ARRÊT DE LA COUR
17 septembre 1997(1)
[234s«Notion de 'juridiction nationale au sens de l'article 177 du traité Procédures
de passation des marchés publics de services Directive 92/50/CEE Instance
nationale de contrôle»[s
Dans l'affaire C-54/96,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177
du traité CE, par le Vergabeüberwachungsausschuß des Bundes (Allemagne) et
tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Dorsch Consult Ingenieurgesellschaft mbH
et
Bundesbaugesellschaft Berlin mbH,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 41 de la directive
92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de
passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1),
LA COUR,
composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, G. F. Mancini, J. C.
Moitinho de Almeida, J. L. Murray et L. Sevón, présidents de chambre, C. N.
Kakouris, P. J. G. Kapteyn, C. Gulmann, D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet, G.
Hirsch, P. Jann (rapporteur), H. Ragnemalm, M. Wathelet et R. Schintgen, juges,
avocat général: M. G. Tesauro,
greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,
considérant les observations écrites présentées:
- pour Dorsch Consult Ingenieurgesellschaft mbH, par Me Franz Günter
Siebeck, avocat à Munich,
- pour le gouvernement allemand, par MM. Ernst Röder, Ministerialrat au
ministère fédéral de l'Économie, et Bernd Kloke, Oberregierungsrat au
même ministère, en qualité d'agents,
- pour la Commission des Communautés européennes, par M. Hendrik van
Lier, conseiller juridique, et Mme Claudia Schmidt, membre du service
juridique, en qualité d'agents,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de Dorsch Consult Ingenieurgesellschaft
mbH, du gouvernement allemand et de la Commission à l'audience du 28 janvier
1997,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 15 mai 1997,
rend le présent
Arrêt
- Par ordonnance du 5 février 1996, parvenue à la Cour le 21 février suivant, le
Vergabeüberwachungsausschuß des Bundes (Commission fédérale de surveillance
de la passation des marchés, ci-après la «Commission fédérale de surveillance»)
a posé, en application de l'article 177 du traité CE, une question relative à
l'interprétation de l'article 41 de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin
1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de
services (JO L 209, p. 1).
- Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant Dorsch Consult
Ingenieurgesellschaft mbH (ci-après «Dorsch Consult») à la Bundesbaugesellschaft
Berlin mbH (ci-après le «pouvoir adjudicateur») au sujet d'une procédure de
passation d'un marché de services.
- Le 28 juin 1995, le pouvoir adjudicateur a publié, au Journal officiel des
Communautés européennes, un avis d'adjudication concernant un contrat de
prestations de services d'architectes et d'ingénieurs du génie civil. Le 25 août 1995,
Dorsch Consult a déposé son offre auprès du pouvoir adjudicateur. Ce dernier,
auquel sont parvenues 18 offres, en a retenu 7, dont celle de Dorsch Consult. Le
30 novembre 1995, deux sociétés ont été, avec un architecte, sélectionnées afin de
former un groupe de travail en vue de l'exécution des services faisant l'objet du
marché. Le contrat a été signé le 12 janvier 1996. Dorsch Consult a été informée
le 25 janvier 1996 que son offre n'était pas celle qui était économiquement la plus
avantageuse.
- Dorsch Consult, après avoir eu connaissance que le pouvoir adjudicateur ne l'avait
pas sélectionnée pour ce marché, mais avant que son offre soit formellement
rejetée, avait déjà saisi, le 14 décembre 1995, le ministère fédéral de
l'Aménagement du territoire, de la Construction et de l'Urbanisme, en tant que
service de contrôle de la passation des marchés, afin d'obtenir l'arrêt de la
procédure de passation et que le marché lui soit attribué. Elle considérait que, en
concluant le contrat avec une autre entreprise, le pouvoir adjudicateur avait violé
tant les dispositions de la directive 92/50 que l'article 57 a, paragraphe 1, du
Haushaltsgrundsätzegesetz (loi relative aux principes du droit budgétaire, ci-après
le «HGrG»). Par décision du 20 décembre 1995, le service de contrôle de la
passation des marchés s'est déclaré incompétent au motif que, selon les articles 57
a et 57 b du HGrG, il n'était pas habilité à contrôler la passation de marchés dès
lors qu'ils portent sur des services.
