au délai dans lequel une enquête administrative doit être conduite par l’administration, notamment en matière de harcèlement moral, l’AIPN est tenue en la matière au respect du principe du délai raisonnable. À cet égard, l’institution ou l’organe de l’Union concerné doit, dans la conduite de l’enquête administrative, veiller à ce que chaque acte adopté intervienne dans un délai raisonnable par rapport au précédent et, la circonstance que le requérant avait quitté le CESE n’était pas de nature à affranchir l’AIPN de son obligation d’agir avec célérité dans le traitement de la demande d’assistance, notamment au regard des objectifs qui lui sont assignés au titre de l’article 24 du statut (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 101 et jurisprudence citée), lesquels ont été rappelés aux points 120 et 121 ci-dessus.

124    En l’espèce, le requérant a introduit la demande d’assistance le 15 janvier 2020 et la décision attaquée lui a été communiquée le 5 mai 2023, soit plus de trois ans et trois mois plus tard.

125    En premier lieu, le directeur des ressources humaines a d’abord envisagé le 8 mai 2020 de recommander l’ouverture d’une enquête administrative, ce qu’il a fait le 29 juin 2020. Le secrétaire général a ensuite décidé d’ouvrir une enquête le 4 décembre 2020, soit près de onze mois après l’introduction de la demande d’assistance.

126    Ainsi qu’il ressort des explications fournies par le CESE, les mesures adoptées au CESE en raison de la pandémie de COVID‑19 ainsi que le renouvellement du CESE en septembre/octobre 2020 ont pu ralentir l’ouverture de l’enquête administrative. Cette explication ressort également de la lettre du 8 janvier 2021 du secrétaire général informant l’OLAF de l’ouverture de l’enquête administrative. À cet égard, le CESE a fait valoir que ladite pandémie a ralenti une partie importante de l’enquête en question, notamment l’examen prima facie de la demande d’assistance, en compliquant tant la coopération entre les différents services concernés que le travail des enquêteurs pour interroger les témoins. Lors de l’audience, il a également expliqué que le renouvellement susmentionné avait été compliqué par les restrictions adoptées par les différents États membres dans le contexte de cette pandémie, rendant plus difficile la participation physique des membres du CESE aux travaux de cet organe.

127    Bien que l’ouverture de l’enquête administrative ait été retardée par les circonstances évoquées par le CESE, il convient néanmoins de constater que le CESE a adopté des mesures concernant la notation du requérant, quinze jours après l’introduction de la demande d’assistance. En effet, il ressort du dossier que, par courrier du 30 janvier 2020, le directeur des ressources humaines a informé le requérant que, en raison de l’introduction de ladite demande, son rapport de notation au titre de l’année 2019 serait établi par la directrice ad interim de la direction [confidentiel] dont l’unité du requérant dépendait cette année-là.

128    Or, le requérant, dans la demande d’assistance, sollicitait notamment une protection contre les conséquences qui pourraient encore découler du harcèlement moral subi, en particulier à l’occasion des prochains exercices de notation et de promotion.

129    Il résulte de ce qui précède, d’une part, que le CESE a pris des mesures appropriées, dans un délai raisonnable, au sens de la jurisprudence citée au point 120 ci-dessus, à la suite de l’introduction de la demande d’assistance et après le départ du requérant du CESE le lendemain de l’introduction de ladite demande et, d’autre part, que le CESE a établi l’existence de circonstances particulières justifiant le délai d’ouverture de l’enquête administrative.

130    En second lieu, l’enquête initiale s’est déroulée du 4 décembre 2020 au 9 décembre 2021, date de la communication des conclusions de l’enquête initiale par les enquêteurs. Elle a donc duré environ un an. Dans le cadre de l’enquête initiale, les enquêteurs ont interrogé le requérant le 25 février 2021, puis le chef d’unité les 31 août et 2 septembre 2021. Ils ont par ailleurs interrogé cinq témoins dont les dates d’audition ne sont pas connues.

131    Le requérant a également communiqué deux dossiers additionnels complétant la demande d’assistance, notamment un dossier de 245 pages présenté le 22 mars 2021.

132    Après que le requérant a été entendu sur les conclusions de l’enquête administrative initiale, le secrétaire général lui a communiqué, le 21 février 2022, le rapport d’enquête initiale, daté du 21 décembre 2021.

133    Le 18 mai 2022, le secrétaire général a décidé d’ouvrir une enquête complémentaire, dont les conclusions ont été communiquées le 18 août 2022 au requérant et le rapport d’enquête complémentaire le 22 octobre 2022. Dans le cadre de l’enquête complémentaire, les enquêteurs ont de nouveau interrogé le chef d’unité le 8 février 2022 et le requérant le 11 mars 2022. Il ressort également du rapport d’enquête complémentaire qu’ils ont interrogé neuf témoins qui n’avaient pas été entendus pendant l’enquête administrative initiale, au cours d’entretiens ainsi que par courriels, les 14, 15, 17, 21, 22, 24, 27, 28 et 29 juin 2022.

134    Après avoir recueilli les observations écrites du requérant le 14 décembre 2022, le directeur des ressources humaines, en sa qualité d’AIPN, a adopté la décision attaquée le 5 mai 2023.

135    Ainsi, il y a lieu d’observer que, à partir de la décision d’ouverture d’une enquête administrative, le 4 décembre 2020, et au vu du nombre de témoins devant être auditionnés, du type et du nombre d’allégations du requérant figurant dans la demande d’assistance et dans les documents présentés les 25 février et 22 mars 2021, ainsi que des éléments ayant justifié l’ouverture d’une enquête complémentaire et des périodes durant lesquelles il a pu exercer son droit d’être entendu sur les conclusions des deux enquêtes et les rapports d’enquête, chaque acte adopté par le CESE dans le cadre de l’enquête est intervenu dans un délai raisonnable par rapport au précédent au sens de la jurisprudence citée au point 123 ci-dessus. Dans cette mesure, prise globalement, la durée de l’enquête administrative n’a pas été déraisonnable.

136    En tout état de cause, la circonstance que l’AIPN, en violation du devoir de sollicitude, n’aurait pas répondu dans le délai raisonnable à la demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut, si elle peut engager la responsabilité de l’institution, de l’organe ou de l’organisme concernés pour le préjudice éventuellement causé à la partie requérante, ne saurait affecter, par elle-même, la légalité de la décision attaquée. En effet, la violation du principe du respect du délai raisonnable ne peut justifier l’annulation de la décision prise à l’issue d’une procédure administrative, que lorsque l’écoulement excessif du temps est susceptible d’avoir une incidence sur le contenu même de la décision adoptée à l’issue de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 104 et jurisprudence citée).

137    Le requérant fait en substance valoir que l’écoulement excessif du temps a pu avoir une incidence sur le contenu de la décision attaquée, étant donné que certains témoins avaient des difficultés à se rappeler des faits en cause. En particulier, il a fait valoir lors de l’audience que B, lors de son audition, n’était plus en mesure de fournir un témoignage complet et fiable en raison du temps écoulé.

138    À cet égard, d’une part, il y a lieu de relever que la demande d’assistance a été introduite plusieurs années après certains des faits allégués.

139    D’autre part, force est de constater que le requérant n’a pas indiqué de manière précise les comptes rendus d’auditions desquels il ressortirait une difficulté des témoins à se souvenir des faits sur lesquels ils étaient interrogés ni sur quels faits en particulier ils n’auraient pu témoigner en raison de l’écoulement du temps. Ainsi, cet argument du requérant, qui n’est pas étayé, doit être rejeté comme non fondé.

140    Dans ces conditions, il ne saurait être considéré, dans les circonstances particulières de l’espèce, que l’écoulement du temps, à le supposer même excessif, ait exercé une incidence sur le bien-fondé de la décision attaquée, au sens de la jurisprudence citée au point 135 ci-dessus.

141    Il y a donc lieu de rejeter la présente branche et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 24 du statut et d’une violation du devoir de diligence

–       Sur la recevabilité du moyen

142    Le CESE fait valoir que la première branche du présent moyen est partiellement irrecevable en ce qu’elle ne répond pas aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure quant au contenu de la requête. Il soutient que le requérant renvoie de manière globale et vague aux éléments additionnels qu’il a fournis dans le document présenté le 25 février 2021 en faisant référence, sans autre explication, à une série de numéros d’occurrences que les enquêteurs et l’AIPN n’auraient, selon lui, pas pris en compte.

143    De plus, le requérant se bornerait à renvoyer au tableau joint à l’annexe A.38 de la requête en vue de démontrer le caractère manifestement non complet de l’examen opéré par les enquêteurs, sans toutefois développer son argumentation dans la requête. Or, le Tribunal ne serait pas tenu d’extraire des annexes des éléments et des arguments qui doivent figurer dans la requête.

144    Le requérant conteste le bien-fondé des allégations du CESE.

145    En premier lieu, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, ainsi que de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’objet du litige, les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens.

