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TRADUCTION PROVISOIRE DU
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. GEORGES COSMAS
présentées le 11 mai 1999 (1)
Affaire C-288/96
République fédérale d'Allemagne
contre
Commission des Communautés européennes
«Aides d'État Aides au fonctionnement Lignes directrices dans le
secteur de la pêche Article 92, paragraphes 1 et 3, sous c), du traité
Droits de la défense Constatation erronée des faits»
Table des matières
I Introduction
I - 2
II Le cadre juridique
I - 4
A Les dispositions du traité et la jurisprudence de la Cour relative à
l'étendue des pouvoirs de la Commission
I - 5
B Les lignes directrices pour l'examen des aides d'État dans le secteur
de la pêche et de l'aquaculture
I - 8
III Les faits
I - 11
A La procédure qui a précédé l'adoption de la décision attaquée
96/563/CE de la Commission
I - 11
B Les principaux points de la décision de la Commission
I - 17
IV Conclusions des parties
I - 23
V Appréciation des moyens d'annulation
I - 24
A Premier moyen: violation des droits de la défense
I - 24
B Deuxième moyen: constatation erronée des faits
I - 32
a) La présentation de nouveaux éléments
I - 33
b) Sur le fond
I - 34
1) En ce qui concerne le montant de l'aide
I - 35
i) Sur l'existence d'autres possibilités de financement
I - 35
ii) En ce qui concerne l'existence d'autres sûretés
I - 36
iii) Sur la réduction des coûts de production
I - 38
iv) Sur le montant de l'élément d'aide et le taux d'intérêt
du prêt
I - 39
v) Sur l'évolution du marché
I - 42
vi) Sur l'appréciation globale
I - 43
2) Sur les constatations de fait relatives aux lignes
directrices
I - 45
3) Sur les constatations concernant la distorsion de la
concurrence
I - 46
C Troisième moyen: application erronée de l'article 92,
paragraphe 1, du traité
I - 47
a) Analyse de la jurisprudence
I - 48
b) Analyse des allégations de la requérante
I - 53
1) En ce qui concerne les lignes directrices
I - 53
2) Sur la qualification juridique des faits
I - 60
i) En ce qui concerne la détermination du montant de
l'aide
I - 60
ii) Sur l'existence d'une distorsion de la concurrence
I - 62
3) Sur l'obligation de motivation
I - 70
i) La jurisprudence de la Cour
I - 70
ii) Analyse des allégations de la requérante
I - 76
D Quatrième moyen: application erronée de l'article 92,
paragraphe 3, sous c), du traité
I - 80
VI Conclusion
I - 87
I Introduction
- 1.
- Par le recours dont elle a saisi la Cour en vertu de l'article 173
du traité, la République fédérale d'Allemagne demande l'annulation de
la décision 96/563/CE de la Commission, du 29 mai 1996, concernant
une aide du Land de Basse-Saxe en faveur de l'entreprise JAKO
Jadekost GmbH & Co KG (2) (ci-après la «décision attaquée»).
- 2.
- Concrètement, la Commission a estimé dans cette décision que
l'aide en faveur de l'entreprise JAKO Jadekost GmbH et Co KG,
accordée par l'Allemagne en 1994 sous forme d'une garantie du Land
de Basse-Saxe sur un crédit bancaire d'un montant de 10 688 025 marks
allemands (DM), est illégale, étant donné qu'elle a été accordée en
violation des règles de procédure fixées à l'article 93, paragraphe 3, du
traité, et que, de plus, cette aide est incompatible avec le marché
commun en vertu de l'article 92, paragraphe 1, du traité.
- 3.
- Cette affaire soulève essentiellement trois questions.
- 4.
- Tout d'abord, la question se pose de savoir dans quelle mesure
la Commission a violé les droits de la défense en ne communiquant pas
à une entreprise intéressée les lettres de ses concurrents dans un cas où,
au cours de la procédure administrative qui a précédé l'adoption de la
décision par la Commission, cette entreprise connaissait le contenu des
observations de ses concurrents et était en mesure de se prononcer sur
elles.
- 5.
- Ensuite, d'une part, la question se pose de savoir dans quelle
mesure l'obligation de motivation peut dépendre du fait que certains
éléments matériels ou juridiques ne sont pas contestés au cours de la
procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité. D'autre part,
la question se pose de savoir dans quelle mesure les moyens et les faits
invoqués par la requérante au cours de cette procédure administrative
doivent être identiques à ceux invoqués dans le cadre de la procédure
judiciaire.
- 6.
- Enfin, la question se pose de savoir dans quelle mesure il existe
une présomption de ce que les aides au fonctionnement a) sont en
principe contraires à l'article 92, paragraphe 1, du traité, b) faussent par
nature la concurrence et entravent les échanges intracommunautaires et
c) ne peuvent en principe pas être considérées comme compatibles avec
le marché commun en vertu de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du
traité. En outre, en cas de réponse affirmative, la question se pose de
savoir dans quelle mesure la Commission peut échapper à l'obligation
de motiver la décision qu'elle rend dans le cadre de la procédure de
l'article 93, paragraphe 2, ou dans quelle mesure cette obligation peut
être réduite au minimum.
II Le cadre juridique
A Les dispositions du traité et la jurisprudence de la Cour relative à
l'étendue des pouvoirs de la Commission
- 7.
- L'article 92, paragraphes 1 et 3, dispose ce qui suit:
«1. Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles
avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges
entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de
ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui
menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises
ou certaines productions.
...
3. Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché
commun:
...
c) les aides destinées à faciliter le développement de certaines
activités ou de certaines régions économiques, quand elles
n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure
contraire à l'intérêt commun. ...».
- 8.
- L'article 93, paragraphes 2, premier et deuxième alinéas, et 3, se
lit comme suit:
«2. Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs
observations, la Commission constate qu'une aide accordée par un État
ou au moyen de ressources d'État n'est pas compatible avec le marché
commun aux termes de l'article 92, ou que cette aide est appliquée de
façon abusive, elle décide que l'État intéressé doit la supprimer ou la
modifier dans le délai qu'elle détermine.
Si l'État en cause ne se conforme pas à cette décision dans le délai
imparti, la Commission ou tout autre État intéressé peut saisir
directement la Cour de justice, par dérogation aux articles 169 et 170.
...
3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses
observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si
elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun,
aux termes de l'article 92, elle ouvre sans délai la procédure prévue au
paragraphe précédent. L'État membre intéressé ne peut mettre à
exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à
une décision finale.»
- 9.
- La Cour s'est prononcée à de nombreuses reprises sur l'étendue
des pouvoirs des institutions communautaires dans le cadre des
compétences fixées par les dispositions du traité relatives à la
concurrence et sur le contrôle qu'elle peut exercer lorsque ces
institutions disposent d'un large pouvoir d'appréciation.
- 10.
- Concrètement, la jurisprudence de la Cour fournit de nombreux
exemples d'arrêts concernant les pouvoirs de la Commission au titre des
articles 92 et 93, paragraphes 2 et 3, du traité. Par exemple, dans l'arrêtMatra/Commission (3), la Cour a jugé que «pour l'application de
l'article 93, paragraphe 3, du traité, la Commission jouit d'un large
pouvoir d'appréciation dont l'exercice implique des évaluations d'ordre
économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte
communautaire». Elle a ajouté (point 25) que, dans le cadre de ce
contrôle de légalité, elle doit se limiter à examiner si la Commission n'a
pas excédé les limites inhérentes à son pouvoir d'appréciation par une
dénaturation ou une erreur manifeste d'appréciation des faits ou par un
détournement de pouvoir ou de procédure (4).
- 11.
- Ainsi, la Cour, qui ne peut pas substituer sa propre appréciation
à celle de l'institution qui a le pouvoir de décision, devra s'assurer dans
une mesure raisonnable, eu égard aussi aux moyens de preuve fournis
par les parties et aux réponses qui y ont été données par la partie
adverse, de ce qu'il n'existe pas d'erreur quant aux faits qui affecterait
la validité de la décision de la Commission (5), ni qualification juridique
erronée de ces faits, ni non plus appréciation manifestement erronée de
ces mêmes faits.
B Les lignes directrices pour l'examen des aides d'État dans le secteur de
la pêche et de l'aquaculture
- 12.
- Dans la mesure où elles présentent un intérêt pour la solution du
litige en cause, les lignes directrices pour l'examen des aides d'État dans
le secteur de la pêche et de l'aquaculture (6) (ci-après les «lignes
directrices») se lisent comme suit:
«1. Principes généraux
1.1. Les présentes lignes directrices concernent toutes les mesures
comportant un avantage financier pour une ou plusieurs entreprises,
quelle qu'en soit la forme, si elles sont financées directement ou
indirectement par des ressources budgétaires d'une autorité publique,
nationale, régionale, provinciale, départementale ou locale. Peuvent
notamment être des aides les transferts en capital ... les prêts à taux
réduit, les bonifications d'intérêt, certaines participations publiques dans
les capitaux des entreprises, les aides financées par des ressources
provenant de charges affectées, ainsi que les aides octroyées sous forme
de garantie d'État ... sur des prêts bancaires et sous forme de réduction
ou d'exemption de taxes ou d'impôts, y compris les amortissements
accélérés et la réduction des charges sociales.
Toutes ces mesures sont couvertes par la notion 'aides nationales telle
que définie par l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE.
(...)
1.3 L'octroi d'aides nationales ne peut être envisagé que dans le
respect des objectifs de la politique commune.
Les aides ne doivent pas revêtir un caractère conservatoire; elles doivent
au contraire favoriser la rationalisation et l'efficacité de la production et
de la commercialisation des produits de la pêche, en vue d'encourager
et d'accélérer les processus d'adaptation du secteur à la nouvelle
situation à laquelle il est confronté.
Plus concrètement, les aides doivent stimuler la réalisation d'actions de
développement et d'adaptation que les conditions normales des marchés
ne suffisent pas à déclencher, à cause des rigidités du secteur et des
capacités financières limitées des opérateurs. Elles doivent conduire à
des améliorations durables, de telle façon que le secteur de la pêche
puisse continuer à évoluer grâce aux seuls revenus du marché. Elles sont
donc nécessairement limitées dans le temps, à la durée nécessaire pour
réaliser les améliorations et adaptations voulues.
En conséquence, les principes suivants sont valables:
Les aides nationales ne peuvent pas entraver l'application des
règles de la politique commune de la pêche. Par conséquent, il
est rappelé notamment qu'en tout état de cause les aides à
l'exportation et aux échanges à l'intérieur de la Communauté des
produits de la pêche sont incompatibles avec le marché commun.
Les éléments de la politique commune de la pêche qui ne
peuvent être considérés comme étant réglés de manière
exhaustive, notamment en matière de politique structurelle,
peuvent encore justifier des aides nationales à condition qu'elles
respectent les objectifs des règles communes, de manière à ne
pas risquer de mettre en cause ou altérer le plein effet de
celles-ci; c'est la raison pour laquelle elles doivent, le cas
échéant, s'inscrire dans des programmes d'orientation prévus par
la réglementation communautaire ...
Les aides nationales octroyées sans exiger une obligation de la
part des bénéficiaires permettant une amélioration de la situation
des entreprises et destinées à améliorer la trésorerie de leurs
exploitations (sous réserve des dispositions au point 2.6.2,
ci-dessous), ou dont les montants sont fonction de la quantité
produite ou commercialisée, des prix des produits, de l'unité de
production ou de moyens de production et dont le résultat serait
une diminution des coûts de production ou une amélioration des
revenus du bénéficiaire sont, en tant qu'aides au fonctionnement,
incompatibles avec le marché commun [sous réserve de
l'application de l'article 92, paragraphe 2, du traité]. La
Commission examinera cas par cas les aides de ce type quand
elles sont directement liées à un plan de restructuration jugé
compatible avec le marché commun.»
III Les faits
A La procédure qui a précédé l'adoption de la décision attaquée
96/563/CE de la Commission
- 13.
- La société JAKO Jadekost GmbH & Co KG (ci-après
«Jadekost») a son siège à Wilhemshaven. Elle a été créée en août 1991.
Elle faisait partie du groupe Nordfrost, qui était détenu majoritairement
par le directeur de Jadekost.
- 14.
- Jadekost était spécialisée dans la fabrication et la distribution de
produits surgelés (produits à base de poisson et de viande et plats
préparés). Elle disposait à cet effet d'un atelier de fabrication pour la
transformation de poisson et d'un atelier pour la transformation de la
viande, équipés chacun de plusieurs lignes de fabrication.
- 15.
- Jadekost a commencé son activité de fabrication de produits
surgelés à base de poisson (bâtonnets et filets panés avec ou sans
garniture) en juin 1993. A cette époque, on a observé un très net
effondrement des prix sur le marché concerné.
- 16.
- En raison des difficultés de trésorerie qu'elle rencontrait,
Jadekost s'est efforcée d'obtenir du Land de Basse-Saxe une garantie
couvrant le crédit de fonctionnement qui lui avait été accordé par sa
banque (la Bayerische Hypotheken- und Wechselbank AG).
- 17.
- Le 2 février 1994, Jadekost a adressé aux autorités du Land, sur
la base d'une analyse de gestion qui avait été effectuée par ladite
banque et qui leur était favorable, une demande de garantie destinée à
cautionner un «crédit d'exploitation pour le fonds de roulement».
- 18.
- Le 1er mars 1994, le gouvernement du Land a accepté de
cautionner à raison de 80 % un crédit d'exploitation d'un montant de
35 000 000 DM et il s'est déclaré disposé à couvrir également les
besoins de liquidités supplémentaires, estimés à 15 000 000 DM,
jusqu'en décembre 1996. Dans la même décision, il précisait que
l'approbation du ministère régional du Land était accordée sous réserve
de la décision de la commission parlementaire des crédits régionaux et
de l'accord de la commission du budget du Landtag.
- 19.
- Le 29 mars 1994, la société C&L Treuarbeit Deutsche Revision
a soumis un rapport d'expertise sur la gestion de la société Jadekost.
Dans ce rapport, elle considérait les données prévisionnelles fournies
par la société comme réalistes, mais estimait que le risque encouru par
le garant était très élevé.
- 20.
- Le 6 avril 1994, la commission parlementaire des crédits du Land
a donné un avis favorable sur l'octroi de la garantie.
- 21.
- Par lettre du 6 avril 1994 et sur la base de cette décision de la
commission du budget du Landtag, la Bayerische Hypotheken- und
Wechselbank, agissant au nom et pour le compte du ministère des
finances de Basse-Saxe, a approuvé la garantie et fixé en détail les
conditions de celle-ci. Le prêt était conclu pour une durée de huit ans
et il n'y avait pas d'obligation de remboursement pendant les deux
premières années.
- 22.
- La commission du budget du Landtag a donné son accord le
27 avril 1994.
- 23.
- Par lettre du 2 mai 1994, le ministère des finances du Land a
signifié à Jadekost qu'une suite favorable avait été officiellement donnée
à sa demande d'octroi d'une garantie et il indiquait expressément que
celle-ci était destinée à couvrir une «garantie de capitaux d'exploitation»
(«affectation du prêt: capital d'exploitation»).
- 24.
- La Commission a été informée par plusieurs concurrents et
groupements établis en Allemagne, au Danemark, en France et au
Royaume-Uni de ce que le Land de Basse-Saxe accordait à la société
Jadekost une aide sous la forme d'une garantie pour un crédit de
fonctionnement.
- 25.
- La Commission a alors invité la République fédérale
d'Allemagne, par lettre du 30 juin 1994, à présenter ses observations et
elle a exprimé des réserves quant à la compatibilité de la mesure en
cause avec le point 1.3 des lignes directrices.
- 26.
- Par lettre du 19 juillet 1994, la République fédérale d'Allemagne
a répondu, en substance, que cette garantie, destinée à couvrir un crédit
de fonctionnement, devait être considérée comme l'équivalent des fonds
propres engagés par l'entreprise à des fins d'investissement. Si le crédit
accordé contre garantie avait servi à financer des investissements
l'entreprise aurait pu utiliser ses fonds propres, d'un montant de
32 500 000 DM, pour la couverture de ses frais d'exploitation. L'aide
aurait alors été conforme aux lignes directrices.
