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TRADUCTION PROVISOIRE DU

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. GEORGES COSMAS

présentées le 11 mai 1999 (1)

Affaire C-288/96

République fédérale d'Allemagne

contre

Commission des Communautés européennes

«Aides d'État — Aides au fonctionnement — Lignes directrices dans le secteur de la pêche — Article 92, paragraphes 1 et 3, sous c), du traité — Droits de la défense — Constatation erronée des faits»

Table des matières

     I —     Introduction

I - 2

     II — Le cadre juridique

I - 4

         A — Les dispositions du traité et la jurisprudence de la Cour relative à l'étendue des pouvoirs de la Commission

I - 5

         B — Les lignes directrices pour l'examen des aides d'État dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture

I - 8

     III — Les faits

I - 11

         A — La procédure qui a précédé l'adoption de la décision attaquée 96/563/CE de la Commission

I - 11

         B — Les principaux points de la décision de la Commission

I - 17

     IV — Conclusions des parties

I - 23

     V — Appréciation des moyens d'annulation

I - 24

         A — Premier moyen: violation des droits de la défense

I - 24

         B — Deuxième moyen: constatation erronée des faits

I - 32

             a)     La présentation de nouveaux éléments

I - 33

             b)     Sur le fond

I - 34

                 1)     En ce qui concerne le montant de l'aide

I - 35

                     i)    Sur l'existence d'autres possibilités de financement

I - 35

                     ii)    En ce qui concerne l'existence d'autres sûretés

I - 36

                     iii)    Sur la réduction des coûts de production

I - 38

                     iv)    Sur le montant de l'élément d'aide et le taux d'intérêt du prêt

I - 39

                     v)    Sur l'évolution du marché

I - 42

                     vi)    Sur l'appréciation globale

I - 43

                 2)    Sur les constatations de fait relatives aux lignes directrices

I - 45

                 3)    Sur les constatations concernant la distorsion de la concurrence

I - 46

         C —    Troisième moyen: application erronée de l'article 92, paragraphe 1, du traité

I - 47

             a)    Analyse de la jurisprudence

I - 48

             b)    Analyse des allégations de la requérante

I - 53

                 1)    En ce qui concerne les lignes directrices

I - 53

                 2)    Sur la qualification juridique des faits

I - 60

                     i)    En ce qui concerne la détermination du montant de l'aide

I - 60

                     ii)    Sur l'existence d'une distorsion de la concurrence

I - 62

                 3)    Sur l'obligation de motivation

I - 70

                     i)    La jurisprudence de la Cour

I - 70

                     ii)    Analyse des allégations de la requérante

I - 76

         D —    Quatrième moyen: application erronée de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité

I - 80

     VI — Conclusion

I - 87

I —     Introduction

1.
    Par le recours dont elle a saisi la Cour en vertu de l'article 173 du traité, la République fédérale d'Allemagne demande l'annulation de

la décision 96/563/CE de la Commission, du 29 mai 1996, concernant une aide du Land de Basse-Saxe en faveur de l'entreprise JAKO Jadekost GmbH & Co KG (2) (ci-après la «décision attaquée»).

2.
    Concrètement, la Commission a estimé dans cette décision que l'aide en faveur de l'entreprise JAKO Jadekost GmbH et Co KG, accordée par l'Allemagne en 1994 sous forme d'une garantie du Land de Basse-Saxe sur un crédit bancaire d'un montant de 10 688 025 marks allemands (DM), est illégale, étant donné qu'elle a été accordée en violation des règles de procédure fixées à l'article 93, paragraphe 3, du traité, et que, de plus, cette aide est incompatible avec le marché commun en vertu de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

3.
    Cette affaire soulève essentiellement trois questions.

4.
    Tout d'abord, la question se pose de savoir dans quelle mesure la Commission a violé les droits de la défense en ne communiquant pas à une entreprise intéressée les lettres de ses concurrents dans un cas où, au cours de la procédure administrative qui a précédé l'adoption de la décision par la Commission, cette entreprise connaissait le contenu des observations de ses concurrents et était en mesure de se prononcer sur elles.

5.
    Ensuite, d'une part, la question se pose de savoir dans quelle mesure l'obligation de motivation peut dépendre du fait que certains éléments matériels ou juridiques ne sont pas contestés au cours de la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité. D'autre part, la question se pose de savoir dans quelle mesure les moyens et les faits invoqués par la requérante au cours de cette procédure administrative doivent être identiques à ceux invoqués dans le cadre de la procédure judiciaire.

6.
    Enfin, la question se pose de savoir dans quelle mesure il existe une présomption de ce que les aides au fonctionnement a) sont en principe contraires à l'article 92, paragraphe 1, du traité, b) faussent par nature la concurrence et entravent les échanges intracommunautaires et c) ne peuvent en principe pas être considérées comme compatibles avec le marché commun en vertu de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité. En outre, en cas de réponse affirmative, la question se pose de savoir dans quelle mesure la Commission peut échapper à l'obligation de motiver la décision qu'elle rend dans le cadre de la procédure de l'article 93, paragraphe 2, ou dans quelle mesure cette obligation peut être réduite au minimum.

II — Le cadre juridique

A — Les dispositions du traité et la jurisprudence de la Cour relative à l'étendue des pouvoirs de la Commission

7.
    L'article 92, paragraphes 1 et 3, dispose ce qui suit:

«1.    Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

...

3.    Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun:

...

c)    les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. ...».

8.
    L'article 93, paragraphes 2, premier et deuxième alinéas, et 3, se lit comme suit:

«2.    Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu'une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d'État n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 92, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l'État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine.

Si l'État en cause ne se conforme pas à cette décision dans le délai imparti, la Commission ou tout autre État intéressé peut saisir directement la Cour de justice, par dérogation aux articles 169 et 170.

...

3.    La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 92, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale.»

9.
    La Cour s'est prononcée à de nombreuses reprises sur l'étendue des pouvoirs des institutions communautaires dans le cadre des compétences fixées par les dispositions du traité relatives à la concurrence et sur le contrôle qu'elle peut exercer lorsque ces institutions disposent d'un large pouvoir d'appréciation.

10.
    Concrètement, la jurisprudence de la Cour fournit de nombreux exemples d'arrêts concernant les pouvoirs de la Commission au titre des articles 92 et 93, paragraphes 2 et 3, du traité. Par exemple, dans l'arrêtMatra/Commission (3), la Cour a jugé que «pour l'application de l'article 93, paragraphe 3, du traité, la Commission jouit d'un large pouvoir d'appréciation dont l'exercice implique des évaluations d'ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire». Elle a ajouté (point 25) que, dans le cadre de ce contrôle de légalité, elle doit se limiter à examiner si la Commission n'a pas excédé les limites inhérentes à son pouvoir d'appréciation par une dénaturation ou une erreur manifeste d'appréciation des faits ou par un détournement de pouvoir ou de procédure (4).

11.
    Ainsi, la Cour, qui ne peut pas substituer sa propre appréciation à celle de l'institution qui a le pouvoir de décision, devra s'assurer dans une mesure raisonnable, eu égard aussi aux moyens de preuve fournis par les parties et aux réponses qui y ont été données par la partie adverse, de ce qu'il n'existe pas d'erreur quant aux faits qui affecterait la validité de la décision de la Commission (5), ni qualification juridique erronée de ces faits, ni non plus appréciation manifestement erronée de ces mêmes faits.

B — Les lignes directrices pour l'examen des aides d'État dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture

12.
    Dans la mesure où elles présentent un intérêt pour la solution du litige en cause, les lignes directrices pour l'examen des aides d'État dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture (6) (ci-après les «lignes directrices») se lisent comme suit:

«1. Principes généraux

1.1. Les présentes lignes directrices concernent toutes les mesures comportant un avantage financier pour une ou plusieurs entreprises,

quelle qu'en soit la forme, si elles sont financées directement ou indirectement par des ressources budgétaires d'une autorité publique, nationale, régionale, provinciale, départementale ou locale. Peuvent notamment être des aides les transferts en capital ... les prêts à taux réduit, les bonifications d'intérêt, certaines participations publiques dans les capitaux des entreprises, les aides financées par des ressources provenant de charges affectées, ainsi que les aides octroyées sous forme de garantie d'État ... sur des prêts bancaires et sous forme de réduction ou d'exemption de taxes ou d'impôts, y compris les amortissements accélérés et la réduction des charges sociales.

Toutes ces mesures sont couvertes par la notion 'aides nationales‘ telle que définie par l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE.

(...)

1.3    L'octroi d'aides nationales ne peut être envisagé que dans le respect des objectifs de la politique commune.

Les aides ne doivent pas revêtir un caractère conservatoire; elles doivent au contraire favoriser la rationalisation et l'efficacité de la production et de la commercialisation des produits de la pêche, en vue d'encourager et d'accélérer les processus d'adaptation du secteur à la nouvelle situation à laquelle il est confronté.

Plus concrètement, les aides doivent stimuler la réalisation d'actions de développement et d'adaptation que les conditions normales des marchés ne suffisent pas à déclencher, à cause des rigidités du secteur et des capacités financières limitées des opérateurs. Elles doivent conduire à des améliorations durables, de telle façon que le secteur de la pêche puisse continuer à évoluer grâce aux seuls revenus du marché. Elles sont donc nécessairement limitées dans le temps, à la durée nécessaire pour réaliser les améliorations et adaptations voulues.

En conséquence, les principes suivants sont valables:

—    Les aides nationales ne peuvent pas entraver l'application des règles de la politique commune de la pêche. Par conséquent, il est rappelé notamment qu'en tout état de cause les aides à l'exportation et aux échanges à l'intérieur de la Communauté des produits de la pêche sont incompatibles avec le marché commun.

—    Les éléments de la politique commune de la pêche qui ne peuvent être considérés comme étant réglés de manière exhaustive, notamment en matière de politique structurelle, peuvent encore justifier des aides nationales à condition qu'elles respectent les objectifs des règles communes, de manière à ne pas risquer de mettre en cause ou altérer le plein effet de celles-ci; c'est la raison pour laquelle elles doivent, le cas

échéant, s'inscrire dans des programmes d'orientation prévus par la réglementation communautaire ...

—    Les aides nationales octroyées sans exiger une obligation de la part des bénéficiaires permettant une amélioration de la situation des entreprises et destinées à améliorer la trésorerie de leurs exploitations (sous réserve des dispositions au point 2.6.2, ci-dessous), ou dont les montants sont fonction de la quantité produite ou commercialisée, des prix des produits, de l'unité de production ou de moyens de production et dont le résultat serait une diminution des coûts de production ou une amélioration des revenus du bénéficiaire sont, en tant qu'aides au fonctionnement, incompatibles avec le marché commun [sous réserve de l'application de l'article 92, paragraphe 2, du traité]. La Commission examinera cas par cas les aides de ce type quand elles sont directement liées à un plan de restructuration jugé compatible avec le marché commun.»

III — Les faits

A — La procédure qui a précédé l'adoption de la décision attaquée 96/563/CE de la Commission

13.
    La société JAKO Jadekost GmbH & Co KG (ci-après «Jadekost») a son siège à Wilhemshaven. Elle a été créée en août 1991.