146    En second lieu, s’agissant des annexes de la requête, il convient de rappeler qu’il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier dans ces dernières les éléments qui pourraient fonder le recours. En effet, les annexes ont une fonction purement probatoire et instrumentale, et ne sauraient dès lors servir à développer un moyen sommairement exposé dans la requête en avançant des griefs ou des arguments ne figurant pas dans celle‑ci (voir, en ce sens, arrêts du 3 mars 2022, WV/SEAE, C‑162/20 P, EU:C:2022:153, point 69, et du 13 juillet 2022, AI e.a./ECDC, T‑864/19, non publié, EU:T:2022:452, point 107 et jurisprudence citée).

147    En l’espèce, d’une part, le requérant présente à l’annexe A.38 de la requête un tableau dans lequel il fait valoir le caractère manifestement incomplet de l’examen de certains faits par l’AIPN. Ladite annexe constitue un complément de la requête, rédigé aux fins de la procédure juridictionnelle par ses avocats. N’ayant pas une fonction probatoire ou instrumentale, cette annexe est, dès lors, irrecevable.

148    D’autre part, le requérant renvoie aux numéros d’occurrences listés à l’annexe 1 de la demande d’assistance sans préciser dans le corps de la requête quels sont les faits visés qui n’auraient pas été examinés durant la procédure. Il fait aussi référence de manière générale aux faits exposés dans le document qu’il a présenté le 25 février 2021 lors de son audition.

149    La fin de non-recevoir soulevée par le CESE doit donc être accueillie dans cette mesure.

–       Sur le bien-fondé du moyen

150    En premier lieu, le requérant soutient que l’enquête n’a pas porté sur l’ensemble des faits allégués dans la demande d’assistance et n’a pas été menée de manière approfondie. Il fait également valoir que le CESE n’a pas fait preuve de toute la diligence requise dans la conduite de l’enquête afin d’établir les faits.

151    Le requérant rappelle d’abord que la demande d’assistance comporte une soixantaine de pages portant sur une période de plusieurs années. Il souligne ensuite que l’annexe 1 « Chronologie et classification des faits » consigne 46 occurrences dans un tableau de manière très détaillée et que les six autres annexes traitent d’aspects particuliers, tels que les obstacles au parcours de carrière, les limitations abusives au régime du temps de travail, l’incident du 7 novembre 2017, une note « biaisée » du 9 novembre 2017, une description du refus de communication au quotidien du chef d’unité avec lui pendant la période allant de février 2018 à décembre 2019 et le projet de courriel au chef d’unité en date du 21 décembre 2017. Enfin, le requérant indique qu’il a complété ladite demande en communiquant aux enquêteurs deux documents additionnels comprenant au total plus de 250 pages, les 25 février et 22 mars 2021.

152    Le requérant estime que la décision attaquée ne porte que sur une liste restreinte de faits rapportés dans la demande d’assistance. Ces faits seraient présentés dans la décision attaquée comme les « allégations […] considérées comme les plus importantes et représentatives » de la demande d’assistance. Le requérant soutient que cela exclut de facto les éléments portés à la connaissance des enquêteurs et de l’AIPN postérieurement à la demande d’assistance, notamment les faits et commentaires contenus dans le document présenté le 25 février 2021.

153    Parmi ces faits, le requérant prend l’exemple du contournement systématique de son autorité par le chef d’unité. D’une part, il affirme que, au cours d’une réunion de conciliation organisée le 27 novembre 2017, B, chef de département et supérieur hiérarchique direct du chef d’unité, a enjoint au chef d’unité de cesser ce contournement. Il fait également valoir que les enquêteurs auraient pu vérifier les signataires des fiches de circulation pour constater que son nom n’y figurait pas, ce qui aurait dû être le cas si la chaîne hiérarchique avait été suivie. Selon le requérant, cela les aurait conduits à se questionner sur les raisons pour lesquelles il n’a pas été sollicité par le chef d’unité sur plusieurs tâches relevant de sa compétence.

154    Or, le requérant soutient que l’enquête n’a porté ni sur la réunion du 27 novembre 2017 ni sur ces faits de contournement systématique de son autorité, alors qu’il avait pourtant étayé cette allégation dans la demande d’assistance et dans le document présenté le 25 février 2021, en donnant l’exemple de la sélection et les missions des stagiaires qui sont pourtant engagés dans son secteur et sous sa responsabilité de maître de stage.

155    En particulier, si le requérant relève que B a été entendu dans le cadre de l’enquête complémentaire, il reproche en substance aux enquêteurs de ne pas l’avoir interrogé sur la réunion du 27 novembre 2017, notamment sur les faits de contournement systématique de son autorité qui ont été abordés et sur les instructions qu’il a faites au chef d’unité, ni sur le fait qu’il se soit de nouveau plaint auprès de lui, postérieurement à ladite réunion, du fait que lesdits agissements n’avaient pas cessé. Il reproche également aux enquêteurs de ne pas avoir remis à B la note du 8 novembre 2017, qui lui a été adressée par le chef d’unité après l’incident du 7 novembre 2017, car il ressortirait du compte rendu de l’échange avec les enquêteurs qu’il ne se souvenait ni dudit incident ni du contenu de la note.

156    En deuxième lieu, le requérant fait valoir qu’une dizaine de témoins qu’il avait cités n’ont pas été interrogés par les enquêteurs. Il rappelle que, lors de l’audition du 11 mars 2022, il a cité une vingtaine de collègues liés aux faits listés à l’annexe 1 de la demande d’assistance ou du « dossier additionnel » présenté le 22 mars 2021. Il indique que seuls cinq témoins ont toutefois été entendus lors de l’enquête initiale et huit autres dans le cadre de l’enquête complémentaire. Il fait valoir que certains témoins étaient pourtant particulièrement importants, en donnant notamment l’exemple d’une personne qui était présente lors de l’incident du 7 novembre 2017 et qui avait déclaré que ledit incident n’était imputable ni à son attitude envers A, ni aux paroles qu’il aurait pu prononcer, et l’exemple d’une autre personne qui avait exprimé son étonnement et critiqué la décision du chef d’unité de procéder à une vérification de ses décomptes d’heures sur une année entière.

157    En troisième lieu, le requérant critique le manque de pertinence et de précision des questions posées aux témoins, telles qu’elles ressortent des comptes rendus d’auditions et des rapports d’enquête. Il fait valoir que tantôt les questions étaient dénuées de pertinence, tantôt il ne pouvait y être répondu, du fait que certains témoins n’avaient plus que de vagues souvenirs des événements ou en raison du risque de représailles auquel s’exposaient ceux qui étaient subordonnés du chef d’unité. Il fait également valoir que les questions étaient imprécises alors que les enquêteurs auraient pu s’appuyer sur les détails qu’il avait apportés, ce qui aurait permis aux témoins de se souvenir plus facilement des faits en cause.

158    En quatrième lieu, le requérant fait grief aux enquêteurs d’avoir communiqué des informations en violation de leur obligation de neutralité et de confidentialité. En particulier, il soutient qu’il ressort de l’échange de courriers électroniques entre les enquêteurs et B que les premiers ont informé ce dernier que l’AIPN avait déjà pris une décision alors que, à ce moment-là, seul le rapport d’enquête avait été établi, en précisant que le requérant en aurait été « mécontent ». Cela aurait indiqué au témoin que l’AIPN avait déjà considéré que la demande d’assistance n’était pas fondée, ce qui aurait été de nature à discréditer ladite demande auprès de ce témoin. Par ailleurs, il ressortirait dudit échange que les enquêteurs auraient communiqué audit témoin le nom d’autres témoins entendus ainsi que le nom de personnes qui auraient refusé d’être entendues.

159    Le CESE conteste les arguments du requérant.

160    Aux termes de l’article 24 du statut, l’Union assiste le fonctionnaire notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est, ou dont les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions.

161    Il convient de rappeler que l’objectif d’une enquête administrative est d’établir les faits et d’en tirer, en connaissance de cause, les conséquences appropriées tant au regard du cas faisant l’objet de l’enquête que, d’une manière générale et afin de satisfaire au principe de bonne administration, pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise à l’avenir (voir arrêt du 14 juillet 2021, AI/ECDC, T‑65/19, EU:T:2021:454, point 93 et jurisprudence citée).

162    Le statut ne prévoit pas de procédure spécifique à laquelle l’administration serait tenue lorsqu’elle traite une demande d’assistance ayant pour objet une allégation fondée sur l’article 12 bis du statut (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, CN/Parlement, T‑76/18, non publié, EU:T:2018:939, point 53).

163    L’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation sous le contrôle du juge de l’Union en ce qui concerne la conduite de l’enquête (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2019, UZ/Parlement, T‑47/18, EU:T:2019:650, point 43 et jurisprudence citée), en particulier l’utilité de procéder à l’audition d’un témoin (arrêt du 15 février 2023, Das Neves/Commission, T‑357/22, non publié, EU:T:2023:72, point 90), et l’évaluation de la qualité et de l’utilité de la coopération fournie par des témoins (voir arrêt du 3 octobre 2019, DQ e.a./Parlement, T‑730/18, EU:T:2019:725, point 77 et jurisprudence citée), ainsi que dans le choix d’autres mesures et des moyens d’application de l’article 24 du statut (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2007, Lo Giudice/Commission, T‑154/05, EU:T:2007:322, point 137).

164    En raison de ce large pouvoir d’appréciation dont dispose l’administration, le contrôle du juge de l’Union se limite à la question de savoir si l’institution concernée s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (voir arrêt du 12 juillet 2011, Commission/Q, T‑80/09 P, EU:T:2011:347, point 86 et jurisprudence citée).