- 27.
- Le 31 août 1994, il y a eu sur cette affaire une discussion entre
des représentants de la Commission, du ministère fédéral allemand de
l'alimentation, de l'agriculture et des forêts, et du ministère de
l'économie, de la technologie et du transport de Basse-Saxe.
- 28.
- Par lettre du 1er septembre 1994, la Commission a demandé des
informations supplémentaires, qui lui ont été fournies dans les délais
fixés par lettres des 13 octobre et 2 novembre 1994.
- 29.
- La Commission a ensuite fait savoir à la République fédérale
d'Allemagne, par lettre du 20 février 1995, qu'elle avait décidé d'ouvrir
la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité et elle l'a invitée à
présenter ses observations dans un délai d'un mois.
- 30.
- Le 31 mars 1995, la société Jadekost a été déclarée en faillite.
Les crédits sont devenus exigibles. Les biens non couverts par la
réalisation des sûretés, y compris le paiement des intérêts et des frais de
garantie, ont été inscrits dans l'état des créances.
- 31.
- Par lettre du 13 avril 1995, la République fédérale d'Allemagne
a fait savoir que les parties de la garantie qui n'étaient pas destinées
exclusivement à des secteurs particuliers devaient être considérées
comme des aides autorisées, la garantie en cause ayant été accordée en
conformité avec les directives générales du Land de Basse-Saxe en
matière de cautionnement, qui avaient été approuvées par la
Commission. Selon le Land de Basse-Saxe, l'aide accordée devait être
appréciée dans une optique globale et il ne fallait pas créer des
distinctions artificielles entre les crédits. La distinction entre crédits
d'investissement et crédits de fonctionnement était fortuite et
l'appréciation de la légalité de l'aide ne devrait pas dépendre de cette
donnée. Il faut donc déterminer si l'aide était globalement permise en
vue des investissements et, le cas échéant, pour quel montant. Il ne
s'agissait donc pas d'une aide au fonctionnement, incompatible avec le
marché commun, puisqu'aucune des conditions visées au point 1.3 des
lignes directrices n'était remplie.
- 32.
- Par une communication publiée au Journal officiel des
Communautés européennes (7), faite sur la base de l'article 93,
paragraphe 2, du traité, la Commission a informé les autres États
membres et les autres intéressés des faits de l'espèce et elle les a mis en
demeure de lui faire part de leurs observations dans un délai d'un mois.
- 33.
- La République fédérale d'Allemagne a réagi à cette
communication par lettre du 1er septembre 1995. Dans cette lettre, elle
résumait le contenu de ses lettres précédentes et apportait une série de
nouveaux éléments.
- 34.
- Le 29 mai 1996, la Commission a arrêté la décision attaquée
96/563/CE, concernant une aide du Land de Basse-Saxe en faveur de
Jadekost.
B Les principaux points de la décision de la Commission
- 35.
- Dans la partie IV de sa décision, la Commission expose les
raisons pour lesquelles elle estime que la garantie donnée par le Land
de Basse-Saxe à Jadekost est illégale.
- 36.
- Elle souligne tout d'abord que l'aide accordée sous la forme
d'une garantie doit être analysée à la lumière de l'article 92,
paragraphe 1, du traité et des lignes directrices (premier et deuxième
alinéas).
- 37.
- L'aide accordée à Jadekost est une aide au fonctionnement et,
à ce titre, elle est incompatible avec le marché commun au sens de
l'article 92, paragraphe 1, du traité (point 1.3 des lignes directrices). Ni
le gouvernement allemand ni les autres parties intéressées à la
procédure n'ont contesté cette appréciation de la Commission. Celle-ci
souligne aussi que, selon le point 1.1 des lignes directrices, les garanties
d'État sur des prêts bancaires sont considérées comme des aides (8)
(septième et troisième alinéas).
- 38.
- Le montant de l'aide correspond à la totalité du prêt. Grâce au
soutien du gouvernement de Basse-Saxe, Jadekost a pu obtenir un
financement qui lui aurait été refusé dans d'autres circonstances, compte
tenu de ses difficultés financières. Dans la mesure où, c'est-à-dire
compte tenu de la situation financière précaire de l'entreprise en
question, aucune institution financière n'accepterait de prêter de l'argent
sans une garantie de l'État, le montant total de l'emprunt doit être
considéré comme une aide d'État. En outre, comme la garantie
constitue la condition préalable à l'octroi des prêts, elle comporte un
élément d'aide évident qui, en raison du risque très élevé assumé par le
garant (9), correspond à la totalité du prêt octroyé. Cette aide, bien
qu'accordée par le Land de Basse-Saxe, est à imputer à la République
fédérale d'Allemagne (cinquième et sixième alinéas).
- 39.
- L'aide en cause a été octroyée sans que Jadekost soit soumise à
une quelconque obligation d'utilisation au sens du point 1.3 des lignes
directrices (huitième alinéa).
- 40.
- En particulier, l'entreprise bénéficiaire n'a pas été tenue de
verser une prime d'un montant proportionnel au risque, très élevé,
encouru par le créditeur et le garant (10). Les frais de dossier, soit
140 000 DM, et les frais de cautionnement, correspondant à 0,75 % du
montant du prêt, sont insuffisants à cet égard. En tenant compte des
frais mentionnés, l'équivalent-subvention net est donc de 98,7 % (100 %
moins 0,75 % de frais de gestion et 0,55 % de frais de dossier
(140 000 DM sur 25 600 000 DM) (neuvième alinéa).
- 41.
- L'aide sert à l'amélioration des revenus de Jadekost, puisque,
d'une part, elle libère l'entreprise de coûts qu'elle aurait normalement
dû supporter dans le cadre de son activité commerciale habituelle et
que, d'autre part, elle ne soumet le bénéficiaire à aucune obligation
d'utilisation. Grâce à cette aide, Jadekost a été en mesure d'offrir ses
produits à la clientèle à un niveau de prix maintenu artificiellement bas.
Ce type d'aides au fonctionnement est par lui-même incompatible avec
le marché commun aux termes du point 1.3 des lignes directrices et rend
donc superflu l'examen de la compatibilité de l'aide avec les autres
exigences prévues à l'article 92, paragraphe 1, du traité (dixième alinéa).
- 42.
- En outre, la Commission souligne dans la décision attaquée
qu'elle estime que l'aide octroyée à Jadekost menace effectivement de
fausser les conditions de concurrence, puisqu'elle bénéficie à une
entreprise déterminée (Jadekost) et entraîne un allégement de ses coûts,
lui permettant de renforcer artificiellement sa position sur le marché.
Elle est donc de nature à fausser la concurrence sur le marché des
produits à base de poisson surgelés au détriment d'autres entreprises en
Allemagne et dans les autres États membres, qui ne bénéficient pas de
ce type d'aide. Il existe en effet dans ce secteur un marché concurrentiel
à l'échelle de la Communauté dans lequel les produits concernés font
l'objet d'échanges entre États membres. L'aide octroyée à Jadekost,
dans la mesure où elle renforce la position concurrentielle de cette
entreprise vis-à-vis de ses concurrents, est de nature à affecter les
échanges entre États membres (onzième alinéa).
- 43.
- La Commission ne saurait suivre le point de vue défendu par la
République fédérale d'Allemagne, selon lequel la garantie et le crédit
cautionné ne doivent pas être appréciés séparément de l'ensemble du
projet, c'est-à-dire de l'investissement, envisagé, tandis que les coûts
d'investissement couverts sans aucune aide d'État auraient parfaitement
pu être garantis par un cautionnement du Land à hauteur de
32 500 000 DM, ce qui aurait évité à Jadekost de devoir chercher une
garantie pour le financement de son fonctionnement. D'après la
Commission, l'appréciation de la légalité de l'aide doit tenir compte de
la situation du bénéficiaire au moment de la décision d'octroi, qui a été
prise dans le cas présent au printemps 1994. Selon la Commission, la
garantie a été expressément demandée et accordée pour un crédit de
fonctionnement et non pour un crédit d'investissement. L'optique
globale préconisée ne peut être retenue, car elle permettrait de prendre
aussi en considération d'autres financements supplémentaires (douzième
alinéa).
- 44.
- Étant donné que les lignes directrices ne s'appliquent qu'aux
produits de la pêche et que seul est exigible le remboursement de l'aide
allouée au secteur en question, il y a lieu de déterminer le pourcentage
de produits à base de poisson par rapport à celui des produits à base de
viande et des plats préparés (treizième alinéa).
- 45.
- Pour cela, la Commission se fonde sur les quantités produites et
les produits des ventes tels qu'ils figurent dans les prévisions pour 1994,
année d'octroi de l'aide, telles qu'elles ont été communiquées par le
gouvernement fédéral dans sa lettre du 1er septembre 1995. Sur une
production totale de 20 000 tonnes, 45 % sont à imputer à la production
de produits à base de poisson, 45 % à la production de produits à base
de viande et les 10 % restants à la production de plats préparés. En
revanche, si on compare les ventes aux secteurs intéressés, 42,3 % sont
imputables aux produits à base de poisson, 50 % aux produits à base de
viande et 7,7 % aux plats préparés. Pour déterminer la part des produits
à base de poisson, la Commission se fonde sur le chiffre d'affaires,
obtenant 42,3 % (quatorzième alinéa).
- 46.
- Lors du calcul du montant à rembourser, il faut tenir compte du
fait que la garantie ne couvre que 80 % des 35 000 000 DM du prêt et
que le prêt effectivement versé était de 32 000 000 DM, ce qui, ramené
à 80 %, aboutit à la somme de 25 600 000 DM. En appliquant un
équivalent-subvention net de 98,7 %, le montant obtenu est de
25 267 200 DM, dont 10 688 025 DM (soit 42,3 %) concernent les
produits à base de poisson (quinzième alinéa).
- 47.
- Dans la cinquième partie (V) de la décision attaquée, la
Commission a examiné dans quelle mesure on peut appliquer en
l'espèce les dérogations prévues par les articles 92, paragraphe 2, et 93,
paragraphe 3, du traité. Elle a abouti à la conclusion que tel ne peut
être le cas, eu égard à la nature et aux objectifs de l'aide.
- 48.
- Selon l'article 1er de la décision attaquée:
«L'aide en faveur de l'entreprise JAKO Jadekost GmbH & Co KG,
accordée par l'Allemagne en 1994, sous forme d'une garantie du Land
de Basse-Saxe sur un crédit bancaire d'un montant de 10 688 025 marks
allemands, est illégale, étant donné qu'elle a été accordée en violation
des règles de procédure fixées à l'article 93 paragraphe 3 du traité. De
plus, l'aide est incompatible avec le marché en vertu de l'article 92
paragraphe 1 du traité.»
- 49.
- L'article 2 de la décision attaquée dispose que:
«L'Allemagne fait en sorte que l'aide visée à l'article 1er soit annulée et
intégralement remboursée dans un délai de deux mois à compter de la
notification de la présente décision.
...»
- 50.
- Selon l'article 3, l'Allemagne informe la Commission, dans un
délai de deux mois à compter de la notification de la décision, des
mesures prises pour s'y conformer.
- 51.
- Enfin, en vertu de l'article 4, la République fédérale d'Allemagne
est destinataire de la décision.
IV Conclusions des parties
- 52.
- Le recours de la République fédérale d'Allemagne (ci-après la
«requérante») a été déposé au greffe de la Cour le 26 août 1996.
- 53.
- Par son recours, la République fédérale d'Allemagne conclut à
ce qu'il plaise à la Cour: annuler la décision 96/563/CE de la
Commission, du 29 mai 1996, concernant une aide du Land de
Basse-Saxe en faveur de l'entreprise JAKO Jadekost GmbH & Co KG,
et condamner la Commission aux dépens.
- 54.
- La Commission conclut à ce qu'il plaise à la Cour: rejeter le
recours de la République fédérale d'Allemagne et condamner la
requérante aux dépens.
V Appréciation des moyens d'annulation
- 55.
- La requérante invoque quatre moyens, à savoir a) la violation des
droits de la défense, b) la constatation erronée des faits, c) l'application
erronée de l'article 92, paragraphe 1, du traité et la violation de
l'obligation de motivation qui découle de l'article 190 du traité et
d) l'application erronée, par la Commission, de l'article 92,
paragraphe 3, sous c), du traité et la violation de l'obligation de
motivation.
A Premier moyen: violation des droits de la défense
- 56.
- Par son premier moyen, la requérante fait valoir que la décision
attaquée est illégale parce qu'il y a eu violation du principe fondamental
de sauvegarde des droits de la défense. Plus particulièrement, parce que
la Commission n'a autorisé ni à la requérante ni au Land l'accès aux
observations présentées par quatre entreprises concurrentes de Jadekost
et qui lui avaient été envoyées au cours de la procédure. Ce faisant, elle
a aussi violé les formes substantielles au sens de l'article 173, deuxième
alinéa, du traité, ce qui entraîne l'annulation de la décision attaquée.
- 57.
- La Commission prétend que c'est par mégarde que les lettres des
concurrents de Jadekost n'ont pas été communiquées à la requérante.
Toutefois, cela ne constitue une violation des droits de la défense que
si, en l'absence de cette irrégularité, la procédure a pu aboutir à un
résultat différent. La Commission considère que ces observations ne
contiennent aucun élément, entrant en ligne de compte pour
l'appréciation des faits au regard des règles de la concurrence, que la
requérante n'a pas porté à la connaissance de la Commission au cours
des différents stades de la procédure d'examen de l'aide litigieuse par
la Commission.
- 58.
- Selon une jurisprudence constante de la Cour (11), le respect des
droits de la défense dans toute procédure ouverte à l'encontre d'une
personne et susceptible d'aboutir à un acte faisant grief constitue un
principe fondamental de droit communautaire qui doit être assuré même
en l'absence de toute réglementation concernant la procédure. Ce
principe exige que les destinataires de décisions, qui affectent de
manière sensible leurs intérêts, soient mis en mesure de faire connaître
utilement leur point de vue. En d'autres termes, il faut que «la
personne, contre laquelle la Commission a entamé une procédure
administrative, ait été mise en mesure, au cours de cette procédure, de
faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence
des faits et circonstances allégués et sur les documents retenus par la
Commission à l'appui de son allégation quant à l'existence d'une
violation du droit communautaire» (12).
- 59.
- En outre, la Cour a reconnu que ce principe exige que l'État
membre en cause soit mis en mesure de faire connaître utilement son
point de vue sur les observations présentées par des tiers intéressés
conformément à l'article 93, paragraphe 2, du traité et sur lesquelles la
Commission entend fonder sa décision. Elle a précisé que, dans la
mesure où l'État membre n'a pas été mis en mesure de commenter de
telles observations, la Commission ne peut pas les retenir dans sa
décision contre cet État (13).
- 60.
- En outre, elle a souligné (14) que «pour qu'une telle violation des
droits de la défense entraîne une annulation, il faut cependant que, en
l'absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat
différent».
- 61.
- Nous rappellerons que, dans l'affaire Boussac (15), la Cour avait
constaté que les observations en cause, déposées à la Cour sur la
demande de celle-ci, ne contenaient aucun élément d'information
supplémentaire par rapport à ceux dont la Commission disposait déjà
et que le gouvernement français connaissait. Dans ces conditions, la
circonstance que le gouvernement français n'avait pas eu la possibilité
de commenter lesdites observations n'était pas de nature à influer sur
le résultat de la procédure administrative. La Cour a donc rejeté ce grief
du gouvernement français.
- 62.
- Nous pensons que le but de la procédure de sauvegarde intégrale
des droits de la défense n'est pas affecté lorsque, malgré le défaut de
communication de certaines données à la partie défenderesse dans une
procédure administrative, celle-ci a eu connaissance des données en
question au cours des stades successifs de cette procédure et a ainsi eu
la possibilité de prendre position sur les griefs fondés sur ces données.