Elle faisait partie du groupe Nordfrost, qui était détenu majoritairement par le directeur de Jadekost.

14.
    Jadekost était spécialisée dans la fabrication et la distribution de produits surgelés (produits à base de poisson et de viande et plats préparés). Elle disposait à cet effet d'un atelier de fabrication pour la transformation de poisson et d'un atelier pour la transformation de la viande, équipés chacun de plusieurs lignes de fabrication.

15.
    Jadekost a commencé son activité de fabrication de produits surgelés à base de poisson (bâtonnets et filets panés avec ou sans garniture) en juin 1993. A cette époque, on a observé un très net effondrement des prix sur le marché concerné.

16.
    En raison des difficultés de trésorerie qu'elle rencontrait, Jadekost s'est efforcée d'obtenir du Land de Basse-Saxe une garantie couvrant le crédit de fonctionnement qui lui avait été accordé par sa banque (la Bayerische Hypotheken- und Wechselbank AG).

17.
    Le 2 février 1994, Jadekost a adressé aux autorités du Land, sur la base d'une analyse de gestion qui avait été effectuée par ladite banque et qui leur était favorable, une demande de garantie destinée à cautionner un «crédit d'exploitation pour le fonds de roulement».

18.
    Le 1er mars 1994, le gouvernement du Land a accepté de cautionner à raison de 80 % un crédit d'exploitation d'un montant de 35 000 000 DM et il s'est déclaré disposé à couvrir également les besoins de liquidités supplémentaires, estimés à 15 000 000 DM, jusqu'en décembre 1996. Dans la même décision, il précisait que l'approbation du ministère régional du Land était accordée sous réserve de la décision de la commission parlementaire des crédits régionaux et de l'accord de la commission du budget du Landtag.

19.
    Le 29 mars 1994, la société C&L Treuarbeit— Deutsche Revision a soumis un rapport d'expertise sur la gestion de la société Jadekost. Dans ce rapport, elle considérait les données prévisionnelles fournies par la société comme réalistes, mais estimait que le risque encouru par le garant était très élevé.

20.
    Le 6 avril 1994, la commission parlementaire des crédits du Land a donné un avis favorable sur l'octroi de la garantie.

21.
    Par lettre du 6 avril 1994 et sur la base de cette décision de la commission du budget du Landtag, la Bayerische Hypotheken- und Wechselbank, agissant au nom et pour le compte du ministère des finances de Basse-Saxe, a approuvé la garantie et fixé en détail les conditions de celle-ci. Le prêt était conclu pour une durée de huit ans et il n'y avait pas d'obligation de remboursement pendant les deux premières années.

22.
    La commission du budget du Landtag a donné son accord le 27 avril 1994.

23.
    Par lettre du 2 mai 1994, le ministère des finances du Land a signifié à Jadekost qu'une suite favorable avait été officiellement donnée à sa demande d'octroi d'une garantie et il indiquait expressément que celle-ci était destinée à couvrir une «garantie de capitaux d'exploitation» («affectation du prêt: capital d'exploitation»).

24.
    La Commission a été informée par plusieurs concurrents et groupements établis en Allemagne, au Danemark, en France et au Royaume-Uni de ce que le Land de Basse-Saxe accordait à la société Jadekost une aide sous la forme d'une garantie pour un crédit de fonctionnement.

25.
    La Commission a alors invité la République fédérale d'Allemagne, par lettre du 30 juin 1994, à présenter ses observations et elle a exprimé des réserves quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le point 1.3 des lignes directrices.

26.
    Par lettre du 19 juillet 1994, la République fédérale d'Allemagne a répondu, en substance, que cette garantie, destinée à couvrir un crédit de fonctionnement, devait être considérée comme l'équivalent des fonds propres engagés par l'entreprise à des fins d'investissement. Si le crédit accordé contre garantie avait servi à financer des investissements

l'entreprise aurait pu utiliser ses fonds propres, d'un montant de 32 500 000 DM, pour la couverture de ses frais d'exploitation. L'aide aurait alors été conforme aux lignes directrices.

27.
    Le 31 août 1994, il y a eu sur cette affaire une discussion entre des représentants de la Commission, du ministère fédéral allemand de l'alimentation, de l'agriculture et des forêts, et du ministère de l'économie, de la technologie et du transport de Basse-Saxe.

28.
    Par lettre du 1er septembre 1994, la Commission a demandé des informations supplémentaires, qui lui ont été fournies dans les délais fixés par lettres des 13 octobre et 2 novembre 1994.

29.
    La Commission a ensuite fait savoir à la République fédérale d'Allemagne, par lettre du 20 février 1995, qu'elle avait décidé d'ouvrir la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité et elle l'a invitée à présenter ses observations dans un délai d'un mois.

30.
    Le 31 mars 1995, la société Jadekost a été déclarée en faillite. Les crédits sont devenus exigibles. Les biens non couverts par la réalisation des sûretés, y compris le paiement des intérêts et des frais de garantie, ont été inscrits dans l'état des créances.

31.
    Par lettre du 13 avril 1995, la République fédérale d'Allemagne a fait savoir que les parties de la garantie qui n'étaient pas destinées exclusivement à des secteurs particuliers devaient être considérées comme des aides autorisées, la garantie en cause ayant été accordée en conformité avec les directives générales du Land de Basse-Saxe en matière de cautionnement, qui avaient été approuvées par la Commission. Selon le Land de Basse-Saxe, l'aide accordée devait être appréciée dans une optique globale et il ne fallait pas créer des distinctions artificielles entre les crédits. La distinction entre crédits d'investissement et crédits de fonctionnement était fortuite et l'appréciation de la légalité de l'aide ne devrait pas dépendre de cette donnée. Il faut donc déterminer si l'aide était globalement permise en vue des investissements et, le cas échéant, pour quel montant. Il ne s'agissait donc pas d'une aide au fonctionnement, incompatible avec le marché commun, puisqu'aucune des conditions visées au point 1.3 des lignes directrices n'était remplie.

32.
    Par une communication publiée au Journal officiel des Communautés européennes (7), faite sur la base de l'article 93, paragraphe 2, du traité, la Commission a informé les autres États membres et les autres intéressés des faits de l'espèce et elle les a mis en demeure de lui faire part de leurs observations dans un délai d'un mois.

33.
    La République fédérale d'Allemagne a réagi à cette communication par lettre du 1er septembre 1995. Dans cette lettre, elle résumait le contenu de ses lettres précédentes et apportait une série de nouveaux éléments.

34.
    Le 29 mai 1996, la Commission a arrêté la décision attaquée 96/563/CE, concernant une aide du Land de Basse-Saxe en faveur de Jadekost.

B — Les principaux points de la décision de la Commission

35.
    Dans la partie IV de sa décision, la Commission expose les raisons pour lesquelles elle estime que la garantie donnée par le Land de Basse-Saxe à Jadekost est illégale.

36.
    Elle souligne tout d'abord que l'aide accordée sous la forme d'une garantie doit être analysée à la lumière de l'article 92, paragraphe 1, du traité et des lignes directrices (premier et deuxième alinéas).

37.
    L'aide accordée à Jadekost est une aide au fonctionnement et, à ce titre, elle est incompatible avec le marché commun au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité (point 1.3 des lignes directrices). Ni le gouvernement allemand ni les autres parties intéressées à la procédure n'ont contesté cette appréciation de la Commission. Celle-ci

souligne aussi que, selon le point 1.1 des lignes directrices, les garanties d'État sur des prêts bancaires sont considérées comme des aides (8) (septième et troisième alinéas).

38.
    Le montant de l'aide correspond à la totalité du prêt. Grâce au soutien du gouvernement de Basse-Saxe, Jadekost a pu obtenir un financement qui lui aurait été refusé dans d'autres circonstances, compte tenu de ses difficultés financières. Dans la mesure où, c'est-à-dire compte tenu de la situation financière précaire de l'entreprise en question, aucune institution financière n'accepterait de prêter de l'argent sans une garantie de l'État, le montant total de l'emprunt doit être considéré comme une aide d'État. En outre, comme la garantie constitue la condition préalable à l'octroi des prêts, elle comporte un élément d'aide évident qui, en raison du risque très élevé assumé par le garant (9), correspond à la totalité du prêt octroyé. Cette aide, bien qu'accordée par le Land de Basse-Saxe, est à imputer à la République fédérale d'Allemagne (cinquième et sixième alinéas).

39.
    L'aide en cause a été octroyée sans que Jadekost soit soumise à une quelconque obligation d'utilisation au sens du point 1.3 des lignes directrices (huitième alinéa).

40.
    En particulier, l'entreprise bénéficiaire n'a pas été tenue de verser une prime d'un montant proportionnel au risque, très élevé, encouru par le créditeur et le garant (10). Les frais de dossier, soit 140 000 DM, et les frais de cautionnement, correspondant à 0,75 % du montant du prêt, sont insuffisants à cet égard. En tenant compte des frais mentionnés, l'équivalent-subvention net est donc de 98,7 % (100 % moins 0,75 % de frais de gestion et 0,55 % de frais de dossier (140 000 DM sur 25 600 000 DM) (neuvième alinéa).

41.
    L'aide sert à l'amélioration des revenus de Jadekost, puisque, d'une part, elle libère l'entreprise de coûts qu'elle aurait normalement dû supporter dans le cadre de son activité commerciale habituelle et que, d'autre part, elle ne soumet le bénéficiaire à aucune obligation d'utilisation. Grâce à cette aide, Jadekost a été en mesure d'offrir ses produits à la clientèle à un niveau de prix maintenu artificiellement bas. Ce type d'aides au fonctionnement est par lui-même incompatible avec le marché commun aux termes du point 1.3 des lignes directrices et rend donc superflu l'examen de la compatibilité de l'aide avec les autres exigences prévues à l'article 92, paragraphe 1, du traité (dixième alinéa).

42.
    En outre, la Commission souligne dans la décision attaquée qu'elle estime que l'aide octroyée à Jadekost menace effectivement de fausser les conditions de concurrence, puisqu'elle bénéficie à une

entreprise déterminée (Jadekost) et entraîne un allégement de ses coûts, lui permettant de renforcer artificiellement sa position sur le marché. Elle est donc de nature à fausser la concurrence sur le marché des produits à base de poisson surgelés au détriment d'autres entreprises en Allemagne et dans les autres États membres, qui ne bénéficient pas de ce type d'aide. Il existe en effet dans ce secteur un marché concurrentiel à l'échelle de la Communauté dans lequel les produits concernés font l'objet d'échanges entre États membres. L'aide octroyée à Jadekost, dans la mesure où elle renforce la position concurrentielle de cette entreprise vis-à-vis de ses concurrents, est de nature à affecter les échanges entre États membres (onzième alinéa).