165    Par ailleurs, l’institution est également tenue, en vertu du principe de bonne administration, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce dont elle est saisie et de réunir tous les éléments de fait et de droit nécessaires à l’exercice de son pouvoir d’appréciation ainsi que d’assurer le bon déroulement et l’efficacité des procédures qu’elle met en œuvre (voir arrêt du 5 octobre 2020, Broughton/Eurojust, T‑87/19, non publié, EU:T:2020:464, point 79 et jurisprudence citée).

166    C’est à l’aune de ces principes qu’il convient d’examiner le présent moyen.

167    En l’espèce, le requérant fait valoir, en premier lieu, que le CESE n’a pas conduit une enquête approfondie portant sur l’ensemble des faits allégués dans la demande d’assistance, en deuxième lieu, qu’il n’a pas interrogé tous les témoins qu’il avait cités, en troisième lieu, il critique la qualité des questions posées aux témoins et, en quatrième et dernier lieu, il fait valoir une violation de l’obligation de confidentialité incombant aux enquêteurs.

168    En premier lieu, s’agissant du grief du requérant selon lequel l’enquête n’a pas porté sur l’ensemble des faits allégués dans la demande d’assistance, il convient à titre liminaire de relever que, au regard des points 145 à 149 ci-dessus, les arguments que le requérant a exposés à l’annexe A.38 de la requête sont irrecevables. Est également irrecevable le renvoi, sans précisions, aux numéros d’occurrences figurant à l’annexe 1 de la décision attaquée. Il n’y a donc lieu d’examiner que les faits exposés dans la requête, qui n’ont, selon le requérant, pas été établis par l’enquête administrative.

169    Dans la requête, le requérant fait valoir que l’enquête administrative n’a pas porté sur les faits de contournement systématique de son autorité, en particulier s’agissant de la sélection et de l’attribution directe de tâches aux stagiaires. Selon lui, B n’a pas été interrogé par les enquêteurs sur la réunion du 27 novembre 2017 au cours de laquelle celui-ci a enjoint au chef d’unité de cesser de contourner son autorité.

170    D’une part, force est de constater que l’AIPN a, dans la décision attaquée, considéré qu’il n’était pas rare qu’un chef d’unité choisisse un stagiaire ou lui délègue directement du travail, même si un membre intermédiaire du personnel a été désigné comme maître de stage. Cette allégation a ainsi été regardée comme établie par l’AIPN, qui a néanmoins estimé que ce comportement, pris isolément, n’était pas constitutif d’un fait de harcèlement moral.

171    D’autre part, s’agissant de la réunion du 27 novembre 2017, compte tenu du large pouvoir d’appréciation des enquêteurs dans la conduite de l’enquête et l’évaluation de la qualité et de l’utilité de la coopération fournie par des témoins, tel qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 163 ci-dessus, il n’appartient pas au Tribunal de déterminer quelles questions auraient dû être posées par les enquêteurs au témoin en cause. De surcroît, il ressort du compte rendu de l’audition de ce témoin qu’il se souvenait avoir essayé de résoudre les difficultés rencontrées par le requérant et le chef d’unité par un dialogue constructif avec ces derniers, mais sans que cela soit suivi de résultats. De plus, il ressort de la décision attaquée que ladite réunion est mentionnée dans la partie consacrée aux faits, parmi les allégations que l’AIPN a considérées comme les « plus importantes et représentatives » de celles énumérées dans la demande d’assistance. Il est indiqué au sujet de cette réunion que le requérant a explicitement demandé au chef d’unité de cesser de contourner son autorité en s’adressant toujours directement aux membres de son équipe et de cesser d’éviter systématiquement de lui parler. La réunion en question a ainsi été prise en compte par l’AIPN lors de l’examen de ladite demande.

172    De même, au regard de la jurisprudence citée au point 164 ci-dessus, le contrôle du juge de l’Union se limitant à la question de savoir si l’institution, l’organe ou l’organisme concerné s’est tenu dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée, il n’appartient pas au Tribunal de déterminer quelles activités d’enquête auraient dû être entreprises en l’espèce. Il convient donc de rejeter comme non fondé l’argument du requérant selon lequel les enquêteurs auraient dû vérifier les signataires pour confirmer que le nom du requérant ne figurait pas sur les fiches de circulation.

173    Il y a donc lieu de considérer que le requérant n’a pas démontré que l’administration avait usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée dans la conduite de l’enquête, en omettant d’enquêter sur certains faits, même si, comme celui-ci l’observe, lesdits rapports n’abordent pas toutes les « occurrences » énumérées dans la demande d’assistance.

174    Ce constat n’est pas remis en cause par l’argument du requérant selon lequel les enquêteurs auraient dû remettre à B la note du 8 novembre 2017, que lui a adressée le chef d’unité après l’incident du 7 novembre 2017. En effet, s’il ressort du compte rendu de son échange avec les enquêteurs que B ne se souvenait pas dudit incident ni du contenu de cette note, il convient d’observer que les enquêteurs ont recueilli suffisamment d’éléments sur cet incident, notamment la note du 9 novembre 2017 que le chef d’unité a adressée au requérant et qu’il leur a communiqué lors de son audition du 31 août 2021 ainsi que la note du 8 novembre 2017 adressée à B. Ainsi, le seul fait que les enquêteurs n’aient pas communiqué cette dernière note à ce témoin n’est pas de nature à démontrer que les enquêteurs ont commis une erreur manifeste d’appréciation dans la conduite de l’enquête.

175    En deuxième lieu, en ce qui concerne le nombre de personnes interrogées, il résulte de la jurisprudence citée au point 163 ci-dessus que le choix des personnes auditionnées par les enquêteurs relève du large pouvoir d’appréciation de l’AIPN en la matière. Par ailleurs, il convient de rappeler que les enquêteurs n’étaient nullement tenus de convoquer tous les témoins proposés par le requérant dans le cadre de l’enquête.

176    En l’espèce, les enquêteurs ont interrogé cinq témoins dans le cadre de l’enquête initiale, deux personnes ayant refusé d’être interrogées, puis neuf témoins dans le cadre de l’enquête complémentaire, soit treize témoins au total. Toutefois, le requérant fait valoir qu’une dizaine de témoins qu’il a cités n’ont pas été interrogés. Or, selon lui, il était important de recueillir les témoignages de plusieurs d’entre eux, notamment celui d’une assistante présente au moment de l’incident du 7 novembre 2017 ou celui d’une autre personne qui aurait exprimé son étonnement et des critiques sur la demande de vérification des décomptes d’heures du requérant sur une année complète.

177    S’agissant de la première personne citée, C, témoin de l’incident du 7 novembre 2017, le CESE affirme que celle-ci a été entendue par les enquêteurs le 20 mai 2021 et soumet à cet égard le compte rendu de son audition. Dans ces conditions, l’argument du requérant manque en fait.

178    S’agissant de la deuxième personne citée, D, assistante dans le secteur [confidentiel], il est constant qu’elle n’a pas été interrogée par les enquêteurs, bien qu’ils aient, selon le CESE, tenté de la contacter. Toutefois, bien que cette personne n’ait pas été interrogée sur la vérification des décomptes d’heures du requérant pour l’année 2017, il convient d’observer que ce fait est considéré comme établi dans la décision attaquée. L’AIPN l’a néanmoins analysé comme ne constituant pas un harcèlement moral. Le requérant conteste en réalité l’appréciation de l’AIPN sur ce fait, en le mettant en perspective avec les propos qu’il rapporte de D, sans prouver qu’ils aient été tenus. Ainsi, le requérant reste en défaut de démontrer que l’administration a outrepassé les limites de son pouvoir, au regard de la jurisprudence citée au point 163 ci-dessus, en ce qu’elle n’a pas interrogé le deuxième témoin cité par lui.

179    En troisième lieu, en ce qui concerne le caractère prétendument imprécis et non pertinent des questions posées aux témoins, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 163 ci-dessus, l’administration jouit d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la conduite de l’enquête et, en particulier, l’évaluation de la qualité et de l’utilité de la coopération fournie par des témoins.

180    Or, en l’espèce, le requérant reste en défaut de démontrer que le choix des questions posées par les enquêteurs a excédé la large marge d’appréciation dont ils disposaient et constitue une violation de l’article 24 du statut, tels qu’interprété par la jurisprudence.

181    En outre, il découle de la large marge d’appréciation dont jouit l’administration que celle-ci détermine, dans le cadre de chaque dossier qui lui est soumis, l’approche qui lui semble la plus appropriée pour réaliser sa mission et établir la véracité des faits. Dans ce contexte, il appartient à l’administration de déterminer la nature des questions qu’il convient d’adresser aux témoins auditionnés afin d’établir, au sens de la jurisprudence citée au point 163 ci-dessus, la réalité des faits allégués. Le choix des questions posées pouvait ainsi être apprécié par l’administration en fonction, notamment, de la position de chaque témoin individuel, de sa relation avec le harceleur et la victime présumés, de ses fonctions et des éléments déjà établis pendant l’enquête.