- 63.
- En outre, l'acte attaqué ne peut être annulé pour cette raison
que si, en l'absence de cette irrégularité, la procédure aurait pu aboutir
à un résultat différent. La charge de la preuve à cet égard incombe à la
partie qui prétend que certains éléments d'information, qui étaient
contenus dans les documents qui n'avaient pas été communiqués en
temps utile, affecteraient sensiblement le contenu de la décision
attaquée, à la condition qu'ils aient été déposés à la Cour et portés à la
connaissance de cette partie.
- 64.
- Tout d'abord, en ce qui concerne les observations des
concurrents de Jadekost que la Commission avait prises en considération
avant de publier sa communication, il ressort du dossier que le contenu
de ces observations était connu de la requérante (16), qui pouvait prendre
position sur les griefs de la Commission (17). En outre, ainsi qu'il ressort
des lettres envoyées par la Commission au gouvernement allemand (18)
et des lettres de celui-ci à la Commission (19), ses représentants
connaissaient le cadre législatif et factuel dans lequel la Commission
situait la violation du droit communautaire, telle qu'elle est exposée dans
la quatrième partie de la décision attaquée.
- 65.
- Il ressort de la communication de la Commission (95/C 201/06),
publiée le 5 août 1995 conformément à l'article 93, paragraphe 2, et
adressée aux autres États membres et aux autres intéressés, que la
Commission avait fourni les données du cadre juridique et matériel dans
lequel elle situait la violation du droit communautaire par la République
fédérale d'Allemagne en raison de l'aide accordée par le Land de
Basse-Saxe à la société Jadekost sous la forme d'une garantie (20).
- 66.
- Les lettres envoyées à la Commission après la publication au
Journal officiel ne contiennent, à notre avis, pas d'éléments qui n'aient
été portés à la connaissance de la République fédérale d'Allemagne
dans le cadre de la procédure administrative et sur lesquels celle-ci
n'aurait pas eu la possibilité d'assurer sa défense (21).
- 67.
- Concrètement, nous constatons que, dans une lettre commune du
31 août 1995 (22), les sociétés Pickenpack Tiefkühlgesellschaft GmbH &
Co KG et Hussmann & Hahn GmbH & Co, citant des lettres qu'elles
avaient envoyées précédemment, ont exposé, entre autres, leurs points
de vue concernant la légalité de l'aide et ont fait valoir que Jadekost
commercialisait ses produits à des prix inférieurs aux prix de revient,
causant ainsi des préjudices considérables aux sociétés concurrentes. Elle
souligne que Jadekost parvenait à recevoir le crédit au moyen de la
garantie accordée par le Land. Il ressort également d'une lettre envoyée
le 1er septembre 1995 au gouvernement du Land de Basse-Saxe par la
société Nordsee GmbH et qui se réfère à deux lettres précédentes que
la même société avait envoyées aux autorités du Land les 19 août et
23 septembre 1994, qu'elle s'était plainte auprès du ministre des finances
de Basse-Saxe de la concurrence catastrophique de Jadekost au
détriment de ses concurrents (23). Elle exprimait ainsi des doutes quant
à la légalité de l'aide et soulignait que Jadekost utilisait le soutien
financier pour acquérir des parts de marché à des prix qui ne couvraient
pas le coût, et cela au détriment de ses concurrents. Enfin, il ressort
d'une lettre envoyée le 4 septembre 1995 par la société Nordstern
Lebensmittel AG (24) qu'elle s'était plainte auprès de la Commission de
ce que Jadekost souhaitait augmenter considérablement sa part du
marché allemand et que son apparition sur le marché avait entraîné une
chute importante des prix des produits surgelés. Selon cette société, cet
état de choses avait pour effet que Jadekost se dirigeait pratiquement
dès le début de 1994 vers la faillite (25) (konkursreif) (26). En outre, elle
a informé la Commission de l'évolution des marchés et du traitement de
l'affaire par le parlement du Land de Basse-Saxe.
- 68.
- En conclusion, nous pensons que les données indiquées dans ces
lettres avaient pour l'essentiel été portées à la connaissance de la
requérante par des lettres antérieures de la Commission ou lors
d'entretiens qu'elle avait eus avec elle et que la requérante avait ainsi
pu prendre position sur ces données avant la publication de la décision
attaquée. L'allégation contraire de la requérante pouvait en tout cas
difficilement être maintenue, eu égard aux consultations longues et très
étroites entre la Commission et les autorités allemandes lors des
différents stades de la procédure (27). En outre, nous estimons que la
requérante n'a pas suffisamment démontré dans sa réplique, lorsqu'elle
a pris connaissance de ces éléments indiqués dans les lettres après la
publication de la communication de la Commission, que dans le cas où
cette irrégularité n'avait pas existé, la procédure aurait pu aboutir à un
résultat différent.
- 69.
- Eu égard à ce qui précède, le premier moyen d'annulation doit
être rejeté pour défaut de fondement.
B Deuxième moyen: constatation erronée des faits
- 70.
- Par son deuxième moyen d'annulation, la requérante estime que
la Commission n'a établi les faits que de manière partiellement exacte
et qu'elle a omis de faire un certain nombre de constatations
importantes.
- 71.
- Concrètement, en ce qui concerne la présentation de certains
nouveaux éléments de preuve, de nouvelles constatations et observations
dans le recours, c'est-à-dire après la clôture de la procédure
administrative, la requérante estime que le moment de l'adoption de la
décision n'est important que si la procédure administrative préalable
s'est déroulée dans les règles. En d'autres termes, si la procédure ne
s'est pas déroulée dans les règles, on ne saurait exiger de la requérante
qu'elle se conforme à une règle stricte de concordance entre les moyens
invoqués dans le cadre de la procédure administrative et ceux
développés dans le recours.
- 72.
- Selon la requérante, la Commission a négligé de mener la
procédure administrative de manière à disposer, à l'issue de celle-ci, de
toutes les données importantes pour rendre la décision attaquée. En
outre, elle a dissimulé à la requérante des éléments (considérations de
fait et de droit) importants pour sa décision.
- 73.
- La requérante estime en outre qu'elle n'est pas déchue du droit
de présenter des arguments, des informations et des documents au stade
du recours, c'est-à-dire après la clôture de la procédure administrative.
L'appréciation juridique d'une situation de fait peut avoir lieu dans le
cadre du procès (être tardive), parce que l'État membre n'est tenu ni
d'effectuer une appréciation exhaustive et définitive des faits ni
d'avancer ses arguments de droit au stade de la procédure devant la
Commission. Le droit communautaire ne contient pas non plus de
dispositions expresses quant à la forclusion en matière d'objections.
a) La présentation de nouveaux éléments
- 74.
- Selon une jurisprudence constante de la Cour (28), la légalité d'une
décision en matière d'aides doit être appréciée en fonction des éléments
d'information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle
l'a arrêtée. Ainsi que l'a souligné l'avocat M. Darmon (29), le contrôle de
la Cour est limité à la légalité de la décision et il ne saurait comporter
réouverture de l'examen du projet d'aide au vu d'éléments non produits
au stade de la procédure ayant abouti à la décision attaquée.
- 75.
- La Cour n'a donc pas admis, dans certains cas, que des faits
qu'un État membre n'avait pas portés à la connaissance de la
Commission soient invoqués devant la Cour lorsque cet État membre
n'a pas donné suite à une demande d'information de la Commission (30).
- 76.
- Il s'ensuit que, dans la mesure où les faits invoqués par la
requérante devant la Cour sont des faits nouveaux, qui n'ont pas été
communiqués à la Commission sur demande de celle-ci au stade de la
procédure administrative, nous pensons qu'ils ne peuvent pas être pris
en considération, même s'il s'agit de faits invoqués à titre
complémentaire et dont la requérante n'a compris la pertinence
qu'après l'adoption de la décision litigieuse. En effet, pour que la Cour
puisse contrôler la légalité de cette décision, il faut qu'il y ait
concordance entre les moyens invoqués dans le cadre de la procédure
administrative et ceux développés dans le recours.
b) Sur le fond
- 77.
- En ce qui concerne son contenu, le deuxième moyen comprend
trois griefs. Le premier concerne la détermination du montant de l'aide,
le deuxième les constatations des faits relatives aux lignes directrices et
le troisième les constatations relatives à la distorsion de la concurrence.
1) En ce qui concerne le montant de l'aide
- 78.
- Par le premier grief du deuxième moyen d'annulation, la
requérante soutient que la Commission a commis certaines erreurs lors
de la constatation des faits pour l'appréciation tant de l'existence que du
montant de l'aide. Le premier grief se divise en six branches.
i) Sur l'existence d'autres possibilités de financement
- 79.
- La requérante soutient que la Commission a négligé d'apprécier
à suffisance l'existence d'autres possibilités de financement de Jadekost,
ce qu'elle n'avait pas exclu lors de la procédure administrative.
- 80.
- En l'occurrence, il ressort du dossier de l'affaire que la
Commission a accompli tous les actes de procédure prévus par
l'article 93, paragraphe 2, concernant la réunion de tous les éléments
nécessaires pour apprécier la garantie en cause, accordée par le Land
pour assurer le crédit bancaire obtenu par Jadekost.
- 81.
- Ce n'est que dans le recours devant la Cour, et non au stade de
la procédure administrative, que la requérante a fait valoir que la
Commission n'avait pas cherché activement à savoir dans quelle mesure
il existait d'autres possibilités de financement. Par conséquent, le moyeny relatif ne peut pas être pris en considération, eu égard à ce qui a été
dit ci-dessus, étant donné qu'il n'a pas été invoqué au stade de la
procédure administrative.
- 82.
- En outre, comme la Commission se prononce sur la base des
éléments que l'État membre lui communique lors de la procédure
administrative, nous pensons qu'elle n'est pas tenue d'examiner dans
chaque cas d'octroi d'une garantie les éventuelles autres possibilités de
financement dans la mesure où l'intéressé lui-même ne le fait pas.
ii) En ce qui concerne l'existence d'autres sûretés
- 83.
- La requérante prétend que la Commission n'a pas pris en
considération l'existence d'importantes sûretés en faveur des banques
créancières de Jadekost pour définir le montant de l'aide (31).
- 84.
- Cet argument n'est pas de nature à nous convaincre. Ainsi que
le souligne la Commission, il ressort des documents produits par la
requérante, de la position du gouvernement du Land et de l'expertise
des experts-comptables que les sûretés étaient d'une valeur limitée (32).
Concrètement, la page 30 de l'avis (Entscheidungsvorlage) de la C & L
Deutsche Revision, que la requérante a envoyé en annexe à sa lettre du
3 janvier 1996 à la Commission (33), explique pour quelles raisons le
risque encouru par le garant était très élevé.
- 85.
- En outre, ainsi que la Commission l'indique (point 46 du
mémoire en défense), le gouvernement du Land de Basse-Saxe a admis
dans sa réponse à une question qui lui avait été posée au parlement du
Land: «C'est précisément parce que la garantie comportait un risque
qu'elle a été soumise à l'approbation du cabinet ministériel et de la
commission budgétaire du parlement de Basse-Saxe ... La majorité des
membres du cabinet ministériel et de la commission budgétaire s'est
prononcée en faveur de la garantie. Le Land devait décider s'il aidait
l'entreprise à surmonter ses difficultés actuelles ou s'il provoquait sa
faillite en lui refusant cette aide» (34).
- 86.
- Enfin, nous pensons que la position de la Commission est aussi
confirmée par les dispositions des directives générales du Land de
Basse-Saxe en matière de cautionnement, relatives aux conditions
requises pour que le Land se porte garant. Plus précisément, le point 3
des directives générales, auxquelles la Commission renvoie (point 120 du
mémoire en défense) énonce le principe de subsidiarité, selon lequel
«une garantie n'est en principe accordée que si les mesures ne peuvent
pas être exécutées autrement, notamment parce que des sûretés
suffisantes ne sont pas disponibles et qu'il n'est pas possible d'obtenir de
garantie de la part de la Niedersächsische Bürgschaftsbank (NBB)
GmbH».
iii) Sur la réduction des coûts de production
- 87.
- La requérante fait valoir que la garantie n'était pas une conditio
sine qua non de la production. La baisse des coûts de production n'a pas
été de 100 %, comme le prétend la Commission, étant donné que les
coûts de production augmentent puisque l'entreprise paie des intérêts
élevés. Seule une réduction du taux d'intérêt du fait du cautionnement
permet de réduire les dépenses de l'entreprise.
- 88.
- Nous pensons qu'il suffit en l'occurrence de souligner, nous
ralliant à cet égard à l'opinion de la Commission, que l'octroi de la
garantie entraîne par ses effets une réduction des coûts pour l'entreprise
et que cette constatation de la Commission n'est manifestement pas
erronée. En effet, l'entreprise avantagée ne pourrait pas poursuivre sa
production sans le crédit pour lequel la garantie a été constituée, dans
la mesure où elle ne pourrait pas disposer des crédits nécessaires pour
poursuivre son activité. Cette question sera toutefois développée plus
loin, lorsque nous examinerons, d'une part, la quatrième branche du
premier grief du deuxième moyen d'annulation et, d'autre part, le
troisième moyen d'annulation, plus particulièrement l'analyse de la
fixation du montant de la garantie.
iv) Sur le montant de l'élément d'aide et le taux d'intérêt du prêt
- 89.
- En ce qui concerne le niveau du montant de l'aide et le taux
d'intérêt du prêt, la requérante soutient tout d'abord que le risque
assumé par le garant (le Land de Basse-Saxe) ne correspondait pas au
montant global du cautionnement (35). Elle invoque également les
directives du Land qui concernent le cautionnement, selon lesquelles il
doit exister une forte probabilité que le crédit faisant l'objet du
cautionnement puisse effectivement être remboursé. Elle souligne
ensuite que le taux d'intérêt du prêt accordé à Jadekost était supérieur
au taux moyen, pratiqué sur le marché par les banques pour des prêts
similaires. La Commission a négligé d'opérer une comparaison avec les
taux d'intérêt habituellement pratiqués pour les prêts.
- 90.
- Nous voudrions tout d'abord rappeler que, dans l'affaire
Boussac (36), lorsque la Cour a cherché à déterminer si certaines
mesures (37), que le gouvernement français avait prises en faveur de
l'entreprise de textiles d'habillement et de produits à base de papier
Boussac Saint Frères, présentaient le caractère d'aides d'État, elle a jugé
qu'il fallait appliquer le critère «qui est basé sur les possibilités pour
l'entreprise d'obtenir les sommes en cause sur le marché des capitaux».
Elle a souligné ensuite (point 40), entre autres, qu'il résultait du dossier
que la situation financière de la société au cours de l'année concernée
était telle que, «eu égard à sa marge d'autofinancement insuffisante, elle
n'aurait pas été en mesure de réunir les fonds nécessaires sur le marché
des capitaux». Elle a constaté, en outre, que les premiers
investissements privés, qui étaient beaucoup plus faibles que les apports
publics, n'avaient été effectués qu'après l'allocation de ces derniers. Elle
en a déduit que les apports de capitaux à la société bénéficiaire
(Boussac) constituaient une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1,
du traité.
- 91.
- Eu égard à cette jurisprudence de la Cour, nous pensons que
c'est à juste titre que la Commission fait valoir que le montant de l'aide
est égal au montant intégral de la garantie. En effet, puisque le risque
pour le garant était très élevé, ainsi que l'avis d'expertise de la C & L
Deutsche Revision l'a certifié, sans la garantie, le crédit n'aurait pas été
accordé à Jadekost. Par conséquent, sans la garantie, l'entreprise aurait
cessé de fonctionner et de produire, mais elle aurait fait faillite. L'octroi
de la garantie a permis à Jadekost d'obtenir le crédit qui lui a permis de
poursuivre son activité et le montant de l'aide ne peut pas être différent
de celui du crédit consenti; cette constatation de la Commission n'est,
à notre avis, pas manifestement erronée (38). Eu égard à cela, il n'est pas
nécessaire d'examiner dans quelle mesure le montant du taux d'intérêt
du prêt consenti par rapport aux taux d'intérêt pratiqués sur le marché
pendant la période concernée fait apparaître l'avantage dont Jadekost
a bénéficié par rapport à ses concurrents.
v) Sur l'évolution du marché
- 92.