- Dans ces conditions, Dorsch Consult a déposé, le 27 décembre 1995, une demande
auprès de la Commission fédérale de surveillance afin d'obtenir de cette dernière
une décision, en faisant valoir que le service de contrôle de la passation des
marchés avait à tort décliné sa compétence. Elle précisait que, dans la mesure où
la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des
dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l'application
des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de
fournitures et de travaux (JO L 395, p. 33), n'avait pas été transposée, elle était
directement applicable et devait être respectée par les instances responsables des
recours.
- La Commission fédérale de surveillance a constaté que la République fédérale
d'Allemagne n'avait pas jusqu'à présent transposé la directive 92/50. Bien qu'une
circulaire du ministère fédéral de l'Économie du 11 juin 1993 qui indiquait que la
directive était directement applicable et qu'elle devait être appliquée par
l'administration existât, elle ne saurait être considérée comme une transposition
correcte de la directive. Selon la Commission fédérale de surveillance, le droit
national n'habilite pas l'instance de contrôle à vérifier le respect des dispositions
relatives à la passation des marchés publics de services. Il serait par ailleurs tout
à fait possible que les dispositions de la directive 92/50 aient un effet direct. Enfin,
la Commission fédérale de surveillance se demande si, en application de l'article
41 de la directive 92/50, la compétence des services de contrôle déjà mis en place
s'applique également directement à la passation des marchés publics de services.
- La Commission fédérale de surveillance a, dès lors, suspendu la procédure et a saisi
la Cour de la question suivante:
«Convient-il d'interpréter l'article 41 de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18
juin 1992, en ce sens que, après le 30 juin 1993, les instances de recours des États
membres qui, conformément à la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre
1989, sont compétentes en matière de procédures de passation de marchés publics
relevant du champ d'application des directives 71/305/CEE et 77/62/CEE peuvent
également connaître des recours ayant pour objet des procédures de passation de
marchés publics de services au sens de la directive 92/50/CEE en vue de
déterminer l'existence de violations alléguées du droit communautaire en matière
de marchés publics ou des règles nationales transposant ce droit?»
Sur le cadre juridique
- La directive 92/50 a pour objet de régir la passation de marchés publics de services
et s'applique aux marchés supérieurs à un certain seuil. S'agissant de la protection
juridique, l'article 41 prévoit:
«A l'article 1er de la directive 89/665 ... le paragraphe 1 est remplacé par le texte
suivant:
'1. Les États membres prennent, en ce qui concerne les procédures de
passation des marchés publics relevant du champ d'application des
directives 71/305/CEE, 77/62/CEE et 92/50/CEE, les mesures nécessaires
pour garantir que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs peuvent
faire l'objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que
possible, dans les conditions énoncées aux articles suivants, et notamment
à l'article 2, paragraphe 7, au motif que ces décisions ont violé le droit
communautaire en matière de marchés publics ou les règles nationales
transposant ce droit.»
- Conformément à son article 44, paragraphe 1, la directive 92/50 devait être
transposée par les États membres avant le 1er juillet 1993.
- La directive 89/665 dispose, en son article 2, paragraphe 8:
«Lorsque les instances responsables des procédures de recours ne sont pas de
nature juridictionnelle, leurs décisions doivent toujours être motivées par écrit. En
outre, dans ce cas, des dispositions doivent être prises pour garantir les procédures
par lesquelles toute mesure présumée illégale prise par l'instance de base
compétente ou tout manquement présumé dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont
conférés doit pouvoir faire l'objet d'un recours juridictionnel ou d'un recours auprès
d'une autre instance qui soit une juridiction au sens de l'article 177 du traité et qui
soit indépendante par rapport au pouvoir adjudicateur et à l'instance de base.
La nomination des membres de cette instance indépendante et la cessation de leur
mandat sont soumises aux mêmes conditions que celles applicables aux juges en ce
qui concerne l'autorité responsable de leur nomination, la durée de leur mandat
et leur révocabilité. Au moins le président de cette instance indépendante doit
avoir les mêmes qualifications juridiques et professionnelles qu'un juge. L'instance
indépendante prend ses décisions à l'issue d'une procédure contradictoire et ses
décisions ont, par les moyens déterminés par chaque État membre, des effets
juridiques contraignants.»