182    S’agissant du manque de pertinence allégué de certaines questions, il y a lieu d’observer que plusieurs questions visaient à éclairer les enquêteurs sur l’environnement de travail général dans l’unité et dans le secteur pour lequel le requérant coordonnait les travaux, au regard des témoignages recueillis dans le cadre de l’enquête initiale, notamment au motif que certains témoins avaient indiqué qu’ils s’étaient sentis harcelés par le requérant ou qu’ils avaient connaissance du fait que d’autres se sentaient également harcelés par lui. Or, le requérant reste en défaut de démontrer que les enquêteurs ont usé de leur pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée, lorsqu’ils ont interrogé certains témoins travaillant dans l’unité et le secteur en cause, sur la nature de leurs relations avec le requérant et sur leurs impressions relatives à la coordination du secteur par le requérant, ou demandé s’ils s’étaient sentis harcelés par lui.

183    De plus, en ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel certaines questions auxquelles les témoins n’ont pu répondre en raison du risque de représailles auquel ils s’exposaient en tant que subordonnés du chef d’unité, le requérant reste en défaut de prouver que lesdits témoins ont pu raisonnablement avoir des craintes de subir des représailles ou fait l’objet de pressions. En effet, il se borne à affirmer que les personnes interrogées prenaient un risque en s’exposant à des représailles, dès lors que le chef d’unité était leur supérieur hiérarchique et que ce dernier aurait eu « tôt ou tard accès aux témoignages » sans étayer ses allégations par un commencement de preuve.

184    S’agissant du manque de précision allégué de certaines questions, par lesquelles les enquêteurs auraient effectué de vagues allusions aux faits, le requérant donne l’exemple de l’une des questions adressées le 28 juin 2022 par courrier électronique à un témoin, visant un changement de délai par le chef d’unité pour un « certain travail » qu’il devait exécuter et « qui aurait réduit la possibilité [pour lui] de faire du télétravail ». Si, comme le fait valoir à juste titre le requérant, les enquêteurs n’ont pas indiqué que cet événement concernait la finalisation d’un certain plan d’action, cette circonstance, à elle seule, ne suffit pas à démontrer que les enquêteurs ont commis une erreur manifeste d’appréciation dans la conduite de l’enquête.

185    En quatrième lieu, en vertu du devoir de confidentialité qui lui incombe, l’administration doit s’abstenir de toute mesure susceptible de compromettre les résultats de l’enquête administrative (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2012, Donati/BCE, F‑63/09, EU:F:2012:193, point 171).

186    Il convient de relever que, s’il ressort en effet du compte rendu de l’audition du 15 juin 2022 que le témoin interrogé a « été informé que la personne qui était mécontente de la décision de l’AIPN a demandé que des témoins additionnels soient entendus » et a également « été informé des personnes auditionnées jusqu’alors, et de ceux qui auraient préféré ne pas être entendus », le requérant n’a pas présenté d’indices de ce que la divulgation de ces informations a effectivement exercé une incidence sur le témoignage de cette personne dans le cadre de l’enquête administrative complémentaire, de nature à compromettre les résultats de l’enquête administrative. En tout état de cause, à supposer que la divulgation de ces informations par les enquêteurs au témoin auditionné le 15 juin 2022 l’ait effectivement conduit à minimiser ou à altérer la réalité des faits sur lesquels il était appelé à témoigner, il ne saurait être considéré que cette irrégularité procédurale relative à un seul témoignage vicie la légalité de la décision attaquée, laquelle résulte de l’analyse globale d’un ensemble de témoignages dont le requérant ne conteste pas le caractère précis et concordant.

187    Il résulte de tout ce qui précède que le requérant reste en défaut de démontrer que l’administration a outrepassé les limites du large pouvoir d’appréciation dont elle disposait dans la conduite de l’enquête au sens de la jurisprudence citée au point 163 ci-dessus.

188    Compte tenu de tout ce qui précède, le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs d’appréciation au regard de l’article 12 bis du statut

189    Le requérant fait valoir que l’AIPN a commis une erreur d’appréciation des faits en concluant que les faits allégués n’étaient pas constitutifs d’un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut et, partant, ne justifiaient pas l’adoption de mesures au titre du devoir d’assistance. Il soutient, d’une part, que l’AIPN a examiné de manière limitée, insuffisante et erronée les faits allégués et, d’autre part, que celle-ci a omis de prendre en compte le caractère cumulatif des faits.

190    Premièrement, s’agissant de la gestion de l’horaire flexible et de la demande du chef d’unité en vue de la vérification des décomptes de ses heures de présence, le requérant fait valoir que ladite demande a porté sur une année entière, ce qui constituerait une mesure inhabituelle et vexatoire, aux motifs, d’une part, qu’il avait déjà répondu aux questions du chef d’unité avant cette vérification et, d’autre part, que le chef d’unité avait lui-même validé mensuellement ses heures de présence. Ensuite, il conteste que ladite vérification ait été justifiée par ses prétendues absences fréquentes ou difficultés à le joindre. Enfin, il souligne le fait que pareille vérification a conduit à une modification des crédits horaires en sa faveur. Il indique par ailleurs que cette mesure a été jugée excessive par la cheffe d’un bureau de la direction des ressources humaines et des finances et caractéristique d’un harcèlement par son assistante.

191    Deuxièmement, en ce qui concerne la critique du chef d’unité sur le style de gestion du requérant à la suite de l’incident du 7 novembre 2017, ce dernier ne conteste pas que le chef d’unité puisse lui faire des remarques lui paraissant appropriées afin de l’aider à résoudre une situation de crise. Toutefois, il fait valoir que la remarque « votre style de management est totalement inadéquat » ne constitue pas une critique constructive de sa part. Il souligne aussi que le chef d’unité n’a pas non plus donné suite à son invitation d’engager une discussion sur son style de management.

192    Troisièmement, s’agissant du refus du chef d’unité de suivre les propositions et recommandations du requérant, ce dernier concède que de tels faits, pris isolément, ne sont pas nécessairement constitutifs de harcèlement. Toutefois, il fait valoir que l’AIPN n’a pas examiné leur multiplication, à savoir plus d’une dizaine d’occurrences sur une durée de près d’un an.

193    Quatrièmement, s’agissant de la réunion interservices que le chef d’unité a prié le requérant de quitter, ce dernier estime qu’il convient de replacer ledit comportement dans un contexte global dans lequel chaque nouvel acte du harceleur devient inacceptable ou insupportable, non pas en soi mais dans ses effets. En outre, il rappelle qu’il avait cité un témoin qui s’était dit très choqué par le comportement du chef d’unité. En tout état de cause, il estime avoir exposé les raisons objectives justifiant sa présence à ladite réunion, au nom de l’intérêt du service en raison de ses fonctions.

194    Cinquièmement, au sujet de la sélection du stagiaire par le chef d’unité et de l’attribution de tâches à celui-ci par ce dernier, le requérant fait valoir qu’il n’est pas fréquent que le maître de stage ne participe pas à la sélection de son propre stagiaire. En outre, il soutient que, si le chef d’unité peut déléguer directement du travail au stagiaire de l’unité, celui-ci doit cependant en informer le maître de stage afin que ce dernier puisse assurer ses missions de suivi et de supervision des tâches, ainsi qu’il est prévu dans le guide du CESE pour les conseillers de stage.

195    Sixièmement, s’agissant de certains éléments s’étant produits au cours du deuxième semestre 2015 et du premier semestre 2016, notamment la décision du chef d’unité de ne pas lui confier certains dossiers, celle de le remplacer par des collègues moins expérimentés ou encore de l’écarter de panels de sélection, sans explication objective et malgré ses nombreuses années d’expérience, le requérant souligne la nécessité de réaliser une lecture contextuelle de ces faits et de leur accumulation dans le temps.

196    Septièmement, le requérant fait valoir qu’il n’a pas été promu à trois reprises alors qu’il aurait dû l’être. Il ne conteste pas que l’absence de promotion n’est pas en soi un signe de harcèlement. Cependant, il fait valoir que les notateurs avaient été respectivement, l’une des années en cause, le secrétaire général alors qu’il exerçait les fonctions de directeur des ressources humaines, et les deux autres années en cause, le chef d’unité.

197    Huitièmement, le requérant reproche d’abord aux enquêteurs, puis à l’AIPN dans la décision attaquée de ne pas avoir tiré de conséquences de la note confidentielle qu’il avait communiquée et qui décrivait l’altération de son état de santé, ainsi que des autres rapports médicaux le confirmant, alors que la nature, le nombre et la date de survenance des troubles médicaux exposés témoignaient d’un lien avec le harcèlement dénoncé dans la demande d’assistance. Il rappelle que, selon la jurisprudence, un diagnostic délivré sous forme d’un certificat par un médecin bénéficie d’une présomption d’exactitude. Il reproche également aux enquêteurs de n’avoir entrepris aucune action visant à apprécier son état de santé en sollicitant par exemple l’avis du service médical du CESE ou d’un expert médical. Il fait enfin valoir l’aggravation de ses symptômes dépressifs, en raison de la « non-résolution » de ladite demande.

198    Neuvièmement, s’agissant des propos déplacés tenus par le chef d’unité, le requérant fait valoir que l’AIPN a reconnu que le chef d’unité l’avait traité de « veau » ayant le privilège de changer de « pâture » lorsqu’il lui a annoncé qu’il allait rejoindre le Conseil. Il conteste à cet égard l’appréciation de la décision attaquée selon laquelle, par ses agissements, le chef d’unité n’a pas manqué à l’obligation de traiter tout collègue avec dignité.