- Selon la requérante, la baisse des prix qui a été constatée dans
le secteur des produits à base de poisson a débuté avant l'entrée de
Jadekost sur le marché en juin 1993 et s'est poursuivie indépendamment
de l'activité de Jadekost. La requérante invoque à cet égard le rapport
d'expertise de C & L Deutsche Revision, qui concluait que Jadekost
avait de bonnes perspectives d'avenir. En outre, elle fait valoir que ni le
groupe Nordfrost ni ses concurrents n'envisageaient une saturation du
marché. Elle estime en substance que la Commission a analysé
l'évolution du marché en cause d'une manière trop négative.
- 93.
- Selon la Commission, les faits exposés par la requérante
indiquent que Jadekost ne pouvait pas faire plus que de faibles
bénéfices.
- 94.
- Nous estimons que cette appréciation de la Commission est
conforme à celle du rapport d'expertise de la C & L Deutsche Revision,
qui a abouti à la conclusion que, compte tenu de la diminution de la
capacité financière, de l'évolution difficilement prévisible du groupe
Nordfrost et de l'évolution du marché, le risque pour le garant était très
élevé. C'est ce qu'a aussi confirmé le fait que, le 31 mars 1995, une
procédure de faillite a été engagée à l'encontre de Jadekost. En outre,
les données qui ressortent du rapport d'expertise de C & L Deutsche
Revision conduisent, à notre avis, à la conclusion qu'il n'y a eu en
l'espèce ni erreur quant aux faits ni appréciation manifestement erronée
de la Commission, ce qui fait que le moyen concerné de la requérante
doit être rejeté comme dénué de fondement.
vi) Sur l'appréciation globale
- 95.
- Selon la requérante, il existe un lien entre les besoins financiers
supplémentaires de Jadekost et le projet global d'investissement. Il
s'ensuit que la garantie accordée par le Land aurait également pu être
utilisée pour financer les investissements restants, de sorte que les fonds
propres de Jadekost auraient pu être utilisés pour couvrir ses besoins de
liquidités. La requérante souligne que ce n'est que par souci de
simplification qu'il a été décidé de l'affectation en tant que «crédit
d'exploitation», sans prétendre que la garantie aurait été accordée pour
un crédit d'investissement et non pour un crédit d'exploitation (crédit de
fonctionnement). Toutefois, elle prétend que, dans le cadre d'une
appréciation globale, l'essentiel est que le montant de la totalité de
l'aide accordée à Jadekost ne dépasse pas la limite supérieure d'aide
admise pour le projet.
- 96.
- La Commission souligne que,jusqu'au 13 avril 1995, la requérante
a qualifié le crédit garanti de crédit d'exploitation (crédit de
fonctionnement) (39). En effet, cette qualification ressort aussi de tous les
documents bancaires disponibles, de la demande introduite par Jadekost
auprès du gouvernement de Basse-Saxe (40), de la décision prise par ce
gouvernement le 1er mars 1994 (41) et la décision adoptée le 6 avril 1994
par la commission parlementaire des crédits (42).
- 97.
- A notre avis, il résulte de ce qui précède que la Commission n'a
en l'espèce commis lors de la constatation des faits aucune erreur grave,
en raison du fait qu'elle n'a pas opéré une appréciation du projet global
des investissements à réaliser par Jadekost, et non seulement de la
partie de celui-ci qui concernait les besoins financiers de cette société,
pour lequel l'aide a été accordée.
2) Sur les constatations de fait relatives aux lignes directrices
- 98.
- Le deuxième grief du deuxième moyen d'annulation, invoqué par
la requérante, concerne les constatations de fait relatives aux lignes
directrices dans le secteur de la pêche. Concrètement, la requérante fait
valoir que la Commission n'a pas tenu compte du fait que la garantie a
été donnée sous la condition du respect du plan de financement établi
par Jadekost le 23 mars 1994, tel qu'il a été mis à jour le 18 octobre
1994, prévoyant une affectation des fonds; le respect de ce plan était
contrôlé par le Land de Basse-Saxe. Ce plan correspondait à celui
présenté dans le rapport d'expertise pour les années 1994 et 1995. En
outre, selon la requérante, la décision attaquée ne contient aucune
constatation sur les quantités produites et sur les unités de production
ou les moyens de production.
- 99.
- Pourtant, selon la Commission, la décision attaquée fait référence
au plan de financement (43). En outre, la décision attaquée contenait une
combinaison alternative des critères visés au point 1.3 des lignes
directrices, de sorte que la Commission n'avait pas à examiner si la
garantie était liée d'une manière quelconque aux quantités produites,
etc. Par conséquent, l'allégation selon laquelle la Commission n'a pas
fait de constatations de fait relatives aux lignes directrices en l'espèce est
dénuée de fondement.
3) Sur les constatations concernant la distorsion de la concurrence
- 100.
- Par le troisième grief du deuxième moyen d'annulation, la
requérante fait valoir que les constatations relatives soit à l'existence
d'une aide faussant le jeu de la concurrence, soit au prétendu
allégement des coûts pour Jadekost résultant du cautionnement sont
insuffisantes.
- 101.
- En ce qui concerne la définition du marché, la requérante estime
que le simple renvoi à l'achat de «produits surgelés à base de poisson»
et de bâtonnets et filets panés avec ou sans garniture» ne constitue pas
une constatation de fait suffisante. En outre, la Commission a négligé de
procéder à des constatations sur le marché européen, en particulier sur
l'importance de la production de produits surgelés à base de poisson
dans les autres États membres. Elle invoque aussi des statistiques
relatives à la production de produits surgelés à base de poisson, selon
lesquelles la production de ces produits par Jadekost ne représente
qu'une part infime de l'ensemble de la production dans le marché
commun.
- 102.
- Or, ainsi que le souligne la Commission, la décision attaquée cite
expressément l'existence d'une concurrence sur le marché des produits
surgelés à base de poisson et sur celui des «bâtonnets et filets panés
avec ou sans garniture». En outre, la Commission fait valoir qu'il existe
une concurrence manifeste en République fédérale d'Allemagne et dans
la Communauté, ainsi qu'il a été constaté dans la décision attaquée
(premier alinéa de la partie I). En outre, cette constatation ressort
également de l'échange de lettres avec les autorités nationales, que la
requérante a versé au dossier. En d'autres termes, la décision attaquée
fait des constatations concernant la distorsion de la concurrence. Nous
examinerons plus loin, lorsque nous analyserons le troisième moyen
d'annulation, si ces constatations étaient suffisantes.
- 103.
- Eu égard à ce qui précède, le deuxième moyen d'annulation doit
être rejeté.
C Troisième moyen: application erronée de l'article 92, paragraphe 1,
du traité
- 104.
- Par le troisième moyen d'annulation, la requérante soutient que
la Commission a appliqué de manière erronée l'article 92, paragraphe 1,
du traité. Elle divise ce moyen en trois branches, relatives, tout d'abord,
au recours erroné aux lignes directrices pour déterminer si les conditions
visées à l'article 92, paragraphe 1, pour qu'il y ait aide sont remplies,
ensuite, à la qualification inexacte des faits et, enfin, aux graves
violations de l'obligation de motivation prévue par l'article 190 du traité.
- 105.
- Toutefois, avant d'examiner les moyens invoqués par la
requérante, nous voudrions analyser succinctement le concept de
distorsion de la concurrence au regard de l'article 92, paragraphe 1, du
traité.
a) Analyse de la jurisprudence
- 106.
- Ainsi qu'il ressort du texte de l'article 92, paragraphe 1, il suffit,
pour que cette disposition soit applicable, que l'aide concernée
«menace» de fausser la concurrence. Plus précisément, selon les
dispositions de l'article 92, paragraphe 1, du traité, sont incompatibles
avec le marché commun les aides qui faussent ou menacent de fausser
la concurrence en «favorisant» certaines entreprises (44). L'existence
d'une aide suppose donc qu'un avantage soit, directement ou
indirectement, accordé à une entreprise (45).
- 107.
- En d'autres termes, lorsque la Commission identifie une
entreprise comme étant destinataire d'une aide, il faut déterminer quel
est l'avantage que l'entreprise retire de l'intervention de l'État, étant
donné que, si cette condition n'est pas remplie, l'intervention de l'État
n'a pas le caractère d'une aide pour l'entreprise concernée (46).
- 108.
- La jurisprudence a donné un contenu large au concept de
distorsion de la concurrence. C'est ainsi qu'elle admet qu'il y a distorsion
de la concurrence dans la mesure où l'intervention de l'État modifie de
façon artificielle certains éléments du coût de production d'une
entreprise et renforce la position de cette entreprise par rapport à
d'autres entreprises concurrentes dans les échanges
intracommunautaires (47). Dans l'arrêt Philip Morris, la Cour a jugé que
l'aide qui avait été accordée à la requérante «devait contribuer à
l'augmentation de sa capacité de production et, en conséquence, à
l'accroissement de sa capacité d'alimenter les courants d'échange, y
compris ceux existant entre États membres» et que «l'aide aurait allégé
le coût de la transformation des installations de production et par là
même aurait procuré à la requérante un avantage dans la concurrence
avec des fabricants qui ont réalisé ou ont l'intention de réaliser à leurs
propres frais une augmentation analogue de la capacité de rendement
de leurs installations» (48).
- 109.
- Dans un autre arrêt, relatif à des aides accordées par la
République française, la Cour a jugé que «les aides envisagées
permettraient aux entreprises bénéficiaires de réduire le coût de leurs
investissements, et elles renforcent ainsi la position de ces entreprises
par rapport à d'autres qui leur font concurrence dans la
Communauté» (49). Cette condition peut également être remplie lorsque
les aides permettent à des entreprises établies dans un État membre de
maintenir leur production, affectant ainsi les possibilités offertes aux
entreprises concurrentes, établies dans d'autres États membres
d'exporter leurs produits vers cet État (50).
- 110.
- La Cour a également admis que, compte tenu de
l'interdépendance entre les marchés sur lesquels opèrent les entreprises
communautaires, il n'est pas exclu qu'une aide puisse fausser la
concurrence intracommunautaire, même si l'entreprise bénéficiaire
exporte la quasi-totalité de sa production en dehors de la
Communauté (51).
- 111.
- Ainsi que nous l'avons expliqué dans nos conclusions sous l'arrêt
République fédérale d'Allemagne e.a./Commission (52), cette
jurisprudence confirme le point de vue exprimé par l'avocat général
M. Capotorti dans les conclusions qu'il a présentées sous l'arrêt Philip
Morris/Commission (53). Selon ces conclusions (point 4), «la distorsion de
la concurrence est une conséquence constante, et nécessaire du bénéfice
accordé au moyen de l'aide de l'État à certaines entreprises ou à
certaines productions. Cette interprétation trouve une confirmation dans
la logique de l'économie: une intervention extérieure de caractère
sélectif ne peut qu'altérer le jeu de la concurrence. Il est donc permis
de partir de la présomption que toute aide publique accordée à une
entreprise fausse la concurrence ou menace de la fausser, à moins qu'il
n'existe des circonstances exceptionnelles».
- 112.
- En ce qui concerne la question de savoir si les échanges entre les
États membres ont été influencés, la Cour a jugé que, lorsqu'une aide
financière accordée par l'État renforce la position d'une entreprise par
rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges
intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme
influencés par l'aide (54). La Cour a confirmé ce principe dans son arrêt
Belgique/Commission (55), soulignant que «l'importance relativement
faible d'une aide ou la taille relativement modeste de l'entreprise
bénéficiaire de l'aide n'excluent pas a priori l'éventualité que les
échanges entre États membres soient affectés».
- 113.
- La Cour a suivi ces solutions dans son arrêt Italie/Commission (56),
dans lequel elle a jugé qu'«une aide peut être de nature à affecter les
échanges entre les États membres et à fausser la concurrence, même si
l'entreprise bénéficiaire, se trouvant en concurrence avec des
producteurs d'autres États membres, ne participe pas elle-même aux
exportations; en effet, lorsqu'un État membre octroie une aide à une
entreprise, la production intérieure peut s'en trouver maintenue ou
augmentée avec cette conséquence que les chances des entreprises
établies dans d'autres États membres d'exporter leurs produits vers le
marché de cet État membre en sont sensiblement dimunuées. D'ailleurs,
les aides d'une importance relativement faible sont, néanmoins, de
nature à affecter les échanges entre États membres lorsque le secteur
en question est marqué par une vive concurrence».
- 114.
- Il résulte des arrêts précités que, lorsqu'une entreprise
bénéficiaire d'une aide opère sur un marché caractérisé par une
concurrence effective entre des producteurs établis dans différents États
membres, la Commission peut légitimement admettre que la condition
relative à l'atteinte aux échanges entre les États membres est remplie.
Selon la Cour, une telle atteinte peut aussi encore exister dans le cas où
il n'existe pas de surcapacité de production dans le secteur concerné. En
conclusion, ce n'est que sur les marchés de produits où, en raison du
coût de transport très élevé ou pour d'autres raisons, il n'existe pas de
commerce interétatique qu'on peut encore parler d'aide qui n'affecte
pas les échanges (57).
b) Analyse des allégations de la requérante
1) En ce qui concerne les lignes directrices
- 115.
- Par le premier grief du troisième moyen, la requérante soutient
que la décision attaquée est erronée en droit. En effet, cette décision a
admis que la garantie litigieuse contient des éléments d'aide et se fonde
sur les lignes directrices pour déterminer si les éléments constitutifs de
la violation de l'article 92, paragraphe 1, du traité sont établis, au lieu
de procéder, le cas échéant, à un examen individuel au cas par cas.
- 116.
- Concrètement, la requérante avance à cet égard une série
d'arguments: a) la Commission ne peut pas fixer de manière impérative
et générale les éléments constitutifs de la violation de l'article 92,
paragraphe 1, du traité en se fondant sur des lignes directrices
(troisième, quatrième et dixième alinéas de la partie IV de la décision
attaquée); b) la décision attaquée déclare expressément, notamment,
que l'incompatibilité prévue au point 1.3 des lignes directrices rend
superflu l'examen des autres exigences prévues à l'article 92,
paragraphe 1, du traité (dixième alinéa de la partie IV de la décision
attaquée); c) la Commission outrepasse ses compétences lorsqu'elle
dicte de manière abstraite et contraignante la manière dont il convient
d'interpréter les conditions d'application de l'article 92, paragraphe 1, du
traité; d) les lignes directrices ne peuvent avoir de l'importance que pour
la question de l'obligation de notification dans le cadre de la procédure
de l'article 93, paragraphe 1, du traité ou pour l'application de
l'article 92, paragraphe 3.
- 117.
- Nous pensons que les lignes directrices de la Commission sont
une forme de directive, dont la caractéristique principale est qu'elles
clarifient sa politique dans différents secteurs. Bien qu'elles ne soient pas
susceptibles de modifier les conditions d'application d'articles du traité
avec celles-ci, la Commission peut, grâce à ces lignes directrices, donner
aux intéressés un point de repère très important pour examiner eux-mêmes leur comportement, parce qu'ils peuvent prévoir les
conséquences éventuelles de leurs actes. Cela constitue aussi pour la
Commission un élément important pour la manière d'exercer le pouvoir
d'appréciation que le traité lui confère.
- 118.
- La Cour a déjà eu à connaître de la question de la valeur des
règles édictées par la Commission dans des lignes directrices, à savoir
celles de 1988 (58), dans le secteur de la pêche, dans l'affaire
IJssel-Vliet (59). Cette affaire concernait le rejet par le ministre de
l'économie des Pays-Bas d'une demande de subvention en vue de la
construction d'un bateau de pêche, introduite par la société IJssel-Vliet
Combinatie BV.