- La directive 89/665 a été transposée en droit allemand par la loi du 26 novembre
1993 (BGBl. I p. 1928) qui a complété le HGrG en y ajoutant les articles 57 a à
57 c.
- L'article 57 a, paragraphe 1, du HGrG dispose:
«En vue de satisfaire aux obligations résultant des directives des Communautés
européennes, le gouvernement fédéral réglemente, par voie de règlement, avec
l'accord du Bundesrat, la passation des marchés publics de fournitures, de travaux
et de services ainsi que les concours qui ont pour but d'adjuger des marchés publics
de services...»
- L'article 57 b, paragraphe 1, du HGrG prévoit pour les procédures de passation
de marchés publics de fournitures, de travaux et de services mentionnés à l'article
57 a, paragraphe 1, un contrôle par des services de contrôle. Conformément au
paragraphe 2, le gouvernement fédéral prend, sous forme de règlements, avec
l'accord du Bundesrat, les dispositions régissant la compétence de ces services de
contrôle. Selon le paragraphe 3 de cette disposition, le service de contrôle est tenu
d'engager une procédure de contrôle en présence d'éléments permettant de
présumer l'existence d'une violation des dispositions relatives à la passation de
marchés en vertu d'un règlement adopté sur le fondement de l'article 57 a. Il est
notamment tenu d'engager ladite procédure lorsque quelqu'un qui a ou qui avait
intérêt à un marché donné fait valoir une violation des dispositions précitées.
- Selon l'article 57 b, paragraphe 4, du HGrG, le service de contrôle vérifie le
respect des dispositions adoptées en application de l'article 57 a. Il peut
contraindre le pouvoir adjudicateur à annuler des dispositions ou des décisions
illégales ou à prendre des dispositions ou des décisions légales. Il peut en outre
suspendre provisoirement la procédure de passation d'un marché. Le service de
contrôle peut exiger du pouvoir adjudicateur, sur le fondement de l'article 57 b,
paragraphe 5, les renseignements nécessaires pour mener à bien sa mission. Le
paragraphe 6 dispose que les recours en indemnité, en cas de violation des
dispositions applicables en matière de passation des marchés, doivent être engagés
devant les juridictions de droit commun.
- L'article 57 c, paragraphe 1, du HGrG dispose que la fédération et les Länder sont
respectivement tenus de mettre en place une commission de surveillance qui exerce
son activité de manière indépendante et sous sa propre responsabilité pour
surveiller les procédures de passation des marchés dans les domaines qui les
concernent. Selon les paragraphes 2 à 4 de cette disposition, la commission de
surveillance siège en chambres, composées d'un président, d'un assesseur
fonctionnaire et d'un assesseur exerçant ses fonctions de manière non
professionnelle. Ils sont indépendants et ne sont soumis qu'au respect de la loi. Le
président et l'un des assesseurs doivent être fonctionnaires. En ce qui concerne
l'annulation ou la révocation de leur nomination ainsi que leur indépendance et
leur révocabilité, diverses dispositions du Richtergesetz (loi sur le statut de la
magistrature) s'appliquent par analogie. S'agissant de l'annulation ou de larévocation de la nomination d'un membre à titre non professionnel, certaines
dispositions de la loi sur le statut de la magistrature s'appliquent également par
analogie. Il y a lieu, par ailleurs, d'annuler la nomination d'un membre non
professionnel lorsque celui-ci commet un manquement grave à ses obligations. Le
mandat des membres de la commission de surveillance, nommés à titre non
professionnel, est de cinq ans.
- Conformément au paragraphe 5, la commission de surveillance vérifie la légalité
des décisions des services de contrôle, mais non la manière dont ces services ont
établi les faits. Si l'illégalité d'une décision est établie, la commission de surveillance
enjoint au service de contrôle de prendre une nouvelle décision en tenant compte
de son avis. Selon l'article 57 c, paragraphe 6, du HGrG, la commission de
surveillance peut être saisie dans un délai de quatre semaines après la décision du
service de contrôle par quiconque a fait valoir une violation des dispositions
relatives à la passation des marchés.