43.
    La Commission ne saurait suivre le point de vue défendu par la République fédérale d'Allemagne, selon lequel la garantie et le crédit cautionné ne doivent pas être appréciés séparément de l'ensemble du projet, c'est-à-dire de l'investissement, envisagé, tandis que les coûts d'investissement couverts sans aucune aide d'État auraient parfaitement pu être garantis par un cautionnement du Land à hauteur de 32 500 000 DM, ce qui aurait évité à Jadekost de devoir chercher une garantie pour le financement de son fonctionnement. D'après la Commission, l'appréciation de la légalité de l'aide doit tenir compte de la situation du bénéficiaire au moment de la décision d'octroi, qui a été prise dans le cas présent au printemps 1994. Selon la Commission, la garantie a été expressément demandée et accordée pour un crédit de fonctionnement et non pour un crédit d'investissement. L'optique

globale préconisée ne peut être retenue, car elle permettrait de prendre aussi en considération d'autres financements supplémentaires (douzième alinéa).

44.
    Étant donné que les lignes directrices ne s'appliquent qu'aux produits de la pêche et que seul est exigible le remboursement de l'aide allouée au secteur en question, il y a lieu de déterminer le pourcentage de produits à base de poisson par rapport à celui des produits à base de viande et des plats préparés (treizième alinéa).

45.
    Pour cela, la Commission se fonde sur les quantités produites et les produits des ventes tels qu'ils figurent dans les prévisions pour 1994, année d'octroi de l'aide, telles qu'elles ont été communiquées par le gouvernement fédéral dans sa lettre du 1er septembre 1995. Sur une production totale de 20 000 tonnes, 45 % sont à imputer à la production de produits à base de poisson, 45 % à la production de produits à base de viande et les 10 % restants à la production de plats préparés. En revanche, si on compare les ventes aux secteurs intéressés, 42,3 % sont imputables aux produits à base de poisson, 50 % aux produits à base de viande et 7,7 % aux plats préparés. Pour déterminer la part des produits à base de poisson, la Commission se fonde sur le chiffre d'affaires, obtenant 42,3 % (quatorzième alinéa).

46.
    Lors du calcul du montant à rembourser, il faut tenir compte du fait que la garantie ne couvre que 80 % des 35 000 000 DM du prêt et

que le prêt effectivement versé était de 32 000 000 DM, ce qui, ramené à 80 %, aboutit à la somme de 25 600 000 DM. En appliquant un équivalent-subvention net de 98,7 %, le montant obtenu est de 25 267 200 DM, dont 10 688 025 DM (soit 42,3 %) concernent les produits à base de poisson (quinzième alinéa).

47.
    Dans la cinquième partie (V) de la décision attaquée, la Commission a examiné dans quelle mesure on peut appliquer en l'espèce les dérogations prévues par les articles 92, paragraphe 2, et 93, paragraphe 3, du traité. Elle a abouti à la conclusion que tel ne peut être le cas, eu égard à la nature et aux objectifs de l'aide.

48.
    Selon l'article 1er de la décision attaquée:

«L'aide en faveur de l'entreprise JAKO Jadekost GmbH & Co KG, accordée par l'Allemagne en 1994, sous forme d'une garantie du Land de Basse-Saxe sur un crédit bancaire d'un montant de 10 688 025 marks allemands, est illégale, étant donné qu'elle a été accordée en violation des règles de procédure fixées à l'article 93 paragraphe 3 du traité. De plus, l'aide est incompatible avec le marché en vertu de l'article 92 paragraphe 1 du traité.»

49.
    L'article 2 de la décision attaquée dispose que:

«L'Allemagne fait en sorte que l'aide visée à l'article 1er soit annulée et intégralement remboursée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

...»

50.
    Selon l'article 3, l'Allemagne informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, des mesures prises pour s'y conformer.

51.
    Enfin, en vertu de l'article 4, la République fédérale d'Allemagne est destinataire de la décision.

IV — Conclusions des parties

52.
    Le recours de la République fédérale d'Allemagne (ci-après la «requérante») a été déposé au greffe de la Cour le 26 août 1996.

53.
    Par son recours, la République fédérale d'Allemagne conclut à ce qu'il plaise à la Cour: annuler la décision 96/563/CE de la Commission, du 29 mai 1996, concernant une aide du Land de Basse-Saxe en faveur de l'entreprise JAKO Jadekost GmbH & Co KG, et condamner la Commission aux dépens.

54.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise à la Cour: rejeter le recours de la République fédérale d'Allemagne et condamner la requérante aux dépens.

V — Appréciation des moyens d'annulation

55.
    La requérante invoque quatre moyens, à savoir a) la violation des droits de la défense, b) la constatation erronée des faits, c) l'application erronée de l'article 92, paragraphe 1, du traité et la violation de l'obligation de motivation qui découle de l'article 190 du traité et d) l'application erronée, par la Commission, de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité et la violation de l'obligation de motivation.

A — Premier moyen: violation des droits de la défense

56.
    Par son premier moyen, la requérante fait valoir que la décision attaquée est illégale parce qu'il y a eu violation du principe fondamental de sauvegarde des droits de la défense. Plus particulièrement, parce que la Commission n'a autorisé ni à la requérante ni au Land l'accès aux observations présentées par quatre entreprises concurrentes de Jadekost et qui lui avaient été envoyées au cours de la procédure. Ce faisant, elle a aussi violé les formes substantielles au sens de l'article 173, deuxième alinéa, du traité, ce qui entraîne l'annulation de la décision attaquée.

57.
    La Commission prétend que c'est par mégarde que les lettres des concurrents de Jadekost n'ont pas été communiquées à la requérante. Toutefois, cela ne constitue une violation des droits de la défense que si, en l'absence de cette irrégularité, la procédure a pu aboutir à un résultat différent. La Commission considère que ces observations ne contiennent aucun élément, entrant en ligne de compte pour l'appréciation des faits au regard des règles de la concurrence, que la requérante n'a pas porté à la connaissance de la Commission au cours des différents stades de la procédure d'examen de l'aide litigieuse par la Commission.

58.
    Selon une jurisprudence constante de la Cour (11), le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l'encontre d'une personne et susceptible d'aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental de droit communautaire qui doit être assuré même en l'absence de toute réglementation concernant la procédure. Ce principe exige que les destinataires de décisions, qui affectent de manière sensible leurs intérêts, soient mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue. En d'autres termes, il faut que «la personne, contre laquelle la Commission a entamé une procédure administrative, ait été mise en mesure, au cours de cette procédure, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les documents retenus par la

Commission à l'appui de son allégation quant à l'existence d'une violation du droit communautaire» (12).

59.
    En outre, la Cour a reconnu que ce principe exige que l'État membre en cause soit mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur les observations présentées par des tiers intéressés conformément à l'article 93, paragraphe 2, du traité et sur lesquelles la Commission entend fonder sa décision. Elle a précisé que, dans la mesure où l'État membre n'a pas été mis en mesure de commenter de telles observations, la Commission ne peut pas les retenir dans sa décision contre cet État (13).

60.
    En outre, elle a souligné (14) que «pour qu'une telle violation des droits de la défense entraîne une annulation, il faut cependant que, en l'absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent».

61.
    Nous rappellerons que, dans l'affaire Boussac (15), la Cour avait constaté que les observations en cause, déposées à la Cour sur la demande de celle-ci, ne contenaient aucun élément d'information supplémentaire par rapport à ceux dont la Commission disposait déjà et que le gouvernement français connaissait. Dans ces conditions, la circonstance que le gouvernement français n'avait pas eu la possibilité de commenter lesdites observations n'était pas de nature à influer sur le résultat de la procédure administrative. La Cour a donc rejeté ce grief du gouvernement français.

62.
    Nous pensons que le but de la procédure de sauvegarde intégrale des droits de la défense n'est pas affecté lorsque, malgré le défaut de communication de certaines données à la partie défenderesse dans une procédure administrative, celle-ci a eu connaissance des données en question au cours des stades successifs de cette procédure et a ainsi eu la possibilité de prendre position sur les griefs fondés sur ces données.

63.
    En outre, l'acte attaqué ne peut être annulé pour cette raison que si, en l'absence de cette irrégularité, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent. La charge de la preuve à cet égard incombe à la partie qui prétend que certains éléments d'information, qui étaient

contenus dans les documents qui n'avaient pas été communiqués en temps utile, affecteraient sensiblement le contenu de la décision attaquée, à la condition qu'ils aient été déposés à la Cour et portés à la connaissance de cette partie.

64.
    Tout d'abord, en ce qui concerne les observations des concurrents de Jadekost que la Commission avait prises en considération avant de publier sa communication, il ressort du dossier que le contenu de ces observations était connu de la requérante (16), qui pouvait prendre position sur les griefs de la Commission (17). En outre, ainsi qu'il ressort des lettres envoyées par la Commission au gouvernement allemand (18) et des lettres de celui-ci à la Commission (19), ses représentants connaissaient le cadre législatif et factuel dans lequel la Commission situait la violation du droit communautaire, telle qu'elle est exposée dans la quatrième partie de la décision attaquée.

65.
    Il ressort de la communication de la Commission (95/C 201/06), publiée le 5 août 1995 conformément à l'article 93, paragraphe 2, et adressée aux autres États membres et aux autres intéressés, que la Commission avait fourni les données du cadre juridique et matériel dans lequel elle situait la violation du droit communautaire par la République fédérale d'Allemagne en raison de l'aide accordée par le Land de Basse-Saxe à la société Jadekost sous la forme d'une garantie (20).

66.
    Les lettres envoyées à la Commission après la publication au Journal officiel ne contiennent, à notre avis, pas d'éléments qui n'aient été portés à la connaissance de la République fédérale d'Allemagne dans le cadre de la procédure administrative et sur lesquels celle-ci n'aurait pas eu la possibilité d'assurer sa défense (21).

67.
    Concrètement, nous constatons que, dans une lettre commune du 31 août 1995 (22), les sociétés Pickenpack Tiefkühlgesellschaft GmbH & Co KG et Hussmann & Hahn GmbH & Co, citant des lettres qu'elles avaient envoyées précédemment, ont exposé, entre autres, leurs points de vue concernant la légalité de l'aide et ont fait valoir que Jadekost

commercialisait ses produits à des prix inférieurs aux prix de revient, causant ainsi des préjudices considérables aux sociétés concurrentes. Elle souligne que Jadekost parvenait à recevoir le crédit au moyen de la garantie accordée par le Land. Il ressort également d'une lettre envoyée le 1er septembre 1995 au gouvernement du Land de Basse-Saxe par la société Nordsee GmbH et qui se réfère à deux lettres précédentes que la même société avait envoyées aux autorités du Land les 19 août et 23 septembre 1994, qu'elle s'était plainte auprès du ministre des finances de Basse-Saxe de la concurrence catastrophique de Jadekost au détriment de ses concurrents (23). Elle exprimait ainsi des doutes quant à la légalité de l'aide et soulignait que Jadekost utilisait le soutien financier pour acquérir des parts de marché à des prix qui ne couvraient pas le coût, et cela au détriment de ses concurrents. Enfin, il ressort d'une lettre envoyée le 4 septembre 1995 par la société Nordstern Lebensmittel AG (24) qu'elle s'était plainte auprès de la Commission de ce que Jadekost souhaitait augmenter considérablement sa part du marché allemand et que son apparition sur le marché avait entraîné une chute importante des prix des produits surgelés. Selon cette société, cet état de choses avait pour effet que Jadekost se dirigeait pratiquement dès le début de 1994 vers la faillite (25) (konkursreif) (26). En outre, elle

a informé la Commission de l'évolution des marchés et du traitement de l'affaire par le parlement du Land de Basse-Saxe.