- 119.
- Dans son arrêt, la Cour a tout d'abord fait remarquer que (point
36), «aux termes de l'article 93, paragraphe 1, du traité, la Commission
procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes
d'aides y existant. Elle leur propose les mesures utiles exigées par ledéveloppement progressif ou le fonctionnement du marché commun.
Cette disposition implique ainsi une obligation de coopération régulière
et périodique à la charge de la Commission et des États membres, dont
ni la Commission ni un État membre ne s'auraient s'affranchir pour une
période indéfinie dépendant de la volonté unilatérale de l'une ou de
l'autre» (60).
- 120.
- En outre, dans le même arrêt IJssel-Vliet, la Cour a rappelé que
(point 38) «les lignes directrices, qui ne sont pas les premières
applicables au domaine considéré, constituent une mise à jour des
anciennes lignes directrices et s'insèrent donc dans le cadre d'un
contrôle régulier et périodique du secteur de la pêche». Elle a ajouté
que (point 39) ce contrôle a été mené en collaboration avec les États
membres. D'abord, ceux-ci ont été consultés (61) sur le texte provisoire
des lignes directrices et, ensuite, la Commission a, par lettre adressée au
gouvernement néerlandais (62), indiqué que, en approuvant le texte
définitif des lignes directrices, elle a tenu compte des observations faites
par les États membres. Enfin, elle a déduit de cette dernière lettre que
(point 40) «l'esprit de coopération entre la Commission et les États
membres a subsisté tout au long de l'existence de ces lignes
directrices» (63).
- 121.
- Dans le même arrêt, la Cour a déduit du dossier que (point 41)
«la Commission et le gouvernement néerlandais ont établi, au titre de
l'article 93, paragraphe 1, du traité, un cadre de coopération dont ni
l'une ni l'autre ne pouvaient s'affranchir unilatéralement» (64). En
d'autres termes, la Cour a admis en substance que, lorsqu'elles ont été
admises, les lignes directrices contiennent des règles ayant force
obligatoire pour la Commission et les États membres.
- 122.
- Dans l'arrêt IJssel-Vliet, la Cour a jugé ensuite que (point 43)
«l'approbation par la Commission des modifications du régime d'aide
national n'avait été accordée que dans la mesure où l'aide octroyée par
le gouvernement néerlandais à la construction des bateaux de pêche
respectait les lignes directrices. Dans ces circonstances, ce gouvernement
a, en mettant en oeuvre les modifications, accepté les règles énoncées
par les lignes directrices. Dès lors ... ces dernières ont un effet
contraignant à l'égard de cet État membre». En effet, elle a souligné
(point 44) qu'«il résulte de l'obligation de coopération découlant de
l'article 93, paragraphe 1, du traité, d'une part, et de l'acceptation des
règles énoncées dans les lignes directrices, d'autre part, qu'un État
membre, tel que le royaume des Pays-Bas, est tenu d'appliquer les lignes
directrices lorsqu'il adopte une décision à l'égard d'une demande d'aide
pour la construction d'un bateau destiné à la pêche».
- 123.
- Dans la présente affaire, ainsi que la Commission le souligne sans
être contredite par la requérante (points 90 et 181 et suiv. du mémoire
en défense), outre le fait que les États membres collaborent pour
publier les lignes directrices, la requérante a participé à la procédure
d'adoption de ces lignes directrices et les a approuvées. En outre, ces
lignes directrices constituent une condition de l'approbation des
directives du Land de Basse-Saxe dans le secteur du cautionnement.
- 124.
- A notre avis, il résulte de ce qui précède que les lignes directrices
lient la Commission, mais aussi la requérante. En d'autres termes, les
pouvoirs publics allemands sont tenus de les appliquer chaque fois qu'ils
se prononcent sur des demandes d'aide en faveur d'une entreprise, par
exemple en garantissant un crédit octroyé par des établissements
bancaires, pour autant que l'entreprise opère dans le secteur de la
pêche.
- 125.
- En outre, en ce qui concerne le contenu des lignes directrices
pour l'examen des aides d'État dans le secteur de la pêche et de
l'aquaculture, nous voudrions souligner que le point 1.1 indique dans
quels cas on peut considérer qu'il y a aide (l'énumération n'est pas
exhaustive, comme en témoigne le mot «notamment») et ne définit pas
l'aide dans un sens contraire à l'article 92, paragraphe 1, du traité.
- 126.
- Eu égard à cette analyse, nous pensons que la Commission devait
se fonder sur les lignes directrices pour contrôler si l'aide octroyée à
Jadekost pouvait être considérée comme compatible avec le marché
commun.
- 127.
- La Commission souligne que la décision attaquée montre
clairement, d'une part, qu'il y a eu examen des faits en vue de vérifier
si les conditions de l'article 92, paragraphe 1, sont remplies et, d'autre
part, que toutes les constatations, non contestées, concernant la
qualification juridique de l'aide, même pendant la procédure
administrative, se référaient à cet article.
- 128.
- En outre, la Commission précise que la référence aux lignes
directrices dans la décision attaquée s'explique par le fait que cette
décision concerne la question de savoir dans quelle mesure l'aide, dont
l'existence a été admise (en ce sens qu'il a été admis que cette aide
existe), pouvait être autorisée conformément à l'article 92, paragraphe 3,
du traité, compte tenu des lignes directrices.
- 129.
- La Commission s'est donc, comme elle devait le faire, aussi
fondée sur les lignes directrices en plus de l'article 92, paragraphe 1, sur
lequel elle s'est également fondée, ainsi qu'il est dit expressément dans
le premier alinéa de la partie IV de la décision attaquée.
2) Sur la qualification juridique des faits
- 130.
- Par le deuxième grief du troisième moyen d'annulation, la
requérante soutient que, même si la garantie octroyée par le Land de
Basse-Saxe contient des éléments d'aide au sens de l'article 92,
paragraphe 1, la décision attaquée est entachée d'erreurs. Elle subdivise
ce grief en deux branches et prétend que la décision attaquée est
erronée, d'une part, en ce qui concerne la détermination du montant de
l'aide et, d'autre part, en ce qui concerne l'appréciation de l'existence
d'une distorsion de la concurrence.
i) En ce qui concerne la détermination du montant de l'aide
- 131.
- S'agissant du montant de l'aide, la requérante soutient que la
Commission est tenue de déterminer et d'apprécier l'avantage réel et
précis que la garantie représente pour le bénéficiaire de l'aide. La
Commission n'a pas vérifié si Jadekost pouvait obtenir un autre crédit
(moins élevé) sans cautionnement. Elle a omis de déterminer le montant
de l'aide, puisqu'elle n'a pas tenu compte de l'existence de sûretés et
négligé d'examiner leur valeur et leur impact sur l'appréciation du
montant de l'aide (65).
- 132.
- Tout d'abord, la requérante considère qu'elle a versé une prime
de risque qui compensait le caractère d'aide de la garantie et que la
Commission n'en a pas tenu compte et n'a pas non plus déterminé sa
valeur. Ensuite, elle réitère que la Commission n'a pas tenu compte, lors
de l'appréciation du montant de l'aide, de l'existence de sûretés
importantes garantissant le prêt et dont la valeur devait être prise en
considération au moment de leur constitution, et non au moment où les
prêts sont devenus exigibles, ce qui fait qu'elles étaient sousévaluées. En
effet, l'existence de sûretés réduit le risque couru par le garant (66). Enfin,
elle soutient que la Commission a négligé d'examiner dans quelle
mesure il était possible d'obtenir un autre financement.
- 133.
- En ce qui concerne le désaccord entre la requérante et la
Commission quant au montant de l'aide et la manière de le fixer, ainsi
que nous l'avons aussi dit à d'autres endroits de nos conclusions, il
ressort de la décision attaquée et des éléments du dossier que la
Commission a conclu avec raison que, sans la garantie, Jadekost n'aurait
pas pu obtenir, aux conditions du marché, le crédit dont elle a bénéficié.
Ce crédit lui a été accordé parce qu'elle a fourni une garantie du Land,
et non parce que la valeur des sûretés constituées garantissait le crédit.
Il y a donc eu un traitement de faveur pour une entreprise déterminée,
à savoir une intervention extérieure (de l'État) à caractère sélectif en
faveur d'une entreprise déterminée. Par conséquent, l'avantage pour
Jadekost correspond au montant intégral qu'elle est parvenue à obtenir.
ii) Sur l'existence d'une distorsion de la concurrence
- 134.
- Par la deuxième branche du deuxième grief de son troisième
moyen d'annulation, la requérante fait valoir que, en ce qui concerne la
distorsion de la concurrence au sens de l'article 92, paragraphe 1, du
traité, la Commission conclut, à partir d'un allégement du coût de
production, à l'existence d'un renforcement artificiel de la position de
Jadekost sur le marché, alors que cette conclusion n'est étayée par
aucune constatation de fait. Elle prétend qu'il n'a jamais été admis que
la garantie pouvait menacer de fausser la concurrence.
- 135.
- L'argumentation de la requérante est centrée autour des points
suivants: a) la Commission a omis de définir le marché en cause et
l'existence d'une concurrence sur ce marché; b) en outre, c'est à tort
que, se fondant sur l'arrêt Siemens/Commission (67), la Commission
affirme qu'il existe une présomption générale selon laquelle l'octroi
d'une aide au fonctionnement fausse par sa nature même le jeu de la
concurrence. Il résulte des termes des lignes directrices que les aides au
fonctionnement peuvent être considérées comme compatibles avec le
marché commun. Il est donc toujours nécessaire d'examiner les éléments
de fait à la base de chaque cas (68).
- 136.
- Cette argumentation de la requérante n'est pas convaincante.
Ainsi que nous le développerons plus loin, nous pensons qu'il existe à
tout le moins une menace de distorsion de la concurrence. Tout d'abord,
ainsi que la Commission le souligne avec raison, le marché concerné est
défini de manière précise au troisième alinéa de la partie III de la
décision attaquée. Il s'agit du marché des produits surgelés à base de
poisson (bâtonnets et filets de poisson avec ou sans garniture). La
Commission souligne que la détermination du marché correspond à celle
que la requérante a exposée au cours de la procédure administrative.
- 137.
- L'existence d'une concurrence sur ce marché est constatée
expressément au sixième alinéa de la partie III de la décision attaquée.
Ainsi que la Commission le souligne avec raison, il existe une
concurrence sur ce marché au niveau européen. C'est ce qui résulte du
fait qu'il existe une organisation du marché de ces produits depuis
1971 (69) et des lignes directrices pour l'examen des aides d'État dans le
secteur de la pêche et de l'aquaculture (70).
- 138.
- En outre, dans la jurisprudence, la notion de distorsion de la
concurrence est interprétée largement. Il y a distorsion de la
concurrence dans la mesure où l'intervention de l'État modifie de
manière artificielle certains éléments du coût de production d'une
entreprise et renforce sa position par rapport à d'autres entreprises qui
lui font concurrence sur le marché intracommunautaire (71).
- 139.
- Nous pensons que l'octroi d'une aide au fonctionnement à
Jadekost (72) fausse la concurrence et qu'il existe en tout cas une menace
de distorsion de la concurrence. En effet, l'octroi d'une telle garantie
favorise une entreprise déterminée et sa production et met cette
entreprise dans une position plus favorable que ses concurrents.
- 140.
- Peut-on pour autant affirmer qu'il existe une présomption
générale d'interdiction des aides au fonctionnement?
- 141.
- Tout d'abord, selon l'arrêt Siemens/Commission (73), les aides au
fonctionnement sont celles qui «correspondent au type même des frais
généraux d'exploitation qu'une entreprise doit supporter dans le cadre
de ses activités normales» (74). En d'autres termes, elles sont destinées à
décharger l'entreprise des dépenses qu'elle devrait encourir elle-même
dans le cadre de la gestion courante de ses activités normales.
- 142.
- En outre, selon une jurisprudence constante de la Cour (75), les
aides au fonctionnement ne peuvent en aucun cas être considérées, en
application de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, comme
compatibles avec le marché commun lorsqu'elles comportent, par leurnature même, un risque d'altération des conditions du commerce dans
une mesure contraire à l'intérêt général (76).
- 143.
- Les lignes directrices ont défini (point 1.3, quatrième alinéa,
troisième tiret) la notion d'aides au fonctionnement (dans le secteur de
la pêche). Ces aides sont des aides nationales octroyées sans exiger une
obligation de la part des bénéficiaires et destinées à améliorer la
trésorerie de leurs exploitations ou dont les montants sont fonction de
la quantité produite ou commercialisée, des prix des produits, de l'unité
de production ou de moyens de production et dont le résultat serait une
diminution des coûts de production ou une amélioration des revenus du
bénéficiaire. Elles soulignent expressément que des aides de ce type
sont, en tant qu'aides au fonctionnement, incompatibles avec le marché
commun.
- 144.
- Il ressort des arrêts de la Cour et du texte des lignes directrices,
qui, ainsi qu'il a été dit, lient la Commission et les États membres, que
les aides au fonctionnement faussent par leur nature même la
concurrence, sous réserve de l'application de l'article 92, paragraphe 2,
du traité, comme le prévoit la note au point 1.3, in fine, des lignes
directrices. En vertu de l'article 92, paragraphe 2, sont compatibles avec
le marché commun: a) les aides à caractère social octroyées aux
consommateurs individuels, à condition qu'elles soient accordées sans
discrimination liée à l'origine des produits, b) les aides destinées à
remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par
d'autres événements extraordinaires, c) les aides octroyées à l'économie
de certaines régions de la république fédérale d'Allemagne affectées par
la division de l'Allemagne (77).
- 145.
- En d'autres termes, le point 1.3 des lignes directrices consacre
une présomption simple selon laquelle les aides au fonctionnement dans
le secteur de la pêche, qui nous intéressent dans la présente affaire,
faussent par leur nature même la concurrence dans la mesure où elles
ne s'accompagnent pas d'une restructuration de l'entreprise ou ne
relèvent pas d'un des cas visés à l'article 92, paragraphe 2, du traité.
- 146.
- Concrètement, le point 1.3, in fine, des lignes directrices prévoit
que la Commission examine cas par cas les aides de ce type, c'est-à-dire
les aides au développement, mais cela seulement «quand elles sont
directement liées à un plan de restructuration jugé compatible avec le
marché commun». Ainsi que l'avocat général M. Jacobs l'a dit dans ses
conclusions sous l'arrêt France/Commission (78), reprenant l'analyse faite
par la Commission, le concept de restructuration consiste dans la
réorganisation fondamentale d'une entreprise en vue de maintenir ou de
rétablir la compétitivité, cela se traduisant par des changements
fondamentaux dans la main-d'oeuvre, les moyens et le processus de
production, la capacité de production et d'autres aspects des activités de
l'entreprise.
- 147.
- L'existence d'une présomption est importante pour la charge de
la preuve. Concrètement, elle a pour effet que la Commission se borne
à démontrer qu'il existe une aide au fonctionnement, auquel cas il est
également présumé que cette aide fausse la concurrence, puisqu'elle ne
peut pas être considérée comme compatible avec le marché commun au
sens l'article 92, paragraphe 3. Cette présomption peut évidemment être
renversée.
- 148.
- Toutefois, au delà des qualifications données par l'État membre
ou la Commission à des aides octroyées, l'existence d'une présomption
ne signifie pas qu'il ne faudra pas se demander dans chaque cas dans
quelle mesure il y a aide et dans quelle mesure cette aide est
effectivement une aide au fonctionnement, c'est-à-dire s'il n'y a pas
appréciation juridique erronée de la part de la Commission. Si une aide
a été correctement qualifiée d'aide au fonctionnement, la présomption
pourra jouer, c'est-à-dire que cette aide sera considérée comme
incompatible avec le marché commun parce qu'elle peut fausser la
concurrence, étant donné la manière dont elle a été octroyée et les
conséquences qu'elle a sur le marché et pour les échanges
intracommunautaires.