- L'article 57 c, paragraphe 7, du HGrG institue une Commission fédérale de
surveillance. Ses membres fonctionnaires sont le président et des assesseurs issus
des formations juridiques du Bundeskartellamt (Office fédéral des ententes). Le
président du Bundeskartellamt réglemente la composition de la Commission
fédérale de surveillance ainsi que la formation et la composition des chambres. Il
nomme les assesseurs à titre non professionnel et leurs remplaçants sur proposition
des organisations professionnelles de droit public. Il exerce en outre le contrôle
hiérarchique sur délégation du gouvernement fédéral. La Commission fédérale de
surveillance de la passation des marchés se dote également d'un règlement
intérieur.
- En application de l'article 57 a du HGrG, le gouvernement fédéral a arrêté un
règlement relatif à la passation des marchés. Ce règlement n'est cependant
applicable qu'aux marchés de fournitures et de travaux et non à ceux de services.
La directive 92/50 n'a pas été jusqu'à présent transposée par la République
fédérale d'Allemagne.
- En application des articles 57 b et 57 c du HGrG, le gouvernement fédéral a
adopté le règlement relatif à la procédure de contrôle des marchés publics (BGBl.
I 1994, p. 324). L'article 2, paragraphe 3, de ce règlement dispose:
«La décision du service de contrôle relative au pouvoir adjudicateur est prononcée
par écrit, elle doit être motivée et lui être notifiée sans délai. Le service de contrôle
transmet sans retard à quiconque a fait valoir une violation des dispositions de
passation des marchés le texte de sa décision, attire son attention sur la possibilité
d'adresser une demande à la commission de surveillance de la passation des
marchés dans un délai de quatre semaines et indique la commission de surveillance
compétente.»
- L'article 3 prévoit:
«(1) La procédure auprès de la commission de surveillance de la passation des
marchés est régie dans le cadre de l'article 57 c de la loi relative aux
principes du droit budgétaire et du présent règlement, selon le règlement
intérieur dont se dote la commission.
(2) La commission de surveillance de la passation des marchés est tenue,
conformément à l'article 177 du traité instituant la Communauté
européenne, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes
lorsqu'elle considère qu'il est nécessaire que cette dernière statue sur une
question relative à l'interprétation de ce traité ou à la validité et à
l'interprétation d'un acte juridique pris sur sa base pour lui permettre de
prendre sa décision.
(3) Il y a lieu d'entendre les parties à la procédure devant le service de contrôle
de la passation des marchés avant toute décision de la chambre concernée.
(4) La chambre n'est pas habilitée à suspendre une procédure de passation de
marchés ou à donner d'autres instructions concernant la procédure de
passation de marchés.
(5) La chambre statue à la majorité absolue des voix. La décision, prononcée
par écrit, doit être motivée et transmise sans retard aux parties.»
- Le règlement intérieur de la Commission fédérale de surveillance de la passation
des marchés réglemente l'organisation et la distribution des affaires ainsi que le
déroulement de la procédure qui comporte une procédure orale à laquelle sont
convoquées les personnes concernées ainsi que les conditions imposées aux
décisions de la Commission fédérale de surveillance.
Sur la recevabilité
- Avant de répondre à la question posée, il convient d'examiner si la Commission
fédérale de surveillance, dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à la
présente question préjudicielle, doit être considérée comme une juridiction au sens
de l'article 177 du traité. Cette question doit être distinguée de celle de savoir si
la Commission fédérale de surveillance remplit les conditions énoncées à l'article
2, paragraphe 8, de la directive 89/665, qui ne fait pas l'objet de la présente affaire.
- Pour apprécier si l'organisme de renvoi possède le caractère d'une juridiction au
sens de l'article 177 du traité, question qui relève uniquement du droit
communautaire, la Cour tient compte d'un ensemble d'éléments, tels l'origine légale
de l'organe, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature
contradictoire de la procédure, l'application, par l'organe, des règles de droit, ainsi
que son indépendance (voir, notamment, arrêts du 30 juin 1966, Vaassen-Göbbels,
61/65, Rec. p. 377; du 11 juin 1987, Pretore di Salò/X, 14/86, Rec. p. 2545, point
7; du 17 octobre 1989, Danfoss, 109/88, Rec. p. 3199, points 7 et 8; du 27 avril
1994, Almelo e.a., C-393/92, Rec. p. I-1477, et du 19 octobre 1995, Job Centre,
C-111/94, Rec. p. I-3361, point 9).