68.
    En conclusion, nous pensons que les données indiquées dans ces lettres avaient pour l'essentiel été portées à la connaissance de la requérante par des lettres antérieures de la Commission ou lors d'entretiens qu'elle avait eus avec elle et que la requérante avait ainsi pu prendre position sur ces données avant la publication de la décision attaquée. L'allégation contraire de la requérante pouvait en tout cas difficilement être maintenue, eu égard aux consultations longues et très étroites entre la Commission et les autorités allemandes lors des différents stades de la procédure (27). En outre, nous estimons que la requérante n'a pas suffisamment démontré dans sa réplique, lorsqu'elle a pris connaissance de ces éléments indiqués dans les lettres après la publication de la communication de la Commission, que dans le cas où cette irrégularité n'avait pas existé, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent.

69.
    Eu égard à ce qui précède, le premier moyen d'annulation doit être rejeté pour défaut de fondement.

B — Deuxième moyen: constatation erronée des faits

70.
    Par son deuxième moyen d'annulation, la requérante estime que la Commission n'a établi les faits que de manière partiellement exacte et qu'elle a omis de faire un certain nombre de constatations importantes.

71.
    Concrètement, en ce qui concerne la présentation de certains nouveaux éléments de preuve, de nouvelles constatations et observations dans le recours, c'est-à-dire après la clôture de la procédure administrative, la requérante estime que le moment de l'adoption de la décision n'est important que si la procédure administrative préalable s'est déroulée dans les règles. En d'autres termes, si la procédure ne s'est pas déroulée dans les règles, on ne saurait exiger de la requérante qu'elle se conforme à une règle stricte de concordance entre les moyens invoqués dans le cadre de la procédure administrative et ceux développés dans le recours.

72.
    Selon la requérante, la Commission a négligé de mener la procédure administrative de manière à disposer, à l'issue de celle-ci, de toutes les données importantes pour rendre la décision attaquée. En outre, elle a dissimulé à la requérante des éléments (considérations de fait et de droit) importants pour sa décision.

73.
    La requérante estime en outre qu'elle n'est pas déchue du droit de présenter des arguments, des informations et des documents au stade du recours, c'est-à-dire après la clôture de la procédure administrative. L'appréciation juridique d'une situation de fait peut avoir lieu dans le cadre du procès (être tardive), parce que l'État membre n'est tenu ni d'effectuer une appréciation exhaustive et définitive des faits ni d'avancer ses arguments de droit au stade de la procédure devant la Commission. Le droit communautaire ne contient pas non plus de dispositions expresses quant à la forclusion en matière d'objections.

a)     La présentation de nouveaux éléments

74.
    Selon une jurisprudence constante de la Cour (28), la légalité d'une décision en matière d'aides doit être appréciée en fonction des éléments d'information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l'a arrêtée. Ainsi que l'a souligné l'avocat M. Darmon (29), le contrôle de la Cour est limité à la légalité de la décision et il ne saurait comporter réouverture de l'examen du projet d'aide au vu d'éléments non produits au stade de la procédure ayant abouti à la décision attaquée.

75.
    La Cour n'a donc pas admis, dans certains cas, que des faits qu'un État membre n'avait pas portés à la connaissance de la Commission soient invoqués devant la Cour lorsque cet État membre n'a pas donné suite à une demande d'information de la Commission (30).

76.
    Il s'ensuit que, dans la mesure où les faits invoqués par la requérante devant la Cour sont des faits nouveaux, qui n'ont pas été communiqués à la Commission sur demande de celle-ci au stade de la procédure administrative, nous pensons qu'ils ne peuvent pas être pris en considération, même s'il s'agit de faits invoqués à titre complémentaire et dont la requérante n'a compris la pertinence qu'après l'adoption de la décision litigieuse. En effet, pour que la Cour puisse contrôler la légalité de cette décision, il faut qu'il y ait concordance entre les moyens invoqués dans le cadre de la procédure administrative et ceux développés dans le recours.

b)     Sur le fond

77.
    En ce qui concerne son contenu, le deuxième moyen comprend trois griefs. Le premier concerne la détermination du montant de l'aide, le deuxième les constatations des faits relatives aux lignes directrices et le troisième les constatations relatives à la distorsion de la concurrence.

1)     En ce qui concerne le montant de l'aide

78.
    Par le premier grief du deuxième moyen d'annulation, la requérante soutient que la Commission a commis certaines erreurs lors de la constatation des faits pour l'appréciation tant de l'existence que du montant de l'aide. Le premier grief se divise en six branches.

i)    Sur l'existence d'autres possibilités de financement

79.
    La requérante soutient que la Commission a négligé d'apprécier à suffisance l'existence d'autres possibilités de financement de Jadekost, ce qu'elle n'avait pas exclu lors de la procédure administrative.

80.
    En l'occurrence, il ressort du dossier de l'affaire que la Commission a accompli tous les actes de procédure prévus par l'article 93, paragraphe 2, concernant la réunion de tous les éléments nécessaires pour apprécier la garantie en cause, accordée par le Land pour assurer le crédit bancaire obtenu par Jadekost.

81.
    Ce n'est que dans le recours devant la Cour, et non au stade de la procédure administrative, que la requérante a fait valoir que la Commission n'avait pas cherché activement à savoir dans quelle mesure il existait d'autres possibilités de financement. Par conséquent, le moyeny relatif ne peut pas être pris en considération, eu égard à ce qui a été

dit ci-dessus, étant donné qu'il n'a pas été invoqué au stade de la procédure administrative.

82.
    En outre, comme la Commission se prononce sur la base des éléments que l'État membre lui communique lors de la procédure administrative, nous pensons qu'elle n'est pas tenue d'examiner dans chaque cas d'octroi d'une garantie les éventuelles autres possibilités de financement dans la mesure où l'intéressé lui-même ne le fait pas.

ii)    En ce qui concerne l'existence d'autres sûretés

83.
    La requérante prétend que la Commission n'a pas pris en considération l'existence d'importantes sûretés en faveur des banques créancières de Jadekost pour définir le montant de l'aide (31).

84.
    Cet argument n'est pas de nature à nous convaincre. Ainsi que le souligne la Commission, il ressort des documents produits par la requérante, de la position du gouvernement du Land et de l'expertise

des experts-comptables que les sûretés étaient d'une valeur limitée (32). Concrètement, la page 30 de l'avis (Entscheidungsvorlage) de la C & L Deutsche Revision, que la requérante a envoyé en annexe à sa lettre du 3 janvier 1996 à la Commission (33), explique pour quelles raisons le risque encouru par le garant était très élevé.

85.
    En outre, ainsi que la Commission l'indique (point 46 du mémoire en défense), le gouvernement du Land de Basse-Saxe a admis dans sa réponse à une question qui lui avait été posée au parlement du Land: «C'est précisément parce que la garantie comportait un risque qu'elle a été soumise à l'approbation du cabinet ministériel et de la commission budgétaire du parlement de Basse-Saxe ... La majorité des membres du cabinet ministériel et de la commission budgétaire s'est prononcée en faveur de la garantie. Le Land devait décider s'il aidait l'entreprise à surmonter ses difficultés actuelles ou s'il provoquait sa faillite en lui refusant cette aide» (34).

86.
    Enfin, nous pensons que la position de la Commission est aussi confirmée par les dispositions des directives générales du Land de Basse-Saxe en matière de cautionnement, relatives aux conditions requises pour que le Land se porte garant. Plus précisément, le point 3 des directives générales, auxquelles la Commission renvoie (point 120 du mémoire en défense) énonce le principe de subsidiarité, selon lequel «une garantie n'est en principe accordée que si les mesures ne peuvent pas être exécutées autrement, notamment parce que des sûretés suffisantes ne sont pas disponibles et qu'il n'est pas possible d'obtenir de garantie de la part de la Niedersächsische Bürgschaftsbank (NBB) GmbH».

iii)    Sur la réduction des coûts de production

87.
    La requérante fait valoir que la garantie n'était pas une conditio sine qua non de la production. La baisse des coûts de production n'a pas été de 100 %, comme le prétend la Commission, étant donné que les coûts de production augmentent puisque l'entreprise paie des intérêts élevés. Seule une réduction du taux d'intérêt du fait du cautionnement permet de réduire les dépenses de l'entreprise.

88.
    Nous pensons qu'il suffit en l'occurrence de souligner, nous ralliant à cet égard à l'opinion de la Commission, que l'octroi de la garantie entraîne par ses effets une réduction des coûts pour l'entreprise

et que cette constatation de la Commission n'est manifestement pas erronée. En effet, l'entreprise avantagée ne pourrait pas poursuivre sa production sans le crédit pour lequel la garantie a été constituée, dans la mesure où elle ne pourrait pas disposer des crédits nécessaires pour poursuivre son activité. Cette question sera toutefois développée plus loin, lorsque nous examinerons, d'une part, la quatrième branche du premier grief du deuxième moyen d'annulation et, d'autre part, le troisième moyen d'annulation, plus particulièrement l'analyse de la fixation du montant de la garantie.

iv)    Sur le montant de l'élément d'aide et le taux d'intérêt du prêt

89.
    En ce qui concerne le niveau du montant de l'aide et le taux d'intérêt du prêt, la requérante soutient tout d'abord que le risque assumé par le garant (le Land de Basse-Saxe) ne correspondait pas au montant global du cautionnement (35). Elle invoque également les directives du Land qui concernent le cautionnement, selon lesquelles il doit exister une forte probabilité que le crédit faisant l'objet du cautionnement puisse effectivement être remboursé. Elle souligne ensuite que le taux d'intérêt du prêt accordé à Jadekost était supérieur au taux moyen, pratiqué sur le marché par les banques pour des prêts

similaires. La Commission a négligé d'opérer une comparaison avec les taux d'intérêt habituellement pratiqués pour les prêts.