199    Dixièmement, le requérant se prévaut du refus du chef d’unité de lui accorder le bénéfice d’une adaptation de son régime de temps de travail le mercredi après-midi afin de s’occuper de ses enfants. Selon lui, ladite demande était pourtant conforme aux règles internes du CESE et au principe général de conciliation de la vie familiale et professionnelle. Par ailleurs, il indique que, en 2016, le télétravail occasionnel était passé de 15 à 28 jours par an. Le chef d’unité aurait donc limité sans motifs objectifs cette faculté. En outre, le requérant fait valoir que le prétendu motif tenant à l’intérêt du service avancé par le chef d’unité était non fondé, car les conférences et les auditions publiques n’étaient presque jamais organisées le mercredi après-midi et que, de surcroît, sa présence durant toute la durée de la conférence n’était pas nécessaire.

200    Le CESE conteste les arguments du requérant.

201    À cet égard, l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut définit le harcèlement moral comme toute conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui sont intentionnels et qui portent atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne.

202    En premier lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’article 24 du statut a été conçu en vue de protéger les fonctionnaires de l’Union contre le harcèlement ou un traitement dégradant quel qu’il soit, émanant notamment de leurs supérieurs hiérarchiques ou de leurs collègues [voir arrêt du 12 octobre 2022, Paesen/SEAE, T‑88/21, EU:T:2022:631, point 236 (non publié) et jurisprudence citée].

203    En deuxième lieu, l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut définit le harcèlement moral comme une « conduite abusive » qui requiert, pour être établie, que deux conditions cumulatives soient satisfaites. La première condition est relative à l’existence de comportements, de paroles, d’actes, de gestes ou d’écrits qui se manifestent « de façon durable, répétitive ou systématique », ce qui implique que le harcèlement moral doit être compris comme un processus s’inscrivant nécessairement dans le temps et suppose l’existence d’agissements répétés ou continus et qui sont « intentionnels » par opposition à « accidentels ». La seconde condition exige que ces comportements, paroles, actes, gestes ou écrits aient pour effet de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne [voir, en ce sens, arrêts du 12 novembre 2020, Pethke/EUIPO, C‑382/19 P, non publié, EU:C:2020:917, points 92 à 97, et du 12 octobre 2022, Paesen/SEAE, T‑88/21, EU:T:2022:631, point 238 (non publié) et jurisprudence citée].

204    Ainsi, il n’est pas nécessaire d’établir que les comportements, paroles, actes, gestes ou écrits en cause portaient intentionnellement atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne. En d’autres termes, le harcèlement moral peut être caractérisé sans qu’il soit démontré que le harceleur ait entendu, par ses agissements, discréditer la victime ou dégrader intentionnellement ses conditions de travail. Il suffit que ces agissements, dès lors qu’ils ont été commis volontairement, aient entraîné objectivement de telles conséquences [voir arrêt du 12 octobre 2022, Paesen/SEAE, T‑88/21, EU:T:2022:631, point 239 (non publié) et jurisprudence citée].

205    Toutefois, l’agissement en cause devant, en vertu de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, présenter un caractère abusif, la qualification de « harcèlement » est subordonnée à la condition que celui-ci revête une réalité objective suffisante, au sens où un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, considérerait le comportement ou l’acte en cause comme excessif et critiquable [voir arrêt du 12 octobre 2022, Paesen/SEAE, T‑88/21, EU:T:2022:631, point 240 (non publié) et jurisprudence citée].

206    Enfin, le harcèlement moral peut, en raison de sa définition même, être le résultat d’un ensemble de comportements différents qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement constitutifs en soi d’un harcèlement moral mais qui, appréciés globalement et de manière contextuelle, y compris en raison de leur accumulation dans le temps, pourraient être considérés comme tel. Par conséquent, lorsqu’est examinée la question de savoir si des comportements invoqués par une partie requérante sont constitutifs d’un harcèlement moral, il convient d’examiner ces faits tant isolément que conjointement en tant qu’éléments d’un environnement global de travail créé par les comportements d’un membre du personnel à l’égard d’un autre membre de ce personnel [voir arrêt du 12 octobre 2022, Paesen/SEAE, T‑88/21, EU:T:2022:631, point 241 (non publié) et jurisprudence citée].

207    En troisième lieu, en présence d’une allégation de méconnaissance de l’article 12 bis du statut, le Tribunal doit rechercher si l’institution concernée a commis une erreur d’appréciation des faits au regard de la définition du harcèlement visée à cette disposition, et non une erreur manifeste d’appréciation de ces faits, le bien-fondé de la décision rejetant une demande d’assistance sans qu’une enquête administrative ait été ouverte devant être apprécié par le juge au regard des éléments ayant été portés à la connaissance de l’institution, notamment par le demandeur d’assistance, lorsque celle-ci a statué [voir arrêt du 12 octobre 2022, Paesen/SEAE, T‑88/21, EU:T:2022:631, point 242 (non publié) et jurisprudence citée].

208    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le moyen invoqué en abordant d’abord chacun des événements mentionnés par le requérant au regard de l’article 12 bis du statut, puis en les appréciant globalement en vue de déterminer si, ainsi qu’il le soutient, l’AIPN a commis une erreur d’appréciation des faits.

–       Appréciation individuelle des comportements litigieux allégués

209    Premièrement, s’agissant de la demande de vérification rétroactive des décomptes d’heures du requérant, il convient de rappeler que, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont jouissent les institutions dans l’organisation de leurs services, ni les décisions administratives, même si celles-ci sont difficiles à accepter, ni les désaccords avec l’administration sur des questions relevant de l’organisation des services ne sauraient à eux seuls prouver l’existence d’un harcèlement moral (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2018, SQ/BEI, T‑377/17, EU:T:2018:478, point 108 et jurisprudence citée).

210    En l’espèce, la décision no 131/17 A du CESE relative aux horaires de travail et à l’aménagement du temps de travail dispose à l’article 3, paragraphe 4, que les supérieurs hiérarchiques vérifient, approuvent ou, le cas échéant, corrigent les décomptes d’heures de chaque membre du personnel placé sous leurs ordres. Au début du mois, les supérieurs hiérarchiques valident les heures enregistrées par les membres de leur service au cours du mois précédent.

211    Il ressort du dossier que plusieurs témoins interrogés au cours de l’enquête administrative ont indiqué que le requérant était souvent absent du bureau. Force est de constater que, ainsi que le CESE l’indique, un premier témoin a affirmé que le requérant « était peu présent, ce qui compliquait parfois la gestion quotidienne des dossiers », un deuxième avait « le sentiment que [le requérant] n’était pas souvent présent, mais [qu’il lui] semblait que le secteur fonctionnait bien », un troisième a déclaré « avoir [eu] des problèmes pour voir [le requérant] dans le cadre de son travail[, lequel] était souvent absent et prenait de longues pauses de midi, ce qui ne rendait pas toujours facile de communiquer avec lui » et un quatrième a affirmé que le requérant « semblait parfois introuvable, non seulement pour son chef [d’unité], mais également pour les collègues de son secteur ».

212    Dans ces conditions, il ne pouvait être exclu que le chef d’unité puisse avoir des doutes sur l’exactitude des encodages d’heures du requérant, bien qu’il ressorte du courriel du 15 juin 2018 d’une assistante de l’unité des conditions de travail et de la gestion du temps adressé au chef d’unité qu’« aucun temps de travail n’a été crédité indûment » au requérant en 2017.

213    Dans ce contexte, la demande du chef d’unité à la direction des ressources humaines et des finances de procéder à une vérification des décomptes d’heures de présence du requérant pouvait paraître justifiée au regard de l’intérêt du service, ladite vérification ayant notamment eu lieu après plusieurs rappels et échanges avec le requérant.

214    Dans cette mesure, la demande de vérification des décomptes d’heures du requérant ne saurait, prise isolément, être qualifiée d’excessive et critiquable pour un observateur impartial et raisonnable doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, au sens de la jurisprudence rappelée au point 205 ci-dessus.

215    Deuxièmement, en ce qui concerne la critique du chef d’unité sur le style de gestion du requérant à la suite de l’incident du 7 novembre 2017, il convient de rappeler que le fait qu’un fonctionnaire ait des relations difficiles, voire conflictuelles, avec ses collègues ou ses supérieurs hiérarchiques ne constitue pas à lui seul la preuve d’un harcèlement moral (arrêt du 16 avril 2008, Michail/Commission, T‑486/04, EU:T:2008:111, point 61).

216    Par ailleurs, des messages dont le contenu entre dans le cadre habituel d’un rapport hiérarchique ne sauraient constituer un harcèlement moral. Dans l’hypothèse contraire, la critique du travail d’un subordonné deviendrait très compliquée, ce qui rendrait la gestion d’un service pratiquement impossible (voir arrêt du 5 juillet 2023, OC/SEAE, T‑770/21, non publié, EU:T:2023:378, point 117 et jurisprudence citée).