- En ce qui concerne l'origine légale, la Commission fait valoir que le HGrG est une
loi budgétaire cadre qui ne fonde ni droit ni obligation pour les citoyens en tant
que sujets de droit. Elle indique par ailleurs que la Commission fédérale de
surveillance ne peut intervenir que pour contrôler les décisions des services de
contrôle. Dans le domaine des marchés publics de services, il n'y aurait cependant
jusqu'à présent aucun service de contrôle compétent. La Commission en déduit
que, en la matière, l'origine légale de la Commission fédérale de surveillance fait
défaut.
- Il suffit à cet égard de constater que la Commission fédérale de surveillance a été
instituée par l'article 57 c, paragraphe 7, du HGrG. Son origine légale ne saurait
donc être contestée. Pour constater une origine légale, il est sans importance que
la législation nationale n'ait pas attribué à la Commission fédérale de surveillance
des compétences dans le domaine concret des marchés publics de services.
- Il convient de relever, par ailleurs, que le caractère permanent de la Commission
fédérale de surveillance ne fait pas de doute.
- La Commission conteste également que la Commission fédérale de surveillance
présente le caractère d'une juridiction obligatoire, condition qui, selon elle, peut
avoir une double signification. Elle peut en effet signifier soit que les parties
doivent être tenues de s'adresser à l'organe de renvoi pour le règlement de leur
litige, soit que les décisions de cet organe doivent être contraignantes. La
Commission opte en faveur de la seconde interprétation et constate que la
législation nationale ne prévoit pas que les décisions de la Commission fédérale de
surveillance sont exécutoires.
- Il convient de constater, en premier lieu, que les dispositions de l'article 57 c du
HGrG établissent la commission de surveillance comme seul organisme qui vérifie
la légalité des décisions du service de contrôle. Pour faire valoir une violation des
dispositions applicables en matière de passation de marchés, le recours à la
commission de surveillance est obligatoire.
- Il résulte, en second lieu, de l'article 57 c, paragraphe 5, du HGrG que, lorsque la
commission de surveillance établit l'illégalité des décisions prises par le service de
contrôle, elle enjoint à celui-ci de prendre une nouvelle décision, en respectant la
décision de la commission de surveillance sur les points de droit. Il s'ensuit que les
décisions de la commission de surveillance ont force obligatoire.
- La Commission soutient également que la Commission fédérale de surveillance,
n'intervenant pas, selon les propres indications de cette dernière, dans une
procédure contradictoire, elle ne saurait être considérée comme étant une
juridiction au sens de l'article 177 du traité.
- Il y a lieu de rappeler que l'exigence d'une procédure contradictoire n'est pas un
critère absolu. En outre, il convient de constater que, en vertu de l'article 3,
paragraphe 3, du règlement relatif à la procédure de contrôle des marchés publics,
les parties à la procédure devant le service de contrôle de la passation des marchés
doivent être entendues avant toute décision de la chambre concernée.
- Selon la Commission, le critère relatif à l'application de la règle de droit ferait
également défaut, car, conformément aux articles 57 c du HGrG et 3, paragraphe
1, du règlement relatif à la procédure de contrôle des marchés publics, la
procédure applicable au sein de la Commission fédérale de surveillance est régie
par le règlement intérieur dont elle se dote, règlement qui n'a pas d'effets à l'égard
des tiers et qui n'est pas publié.
- Il est toutefois constant que la Commission fédérale de surveillance est tenue
d'appliquer les dispositions concernant la passation des marchés telles que
contenues dans les directives communautaires et les règlements nationaux pris pour
leur transposition. En outre, des exigences procédurales générales, telles que
l'obligation d'entendre les parties, de statuer à la majorité absolue des voix et de
motiver les décisions, sont mentionnées à l'article 3 du règlement relatif à la
procédure de contrôle des marchés publics, qui est publié au Bundesgesetzblatt. La
Commission fédérale de surveillance applique par conséquent des règles de droit.
- Dorsch Consult et la Commission estiment enfin que la Commission fédérale de
surveillance n'est pas indépendante. Elle serait liée à la structure organisationnelle
du Bundeskartellamt, qui est lui-même soumis au contrôle du ministre de
l'Économie. Aucune durée du mandat ne serait fixée ni pour le président ni pour
les assesseurs fonctionnaires et les dispositions visant à garantir l'impartialité ne
concerneraient que les membres à titre non professionnel.