90.
    Nous voudrions tout d'abord rappeler que, dans l'affaire Boussac (36), lorsque la Cour a cherché à déterminer si certaines mesures (37), que le gouvernement français avait prises en faveur de l'entreprise de textiles d'habillement et de produits à base de papier Boussac Saint Frères, présentaient le caractère d'aides d'État, elle a jugé qu'il fallait appliquer le critère «qui est basé sur les possibilités pour l'entreprise d'obtenir les sommes en cause sur le marché des capitaux». Elle a souligné ensuite (point 40), entre autres, qu'il résultait du dossier que la situation financière de la société au cours de l'année concernée était telle que, «eu égard à sa marge d'autofinancement insuffisante, elle n'aurait pas été en mesure de réunir les fonds nécessaires sur le marché des capitaux». Elle a constaté, en outre, que les premiers investissements privés, qui étaient beaucoup plus faibles que les apports publics, n'avaient été effectués qu'après l'allocation de ces derniers. Elle en a déduit que les apports de capitaux à la société bénéficiaire (Boussac) constituaient une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

91.
    Eu égard à cette jurisprudence de la Cour, nous pensons que c'est à juste titre que la Commission fait valoir que le montant de l'aide est égal au montant intégral de la garantie. En effet, puisque le risque pour le garant était très élevé, ainsi que l'avis d'expertise de la C & L Deutsche Revision l'a certifié, sans la garantie, le crédit n'aurait pas été accordé à Jadekost. Par conséquent, sans la garantie, l'entreprise aurait cessé de fonctionner et de produire, mais elle aurait fait faillite. L'octroi de la garantie a permis à Jadekost d'obtenir le crédit qui lui a permis de poursuivre son activité et le montant de l'aide ne peut pas être différent de celui du crédit consenti; cette constatation de la Commission n'est, à notre avis, pas manifestement erronée (38). Eu égard à cela, il n'est pas

nécessaire d'examiner dans quelle mesure le montant du taux d'intérêt du prêt consenti par rapport aux taux d'intérêt pratiqués sur le marché pendant la période concernée fait apparaître l'avantage dont Jadekost a bénéficié par rapport à ses concurrents.

v)    Sur l'évolution du marché

92.
    Selon la requérante, la baisse des prix qui a été constatée dans le secteur des produits à base de poisson a débuté avant l'entrée de Jadekost sur le marché en juin 1993 et s'est poursuivie indépendamment de l'activité de Jadekost. La requérante invoque à cet égard le rapport d'expertise de C & L Deutsche Revision, qui concluait que Jadekost avait de bonnes perspectives d'avenir. En outre, elle fait valoir que ni le groupe Nordfrost ni ses concurrents n'envisageaient une saturation du marché. Elle estime en substance que la Commission a analysé l'évolution du marché en cause d'une manière trop négative.

93.
    Selon la Commission, les faits exposés par la requérante indiquent que Jadekost ne pouvait pas faire plus que de faibles bénéfices.

94.
    Nous estimons que cette appréciation de la Commission est conforme à celle du rapport d'expertise de la C & L Deutsche Revision, qui a abouti à la conclusion que, compte tenu de la diminution de la capacité financière, de l'évolution difficilement prévisible du groupe Nordfrost et de l'évolution du marché, le risque pour le garant était très élevé. C'est ce qu'a aussi confirmé le fait que, le 31 mars 1995, une procédure de faillite a été engagée à l'encontre de Jadekost. En outre, les données qui ressortent du rapport d'expertise de C & L Deutsche Revision conduisent, à notre avis, à la conclusion qu'il n'y a eu en l'espèce ni erreur quant aux faits ni appréciation manifestement erronée de la Commission, ce qui fait que le moyen concerné de la requérante doit être rejeté comme dénué de fondement.

vi)    Sur l'appréciation globale

95.
    Selon la requérante, il existe un lien entre les besoins financiers supplémentaires de Jadekost et le projet global d'investissement. Il s'ensuit que la garantie accordée par le Land aurait également pu être utilisée pour financer les investissements restants, de sorte que les fonds propres de Jadekost auraient pu être utilisés pour couvrir ses besoins de liquidités. La requérante souligne que ce n'est que par souci de

simplification qu'il a été décidé de l'affectation en tant que «crédit d'exploitation», sans prétendre que la garantie aurait été accordée pour un crédit d'investissement et non pour un crédit d'exploitation (crédit de fonctionnement). Toutefois, elle prétend que, dans le cadre d'une appréciation globale, l'essentiel est que le montant de la totalité de l'aide accordée à Jadekost ne dépasse pas la limite supérieure d'aide admise pour le projet.

96.
    La Commission souligne que,jusqu'au 13 avril 1995, la requérante a qualifié le crédit garanti de crédit d'exploitation (crédit de fonctionnement) (39). En effet, cette qualification ressort aussi de tous les documents bancaires disponibles, de la demande introduite par Jadekost auprès du gouvernement de Basse-Saxe (40), de la décision prise par ce gouvernement le 1er mars 1994 (41) et la décision adoptée le 6 avril 1994 par la commission parlementaire des crédits (42).

97.
    A notre avis, il résulte de ce qui précède que la Commission n'a en l'espèce commis lors de la constatation des faits aucune erreur grave,

en raison du fait qu'elle n'a pas opéré une appréciation du projet global des investissements à réaliser par Jadekost, et non seulement de la partie de celui-ci qui concernait les besoins financiers de cette société, pour lequel l'aide a été accordée.

2)    Sur les constatations de fait relatives aux lignes directrices

98.
    Le deuxième grief du deuxième moyen d'annulation, invoqué par la requérante, concerne les constatations de fait relatives aux lignes directrices dans le secteur de la pêche. Concrètement, la requérante fait valoir que la Commission n'a pas tenu compte du fait que la garantie a été donnée sous la condition du respect du plan de financement établi par Jadekost le 23 mars 1994, tel qu'il a été mis à jour le 18 octobre 1994, prévoyant une affectation des fonds; le respect de ce plan était contrôlé par le Land de Basse-Saxe. Ce plan correspondait à celui présenté dans le rapport d'expertise pour les années 1994 et 1995. En outre, selon la requérante, la décision attaquée ne contient aucune constatation sur les quantités produites et sur les unités de production ou les moyens de production.

99.
    Pourtant, selon la Commission, la décision attaquée fait référence au plan de financement (43). En outre, la décision attaquée contenait une combinaison alternative des critères visés au point 1.3 des lignes

directrices, de sorte que la Commission n'avait pas à examiner si la garantie était liée d'une manière quelconque aux quantités produites, etc. Par conséquent, l'allégation selon laquelle la Commission n'a pas fait de constatations de fait relatives aux lignes directrices en l'espèce est dénuée de fondement.

3)    Sur les constatations concernant la distorsion de la concurrence

100.
    Par le troisième grief du deuxième moyen d'annulation, la requérante fait valoir que les constatations relatives soit à l'existence d'une aide faussant le jeu de la concurrence, soit au prétendu allégement des coûts pour Jadekost résultant du cautionnement sont insuffisantes.

101.
    En ce qui concerne la définition du marché, la requérante estime que le simple renvoi à l'achat de «produits surgelés à base de poisson» et de bâtonnets et filets panés avec ou sans garniture» ne constitue pas une constatation de fait suffisante. En outre, la Commission a négligé de procéder à des constatations sur le marché européen, en particulier sur l'importance de la production de produits surgelés à base de poisson dans les autres États membres. Elle invoque aussi des statistiques relatives à la production de produits surgelés à base de poisson, selon lesquelles la production de ces produits par Jadekost ne représente qu'une part infime de l'ensemble de la production dans le marché commun.

102.
    Or, ainsi que le souligne la Commission, la décision attaquée cite expressément l'existence d'une concurrence sur le marché des produits surgelés à base de poisson et sur celui des «bâtonnets et filets panés avec ou sans garniture». En outre, la Commission fait valoir qu'il existe une concurrence manifeste en République fédérale d'Allemagne et dans la Communauté, ainsi qu'il a été constaté dans la décision attaquée (premier alinéa de la partie I). En outre, cette constatation ressort également de l'échange de lettres avec les autorités nationales, que la requérante a versé au dossier. En d'autres termes, la décision attaquée fait des constatations concernant la distorsion de la concurrence. Nous examinerons plus loin, lorsque nous analyserons le troisième moyen d'annulation, si ces constatations étaient suffisantes.

103.
    Eu égard à ce qui précède, le deuxième moyen d'annulation doit être rejeté.

C —    Troisième moyen: application erronée de l'article 92, paragraphe 1, du traité

104.
    Par le troisième moyen d'annulation, la requérante soutient que la Commission a appliqué de manière erronée l'article 92, paragraphe 1, du traité. Elle divise ce moyen en trois branches, relatives, tout d'abord, au recours erroné aux lignes directrices pour déterminer si les conditions visées à l'article 92, paragraphe 1, pour qu'il y ait aide sont remplies,

ensuite, à la qualification inexacte des faits et, enfin, aux graves violations de l'obligation de motivation prévue par l'article 190 du traité.

105.
    Toutefois, avant d'examiner les moyens invoqués par la requérante, nous voudrions analyser succinctement le concept de distorsion de la concurrence au regard de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

a)    Analyse de la jurisprudence

106.
    Ainsi qu'il ressort du texte de l'article 92, paragraphe 1, il suffit, pour que cette disposition soit applicable, que l'aide concernée «menace» de fausser la concurrence. Plus précisément, selon les dispositions de l'article 92, paragraphe 1, du traité, sont incompatibles avec le marché commun les aides qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en «favorisant» certaines entreprises (44). L'existence

d'une aide suppose donc qu'un avantage soit, directement ou indirectement, accordé à une entreprise (45).

107.
    En d'autres termes, lorsque la Commission identifie une entreprise comme étant destinataire d'une aide, il faut déterminer quel est l'avantage que l'entreprise retire de l'intervention de l'État, étant donné que, si cette condition n'est pas remplie, l'intervention de l'État n'a pas le caractère d'une aide pour l'entreprise concernée (46).

108.
    La jurisprudence a donné un contenu large au concept de distorsion de la concurrence. C'est ainsi qu'elle admet qu'il y a distorsion de la concurrence dans la mesure où l'intervention de l'État modifie de façon artificielle certains éléments du coût de production d'une entreprise et renforce la position de cette entreprise par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires (47). Dans l'arrêt Philip Morris, la Cour a jugé que l'aide qui avait été accordée à la requérante «devait contribuer à l'augmentation de sa capacité de production et, en conséquence, à l'accroissement de sa capacité d'alimenter les courants d'échange, y

compris ceux existant entre États membres» et que «l'aide aurait allégé le coût de la transformation des installations de production et par là même aurait procuré à la requérante un avantage dans la concurrence avec des fabricants qui ont réalisé ou ont l'intention de réaliser à leurs propres frais une augmentation analogue de la capacité de rendement de leurs installations» (48).

109.
    Dans un autre arrêt, relatif à des aides accordées par la République française, la Cour a jugé que «les aides envisagées permettraient aux entreprises bénéficiaires de réduire le coût de leurs investissements, et elles renforcent ainsi la position de ces entreprises par rapport à d'autres qui leur font concurrence dans la Communauté» (49). Cette condition peut également être remplie lorsque les aides permettent à des entreprises établies dans un État membre de maintenir leur production, affectant ainsi les possibilités offertes aux entreprises concurrentes, établies dans d'autres États membres d'exporter leurs produits vers cet État (50).

110.
    La Cour a également admis que, compte tenu de l'interdépendance entre les marchés sur lesquels opèrent les entreprises communautaires, il n'est pas exclu qu'une aide puisse fausser la concurrence intracommunautaire, même si l'entreprise bénéficiaire exporte la quasi-totalité de sa production en dehors de la Communauté (51).