- 149.
- Il découle de cette analyse que l'aide octroyée par la requérante
à Jadekost au moyen de la garantie d'un crédit bancaire est une aide au
fonctionnement, étant donné qu'elle visait à libérer cette entreprise des
dépenses auxquelles elle était soumise dans le cadre de la gestion
courante de ses activités normales (79). D'ailleurs, il n'était pas allégué
que l'octroi de cette aide serait directement lié à un plan de
restructuration, considéré comme compatible avec le marché commun.
C'est précisément pour cette raison que nous estimons que, selon la
présomption consacrée par les lignes directrices, cette aide ne peut pas
être considérée comme compatible avec le marché commun, étant
donné qu'elle fausse par sa nature même les conditions de concurrence
dans le secteur dans lequel elle a été octroyée et qu'elle risque d'affecter
les échanges intracommunautaires.
3) Sur l'obligation de motivation
- 150.
- Par le troisième grief de son troisième moyen, la requérante fait
valoir que l'absence de certaines constatations dans la décision attaquée
constitue une violation des formes substantielles ainsi qu'un défaut de
motivation au sens de l'article 190 du traité.
i) La jurisprudence de la Cour
- 151.
- Nous rappellerons tout d'abord que, selon l'article 190 du traité,
les actes des institutions communautaires sont motivés et que la
motivation exigée par cette disposition (80) «doit être adaptée à la nature
de l'acte en cause. Elle doit faire apparaître d'une façon claire et non
équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière
à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure
prise et à la Cour d'exercer son contrôle».
- 152.
- En outre, selon une jurisprudence constante de la Cour (81), «...
L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des
circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature
des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires ou d'autres
personnes concernées directement et individuellement par l'acte, au sens
de l'article 173, alinéa 2, du traité, peuvent avoir à recevoir des
explications».
- 153.
- Plus précisément, dans le secteur des aides d'État, la Cour juge
de manière constante que la motivation ne peut pas être limitée à une
simple répétition des conditions de l'article 92, paragraphe 1, et qu'il
faut qu'elle contienne une référence aux faits concrets (82), de manière
à permettre à la Cour d'exercer son contrôle et aux intéressés de faire
connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des
faits et circonstances allégués. (83).
- 154.
- Par conséquent, la conclusion qui découle de cette analyse est
qu'il y a à tout le moins motivation suffisante s'il apparaît que les
considérations contenues dans la décision litigieuse sont pertinentes et
soutiennent les conclusions de la Commission selon lesquelles les deux
conditions de l'article 92, paragraphe 1, sont remplies (84). Ces
considérations doivent concerner l'entreprise bénéficiaire de l'aide et
elles portent sur la situation du marché considéré, la part de cette
entreprise sur ce marché, la position des entreprises concurrentes, les
courants d'échanges des produits en cause entre les États membres et
les exportations de l'entreprise (85).
- 155.
- Toutefois, nous estimons que la jurisprudence de la Cour peut
constituer une aide pour résoudre la question de savoir dans quelle
mesure la Commission peut être exonérée de l'obligation de motiver en
détail la décision qu'elle arrête dans le cadre de la procédure de
l'article 93, paragraphe 2, dans le cas des aides au fonctionnement, et
cela en raison de la présomption énoncée au point 1.3 des lignes
directrices, ou dans quelle mesure une motivation succincte, non
détaillée, est suffisante.
- 156.
- Plus précisément, nous pensons que l'arrêt
Belgique/Commission (86) nous donne les éléments pour résoudre cette
question. Cet arrêt concernait l'annulation de décisions de la
Commission (87), arrêtées en vertu de l'article 93, paragraphe 2, du traité
sur la base de la directive 87/167 (88). Ces décisions concernaient des
crédits, c'est-à-dire des aides, que les autorités belges avaient octroyées
à des armateurs en vue d'effectuer différents travaux dans le secteur
naval (achat et construction de navires). La Cour (89) a précisé (point 31)
que, en ce qui concerne les aides à la production en faveur de la
construction et de la transformation navale, le Conseil avait retenu le
critère du non-dépassement du plafond maximal commun, prévu à
l'article 4, paragraphe 1, de la directive (90). Elle a ajouté (point 32) que
le respect du plafond litigieux est la condition essentielle pour qu'une
aide à la construction navale puisse être considérée comme compatible
avec le marché commun et que son dépassement «entraîne ipso facto
l'incompatibilité de l'aide en cause». Elle en a déduit (point 33) que
«dans ce contexte, le rôle de la Commission est limité à la vérification
du respect de ladite conclusion».
- 157.
- En outre, dans le même arrêt, la Cour a examiné et rejeté un
moyen d'annulation accessoire, relatif, entre autres, à la violation de
l'article 190 du traité, qui avait été invoqué par le gouvernement belge.
Celui-ci avait soutenu que les décisions en cause étaient entachées d'un
défaut de motivation, tenant au fait que la Commission n'avait
nullement démontré que l'octroi des aides litigieuses aurait méconnu
l'objectif de la directive, à savoir éviter l'accroissement de la capacité de
production des chantiers navals de la Communauté. La Cour a constaté
(point 36) que ce grief était intimement lié à l'argumentation principale
concernant la portée du plafond litigieux. Cette argumentation ayant été
rejetée, elle a estimé qu'«on ne saurait reprocher à la Commission de
ne pas avoir procédé à des investigations autres que la vérification du
respect du plafond. Dès lors est exclue toute nécessité de motivation
autre que la constatation du dépassement du plafond ...».
ii) Analyse des allégations de la requérante
- 158.
- Selon la requérante, tant le destinataire d'un acte que ses
concurrents ont un intérêt légitime à une motivation détaillée pour
pouvoir comprendre et contrôler la décision de la Commission. Il en
résulte que ni le fait que le destinataire de la décision a participé à
l'élaboration de celle-ci, ni la possibilité pour l'État membre qui a été
partie à la procédure de présenter ses observations, ni le fait que cet
État a participé aux délibérations en vue de l'adoption des lignes
directrices dans le secteur de la pêche, ni la référence à des «faits non
contestés» ne justifient une motivation qui soit limitée au strict
minimum. En outre, la requérante estime que la décision attaquée doit
être annulée pour motivation défectueuse parce qu'elle se borne à
émettre des présomptions et des suppositions au lieu de déterminer les
faits remplissant les conditions visées à l'article 92, paragraphe 1, du
traité (91).
- 159.
- Ainsi que la Commission l'admet également, la motivation de la
décision attaquée aurait pu être plus claire et plus détaillée. Toutefois,
nous pensons qu'elle est suffisamment motivée dans tous ses éléments
et qu'elle remplit les conditions énoncées par la Cour dans sa
jurisprudence, ainsi que nous l'avons exposé dans des considérations
antérieures, ce qui fait qu'elle est suffisante et exhaustive. En outre, elle
ne comporte pas de contradictions qui justifieraient son annulation.
- 160.
- Nous sommes amené à cette conclusion après avoir analysé,
d'une part, les lignes directrices et, d'autre part, les moyens tirés de la
distorsion de la concurrence et de l'atteinte aux échanges
intracommunautaires. Cette analyse nous a conduit à la conclusion qu'il
faut présumer que les aides au fonctionnement ne peuvent pas être
considérées comme compatibles avec le marché commun. Cet élémentest très important pour déterminer l'étendue de l'obligation de
motivation de la Commission, qui peut aussi se contenter d'une
motivation succincte sans que la décision attaquée puisse être entachée
d'un vice pour cette raison.
- 161.
- Nous pensons que, puisque l'aide octroyée à Jadekost ne peut
pas, en tant qu'aide au fonctionnement, être considérée comme
compatible avec le marché commun, conformément au point 1.3 des
lignes directrices qui consacre une présomption à cet égard, le caractère
succinct de la motivation de la décision attaquée ne constitue pas un
problème, même s'il manque certains éléments (relatifs à la distorsion
de la concurrence et à l'atteinte aux échanges intracommunautaires), qui
doivent concerner l'entreprise bénéficiaire de l'aide. Nous pensons
également qu'il n'était pas nécessaire d'exposer en détail ces éléments
qui, selon ce qui a été dit plus haut, sont couverts par la présomption en
question, non pas parce que la requérante a participé à la procédure qui
a précédé l'adoption de la décision attaquée (92), mais parce que, selon
cette présomption, l'aide octroyée est par nature, en tant qu'aide au
fonctionnement, incompatible avec le marché commun.
- 162.
- Ces éléments d'analyse qui, bien qu'ils ne figurent pas dans la
motivation de la décision attaquée, hormis quelques références d'ordre
général, ne peuvent pas entraîner son annulation, selon ce qui a été
exposé plus haut, sont l'analyse de la situation du marché en cause, la
part détenue sur ce marché par l'entreprise, la position des entreprises
concurrentes, les courants d'échanges des produits concernés entre les
États membres et les exportations de l'entreprise (93).
- 163.
- Par conséquent, eu égard à la présomption consacrée, à savoir
que les aides au fonctionnement sont incompatibles avec le marché
commun, nous pensons que la Commission n'a pas violé ses obligations
au titre de l'article 190 du traité et que sa décision est suffisamment
motivée. Rappelons que cette possibilité d'une motivation succincte
concerne uniquement les éléments couverts par la présomption, à savoir
la distorsion de la concurrence et l'atteinte aux échanges
intracommunautaires, et non d'autres questions, telles que l'existence
d'une aide et même d'une aide au fonctionnement, pour lesquelles la
Commission est tenue de motiver sa décision d'une manière exhaustive
et suffisante.
- 164.
- Par conséquent, dans le cas des aides au fonctionnement, la
Commission peut se limiter à une motivation succincte, non détaillée, de
la décision, qu'elle arrête dans le cadre de la procédure de l'article 93,
paragraphe 2, du traité, en ce qui concerne la distorsion de la
concurrence et l'atteinte aux échanges intracommunautaires.
- 165.
- Par conséquent, nous proposons de rejeter le troisième moyen
dans son intégralité.
D Quatrième moyen: application erronée de l'article 92, paragraphe 3,
sous c), du traité
- 166.
- Par son quatrième et dernier moyen d'annulation, la requérante
soutient que, à supposer que les conditions de l'article 92, paragraphe 1,
du traité soient remplies, la Commission aurait dû déclarer que l'aide
litigieuse est compatible avec le marché commun en vertu de l'article 92,
paragraphe 3, sous c), du traité. La motivation à cet égard ne satisfait
pas aux exigences relatives à la motivation exhaustive et suffisante,
énoncées à l'article 190 du traité.
- 167.
- La requérante divise ensuite ce moyen en deux branches. D'une
part, elle fait valoir que la Commission n'a pas reconnu l'importance des
lignes directrices dans le secteur de la pêche lorsqu'elle a exercé son
pouvoir d'appréciation. L'application correcte des lignes directrices
aurait abouti à un résultat différent. D'autre part, la requérante soutient
que la Commission a estimé à tort que les conditions d'application de
l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, n'étaient pas remplies (94).
- 168.
- Il a déjà été souligné que les lignes directrices lient tant la
Commission que les États membres et que les aides au fonctionnement
sont en principe par nature incompatibles avec le marché commun. Il
faut faire remarquer ensuite que la dérogation visée à l'article 92,
paragraphe 3, sous c), en tant que dérogation à l'interdiction générale
visée à l'article 92, paragraphe 1, doit être interprétée strictement et
appliquée dans cet esprit. Enfin, ainsi que la Cour l'a souligné dans son
arrêt Philip Morris (95), dans le domaine de l'article 92, paragraphe 3 du
traité, la Commission jouit d'un large pouvoir d'appréciation, dont
l'exercice implique des évaluations d'ordre économique et social qui
doivent être effectuées dans un contexte communautaire.
- 169.
- Il découle de la partie V de la décision attaquée que la
Commission a dûment examiné dans quelle mesure l'aide litigieuse
pourrait être autorisée sur la base de l'article 92, paragraphe 3, sous c).
Étant donné que la Commission jouit d'un large pouvoir d'appréciation,
l'examen auquel elle a procédé n'est pas, à notre avis, manifestement
erroné. Nous sommes conduit à cette conclusion après avoir examiné les
étapes du raisonnement de la Commission.
- 170.
- Plus précisément, nous pensons qu'il faut distinguer dans quelle
mesure Jadekost pouvait bénéficier d'une aide, d'une part, en raison de
la région dans laquelle elle exerçait son activité et, d'autre part, en
raison de son secteur d'activité, comme la Commission le souligne par
ailleurs.
- 171.
- En ce qui concerne la région, bien que Jadekost exerçait son
activité dans une région qui pouvait bénéficier d'aides au
développement, le point 1.6, deuxième alinéa, des lignes directrices
stipule que les éléments des régimes d'aide régionaux concernant le
secteur de la pêche seront examinés sur la base des lignes directrices
concernées. En d'autres termes, ces lignes directrices énoncent les
principes de coordination à appliquer par la Commission en ce qui
concerne les programmes régionaux d'aide ou les programmes à mettre
en oeuvre dans les régions de la Communauté. Il s'ensuit que la
Commission exerce son pouvoir d'appréciation à cet égard sur la base
des principes qu'elle a elle-même énoncés, en coopération avec les États
membres, dans les lignes directrices et les allégations contraires de la
requérante doivent être rejetées pour défaut de fondement.
- 172.
- En ce qui concerne le secteur d'activité dans lequel l'aide a été
octroyée, cette aide ne remplit pas, selon la Commission, les conditions
énoncées dans les lignes directrices dans le secteur de la pêche et rien
n'indique que la Commission a exercé son pouvoir d'appréciation de
manière incorrecte, en ce sens que son appréciation serait
manifestement erronée.
- 173.
- Étant donné qu'il s'agit d'une aide au fonctionnement, nous
rappellerons que, selon une jurisprudence constante de la Cour (96), les
aides au fonctionnement ne peuvent en aucun cas être considérées, en
application de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, comme
compatibles avec le marché commun, étant donné qu'elles comportent
par leur nature même un risque d'altération des conditions du
commerce dans une mesure contraire à l'intérêt commun. En outre,
selon le point 1.3 des lignes directrices, les aides au fonctionnement sont
incompatibles avec le marché commun.
- 174.
- La requérante fait valoir ensuite que, tout en se référant aux
lignes directrices de 1992, la Commission a appliqué celles de 1994 (97),
ainsi qu'il ressort du texte de la décision attaquée. Elle fait valoir
également qu'il ressort de la version allemande que les conditions
qu'elles prévoient (au point 1.3) doivent être remplies de manière
cumulative et non de manière alternative afin de pouvoir déterminer
quand il y a aide au fonctionnement. En effet, la conjonction alternative
«ou» manque dans la version allemande, qui existe uniquement dans
l'édition de 1994 (98).
- 175.
- Nous pensons qu'il serait plus correct de dire, ainsi qu'il résulte
également du but de ce texte (99), qu'il suffit que les conditions qu'il
prévoit soient remplies alternativement. Outre le fait que d'autres
versions linguistiques (100) prévoient qu'il suffit que ces conditions soient
remplies alternativement, cela découle de l'interprétation téléologique
du point litigieux. Dans un cas contraire, toutes les conditions prévues
alternativement seraient rarement remplies et il en résulterait seulement
dans des cas rares qu'on peut considérer que de telles aides sont
incompatibles avec le marché commun parce qu'il y a (ou parce qu'il
pourrait y avoir) distorsion de la concurrence, ce qui fait que la
réalisation des buts de la politique commune de la pêche est
compromise et, plus généralement, que le fonctionnement correct du
marché commun et le maintien du système de concurrence libre et sans
distorsions dans le domaine de la pêche seraient compromis.
- 176.
- Eu égard à ce qui précède, nous pensons que, bien que la
décision attaquée cite le texte (point 1.3) des lignes directrices de 1994,
et non de celles de 1992, comme elle aurait dû le faire, la décision n'est
pas invalide pour ce motif, parce que le contenu des deux textes est en
substance le même.