- Il convient d'abord de relever que, selon l'article 57 c, paragraphe 1, du HGrG, la
commission de surveillance exerce sa mission de manière indépendante et sous sa
propre responsabilité. Aux termes de l'article 57 c, paragraphe 2, du HGrG, les
membres des chambres sont indépendants et ne sont soumis qu'au respect de la loi.
- Il y a lieu ensuite de souligner que, aux termes de l'article 57 c, paragraphe 3, du
HGrG, les dispositions essentielles de la loi allemande sur les magistrats concernant
l'annulation ou la révocation de leur nomination ainsi que leur indépendance et
leur révocabilité s'appliquent par analogie aux membres fonctionnaires des
chambres. De manière générale, les dispositions de la loi relative aux magistrats
concernant l'annulation de leur nomination ainsi que leur révocation s'appliquent
également aux membres à titre non professionnel. L'impartialité de ces membres
est par ailleurs assurée par l'article 57 c, paragraphe 2, du HGrG, selon lequel ils
ne doivent pas être saisis d'affaires dans lesquelles ils ont eux-mêmes participé à
la prise de décision relative à l'adjudication d'un marché ou dans lesquelles ils sont
ou étaient eux-mêmes soumissionnaires ou représentants de soumissionnaires.
- Il convient de relever en outre que, en l'occurrence, la Commission fédérale de
surveillance exerce une fonction juridictionnelle. Elle peut, en effet, établir
l'illégalité des décisions prises par le service de contrôle et lui enjoindre de prendre
une nouvelle décision.
- Il résulte de tout ce qui précède que la Commission fédérale de surveillance dans
le cadre de la procédure ayant donné lieu à la présente question préjudicielle, doit
être considérée comme une juridiction au sens de l'article 177 du traité, en sorte
que la question préjudicielle est recevable.
Sur le fond
- Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance s'il découle de
l'article 41 de la directive 92/50 que, en l'absence d'une transposition de cette
directive à l'échéance du délai prévu à cet effet, les instances de recours des États
membres compétentes en matière de procédures de passation de marchés publics
de travaux et de fournitures sont également habilitées à connaître des recours
relatifs à des procédures de passation de marchés publics de services.
- Il convient de relever, tout d'abord, qu'il appartient à l'ordre juridique de chaqueÉtat membre de désigner la juridiction compétente pour trancher les litiges qui
mettent en cause des droits individuels, dérivés de l'ordre juridique communautaire,
étant entendu cependant que les États membres portent la responsabilité d'assurer,
dans chaque cas, une protection effective à ces droits. Sous cette réserve, il
n'appartient pas à la Cour d'intervenir dans la solution des problèmes de
compétence que peut soulever, au plan de l'organisation judiciaire nationale, la
qualification de certaines situations juridiques fondées sur le droit communautaire
(arrêt du 18 janvier 1996, SEIM, C-446/93, Rec. p. I-73, point 32).
- Ensuite, il y a lieu de constater que l'article 41 de la directive 92/50, tout en
obligeant les États membres à prendre les mesures nécessaires pour garantir des
recours efficaces en matière de marchés publics de services, n'indique ni quelles
doivent être les instances nationales compétentes ni qu'il doit s'agir des mêmes
instances que celles que les États membres ont désignées en matière de marchés
publics de travaux et de fournitures.
- Il est toutefois constant, d'une part, que les articles 57 a à 57 c du HGrG visent à
transposer la directive 89/665 et, d'autre part, que le même article 57 a se présente
comme la diposition de base pour la transposition de la directive 92/50, à laquelle
le gouvernement fédéral n'a pas encore procédé.
- Dans ces circonstances, il convient de rappeler, en premier lieu, que l'obligation des
États membres, découlant d'une directive, d'atteindre le résultat prévu par celle-ci
ainsi que leur devoir, en vertu de l'article 5 du traité CE, de prendre toutes
mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution de cette obligation
s'imposent à toutes les autorités des États membres, y compris, dans le cadre de
leurs compétences, les autorités juridictionnelles. Il s'ensuit que, en appliquant le
droit national, qu'il s'agisse de dispositions antérieures ou postérieures à la
directive, la juridiction nationale appelée à l'interpréter est tenue de le faire dans
toute la mesure possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive pour
atteindre le résultat visé par celle-ci et se conformer ainsi à l'article 189, troisième
alinéa, du traité CE (voir arrêts du 13 novembre 1990, Marleasing, C-106/89, Rec.
p. I-4135, point 8; du 16 décembre 1993, Wagner Miret, C-334/92, Rec. p. I-6911,
point 20, et du 14 juillet 1994, Faccini Dori, C-91/92, Rec. p. I-3325, point 26).