217    Ainsi, la jurisprudence précise que rentrent dans le cadre habituel d’un rapport hiérarchique des messages qui notamment ne contiennent aucune formule diffamatoire ou malveillante ayant été envoyés à l’intéressé seul ou en copie à plusieurs personnes lorsque l’intérêt du service le justifie (arrêts du 25 octobre 2007, Lo Giudice/Commission, T‑154/05, EU:T:2007:322, points 104 et 105, et du 11 juillet 2013, Tzirani/Commission, F‑46/11, EU:F:2013:115, point 97).

218    De même, des observations négatives adressées à un fonctionnaire ne portent pas nécessairement atteinte à sa personnalité, à sa dignité ou à son intégrité, lorsqu’elles sont formulées en des termes mesurés et ne reposent pas sur des accusations abusives et dénuées de tout lien avec des faits objectifs (voir, en ce sens, arrêt du 6 avril 2022, KU/SEAE, T‑425/20, non publié, EU:T:2022:224, point 122 et jurisprudence citée).

219    En l’espèce, il convient de relever que la critique « votre style de management est totalement inadéquat » prononcée par le chef d’unité au cours de l’entretien du 8 novembre 2017, pour excessive qu’elle puisse paraître à première vue, ne contient aucune formule diffamatoire ou malveillante à l’égard du requérant, et lui a été adressée lors d’une conversation privée.

220    En effet, il y a lieu de replacer la critique en cause dans le contexte de l’incident du 7 novembre 2017, à savoir l’évanouissement de A, travaillant dans le secteur pour lequel le requérant coordonnait les travaux, au cours d’un échange avec celui-ci. L’un des témoins a notamment indiqué que ladite collègue se sentait harcelée par le requérant. Dans le document intitulé « Focus sur l’incident du 7 novembre 2017 » annexé à la demande d’assistance, ce dernier fait d’ailleurs part de difficultés professionnelles qu’il a rencontrées avec cette collègue avant ledit incident. En outre, il ressort du rapport d’enquête initiale que le chef d’unité a indiqué aux enquêteurs que, à la suite à cet incident, le médecin-conseil du CESE avait demandé que la collègue en question ne travaille plus dans le secteur dirigé par le requérant.

221    En ce qui concerne la réaction du chef d’unité à l’incident du 7 novembre 2017, il ressort du dossier que celui-ci s’est entretenu le jour dudit incident avec son supérieur hiérarchique, B, chef du département [confidentiel], puis avec le requérant le lendemain de cet incident et, enfin, lui a adressé une note le 9 novembre 2017, ainsi qu’à sa hiérarchie.

222    La note en cause a été communiquée au requérant le 13 novembre 2017 et reprend l’essentiel des consignes que le chef d’unité lui a données au cours de l’entretien du 8 novembre 2017. Son auteur y évoque l’incident du 7 novembre 2017 et le fait que A lui aurait indiqué un lien direct entre sa discussion avec le requérant et sa perte de connaissance. Il lui a également rapporté que, à la suite de cet incident, un collègue du secteur dirigé par le requérant lui avait fait part de son mal-être en se plaignant de ses méthodes de management et que cela rappelait une plainte antérieure d’un ancien collègue, E. Il a constaté que le secteur en cause se trouvait fortement perturbé et que la gestion de l’équipe dudit secteur ne pouvait, à ce stade, être considérée comme satisfaisante. Il lui a enfin rappelé les consignes données le 8 novembre 2017 afin d’améliorer la situation dans le service.

223    S’il ressort de ladite note que le chef d’unité a exprimé des critiques sur le style de management du requérant, ses commentaires sur la situation doivent être considérés comme proportionnés au regard de l’importance et de la gravité de l’incident du 7 novembre 2017, tant pour la collègue concernée que pour le secteur pour lequel le requérant coordonnait les travaux ainsi que l’unité dont ce secteur relevait. Partant, de telles remontrances, faites dans des termes mesurés, étaient objectivement justifiées au regard dudit incident. Ainsi, le fait que le chef d’unité ait manifesté son mécontentement sur ladite coordination, qu’il n’estimait pas conforme aux exigences du service, ne saurait constituer un harcèlement moral, lesdites remarques rentrant dans le cadre habituel d’un rapport hiérarchique, au sens de la jurisprudence citée au point 216 ci-dessus.

224    Dans ces conditions, compte tenu du contexte existant dans le secteur pour lequel le requérant coordonnait les travaux, notamment à la suite de l’incident du 7 novembre 2017, la critique rapportée au point 219 ci-dessus, prise isolément, ne saurait être qualifiée d’excessive et critiquable pour un observateur impartial et raisonnable doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, au sens de la jurisprudence rappelée au point 205 ci-dessus.

225    Troisièmement, en ce qui concerne le refus du chef d’unité de suivre plusieurs recommandations et propositions du requérant, il y a lieu de relever que le requérant n’étaye pas son argument par des exemples concrets de situations dans lesquelles ses propositions ou recommandations n’auraient pas été suivies.

226    Par ailleurs, compte tenu de la jurisprudence citée au point 209 ci-dessus, le simple fait que le chef d’unité n’ait pas suivi les propositions et recommandations du requérant ne saurait démontrer un harcèlement moral, mais tout au plus l’existence de divergences d’opinions.

227    Il y a donc lieu de considérer que le refus allégué du chef d’unité de suivre certaines propositions ou recommandations du requérant, pris isolément, ne saurait être qualifié d’excessif et critiquable pour un observateur impartial et raisonnable doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, au sens de la jurisprudence rappelée au point 205 ci-dessus.

228    Quatrièmement, s’agissant de la réunion interservices du 23 janvier 2017 que le requérant a été prié de quitter sur demande du chef d’unité après le début de ladite réunion et devant une cinquantaine de personnes, il convient d’admettre qu’une telle instruction témoigne d’une mauvaise gestion et d’une absence de communication efficace entre le chef d’unité et le requérant sur l’organisation de cette réunion. Néanmoins, si une telle instruction a pu être ressentie comme blessante voire humiliante par le requérant, il n’en demeurait pas moins qu’elle pouvait être justifiée par des raisons tenant à l’intérêt du service, à savoir que la présence du chef d’unité à la réunion en question était alors suffisante. Une telle décision n’excédait donc pas le large pouvoir d’appréciation dont disposait le chef d’unité dans l’organisation des travaux de son service, au sens de la jurisprudence citée au point 209 ci-dessus.

229    Ainsi, l’attitude du chef d’unité lors de la réunion du 23 janvier 2017, prise isolément, ne saurait être qualifiée d’excessive et critiquable pour un observateur impartial et raisonnable doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, au sens de la jurisprudence rappelée au point 205 ci-dessus.

230    Cinquièmement, s’agissant du fait que les stagiaires placés sous la responsabilité du requérant avaient été sélectionnés par le chef d’unité sans l’en informer, le guide pour les conseillers de stage prévoit en son point 2.3 traitant de la procédure de sélection que les chefs d’unité désireux d’accueillir un stagiaire dans leur unité effectuent une première sélection et établissent une liste par ordre de préférence qu’ils transmettent ensuite au Bureau des stages.

231    Lors de l’audience, le requérant a fait valoir que la version du guide en cause, en vigueur lorsque le requérant était conseiller de stage, prévoyait que les « autres responsables » participaient également à la sélection du stagiaire, mais n’a toutefois pas présenté ladite version du guide. Quant au CESE, il a indiqué lors de l’audience que le guide communiqué en réponse à une mesure d’organisation de la procédure du Tribunal n’avait pas été modifié depuis 2015. Le CESE a par ailleurs expliqué à l’audience que le stagiaire était d’abord recruté par l’unité et qu’un conseiller de stage était ensuite désigné au sein de l’unité.

232    Dans ces conditions, l’absence de participation du requérant à la sélection du stagiaire placé sous sa responsabilité, prise isolément, ne saurait être qualifiée d’excessive et critiquable pour un observateur impartial et raisonnable doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, au sens de la jurisprudence rappelée au point 205 ci-dessus.

233    En ce qui concerne l’attribution directe de tâches au stagiaires, il ressort du point 3.2.2 du guide sur les conseillers de stage qu’il incombe au conseiller de stage de tenir à jour une vision globale des différentes tâches qui sont confiées au stagiaire par les autres membres de l’unité et de veiller à ce que les demandes soient équilibrées. Il est également prévu au point 5 dudit guide que les stagiaires sont tenus de se conformer aux instructions données par le Bureau des stages, leur conseiller et leurs supérieurs dans l’unité.

234    Ainsi, s’il n’est pas exclu que l’absence d’informations du chef d’unité en cas d’attribution de tâches au stagiaire ait pu entraver la visibilité du requérant sur les tâches confiées au stagiaire et ainsi rendre plus difficile sa mission de conseiller de stage, il n’apparaît pas que l’attribution directe de tâches au stagiaire par le chef d’unité excédait le large pouvoir d’appréciation dont disposait ce dernier dans l’organisation des travaux de son service, alors que le stagiaire était également placé sous son autorité, et pas seulement sous l’autorité du requérant.

235    Ainsi, prise isolément, cette circonstance ne saurait être qualifiée d’excessive et critiquable pour un observateur impartial et raisonnable doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, au sens de la jurisprudence rappelée au point 205 ci-dessus.