111.
    Ainsi que nous l'avons expliqué dans nos conclusions sous l'arrêt République fédérale d'Allemagne e.a./Commission (52), cette jurisprudence confirme le point de vue exprimé par l'avocat général M. Capotorti dans les conclusions qu'il a présentées sous l'arrêt Philip Morris/Commission (53). Selon ces conclusions (point 4), «la distorsion de la concurrence est une conséquence constante, et nécessaire du bénéfice accordé au moyen de l'aide de l'État à certaines entreprises ou à certaines productions. Cette interprétation trouve une confirmation dans la logique de l'économie: une intervention extérieure de caractère sélectif ne peut qu'altérer le jeu de la concurrence. Il est donc permis de partir de la présomption que toute aide publique accordée à une entreprise fausse la concurrence ou menace de la fausser, à moins qu'il n'existe des circonstances exceptionnelles».

112.
    En ce qui concerne la question de savoir si les échanges entre les États membres ont été influencés, la Cour a jugé que, lorsqu'une aide financière accordée par l'État renforce la position d'une entreprise par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l'aide (54). La Cour a confirmé ce principe dans son arrêt Belgique/Commission (55), soulignant que «l'importance relativement faible d'une aide ou la taille relativement modeste de l'entreprise bénéficiaire de l'aide n'excluent pas a priori l'éventualité que les échanges entre États membres soient affectés».

113.
    La Cour a suivi ces solutions dans son arrêt Italie/Commission (56), dans lequel elle a jugé qu'«une aide peut être de nature à affecter les échanges entre les États membres et à fausser la concurrence, même si l'entreprise bénéficiaire, se trouvant en concurrence avec des producteurs d'autres États membres, ne participe pas elle-même aux exportations; en effet, lorsqu'un État membre octroie une aide à une entreprise, la production intérieure peut s'en trouver maintenue ou augmentée avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d'autres États membres d'exporter leurs produits vers le marché de cet État membre en sont sensiblement dimunuées. D'ailleurs, les aides d'une importance relativement faible sont, néanmoins, de

nature à affecter les échanges entre États membres lorsque le secteur en question est marqué par une vive concurrence».

114.
    Il résulte des arrêts précités que, lorsqu'une entreprise bénéficiaire d'une aide opère sur un marché caractérisé par une concurrence effective entre des producteurs établis dans différents États membres, la Commission peut légitimement admettre que la condition relative à l'atteinte aux échanges entre les États membres est remplie. Selon la Cour, une telle atteinte peut aussi encore exister dans le cas où il n'existe pas de surcapacité de production dans le secteur concerné. En conclusion, ce n'est que sur les marchés de produits où, en raison du coût de transport très élevé ou pour d'autres raisons, il n'existe pas de commerce interétatique qu'on peut encore parler d'aide qui n'affecte pas les échanges (57).

b)    Analyse des allégations de la requérante

1)    En ce qui concerne les lignes directrices

115.
    Par le premier grief du troisième moyen, la requérante soutient que la décision attaquée est erronée en droit. En effet, cette décision a admis que la garantie litigieuse contient des éléments d'aide et se fonde sur les lignes directrices pour déterminer si les éléments constitutifs de

la violation de l'article 92, paragraphe 1, du traité sont établis, au lieu de procéder, le cas échéant, à un examen individuel au cas par cas.

116.
    Concrètement, la requérante avance à cet égard une série d'arguments: a) la Commission ne peut pas fixer de manière impérative et générale les éléments constitutifs de la violation de l'article 92, paragraphe 1, du traité en se fondant sur des lignes directrices (troisième, quatrième et dixième alinéas de la partie IV de la décision attaquée); b) la décision attaquée déclare expressément, notamment, que l'incompatibilité prévue au point 1.3 des lignes directrices rend superflu l'examen des autres exigences prévues à l'article 92, paragraphe 1, du traité (dixième alinéa de la partie IV de la décision attaquée); c) la Commission outrepasse ses compétences lorsqu'elle dicte de manière abstraite et contraignante la manière dont il convient d'interpréter les conditions d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité; d) les lignes directrices ne peuvent avoir de l'importance que pour la question de l'obligation de notification dans le cadre de la procédure de l'article 93, paragraphe 1, du traité ou pour l'application de l'article 92, paragraphe 3.

117.
    Nous pensons que les lignes directrices de la Commission sont une forme de directive, dont la caractéristique principale est qu'elles clarifient sa politique dans différents secteurs. Bien qu'elles ne soient pas susceptibles de modifier les conditions d'application d'articles du traité avec celles-ci, la Commission peut, grâce à ces lignes directrices, donner

aux intéressés un point de repère très important pour examiner eux-mêmes leur comportement, parce qu'ils peuvent prévoir les conséquences éventuelles de leurs actes. Cela constitue aussi pour la Commission un élément important pour la manière d'exercer le pouvoir d'appréciation que le traité lui confère.

118.
    La Cour a déjà eu à connaître de la question de la valeur des règles édictées par la Commission dans des lignes directrices, à savoir celles de 1988 (58), dans le secteur de la pêche, dans l'affaire IJssel-Vliet (59). Cette affaire concernait le rejet par le ministre de l'économie des Pays-Bas d'une demande de subvention en vue de la construction d'un bateau de pêche, introduite par la société IJssel-Vliet Combinatie BV.

119.
    Dans son arrêt, la Cour a tout d'abord fait remarquer que (point 36), «aux termes de l'article 93, paragraphe 1, du traité, la Commission procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes d'aides y existant. Elle leur propose les mesures utiles exigées par ledéveloppement progressif ou le fonctionnement du marché commun. Cette disposition implique ainsi une obligation de coopération régulière et périodique à la charge de la Commission et des États membres, dont

ni la Commission ni un État membre ne s'auraient s'affranchir pour une période indéfinie dépendant de la volonté unilatérale de l'une ou de l'autre» (60).

120.
    En outre, dans le même arrêt IJssel-Vliet, la Cour a rappelé que (point 38) «les lignes directrices, qui ne sont pas les premières applicables au domaine considéré, constituent une mise à jour des anciennes lignes directrices et s'insèrent donc dans le cadre d'un contrôle régulier et périodique du secteur de la pêche». Elle a ajouté que (point 39) ce contrôle a été mené en collaboration avec les États membres. D'abord, ceux-ci ont été consultés (61) sur le texte provisoire des lignes directrices et, ensuite, la Commission a, par lettre adressée au gouvernement néerlandais (62), indiqué que, en approuvant le texte définitif des lignes directrices, elle a tenu compte des observations faites par les États membres. Enfin, elle a déduit de cette dernière lettre que (point 40) «l'esprit de coopération entre la Commission et les États

membres a subsisté tout au long de l'existence de ces lignes directrices» (63).

121.
    Dans le même arrêt, la Cour a déduit du dossier que (point 41) «la Commission et le gouvernement néerlandais ont établi, au titre de l'article 93, paragraphe 1, du traité, un cadre de coopération dont ni l'une ni l'autre ne pouvaient s'affranchir unilatéralement» (64). En d'autres termes, la Cour a admis en substance que, lorsqu'elles ont été admises, les lignes directrices contiennent des règles ayant force obligatoire pour la Commission et les États membres.

122.
    Dans l'arrêt IJssel-Vliet, la Cour a jugé ensuite que (point 43) «l'approbation par la Commission des modifications du régime d'aide

national n'avait été accordée que dans la mesure où l'aide octroyée par le gouvernement néerlandais à la construction des bateaux de pêche respectait les lignes directrices. Dans ces circonstances, ce gouvernement a, en mettant en oeuvre les modifications, accepté les règles énoncées par les lignes directrices. Dès lors ... ces dernières ont un effet contraignant à l'égard de cet État membre». En effet, elle a souligné (point 44) qu'«il résulte de l'obligation de coopération découlant de l'article 93, paragraphe 1, du traité, d'une part, et de l'acceptation des règles énoncées dans les lignes directrices, d'autre part, qu'un État membre, tel que le royaume des Pays-Bas, est tenu d'appliquer les lignes directrices lorsqu'il adopte une décision à l'égard d'une demande d'aide pour la construction d'un bateau destiné à la pêche».

123.
    Dans la présente affaire, ainsi que la Commission le souligne sans être contredite par la requérante (points 90 et 181 et suiv. du mémoire en défense), outre le fait que les États membres collaborent pour publier les lignes directrices, la requérante a participé à la procédure d'adoption de ces lignes directrices et les a approuvées. En outre, ces lignes directrices constituent une condition de l'approbation des directives du Land de Basse-Saxe dans le secteur du cautionnement.

124.
    A notre avis, il résulte de ce qui précède que les lignes directrices lient la Commission, mais aussi la requérante. En d'autres termes, les pouvoirs publics allemands sont tenus de les appliquer chaque fois qu'ils se prononcent sur des demandes d'aide en faveur d'une entreprise, par

exemple en garantissant un crédit octroyé par des établissements bancaires, pour autant que l'entreprise opère dans le secteur de la pêche.

125.
    En outre, en ce qui concerne le contenu des lignes directrices pour l'examen des aides d'État dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture, nous voudrions souligner que le point 1.1 indique dans quels cas on peut considérer qu'il y a aide (l'énumération n'est pas exhaustive, comme en témoigne le mot «notamment») et ne définit pas l'aide dans un sens contraire à l'article 92, paragraphe 1, du traité.

126.
    Eu égard à cette analyse, nous pensons que la Commission devait se fonder sur les lignes directrices pour contrôler si l'aide octroyée à Jadekost pouvait être considérée comme compatible avec le marché commun.

127.
    La Commission souligne que la décision attaquée montre clairement, d'une part, qu'il y a eu examen des faits en vue de vérifier si les conditions de l'article 92, paragraphe 1, sont remplies et, d'autre part, que toutes les constatations, non contestées, concernant la qualification juridique de l'aide, même pendant la procédure administrative, se référaient à cet article.

128.
    En outre, la Commission précise que la référence aux lignes directrices dans la décision attaquée s'explique par le fait que cette

décision concerne la question de savoir dans quelle mesure l'aide, dont l'existence a été admise (en ce sens qu'il a été admis que cette aide existe), pouvait être autorisée conformément à l'article 92, paragraphe 3, du traité, compte tenu des lignes directrices.

129.
    La Commission s'est donc, comme elle devait le faire, aussi fondée sur les lignes directrices en plus de l'article 92, paragraphe 1, sur lequel elle s'est également fondée, ainsi qu'il est dit expressément dans le premier alinéa de la partie IV de la décision attaquée.