- 177.
- Le dernier élément sur lequel nous voudrions insister est que
l'octroi d'une garantie, c'est-à-dire l'octroi d'une aide à Jadekost, ne s'est
pas accompagné d'obligations précises quant à l'utilisation de cette aide,
selon les critères sur la base desquels les différentes catégories d'aides
sont considérées comme compatibles avec le marché commun. Ces
critères sont énoncés au point 2.3 des lignes directrices, qui concerne les
aides en faveur de la transformation et de la commercialisation dans le
secteur de la pêche.
- 178.
- Plus précisément, ainsi qu'il ressort des éléments du dossier, il ne
s'agissait pas, dans le cas de Jadekost, d'une aide octroyée pour la
réalisation d'investissements (point 2.3.3 des lignes directrices) ou pour
l'exécution de travaux en vue de promouvoir la qualité des produits
(point 2.3.4 des lignes directrices). Bien qu'il y ait eu un plan financier,
visant à démontrer que le crédit, pour lequel la garantie a été donnée,
serait utilisé dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise, cela ne peut
pas être considéré comme satisfaisant à l'obligation, pour le bénéficiaire,
d'utiliser l'aide, au sens du point 1.3, lu en combinaison avec le point 2.3
des lignes directrices. En effet, ainsi que nous l'avons déjà analysé, le
crédit pour lequel la garantie a été donnée a été utilisé pour couvrir des
dépenses générales d'exploitation, exposées par Jadekost dans le cadre
de ses activités habituelles. Par conséquent, l'appréciation de la
Commission selon laquelle l'aide litigieuse n'est pas compatible avec le
marché commun n'est pas manifestement erronée.
- 179.
- Par conséquent, nous proposons de rejeter intégralement le
quatrième moyen d'annulation.
VI Conclusion
- 180.
- Eu égard à ce qui précède, nous proposons à la Cour:
«1) de rejeter le recours formé par la République fédérale
d'Allemagne,
2) de condamner la requérante aux dépens».
1: Langue originale: le grec.
2:
JO L 246, du 27 septembre 1996, p. 43.
3:
Arrêt du 15 juin 1993 (C-225/91, Rec. p. I-3203, point 24).
4:
Voir également les solutions similaires (en ce qui concerne l'étendue des
pouvoirs de la Commission au titre de l'article 92, paragraphe 3) qui ont été
données dans les arrêts, plus anciens, du 24 février 1987, Deufil/Commission
(310/85, Rec. p. 901, point 18); du 14 février 1990, France/Commission
(C-301/87, affaire Boussac, Rec. p. I-307, point 49); du 21 mars 1990,
Belgique/Commission (C-142/87, Rec. p. I-959, point 56), et du 21 mars 1991,
Italie/Commission (C-303/88, Rec. p. I-1433, point 34).
5:
Voir aussi le point A, in fine, des conclusions de l'avocat général M. Gand
sous l'arrêt du 8 février 1966, Acciaierie e Ferriere Pugliesi/Haute autorité de
la CECA (8/65, Rec. p. 1).
6:
JO C 152 du 17 juin 1992, p. 2.
7: JO C 201 du 5 août 1995, p. 6.
8:
Elle explique aussi (cinquième alinéa) que l'élément d'aide dans une telle
garantie correspond en règle générale à la différence entre le taux d'intérêt
aux conditions normales du marché et celui qui est effectivement fixé pour
l'octroi de la garantie, sous déduction de toutes les primes d'assurance.
9:
Selon le rapport d'expertise de C&L Treuarbeit du 29 mars 1994.
10:
Selon ce qui ressort du rapport d'expertise de C&L Treuarbeit du 29 mars
1994.
11:
Voir, à titre d'exemple, l'arrêt du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a.
(C-39/95 P, Rec. p. I-5373, point 21).
12:
Voir, à titre d'exemple, l'arrêt du 10 juillet 1986, Belgique/Commission (40/85,
Rec. p. I-2321, point 28).
13:
Voir, à titre d'exemple, l'arrêt du 14 février 1990, France/Commission, précité
dans la note 3 (point 30).
14:
Arrêt Boussac (point 31). Voir également l'arrêt du 11 novembre 1987,
France/Commission (259/85, Rec. p. 4393, point 13).
15:
Dans cette affaire, la République française avait demandé l'annulation d'une
décision de la Commission, relative aux aides accordées par le gouvernement
français au fabricant de textiles d'habillement et de produits à base de papier
Boussac Saint Frères.
16:
C'est ce qui ressort du télex envoyé par la Commission au gouvernement
allemand le 1er septembre 1994 et joint en annexe B3 au mémoire en défense.
Dans ce télex, la Commission demandait à la requérante de lui faire parvenir
des informations supplémentaires quant à la concurrence par les prix et la
couverture des frais d'exploitation de Jadekost.
17:
La Commission souligne que les données qui ressortent des lettres des
concurrents ont été examinées avec la requérante lors des entretiens des
31 août 1994 et 28 novembre 1995.
18:
Voir également les lettres des 30 juin 1994 et 20 février 1995, jointes en
annexe (B1 et B6) au mémoire en défense de la Commission.
19:
Lettres datées des 2 novembre 1994 et 13 avril 1995, jointes en annexe (B5
et B7) au mémoire en défense de la Commission.
20:
Cette communication se référait aux lignes directrices de 1994 et non à celles
de 1992, mais cela ne veut pas dire que les intéressés ne savaient pas sur la
base de quelles règles la Commission avait établi l'existence d'une violation
du droit communautaire.
21:
Des éléments de ces lettres figurent dans la deuxième partie, in fine, de la
décision attaquée.
22:
La Commission joint cette lettre en annexe (B.14) à son mémoire en défense.
23:
La Commission joint cette lettre en annexe (B.15) à son mémoire en défense.
24:
La Commission joint cette lettre en annexe (B.16) à son mémoire en défense.
25:
Rappelons que la procédure de faillite de la société Jadekost a débuté le
31 mars 1995.
26:
Cette société dit, dans la même lettre, qu'elle avait également fait part au
gouvernement du Land, par sa lettre du 2 mars 1994, de ses réserves quant
au montant de la garantie que justifiait le chiffre d'affaires escompté de
Jadekost, garantie qui ne devait pas dépasser les 4 à 5 millions de DM.
27:
Voir le point 24 des conclusions de l'avocat général M. Jacobs sous l'arrêt
France/Commission, précité dans la note 3.
28:
Voir les arrêts du 26 septembre 1996, France/Commission (C-241/94, Rec.
p. I-4551, point 33); du 10 juillet 1986, Belgique/Commission (234/84, Rec.
p. 2263, point 16), et du 20 mars 1984, Allemagne/Commission (84/82, Rec.
p. 1451).
29:
Voir le point 8, in fine, de ses conclusions sous l'arrêt du 14 octobre 1987,
Allemagne/Commission (248/84, Rec. p. 4013).
30:
Voir, à titre d'exemple, l'arrêt France/Commission, précité dans la note 27
(points 36 et 37).
31:
Concrètement, la quatrième phrase du sixième alinéa de la partie III de la
décision attaquée dit que «l'entreprise disposant de peu de biens pouvant
servir de gage lors de la phase de démarrage, elle s'est efforcée d'obtenir une
garantie du Land sur le crédit de fonctionnement qui lui avait été accordé par
sa banque habituelle, la Bayerische Hypotheken- und Wechselbank AG».
32:
Ainsi que la Commission le souligne par ailleurs, la requérante a dit dans sa
lettre du 19 juillet 1994 (jointe en annexe B2 au mémoire en défense) que
«pour couvrir les besoins en capitaux de fonctionnement, les banques
exigeaient que le Land de Basse-Saxe garantisse la créance de 35 millions DM
à raison de 80 %».
33:
La Commission joint cette lettre en annexe (B9) à son mémoire en défense.
34:
Selon le point 1.3 des directives précitées, auxquelles la Commission renvoie
au point 46 de son mémoire en défense, une demande de garantie doit être
approuvée par la Commission budgétaire du parlement (local) au cas où il
serait prévu de déroger partiellement aux directives.
35:
A l'audience, la requérante a répété, en invoquant la communication de la
Commission (96/C 68/06, communication relative aux aides de minimis;
JO C 68 du 6 mars 1996, p. 6) que, lorsqu'il existe des sûretés importantes,
l'aide ne peut pas atteindre 100 % du montant pour lequel la garantie a été
accordée.
36:
Arrêt du 14 février 1990, France/Commission, précité dans la note 3
(point 39).
37:
Il s'agissait d'apports de capitaux, d'octroi de prêts à taux bonifiés et de
réduction des charges sociales.
38:
La communication de la Commission (96/C 68/06), invoquée par la
requérante, n'est qu'une forme de directive dont la caractéristique essentielle
consiste dans le fait qu'elles clarifient la politique de la Commission dans
différents secteurs [en ce qui concerne le sens de la directive, en particulier
dans le droit administratif français, voir, à cet égard, Prokopios Pavlopoulos,
«La directive en droit administratif», Paris, L.G.D.J., 1978 (dans la série
«Bibliothèque de Droit Public», tome 128, XX et 268 pages), passim, Jean
Boulouis, «Sur une catégorie nouvelle d'actes juridiques: les 'directives»,
article dans «Recueil d'Études en hommage à Charles Eisenmann», Paris,
édition Cujas, 1977 (p. 191 à 203), et Pierre Delvolvé, «La notion de
directive», article dans A.J.D.A., 1974 (p. 459 à 473)]. En outre, nous pensons
qu'on ne peut pas déduire sur la base de cette communication que les
constatations et l'appréciation faites par la Commission sont manifestement
erronées, dans la mesure où, ainsi que nous l'avons déjà analysé, le risque
pour le garant était considéré comme très élevé en raison de la situation
économique de l'entreprise Jadekost.
Nous rappellerons que, dans cette communication, il est dit que, pour les
garanties de prêts, l'équivalent subvention pour une année donnée peut être
calculé 1) de la même façon que l'équivalent subvention d'un prêt à taux
bonifié, déduction faite des primes payées, la bonification d'intérêt
représentant la différence entre le taux de référence et celui obtenu grâce à
la garantie de l'État, 2) soit comme étant la différence entre a) le montant
garanti restant dû multiplié par le coefficient de risque (probabilité de
non-remboursement) et b) toute prime versée, soit: (montant garanti x risque)
prime.
Dans la présente affaire, la garantie consentie correspondait à 80 % du crédit
de 35 000 000 DM qui a été accordé à Jadekost. Après déduction des frais de
constitution de dossier et de gestion de la garantie, l'équivalent subvention
net représentait 98,7 % du montant de 25 600 000 DM, auquel correspondait
la garantie. Si on applique l'équivalent subvention net d'un montant de
98,7 %, on obtient 25 267 200 DM. Sur ce montant, 10 688 025 DM (soit
42,3 %) correspondent aux produits à base de poisson.
39:
Elle produit une lettre, du 22 juillet 1994, qui lui a été adressée par la
requérante (annexe B2 au mémoire en défense).
40:
Dans cette demande, jointe en annexe (B19) au mémoire en défense de la
Commission, cette qualification est décrite comme l'utilisation prévue du
crédit: «Betriebsmittelkredit für das Umlaufvermögen».
41:
Elle est citée à l'alinéa 6, in fine, de la partie III de la décision attaquée.
42:
Cette décision figure en annexe B2 au mémoire en défense de la Commission;
selon elle, cette qualification ressort aussi de l'acceptation de la garantie à la
date du 2 mai 1994.
43:
Huitième alinéa de la partie III et neuvième alinéa de la partie IV de la
décision attaquée.
44:
Rappelons que, dans son arrêt du 14 novembre 1984, Intermills (23/82, Rec.
p. 3809, point 32), la Cour a souligné que «... l'octroi d'aides ... ne saurait
être considéré comme étant automatiquement contraire aux dispositions du
traité. Quelle que soit donc la forme sous laquelle les aides sont accordées ...
il appartient à la Commission d'examiner si de telles aides se trouvent en
conflit avec l'article 92, alinéa 1, et, dans l'affirmative, d'apprécier si elles
peuvent éventuellement être exemptées en vertu de l'alinéa 3 du même article,
en motivant sa décision en conséquence».
45:
Voir Christian Gavalda et Gilbert Parléani, «Droit des affaires de l'Union
Européenne», Paris, Litec, deuxième édition, 1995, p. 394 et suiv.
(paragraphe 737).
46:
Voir Bellamy & Child, «Common Market Law of Competition», quatrième
édition, 1993, p. 911, n° 18-004.
47:
Voir les arrêts du 2 juillet 1974, Italie/Commission (173/73, Rec. p. 709), et
du 17 septembre 1980, Philip Morris (730/79, Rec. p. 2671).
48:
Arrêt Philip Morris, précité dans la note 46 (point 11).
49:
Arrêt du 11 novembre 1987, France/Commission, précité dans la note 13
(point 24).
50:
Ainsi, selon l'arrêt du 13 juillet 1988, France/Commission (102/87, Rec.
p. 4067, point 19), une aide à une entreprise peut être de nature à affecter les
échanges entre les États membres et à fausser la concurrence même si cette
entreprise se trouve en concurrence avec des produits en provenance d'autres
États membres sans participer elle-même aux exportations. Une telle situation
peut également se présenter lorsqu'il n'y a pas de surcapacité dans le secteur
en cause.
51:
Arrêt du 21 mars 1990, Belgique/Commission (142/87, Rec. p. I-959,
point 35).
52:
Arrêt du 24 octobre 1996 (C-329/93, C-62/95 et C-63/95, Rec. p. I-5151,
point 49 de nos conclusions).
53:
Arrêt précité dans la note 46.
54:
Arrêt Philip Morris, précité dans la note 46 (point 11).
55:
Arrêt précité dans la note 3 (point 43).
56:
Arrêt précité dans la note 3 (point 27).
57:
Voir également le point 19 des conclusions de l'avocat général
M. Van Gerven sous l'arrêt Italie/Commission, précité dans la note 3.
58:
Il s'agit des lignes directrices pour l'examen des aides nationales dans le
secteur de la pêche (88/C 313/09), JO 1988, C 313, p. 21.
59:
Arrêt du 15 octobre 1996 (C-311/94, Rec. p. I-5023, points 36 à 44) et les
points 34 à 52 des conclusions de l'avocat général M. Lenz sous cet arrêt.
60:
Voir également l'arrêt du 29 juin 1995, Espagne/Commission (C-135/93, Rec.
p. I-1651, point 24). Dans l'arrêt IJssel-Vliet, la Cour a souligné que
(point 37) «les lignes directrices sont fondées sur l'article 93, paragraphe 1,
du traité et, dès lors, représentent un élément de cette obligation de
coopération régulière et périodique dont ni la Commission ni les États
membres ne peuvent s'affranchir. Par ailleurs, les lignes directrices se
conforment précisément du moins à l'égard des rapports entre la
Commission et le royaume des Pays-Bas à l'esprit de coopération régulière
et périodique que ledit article du traité envisage entre la Commission et les
États membres».
61:
Dans le cas du gouvernement néerlandais, par lettres des 30 mars et 6 mai
1988.
62:
Cette lettre est datée du 30 novembre 1988.
63:
La Cour a ensuite précisé, dans le même point 40, que: «En effet, la
Commission a, dans cette lettre, invité le gouvernement néerlandais à lui
donner l'assurance que les critères fixés dans les lignes directrices seraient
respectés pour toutes les aides au secteur. En réponse, le gouvernement
néerlandais a, par lettre du 31 janvier 1989, confirmé à la Commission que les
aides octroyées au secteur de la pêche respectaient les lignes directrices ...
Lors de cette confirmation, le gouvernement néerlandais appliquait le régime
d'aide national, qui doit donc être considéré comme visé par ladite
confirmation.»