236    Sixièmement, s’agissant de sa mise à l’écart de certaines missions de l’unité au cours du deuxième semestre 2015 et du premier semestre 2016, notamment la décision du chef d’unité de ne pas confier au requérant certains dossiers, celle de le remplacer par des collègues moins expérimentés ou encore de l’écarter de panels de sélection, il y a lieu de constater que, compte tenu du large pouvoir d’appréciation des institutions, organes et organismes de l’Union concernant l’organisation de leurs services, le fait que le requérant n’ait pas été désigné pour assumer certaines fonctions ne saurait être considéré comme un indice de harcèlement.

237    Dès lors que la répartition des tâches au sein de l’unité relève du pouvoir d’appréciation du chef d’unité dans l’organisation des travaux de l’unité en cause, et bien que cette répartition des tâches ait pu être vécue difficilement par le requérant, ce comportement, pris isolément, ne saurait être qualifié d’excessif et critiquable pour un observateur impartial et raisonnable doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, au sens de la jurisprudence rappelée au point 205 ci-dessus.

238    Septièmement, en ce qui concerne l’absence de promotion du requérant en 2016, le requérant reconnaît lui-même que l’absence de promotion ne saurait être considérée comme un harcèlement. En outre, il reste en défaut de prouver que, nonobstant les règles statutaires de compétence en matière de promotion, le chef d’unité lui aurait assuré, au cours de l’entretien annuel de notation du 21 juin 2016, qu’il serait promu lors de l’exercice de promotion en cause.

239    Il convient à cet égard de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il n’est pas conféré aux fonctionnaires un droit à la promotion, même à ceux qui réunissent toutes les conditions pour pouvoir être promus (voir arrêt du 16 juin 2021, RA/Cour des comptes, T‑867/19, non publié, EU:T:2021:361, point 81 et jurisprudence citée).

240    Ainsi, une absence prolongée de promotion n’est pas un élément qui, à lui seul, est de nature à rapporter la preuve du harcèlement moral prétendument subi.

241    De surcroît, le requérant n’a pas contesté l’issue de la procédure de promotion en cause, alors même qu’il allègue que, en raison de son rang dans la liste des fonctionnaires promouvables, il aurait dû être promu.

242    Dans ces conditions, l’absence de promotion du requérant en 2016, prise isolément, ne saurait être qualifiée d’excessive et critiquable pour un observateur impartial et raisonnable doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, au sens de la jurisprudence rappelée au point 205 ci-dessus.

243    Huitièmement, s’agissant de la note confidentielle sur l’état de santé du requérant ainsi que des autres rapports médicaux, il y a lieu de rappeler que les avis d’experts médicaux ne sont pas de nature à établir, par eux-mêmes, l’existence, en droit, d’un harcèlement ou d’une faute de l’institution, de l’organe ou de l’organisme de l’Union eu égard à son devoir d’assistance. En particulier, si les rapports médicaux peuvent mettre en évidence l’existence de troubles psychiques chez des fonctionnaires ou des agents, ils ne sauraient toutefois établir que lesdits troubles résultent d’un harcèlement moral, dès lors que, pour conclure à l’existence d’un harcèlement, les auteurs de rapports médicaux se fondent nécessairement et exclusivement sur la description que les intéressés leur ont faite de leurs conditions de travail au sein de l’institution, de l’organe ou de l’organisme concerné, sans confronter cette version des faits à celle de la personne mise en cause, dans ses comportements, par lesdits fonctionnaires ou agents (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, DQ e.a./Parlement, T‑730/18, EU:T:2019:725, point 72 et jurisprudence citée).

244    Ainsi, si la note confidentielle sur l’état de santé du requérant et les autres pièces qu’il a présentées mettent en évidence l’existence de troubles de santé, ces documents ne sont pas de nature à établir, par eux-mêmes, l’existence, en droit, d’un comportement de harcèlement moral imputable au chef d’unité.

245    Pour le même motif, il ne saurait être considéré que, en s’abstenant d’entreprendre une action quelconque afin d’apprécier son état de santé, par exemple en sollicitant l’avis du service médical du CESE ou d’un expert médical, le CESE aurait entaché la conduite de l’enquête administrative relative à la demande d’assistance du requérant d’une erreur manifeste d’appréciation.

246    Neuvièmement, s’agissant de la remarque « c’est toujours bon pour les veaux de changer de pâture », prononcée le 2 décembre 2019 par le chef d’unité lorsque le requérant lui a annoncé qu’il allait rejoindre une institution de l’Union, il y a lieu de constater que le CESE n’en a pas contesté la réalité, ni a apporté d’explications permettant de la contextualiser ou de relativiser sa portée. Ainsi, bien que cette remarque puisse trouver son origine dans une expression proverbiale, elle doit être regardée comme déplacée et offensante à l’égard du requérant.

247    Ainsi, la remarque en cause doit, prise isolément, être qualifiée d’excessive et critiquable pour un observateur impartial et raisonnable doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, au sens de la jurisprudence rappelée au point 205 ci-dessus.

248    Dixièmement, en ce qui concerne le refus d’adaptation du temps de travail, le requérant vise, d’une part, ses demandes de télétravail occasionnel et, d’autre part, l’aménagement du temps de travail par la récupération d’heures certains mercredis après-midi.

249    Il découle de la jurisprudence citée au point 209 ci-dessus que, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont jouissent les institutions, organes et organismes de l’Union dans l’organisation de leurs services, ni des décisions administratives, même si celles-ci sont difficiles à accepter, ni des désaccords avec l’administration sur des questions relevant de l’organisation des services ne sauraient à eux seuls prouver l’existence d’un harcèlement moral.

250    En l’espèce, il ressort du rapport d’enquête complémentaire que le chef d’unité a indiqué, lors de son audition, que les tâches du requérant exigeaient sa présence du début jusqu’à la fin des conférences. Il ne pouvait en conséquence accorder des récupérations fréquentes des mercredis après-midi, mais il n’avait pas exclu toute récupération ou du télétravail occasionnel.

251    En ce qui concerne les règles alors en vigueur au sein du CESE, d’une part, la décision no 131/17 A relative aux horaires de travail et à l’aménagement du temps de travail prévoit, en son article 2, paragraphe 7, que les supérieurs hiérarchiques doivent s’assurer que l’horaire flexible est utilisé de manière à prendre en compte les intérêts du service et des membres du personnel. Ladite décision dispose, en son article 4, paragraphe 6, que les membres du personnel peuvent récupérer les heures qui leur ont été créditées si leur supérieur hiérarchique les y autorise et si l’intérêt du service est respecté.

252    Le requérant a précisé qu’il avait demandé des récupérations d’une demi-journée certains mercredis après-midi, lesquelles ont toutes été refusées par le chef d’unité, sans avancer de motifs objectifs, et en abusant par conséquent de son pouvoir d’appréciation. Il soutient que, en raison de ces refus, il devait travailler en horaires décalés, en s’occupant de ses enfants l’après-midi et en revenant le soir pour compenser les heures de l’après-midi.

253    D’autre part, la décision no 143/16 A du 21 juin 2016 modifiant le régime de travail à distance au sein du secrétariat du CESE prévoit, en son article 10, paragraphe 1, que le télétravail occasionnel peut être octroyé, par exemple, pour des circonstances professionnelles impliquant des tâches ponctuelles pouvant être exécutées en dehors des locaux de l’institution, en cas de problèmes personnels ou familiaux ponctuels ou de problèmes de déplacement. Le paragraphe 2 dudit article dispose que le chef d’unité décide des demandes de télétravail occasionnel dans l’intérêt du service. Il est prévu, au paragraphe 3 de cet article, que l’autorisation de télétravail occasionnel est accordée par journée ou demi-journée et qu’elle est renouvelable, avec un maximum de 28 journées par année civile.

254    Le requérant ne prétend pas que le chef d’unité lui aurait refusé des demandes de télétravail occasionnel. Toutefois, il conteste les conditions dans lesquelles l’autorisation de télétravailler lui a été accordée, en lui fixant des objectifs irréalisables, notamment en lui demandant des travaux dans des délais trop courts, ce qui l’aurait parfois conduit à retirer ses demandes de télétravail. Il ajoute que, à la rentrée 2017, le chef d’unité a d’ailleurs limité la possibilité de télétravail occasionnel à neuf demi-journées de télétravail, au regard de sa responsabilité de chef de secteur alors que le reste de l’unité aurait bénéficié de douze jours et que les agents du CESE pouvaient bénéficier de 28 jours maximum par an.

255    À cet égard, il ressort du dossier que, en raison de ses fonctions de chef de secteur, le chef d’unité encourageait le requérant à une présence maximale sur le lieu de travail et que, en conséquence, le télétravail pour les chefs de secteurs de l’unité devait être considéré comme une facilité très exceptionnelle.

256    Or, il convient de constater que le requérant se limite à affirmer que les conférences en cause se tenaient le mardi et le jeudi, à l’exception du mercredi, sans apporter de preuve à cet égard ni démontrer que ses fonctions liées à l’organisation des conférences ne requéraient pas sa présence au sein des locaux du CESE le mercredi après-midi. En particulier, le CESE a contesté, lors de l’audience, que lesdites conférences avaient seulement lieu le mardi et le jeudi.