2)    Sur la qualification juridique des faits

130.
    Par le deuxième grief du troisième moyen d'annulation, la requérante soutient que, même si la garantie octroyée par le Land de Basse-Saxe contient des éléments d'aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, la décision attaquée est entachée d'erreurs. Elle subdivise ce grief en deux branches et prétend que la décision attaquée est erronée, d'une part, en ce qui concerne la détermination du montant de l'aide et, d'autre part, en ce qui concerne l'appréciation de l'existence d'une distorsion de la concurrence.

i)    En ce qui concerne la détermination du montant de l'aide

131.
    S'agissant du montant de l'aide, la requérante soutient que la Commission est tenue de déterminer et d'apprécier l'avantage réel et

précis que la garantie représente pour le bénéficiaire de l'aide. La Commission n'a pas vérifié si Jadekost pouvait obtenir un autre crédit (moins élevé) sans cautionnement. Elle a omis de déterminer le montant de l'aide, puisqu'elle n'a pas tenu compte de l'existence de sûretés et négligé d'examiner leur valeur et leur impact sur l'appréciation du montant de l'aide (65).

132.
    Tout d'abord, la requérante considère qu'elle a versé une prime de risque qui compensait le caractère d'aide de la garantie et que la Commission n'en a pas tenu compte et n'a pas non plus déterminé sa valeur. Ensuite, elle réitère que la Commission n'a pas tenu compte, lors de l'appréciation du montant de l'aide, de l'existence de sûretés importantes garantissant le prêt et dont la valeur devait être prise en considération au moment de leur constitution, et non au moment où les prêts sont devenus exigibles, ce qui fait qu'elles étaient sousévaluées. En effet, l'existence de sûretés réduit le risque couru par le garant (66). Enfin,

elle soutient que la Commission a négligé d'examiner dans quelle mesure il était possible d'obtenir un autre financement.

133.
    En ce qui concerne le désaccord entre la requérante et la Commission quant au montant de l'aide et la manière de le fixer, ainsi que nous l'avons aussi dit à d'autres endroits de nos conclusions, il ressort de la décision attaquée et des éléments du dossier que la Commission a conclu avec raison que, sans la garantie, Jadekost n'aurait pas pu obtenir, aux conditions du marché, le crédit dont elle a bénéficié. Ce crédit lui a été accordé parce qu'elle a fourni une garantie du Land, et non parce que la valeur des sûretés constituées garantissait le crédit. Il y a donc eu un traitement de faveur pour une entreprise déterminée, à savoir une intervention extérieure (de l'État) à caractère sélectif en faveur d'une entreprise déterminée. Par conséquent, l'avantage pour Jadekost correspond au montant intégral qu'elle est parvenue à obtenir.

ii)    Sur l'existence d'une distorsion de la concurrence

134.
    Par la deuxième branche du deuxième grief de son troisième moyen d'annulation, la requérante fait valoir que, en ce qui concerne la distorsion de la concurrence au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, la Commission conclut, à partir d'un allégement du coût de production, à l'existence d'un renforcement artificiel de la position de Jadekost sur le marché, alors que cette conclusion n'est étayée par

aucune constatation de fait. Elle prétend qu'il n'a jamais été admis que la garantie pouvait menacer de fausser la concurrence.

135.
    L'argumentation de la requérante est centrée autour des points suivants: a) la Commission a omis de définir le marché en cause et l'existence d'une concurrence sur ce marché; b) en outre, c'est à tort que, se fondant sur l'arrêt Siemens/Commission (67), la Commission affirme qu'il existe une présomption générale selon laquelle l'octroi d'une aide au fonctionnement fausse par sa nature même le jeu de la concurrence. Il résulte des termes des lignes directrices que les aides au fonctionnement peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun. Il est donc toujours nécessaire d'examiner les éléments de fait à la base de chaque cas (68).

136.
    Cette argumentation de la requérante n'est pas convaincante. Ainsi que nous le développerons plus loin, nous pensons qu'il existe à tout le moins une menace de distorsion de la concurrence. Tout d'abord, ainsi que la Commission le souligne avec raison, le marché concerné est défini de manière précise au troisième alinéa de la partie III de la décision attaquée. Il s'agit du marché des produits surgelés à base de poisson (bâtonnets et filets de poisson avec ou sans garniture). La Commission souligne que la détermination du marché correspond à celle que la requérante a exposée au cours de la procédure administrative.

137.
    L'existence d'une concurrence sur ce marché est constatée expressément au sixième alinéa de la partie III de la décision attaquée. Ainsi que la Commission le souligne avec raison, il existe une concurrence sur ce marché au niveau européen. C'est ce qui résulte du fait qu'il existe une organisation du marché de ces produits depuis 1971 (69) et des lignes directrices pour l'examen des aides d'État dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture (70).

138.
    En outre, dans la jurisprudence, la notion de distorsion de la concurrence est interprétée largement. Il y a distorsion de la concurrence dans la mesure où l'intervention de l'État modifie de manière artificielle certains éléments du coût de production d'une entreprise et renforce sa position par rapport à d'autres entreprises qui lui font concurrence sur le marché intracommunautaire (71).

139.
    Nous pensons que l'octroi d'une aide au fonctionnement à Jadekost (72) fausse la concurrence et qu'il existe en tout cas une menace de distorsion de la concurrence. En effet, l'octroi d'une telle garantie favorise une entreprise déterminée et sa production et met cette entreprise dans une position plus favorable que ses concurrents.

140.
    Peut-on pour autant affirmer qu'il existe une présomption générale d'interdiction des aides au fonctionnement?

141.
    Tout d'abord, selon l'arrêt Siemens/Commission (73), les aides au fonctionnement sont celles qui «correspondent au type même des frais généraux d'exploitation qu'une entreprise doit supporter dans le cadre

de ses activités normales» (74). En d'autres termes, elles sont destinées à décharger l'entreprise des dépenses qu'elle devrait encourir elle-même dans le cadre de la gestion courante de ses activités normales.

142.
    En outre, selon une jurisprudence constante de la Cour (75), les aides au fonctionnement ne peuvent en aucun cas être considérées, en application de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, comme compatibles avec le marché commun lorsqu'elles comportent, par leurnature même, un risque d'altération des conditions du commerce dans une mesure contraire à l'intérêt général (76).

143.
    Les lignes directrices ont défini (point 1.3, quatrième alinéa, troisième tiret) la notion d'aides au fonctionnement (dans le secteur de la pêche). Ces aides sont des aides nationales octroyées sans exiger une obligation de la part des bénéficiaires et destinées à améliorer la trésorerie de leurs exploitations ou dont les montants sont fonction de la quantité produite ou commercialisée, des prix des produits, de l'unité de production ou de moyens de production et dont le résultat serait une diminution des coûts de production ou une amélioration des revenus du bénéficiaire. Elles soulignent expressément que des aides de ce type sont, en tant qu'aides au fonctionnement, incompatibles avec le marché commun.

144.
    Il ressort des arrêts de la Cour et du texte des lignes directrices, qui, ainsi qu'il a été dit, lient la Commission et les États membres, que les aides au fonctionnement faussent par leur nature même la concurrence, sous réserve de l'application de l'article 92, paragraphe 2, du traité, comme le prévoit la note au point 1.3, in fine, des lignes directrices. En vertu de l'article 92, paragraphe 2, sont compatibles avec le marché commun: a) les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, à condition qu'elles soient accordées sans discrimination liée à l'origine des produits, b) les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires, c) les aides octroyées à l'économie

de certaines régions de la république fédérale d'Allemagne affectées par la division de l'Allemagne (77).

145.
    En d'autres termes, le point 1.3 des lignes directrices consacre une présomption simple selon laquelle les aides au fonctionnement dans le secteur de la pêche, qui nous intéressent dans la présente affaire, faussent par leur nature même la concurrence dans la mesure où elles ne s'accompagnent pas d'une restructuration de l'entreprise ou ne relèvent pas d'un des cas visés à l'article 92, paragraphe 2, du traité.

146.
    Concrètement, le point 1.3, in fine, des lignes directrices prévoit que la Commission examine cas par cas les aides de ce type, c'est-à-dire les aides au développement, mais cela seulement «quand elles sont directement liées à un plan de restructuration jugé compatible avec le marché commun». Ainsi que l'avocat général M. Jacobs l'a dit dans ses conclusions sous l'arrêt France/Commission (78), reprenant l'analyse faite par la Commission, le concept de restructuration consiste dans la réorganisation fondamentale d'une entreprise en vue de maintenir ou de rétablir la compétitivité, cela se traduisant par des changements fondamentaux dans la main-d'oeuvre, les moyens et le processus de

production, la capacité de production et d'autres aspects des activités de l'entreprise.

147.
    L'existence d'une présomption est importante pour la charge de la preuve. Concrètement, elle a pour effet que la Commission se borne à démontrer qu'il existe une aide au fonctionnement, auquel cas il est également présumé que cette aide fausse la concurrence, puisqu'elle ne peut pas être considérée comme compatible avec le marché commun au sens l'article 92, paragraphe 3. Cette présomption peut évidemment être renversée.

148.
    Toutefois, au delà des qualifications données par l'État membre ou la Commission à des aides octroyées, l'existence d'une présomption ne signifie pas qu'il ne faudra pas se demander dans chaque cas dans quelle mesure il y a aide et dans quelle mesure cette aide est effectivement une aide au fonctionnement, c'est-à-dire s'il n'y a pas appréciation juridique erronée de la part de la Commission. Si une aide a été correctement qualifiée d'aide au fonctionnement, la présomption pourra jouer, c'est-à-dire que cette aide sera considérée comme incompatible avec le marché commun parce qu'elle peut fausser la concurrence, étant donné la manière dont elle a été octroyée et les conséquences qu'elle a sur le marché et pour les échanges intracommunautaires.

149.
    Il découle de cette analyse que l'aide octroyée par la requérante à Jadekost au moyen de la garantie d'un crédit bancaire est une aide au fonctionnement, étant donné qu'elle visait à libérer cette entreprise des dépenses auxquelles elle était soumise dans le cadre de la gestion courante de ses activités normales (79). D'ailleurs, il n'était pas allégué que l'octroi de cette aide serait directement lié à un plan de restructuration, considéré comme compatible avec le marché commun. C'est précisément pour cette raison que nous estimons que, selon la présomption consacrée par les lignes directrices, cette aide ne peut pas être considérée comme compatible avec le marché commun, étant donné qu'elle fausse par sa nature même les conditions de concurrence dans le secteur dans lequel elle a été octroyée et qu'elle risque d'affecter les échanges intracommunautaires.

3)    Sur l'obligation de motivation

150.
    Par le troisième grief de son troisième moyen, la requérante fait valoir que l'absence de certaines constatations dans la décision attaquée constitue une violation des formes substantielles ainsi qu'un défaut de motivation au sens de l'article 190 du traité.

i)    La jurisprudence de la Cour

151.
    Nous rappellerons tout d'abord que, selon l'article 190 du traité, les actes des institutions communautaires sont motivés et que la motivation exigée par cette disposition (80) «doit être adaptée à la nature de l'acte en cause. Elle doit faire apparaître d'une façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la Cour d'exercer son contrôle».

152.
    En outre, selon une jurisprudence constante de la Cour (81), «... L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires ou d'autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte, au sens de l'article 173, alinéa 2, du traité, peuvent avoir à recevoir des explications».

153.
    Plus précisément, dans le secteur des aides d'État, la Cour juge de manière constante que la motivation ne peut pas être limitée à une simple répétition des conditions de l'article 92, paragraphe 1, et qu'il

faut qu'elle contienne une référence aux faits concrets (82), de manière

à permettre à la Cour d'exercer son contrôle et aux intéressés de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués. (83).