- En second lieu, il convient de relever que la question de la désignation d'une
instance compétente pour connaître des recours en matière de marchés publics de
services est pertinente même en l'absence de transposition de la directive 92/50. En
effet, dans le cas où un État membre a omis de prendre les mesures d'exécution
requises, ou a adopté des mesures non conformes à une directive, la Cour a, sous
certaines conditions, reconnu le droit, pour les justiciables, d'invoquer en justice
une directive à l'encontre d'un État membre défaillant. Si cette garantie minimale
ne saurait servir de justification à un État membre pour se dispenser de prendre,
en temps utile, des mesures adéquates à l'objet de chaque directive (voir,
notamment, arrêt du 2 mai 1996, Commission/Allemagne, C-253/95, Rec. p. I-2423,
point 13), elle peut néanmoins avoir pour effet d'habiliter les justiciables à
invoquer, à l'encontre d'un État membre, les dispositions matérielles de la directive
92/50.
- Pour le surplus, il y a lieu de rappeler que, si les dispositions nationales ne peuvent
pas être interprétées de manière conforme à la directive 92/50, les intéressés
peuvent demander, selon les procédures appropriées du droit national, la
réparation des dommages subis en raison de l'absence de transposition de la
directive dans le délai prescrit (voir, notamment, arrêt du 8 octobre 1996,
Dillenkofer e.a., C-178/94, C-179/94, C-188/94, C-189/94 et C-190/94, Rec.
p. I-4845).
- Il convient par conséquent de répondre à la question préjudicielle qu'il ne découle
pas de l'article 41 de la directive 92/50 que, en l'absence de transposition de cette
directive à l'échéance du délai prévu à cet effet, les instances de recours des États
membres compétentes en matière de procédures de passation de marchés publics
de travaux et de fournitures sont également habilitées à connaître des recours
relatifs à des procédures de passation de marchés publics de services. Toutefois, les
exigences d'une interprétation du droit national conforme à la directive 92/50 et
d'une protection effective des droits des justiciables imposent à la juridiction
nationale de vérifier si les dispositions pertinentes du droit national permettent de
reconnaître aux justiciables un droit de recours en matière de passation de marchés
publics de services. Dans des circonstances comme celles de l'espèce, la juridiction
nationale est tenue en particulier de vérifier si ce droit de recours peut s'exercer
devant les mêmes instances que celles prévues en matière de passation de marchés
publics de fournitures et de travaux.
Sur les dépens
- Les frais exposés par le gouvernement allemand et par la Commission des
Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent
faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au
principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il
appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,LA COUR,
statuant sur la question à elle soumise par le Vergabeüberwachungsausschuß des
Bundes, par ordonnance du 5 février 1996, dit pour droit:
Il ne découle pas de l'article 41 de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin
1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de
services, que, en l'absence de transposition de cette directive à l'échéance du délai
prévu à cet effet, les instances de recours des États membres compétentes en
matière de procédures de passation de marchés publics de travaux et de
fournitures sont également habilitées à connaître des recours relatifs à des
procédures de passation de marchés publics de services. Toutefois, les exigences
d'une interprétation du droit national conforme à la directive 92/50 et d'une
protection effective des droits des justiciables imposent à la juridiction nationale
de vérifier si les dispositions pertinentes du droit national permettent de
reconnaître aux justiciables un droit de recours en matière de passation de
marchés publics de services. Dans des circonstances comme celles de l'espèce, la
juridiction nationale est tenue en particulier de vérifier si ce droit de recours peut
s'exercer devant les mêmes instances que celles prévues en matière de passation
de marchés publics de fournitures et de travaux.
Rodríguez Iglesias Mancini Moitinho de Almeida Murray Sevón Kakouris Kapteyn Gulmann Edward Puissochet Hirsch
Jann Ragnemalm Wathelet Schintgen
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Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 septembre 1997.
Le greffier
Le président
R. Grass
G. C. Rodríguez Iglesias
1: Langue de procédure: l'allemand.