257    Par ailleurs, au regard des justifications tenant à l’intérêt du service, au sens des dispositions citées aux points 251 et 253 ci-dessus, le chef d’unité pouvait légitimement exiger des chefs de secteur de son unité une présence maximale en raison de leurs responsabilités.

258    En outre, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 209 ci-dessus, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont jouissent les institutions, organes et organismes de l’Union dans l’organisation de leurs services, ni des décisions administratives, même si celles-ci sont difficiles à accepter, ni des désaccords avec l’administration sur des questions relevant de l’organisation des services ne sauraient à eux seuls prouver l’existence d’un harcèlement moral.

259    Par conséquent, compte tenu de ce contexte et dans un souci de bon fonctionnement du service, les décisions sur la gestion du temps de travail du requérant, prises isolément, ne sauraient être qualifiées d’excessives et critiquables pour un observateur impartial et raisonnable doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, au sens de la jurisprudence rappelée au point 205 ci-dessus.

–       Appréciation globale et contextuelle des comportements litigieux

260    Il convient de rappeler que les comportements litigieux ne sauraient être appréciés de manière purement abstraite et, partant, hors de leur contexte, mais doivent être évalués concrètement et de manière objective, en tenant compte du cadre dans lequel ils se sont manifestés (voir points 205 et 206 ci-dessus).

261    En l’espèce, en prenant en compte les différents comportements litigieux examinés précédemment à titre individuel, le Tribunal considère que, si le neuvième comportement (voir points 246 et 247 ci-dessus), pris isolément, peut être qualifié d’excessif et critiquable, il n’en demeure pas moins que, au regard de l’absence de continuité dans le temps et du contexte dans lequel celui-ci est intervenu, notamment de l’existence de difficultés au sein du secteur supervisé par le requérant et de relations conflictuelles entre le requérant et le chef d’unité ainsi qu’entre le requérant et certains de ses collègues, un observateur impartial et raisonnable n’aurait pas considéré la conduite du chef d’unité, prise dans son ensemble, comme étant abusive au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut.

262    En effet, en premier lieu, le neuvième comportement (voir points 246 et 247 ci-dessus), ne correspond pas à une conduite qui se serait manifestée, en l’espèce, de manière durable, répétitive ou systématique, de sorte que le premier critère prévu à l’article 12 bis du statut n’est pas rempli. À cet égard, il convient de relever que ce fait isolé n’est pas révélateur, au sens de la jurisprudence visée au point 203 ci-dessus, d’un processus s’inscrivant dans le temps, ni de l’existence d’agissements répétés ou continus.

263    En second lieu, le comportement du chef d’unité ne saurait être qualifié d’abusif au regard du contexte général dans lequel les faits allégués sont intervenus.

264    En effet, il convient de relever que, ainsi que le prévoit la jurisprudence rappelée au point 205 ci-dessus, l’appréciation de l’existence d’un harcèlement moral implique d’examiner si les faits allégués revêtent une réalité objective suffisante au sens où un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, les considérerait comme excessifs et critiquables. Or, en l’espèce, les difficultés rencontrées par le requérant au sein du secteur dont il coordonnait les travaux font partie du contexte dans lequel les faits allégués sont intervenus, de sorte qu’elles pouvaient être prises en compte pour recréer les conditions dans lesquelles cet observateur devait être replacé afin de déterminer l’appréciation qu’il aurait eue des faits allégués s’il en avait été le témoin.

265    En l’occurrence, le requérant a rencontré plusieurs problèmes d’ordre administratif relevant de l’organisation des services au cours de la période visée dans la demande d’assistance. Néanmoins, les comportements et les décisions du chef d’unité évoqués dans ladite demande relevaient de sa large marge d’appréciation dans l’organisation de son unité (voir points 228, 235 et 237 ci-dessus) et n’apparaissaient pas, pris isolément, excessifs et critiquables pour un observateur impartial doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions. En effet, il a en particulier été noté que certaines mesures prises par le chef d’unité pouvaient paraître justifiées par l’intérêt du service, notamment en raison de la qualité de chef de secteur du requérant (voir points 213, 257 et 258 ci-dessus). De plus, certaines critiques adressées par le chef d’unité au requérant en sa qualité de supérieur hiérarchique pouvaient être objectivement justifiées au regard de l’intérêt du service et des difficultés de gestion rencontrées par le requérant (voir point 221 ci-dessus).

266    En particulier, il ressort du dossier, et notamment du contenu des comptes rendus de certains témoignages, l’existence de différends professionnels entre le requérant et certains autres collègues du secteur qu’il supervisait. Ces différends professionnels se sont exacerbés, au point que deux collègues ont quitté ledit secteur, à savoir E puis son remplaçant F, et que A a été placée sous la responsabilité directe du chef d’unité. Un des témoins a d’ailleurs indiqué qu’il se sentait harcelé par le requérant. Un autre a expliqué que A s’était sentie harcelée par lui. Un troisième témoin a indiqué que des collaborateurs du requérant s’étaient sentis harcelés par ce dernier. Ainsi, il ressort des comptes rendus d’audition que si plusieurs témoignages attestent de l’existence de difficultés relationnelles entre le chef d’unité et le requérant, d’autres témoignages évoquent en revanche des difficultés qu’ils ont rencontrées avec le requérant.

267    Eu égard à ce qui précède, il convient de considérer que les comportements litigieux, s’ils révèlent, dans leur ensemble, une relation professionnelle conflictuelle, ne témoignent pas pour autant d’une conduite abusive au sens de la jurisprudence rappelée au point 203 ci-dessus, dès lors qu’ils sont replacés dans le contexte décrit aux points 265 et 266 ci-dessus.

268    Ainsi, c’est sans méconnaître l’article 12 bis du statut ni commettre une erreur d’appréciation des faits que l’AIPN a pu considérer, dans la décision attaquée, que les faits allégués, appréciés globalement, ne démontraient pas l’existence d’un harcèlement moral du chef d’unité envers le requérant.

269    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le quatrième moyen et, partant, les conclusions en annulation dans leur intégralité.

 Sur les conclusions indemnitaires

270    Par ses conclusions indemnitaires, le requérant demande la réparation d’un préjudice moral qu’il évalue ex æquo et bono à 60 000 euros, qui résulterait des illégalités entachant la décision attaquée.

271    Le requérant invoque des préjudices moraux de différents ordres. Premièrement, il fait valoir qu’il a subi des conséquences importantes sur son état de santé, tant sur le plan physique que psychologique, nécessitant des traitements engendrant une charge très lourde en termes de temps et de coûts. Il soutient que le lien entre la dégradation de son état de santé et ses conditions de travail est établi par le dossier médical qu’il a fourni dans la requête. À cet égard, il reproche aux enquêteurs de ne pas avoir auditionné le médecin-conseil du CESE, que le requérant a consulté plusieurs fois. Deuxièmement, il invoque un ralentissement de son parcours de carrière en raison des rapports de notation comportant des appréciations négatives et des notes basses liées aux actes de harcèlements subis, ce qui a réduit ses chances de promotion. Troisièmement, il fait valoir la perte de son ancienneté, de son expertise et de son réseau professionnel, acquis au cours de ses quatorze années de fonctions, lorsqu’il a dû quitter le CESE. Quatrièmement, il invoque une atteinte à sa réputation professionnelle et personnelle en raison du harcèlement qu’il a subi. Cinquièmement, il fait valoir que les refus répétés d’aménagement du temps de travail ainsi que le temps et l’énergie qu’il a dû consacrer à sa défense ont dégradé son équilibre entre sa vie familiale et sa vie professionnelle.

272    Le CESE conteste les arguments du requérant.

273    Il convient de rappeler que, en matière de fonction publique, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions à fin d’annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme non fondées (arrêt du 19 décembre 2019, HK/Commission, C-460/18 P, EU:C:2019:1119, point 93 et jurisprudence citée).

274    En l’espèce, il y a lieu de constater que les conclusions indemnitaires présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation. En effet, d’une part, le requérant demande la réparation des préjudices moraux résultant de la décision attaquée. D’autre part, il explicite le contenu desdits préjudices, mais ne se prévaut pas, au soutien de ses conclusions indemnitaires, de chefs d’illégalité qui différeraient de ceux qu’il a exposés au soutien de ses conclusions en annulation.

275    Dès lors que les conclusions en annulation ont été rejetées, il convient de rejeter les conclusions indemnitaires et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

276    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du CESE.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      CQ est condamné aux dépens.

Truchot

Kanninen

Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 octobre 2025.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Conclusions des parties

En droit

Sur les conclusions en annulation

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des garanties procédurales de l’article 41 de la Charte

– Sur la première branche, tirée d’une violation du devoir d’impartialité

– Sur la deuxième branche, tirée d’une violation du droit d’être entendu et du droit d’accès au dossier

– Sur la troisième branche, tirée d’une violation du délai raisonnable

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 24 du statut et d’une violation du devoir de diligence

– Sur la recevabilité du moyen

– Sur le bien-fondé du moyen

Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs d’appréciation au regard de l’article 12 bis du statut

– Appréciation individuelle des comportements litigieux allégués

– Appréciation globale et contextuelle des comportements litigieux

Sur les conclusions indemnitaires

Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.


1 Données confidentielles occultées