64:
En outre, dans l'arrêt du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission (C-313/90,
Rec. p. I-1125, point 35), la Cour a reconnu une force obligatoire à une
«discipline» ayant la même nature juridique que les lignes directrices et dont
les règles ont été acceptées par les États membres. Dans le cas de cette
discipline, il s'agissait de règles appliquées aux aides octroyées par les États
à un secteur déterminé (celui des fibres synthétiques), exposées par la
Commission dans une communication relative à sa politique à l'égard de cette
question et qui ont été admises par les États membres; voir également l'arrêt
Ijssel-Vliet, précité dans la note 46 (point 42).
65:
La requérante est en désaccord avec le point de vue de la Commission selon
lequel, sans garantie, aucun crédit ne pourrait être obtenu. Elle estime que
la Commission a suivi d'une manière confuse (peu claire) et contradictoire
deux approches différentes. Tout d'abord, la Commission considère l'avantage
au niveau des prix perçus par cette entreprise et, ensuite, elle détermine si et
dans quelle mesure l'entreprise pourrait obtenir un autre financement, compte
tenu des garanties existantes.
66:
La requérante fait une distinction entre une question de principe, celle de
savoir quelle importance a l'existence de sûretés pour déterminer le montant
de l'aide, d'une part, et les questions concernant la valeur concrète des sûretés
existantes, d'autre part, parce que, finalement, l'avantage dont bénéficie le
débiteur en cas de cautionnement est moins élevé que celui dont bénéficie le
titulaire d'une subvention.
67:
Arrêt du 8 juin 1995 (T-459/93, Rec. p. II-1675).
68:
En outre, la requérante soutient que: c) l'argument de la Commission selon
lequel l'octroi de la garantie a entraîné une baisse des coûts de production de
l'ordre de 100 % est dénué de pertinence; et d) c'est à tort que la
Commission a estimé que le cautionnement du Land a faussé la concurrence
dans la mesure où Jadekost a pu offrir ses produits à des prix artificiellement
plus bas que ceux du marché. L'apparition de Jadekost qui produisait de
petites quantités, n'a pas influencé la tendance constante à la baisse des prix
des produits surgelés à base de poisson, qui avait débuté bien avant sur ce
marché. En outre, du fait du faible pourcentage que représentait la
production de Jadekost au niveau européen, la distorsion de la concurrence
ne se concevait pas. La requérante prétend que sa part dans la production
totale des États membres est inférieure à 24 %, tandis qu'elle ne détient
qu'une part de 1,5 % sur le marché européen.
69:
Ces questions sont réglées par le règlement (CEE) n° 3759/92 du Conseil, du
17 décembre 1992, portant organisation commune des marchés dans le secteur
des produits de la pêche et de l'aquaculture; JO L 388 du 31 décembre 1992,
p. 1.
70:
La Commission prétend que cela peut aussi résulter du fait que la décision
attaquée parle d'indications qui lui ont été fournies par de nombreuses
entreprises concurrentes et par des organisations professionnelles des États
membres.
71:
Voir les arrêts Italie/Commission et Philip Morris, précités dans la note 46.
72:
Dixième et onzième alinéas de la partie IV du texte de la décision attaquée
dans la version française et douzième, treizième et quatorzième alinéas de la
partie IV de la décision attaquée dans la version allemande, qui est la seule
faisant foi.
73:
Arrêt du 15 mai 1997 (C-278/95 P, Rec. p. I-2507, point 18).
74:
La Cour a donc considéré comme correct le raisonnement du Tribunal, qui
avait admis dans l'arrêt du 8 juin 1995, Siemens/Commission (note 72), que
(point 77) tant les aides en faveur des campagnes de publicité et des études
de marché que celles en faveur de l'achat de matériel à louer «sont destinées
à la commercialisation des produits Siemens». Le Tribunal a poursuivi
comme suit: «La commercialisation étant une activité normale et courante
des entreprises, ces aides constituent des aides au fonctionnement de
l'entreprise qui, d'une part, ne facilitent le 'développement d'aucun secteur
économique et, d'autre part, procurent à la requérante un support financier
artificiel qui fausse de façon durable le jeu de la concurrence et affecte les
échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun».
75:
Voir, à titre indicatif, l'arrêt du 6 novembre 1990, Italie/Commission (C-86/89,
Rec. p. I-3891, point 18), et l'arrêt France/Commission, précité dans la note
3 (point 49).
76:
Dans l'arrêt France/Commission, précité dans la note 3, la Cour a admis
(point 54), en ce qui concerne les interventions financières du gouvernement
français en faveur de la société Boussac, qu'elles avaient pour objectif de
proroger artificiellement son activité, alors que cette entreprise se trouvait
dans une situation de faillite et que, dans un avenir proche, on ne pouvait pas
escompter qu'elle fonctionne sur une base viable. Les interventions en
question ne visaient pas non plus à moderniser cette entreprise ni à rétablir
sa compétitivité perdue depuis des années. La Cour en a déduit (point 57)
que ces aides ne pouvaient pas bénéficier des dérogations prévues à
l'article 92, paragraphe 3, du traité.
77:
Cette disposition ajoute que ces aides sont compatibles avec le marché
commun dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser les
désavantages économiques causés par cette division. Depuis la réunification
de la République fédérale d'Allemagne, cette disposition n'a plus qu'un
intérêt historique.
78:
Point 67, arrêt précité dans la note 3.
79:
Voir l'arrêt Siemens/Commission, précité dans la note 72 (point 18).
80:
Voir, à titre d'exemple, les arrêts du 14 juillet 1994, Grèce/Conseil (C-353/92,
Rec. p. I-3411, point 19); du 13 octobre 1992, Portugal et Espagne/Conseil
(C-63/90 et C-67/90, Rec. p. I-5073, point 16), et du 9 novembre 1995, Atlanta
Fruchthandelsgesellschaft e.a. (C-466/93, Rec. p. I-3799, point 16).
81:
Arrêt du 13 mars 1985, royaume des Pays-Bas et Leeuwarder
Papierwarenfabriek BV/Commission (296/82 et 318/82, Rec. p. 809, point 19).
82:
La jurisprudence exposée lors de l'analyse des moyens relatifs à la distorsion
de la concurrence et l'affectation des échanges intracommunautaires conduit
à la conclusion qu'une aide doit être présumée de nature à fausser la
concurrence et à affecter les échanges intracommunautaires [voir à cet égard
Jacques Biancarelli, «Le contrôle de la Cour de justice des Communautés
européennes en matière d'aides publiques, L'actualité juridique Droit
administratif», 1993, (p. 412 à 436), à la p. 412 et, en particulier, à la p. 422,
et Claude Blumann, «Régime des aides d'État: jurisprudence récente de la
Cour de justice», 1989-1992, «Revue du Marché Commun et de l'Union
Européenne», n° 361, 1992 (p. 721 à 739), à la p. 726]. Cela ne veut toutefois
pas dire que l'appréciation quant au fait que ces deux conditions sont
remplies ne doit pas être motivée conformément à l'article 190 du traité. C'est
ainsi que, dans l'arrêt Intermills, précité dans la note 43 (point 38), la Cour
a jugé que la décision de la Commission devait être annulée parce que, en ce
qui concerne la distorsion de la concurrence à l'intérieur du marché commun,
«les considérants y relatifs se bornent à faire état d'objections soulevées par
les gouvernements de trois États membres, deux organisations
professionnelles et une entreprise du secteur intéressé. Sauf cette allusion, la
décision ne donne aucune indication concrète sur la nature des atteintes
portées à la concurrence». Dans l'arrêt Leeuwarder Papierwarenfabriek,
précité dans la note 80, la Cour a annulé la décision de la Commission qui ne
contenait aucune motivation pour ce qui est de l'appréciation de la question
de savoir si l'aide concernée affectait les échanges entre États membres et
faussait ou menaçait de fausser la concurrence en favorisant certaines
entreprises ou certaines productions. Ainsi qu'elle l'a observé (point 23) «les
considérants de la décision, après avoir rappelé les préoccupations exprimées
par les gouvernements de deux États membres ainsi que par deux
organisations professionnelles du secteur, relatives aux distorsions de
concurrence qui résulteraient de l'intervention du gouvernement néerlandais,
se bornent à une simple répétition du texte de l'article 92, paragraphe 1, du
traité et ne contiennent aucune indication de fait». Dans le même arrêt
(point 24), elle a admis qu'il peut ressortir des circonstances mêmes dans
lesquelles l'aide a été accordée qu'elle est de nature à affecter les échanges
entre États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence.
Toutefois, selon la Cour, «il incombe à tout le moins à la Commission
d'évoquer ces circonstances dans les motifs de sa décision. En l'espèce, elle
a omis de le faire, la décision litigieuse ne comportant pas la moindre
indication relative à la situation du marché considéré, la part de LPF
(bénéficiaire de l'aide) sur ce marché, les courants d'échanges des produits en
cause entre les États membres et les exportations de l'entreprise».
83:
Voir l'arrêt Leeuwarder Papierwarenfabriek, précité dans la note 80 (points
19 et suiv.), et l'arrêt république fédérale d'Allemagne e.a./Commission,
précité dans la note 51 (point 52).
84:
Voir également l'arrêt du 8 mars 1988, Exécutif régional wallon et SA
Glaverbel/Commission (62/87 et 72/87, Rec. p. 1573, point 18).
85: Voir l'arrêt Allemagne e.a./Commission, précité dans la note 51 (point 53).
86:
Arrêt du 18 mai 1993 (C-356/90 et C-180/91, Rec. p. 2323).
87:
Concrètement, il s'agissait de la décision 90/627/CEE de la Commission, du
4 juillet 1990, concernant des crédits octroyés par les autorités belges à un
armateur pour l'achat d'un navire LPG de 34 000 m3 et de deux navires
réfrigérés (JO L 338, p. 21), et de la décision 91/375/CEE de la Commission,
du 13 mars 1991, concernant des crédits octroyés par les autorités belges à
différents armateurs pour la construction de neuf navires (JO L 203, p. 105).
88:
Directive 87/167/CEE du Conseil, du 26 janvier 1987, concernant les aides à
la construction navale (JO L 69, p. 55).
89:
La Cour avait d'abord souligné (point 30) que «le Conseil, conformément à
la ratio de l'article 92, paragraphe 3, en partant de la constatation de
l'incompatibilité des aides à la construction navale, a pris en compte une série
d'exigences d'ordre économique et social qui l'ont conduit à faire usage de la
faculté, reconnue par le traité, de considérer néanmoins ces aides comme
compatibles avec le marché commun, à condition qu'elles satisfassent aux
critères de dérogation contenus dans la directive», c'est-à-dire la directive
87/167.
90:
Elle a également précisé, au même point 31, que ce plafond constitue ce que
le Conseil a considéré comme le point d'équilibre entre les exigences
contradictoires du respect des règles du marché commun et du maintien d'un
niveau suffisant d'activité dans les chantiers navals européens ainsi qu'à la
survie d'une industrie européenne de la construction navale efficace et
concurrentielle.
91:
Plus précisément, elle souligne que la décision attaquée ne contient aucune
constatation concernant les éléments importants suivants: a) le montant d'une
prime proportionnelle au risque encouru et ses effets sur la fixation du
montant de l'aide, b) les sûretés constituées en vue de l'octroi d'un crédit qui
sont déterminantes pour l'appréciation du montant de l'élément d'aide en
question, c) l'existence d'une autre possibilité de financement, bien que la
Commission admette l'idée d'une prime de risque.
92:
Il faut rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, qui s'est formée dans
le cadre des conditions spécifiques d'adoption de décisions relatives à
l'apurement des comptes, lorsque l'État membre a été associé à tous les stades
d'élaboration de la procédure administrative qui a débouché sur la décision
prise à son encontre, il suffit que la motivation soit succincte, c'est-à-dire non
détaillée, et cela précisément en raison de la nature et de l'étendue de cette
participation; voir, à titre indicatif, l'arrêt du 14 janvier 1981, République
fédérale d'Allemagne/Commission (819/79, Rec. p. 21, points 20 et 21),
concernant une décision relative à l'apurement des comptes présentés par la
République fédérale d'Allemagne au titre des dépenses financées par le Fonds
européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «garantie».
Voir également l'arrêt République fédérale d'Allemagne e.a./Commission,
précité dans la note 51 (point 31).
93:
Rappelons que l'absence de ces éléments avait conduit la Cour à considérer
que la motivation d'une décision de la Commission était insuffisante dans ses
arrêts République fédérale d'Allemagne e.a./Commission, précités dans la note
51 (points 53 et 54).
94:
A l'appui de ses allégations, la requérante souligne ce qui suit: a) Jadekost
exerçait son activité dans une région qui pouvait bénéficier d'aides au
développement en tant que région à faible produit intérieur brut par habitant
et à taux de chômage élevé; b) eu égard au point de vue de la requérante
quant à une approche/appréciation globale de l'aide octroyée, la condition
relative au développement de la région économique, requise par l'article 92,
paragraphe 3, sous c), du traité, était remplie dans le cas de Jadekost. La
garantie visait à assurer le financement d'une nouvelle entreprise et non le
maintien d'une entreprise qui existait depuis longtemps; c) l'octroi de la
garantie à Jadekost n'a pas modifié les conditions des échanges dans une
mesure contraire à l'intérêt général.
95:
Arrêt précité dans la note 46. Voir également le point 49 de l'arrêt
France/Commission, précité dans la note 3.
96:
Voir, à titre indicatif, les arrêts Italie/Commission, précité dans la note 74
(point 18), et France/Commission, précité dans la note 3 (point 49).
97:
Publiées au JO C 368 du 23 décembre 1994, p. 12.
98:
Le texte allemand de 1994 utilise l'abréviation «bzw», c'est-à-dire
«beziehungsweise» qui correspond à la conjonction «ou».
99:
La Cour a souligné que «les diverses versions linguistiques d'un texte
communautaire doivent être interprétées de façon uniforme et que, dès lors,
en cas de divergence entre ces versions, la disposition en cause doit être
interprétée en fonction de l'économie générale et de la finalité de la
réglementation dont elle constitue un élément»; voir, à titre indicatif, les
arrêts du 28 mars 1985, Commission/Royaume-Uni (100/84, Rec. p. 1169,
point 17); du 17 octobre 1991, Commission/Danemark (C-100/90, Rec.
p. I-5089, point 8), et du 7 décembre 1995, Rockfon (C-449/93, Rec. p. I-4291,
point 28).
100:
Cette différence dans la version allemande existe aussi, par exemple, dans la
version anglaise, mais pas dans les textes français, italien, espagnol, portugais
et grec. En outre, la Cour s'est déjà penchée sur la question de l'existence de
divergences linguistiques dans les termes ou les expressions des textes
législatifs des institutions communautaires; elle a jugé, par exemple dans
l'arrêt du 12 novembre 1969, Stauder (29/69, Rec. p. 419, point 3), que:
«lorsqu'une décision unique est adressée à tous les États membres, la
nécessité d'une application et dès lors d'une interprétation uniformes exclut
que ce texte soit considéré isolément dans une de ses versions, mais exige qu'il
soit interprété en fonction, tant de la volonté réelle de son auteur que du but
poursuivi par ce dernier, à la lumière notamment des versions établies dans
toutes les langues». Comparer l'arrêt du 5 décembre 1967, Van der Vecht
(19/67, Rec. p. 445). La Cour a souligné ensuite qu'«on ne saurait en outre
admettre que les auteurs de la décision aient voulu, dans certains pays
membres, imposer des obligations plus strictes que dans d'autres» (arrêt
Stauder, point 4). D'ailleurs, dans l'arrêt du 27 mars 1990, Cricket St Thomas
(C-372/88, Rec. p. I-1345, point 18), la Cour a affirmé que la version dans une
des langues communautaires (en l'espèce l'anglais) «ne saurait servir de base
unique à l'interprétation de cette disposition ou se voir attribuer, à cet égard,
un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. Une
telle approche serait en effet incompatible avec l'exigence d'uniformité
d'application du droit communautaire».