154.
    Par conséquent, la conclusion qui découle de cette analyse est qu'il y a à tout le moins motivation suffisante s'il apparaît que les considérations contenues dans la décision litigieuse sont pertinentes et soutiennent les conclusions de la Commission selon lesquelles les deux conditions de l'article 92, paragraphe 1, sont remplies (84). Ces considérations doivent concerner l'entreprise bénéficiaire de l'aide et elles portent sur la situation du marché considéré, la part de cette entreprise sur ce marché, la position des entreprises concurrentes, les courants d'échanges des produits en cause entre les États membres et les exportations de l'entreprise (85).

155.
    Toutefois, nous estimons que la jurisprudence de la Cour peut constituer une aide pour résoudre la question de savoir dans quelle mesure la Commission peut être exonérée de l'obligation de motiver en détail la décision qu'elle arrête dans le cadre de la procédure de l'article 93, paragraphe 2, dans le cas des aides au fonctionnement, et

cela en raison de la présomption énoncée au point 1.3 des lignes directrices, ou dans quelle mesure une motivation succincte, non détaillée, est suffisante.

156.
    Plus précisément, nous pensons que l'arrêt Belgique/Commission (86) nous donne les éléments pour résoudre cette question. Cet arrêt concernait l'annulation de décisions de la Commission (87), arrêtées en vertu de l'article 93, paragraphe 2, du traité sur la base de la directive 87/167 (88). Ces décisions concernaient des crédits, c'est-à-dire des aides, que les autorités belges avaient octroyées à des armateurs en vue d'effectuer différents travaux dans le secteur naval (achat et construction de navires). La Cour (89) a précisé (point 31) que, en ce qui concerne les aides à la production en faveur de la

construction et de la transformation navale, le Conseil avait retenu le critère du non-dépassement du plafond maximal commun, prévu à l'article 4, paragraphe 1, de la directive (90). Elle a ajouté (point 32) que le respect du plafond litigieux est la condition essentielle pour qu'une aide à la construction navale puisse être considérée comme compatible avec le marché commun et que son dépassement «entraîne ipso facto l'incompatibilité de l'aide en cause». Elle en a déduit (point 33) que «dans ce contexte, le rôle de la Commission est limité à la vérification du respect de ladite conclusion».

157.
    En outre, dans le même arrêt, la Cour a examiné et rejeté un moyen d'annulation accessoire, relatif, entre autres, à la violation de l'article 190 du traité, qui avait été invoqué par le gouvernement belge. Celui-ci avait soutenu que les décisions en cause étaient entachées d'un défaut de motivation, tenant au fait que la Commission n'avait nullement démontré que l'octroi des aides litigieuses aurait méconnu l'objectif de la directive, à savoir éviter l'accroissement de la capacité de production des chantiers navals de la Communauté. La Cour a constaté (point 36) que ce grief était intimement lié à l'argumentation principale concernant la portée du plafond litigieux. Cette argumentation ayant été

rejetée, elle a estimé qu'«on ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir procédé à des investigations autres que la vérification du respect du plafond. Dès lors est exclue toute nécessité de motivation autre que la constatation du dépassement du plafond ...».

ii)    Analyse des allégations de la requérante

158.
    Selon la requérante, tant le destinataire d'un acte que ses concurrents ont un intérêt légitime à une motivation détaillée pour pouvoir comprendre et contrôler la décision de la Commission. Il en résulte que ni le fait que le destinataire de la décision a participé à l'élaboration de celle-ci, ni la possibilité pour l'État membre qui a été partie à la procédure de présenter ses observations, ni le fait que cet État a participé aux délibérations en vue de l'adoption des lignes directrices dans le secteur de la pêche, ni la référence à des «faits non contestés» ne justifient une motivation qui soit limitée au strict minimum. En outre, la requérante estime que la décision attaquée doit être annulée pour motivation défectueuse parce qu'elle se borne à émettre des présomptions et des suppositions au lieu de déterminer les

faits remplissant les conditions visées à l'article 92, paragraphe 1, du traité (91).

159.
    Ainsi que la Commission l'admet également, la motivation de la décision attaquée aurait pu être plus claire et plus détaillée. Toutefois, nous pensons qu'elle est suffisamment motivée dans tous ses éléments et qu'elle remplit les conditions énoncées par la Cour dans sa jurisprudence, ainsi que nous l'avons exposé dans des considérations antérieures, ce qui fait qu'elle est suffisante et exhaustive. En outre, elle ne comporte pas de contradictions qui justifieraient son annulation.

160.
    Nous sommes amené à cette conclusion après avoir analysé, d'une part, les lignes directrices et, d'autre part, les moyens tirés de la distorsion de la concurrence et de l'atteinte aux échanges intracommunautaires. Cette analyse nous a conduit à la conclusion qu'il faut présumer que les aides au fonctionnement ne peuvent pas être considérées comme compatibles avec le marché commun. Cet élémentest très important pour déterminer l'étendue de l'obligation de motivation de la Commission, qui peut aussi se contenter d'une

motivation succincte sans que la décision attaquée puisse être entachée d'un vice pour cette raison.

161.
    Nous pensons que, puisque l'aide octroyée à Jadekost ne peut pas, en tant qu'aide au fonctionnement, être considérée comme compatible avec le marché commun, conformément au point 1.3 des lignes directrices qui consacre une présomption à cet égard, le caractère succinct de la motivation de la décision attaquée ne constitue pas un problème, même s'il manque certains éléments (relatifs à la distorsion de la concurrence et à l'atteinte aux échanges intracommunautaires), qui doivent concerner l'entreprise bénéficiaire de l'aide. Nous pensons également qu'il n'était pas nécessaire d'exposer en détail ces éléments qui, selon ce qui a été dit plus haut, sont couverts par la présomption en question, non pas parce que la requérante a participé à la procédure qui a précédé l'adoption de la décision attaquée (92), mais parce que, selon cette présomption, l'aide octroyée est par nature, en tant qu'aide au fonctionnement, incompatible avec le marché commun.

162.
    Ces éléments d'analyse qui, bien qu'ils ne figurent pas dans la motivation de la décision attaquée, hormis quelques références d'ordre général, ne peuvent pas entraîner son annulation, selon ce qui a été exposé plus haut, sont l'analyse de la situation du marché en cause, la part détenue sur ce marché par l'entreprise, la position des entreprises concurrentes, les courants d'échanges des produits concernés entre les États membres et les exportations de l'entreprise (93).

163.
    Par conséquent, eu égard à la présomption consacrée, à savoir que les aides au fonctionnement sont incompatibles avec le marché commun, nous pensons que la Commission n'a pas violé ses obligations au titre de l'article 190 du traité et que sa décision est suffisamment motivée. Rappelons que cette possibilité d'une motivation succincte concerne uniquement les éléments couverts par la présomption, à savoir la distorsion de la concurrence et l'atteinte aux échanges intracommunautaires, et non d'autres questions, telles que l'existence d'une aide et même d'une aide au fonctionnement, pour lesquelles la Commission est tenue de motiver sa décision d'une manière exhaustive et suffisante.

164.
    Par conséquent, dans le cas des aides au fonctionnement, la Commission peut se limiter à une motivation succincte, non détaillée, de la décision, qu'elle arrête dans le cadre de la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité, en ce qui concerne la distorsion de la concurrence et l'atteinte aux échanges intracommunautaires.

165.
    Par conséquent, nous proposons de rejeter le troisième moyen dans son intégralité.

D —    Quatrième moyen: application erronée de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité

166.
    Par son quatrième et dernier moyen d'annulation, la requérante soutient que, à supposer que les conditions de l'article 92, paragraphe 1, du traité soient remplies, la Commission aurait dû déclarer que l'aide litigieuse est compatible avec le marché commun en vertu de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité. La motivation à cet égard ne satisfait pas aux exigences relatives à la motivation exhaustive et suffisante, énoncées à l'article 190 du traité.

167.
    La requérante divise ensuite ce moyen en deux branches. D'une part, elle fait valoir que la Commission n'a pas reconnu l'importance des lignes directrices dans le secteur de la pêche lorsqu'elle a exercé son pouvoir d'appréciation. L'application correcte des lignes directrices aurait abouti à un résultat différent. D'autre part, la requérante soutient

que la Commission a estimé à tort que les conditions d'application de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, n'étaient pas remplies (94).

168.
    Il a déjà été souligné que les lignes directrices lient tant la Commission que les États membres et que les aides au fonctionnement sont en principe par nature incompatibles avec le marché commun. Il faut faire remarquer ensuite que la dérogation visée à l'article 92, paragraphe 3, sous c), en tant que dérogation à l'interdiction générale visée à l'article 92, paragraphe 1, doit être interprétée strictement et appliquée dans cet esprit. Enfin, ainsi que la Cour l'a souligné dans son arrêt Philip Morris (95), dans le domaine de l'article 92, paragraphe 3 du traité, la Commission jouit d'un large pouvoir d'appréciation, dont l'exercice implique des évaluations d'ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire.

169.
    Il découle de la partie V de la décision attaquée que la Commission a dûment examiné dans quelle mesure l'aide litigieuse pourrait être autorisée sur la base de l'article 92, paragraphe 3, sous c). Étant donné que la Commission jouit d'un large pouvoir d'appréciation, l'examen auquel elle a procédé n'est pas, à notre avis, manifestement erroné. Nous sommes conduit à cette conclusion après avoir examiné les étapes du raisonnement de la Commission.

170.
    Plus précisément, nous pensons qu'il faut distinguer dans quelle mesure Jadekost pouvait bénéficier d'une aide, d'une part, en raison de la région dans laquelle elle exerçait son activité et, d'autre part, en raison de son secteur d'activité, comme la Commission le souligne par ailleurs.

171.
    En ce qui concerne la région, bien que Jadekost exerçait son activité dans une région qui pouvait bénéficier d'aides au développement, le point 1.6, deuxième alinéa, des lignes directrices stipule que les éléments des régimes d'aide régionaux concernant le secteur de la pêche seront examinés sur la base des lignes directrices concernées. En d'autres termes, ces lignes directrices énoncent les principes de coordination à appliquer par la Commission en ce qui concerne les programmes régionaux d'aide ou les programmes à mettre en oeuvre dans les régions de la Communauté. Il s'ensuit que la Commission exerce son pouvoir d'appréciation à cet égard sur la base des principes qu'elle a elle-même énoncés, en coopération avec les États

membres, dans les lignes directrices et les allégations contraires de la requérante doivent être rejetées pour défaut de fondement.

172.
    En ce qui concerne le secteur d'activité dans lequel l'aide a été octroyée, cette aide ne remplit pas, selon la Commission, les conditions énoncées dans les lignes directrices dans le secteur de la pêche et rien n'indique que la Commission a exercé son pouvoir d'appréciation de manière incorrecte, en ce sens que son appréciation serait manifestement erronée.

173.
    Étant donné qu'il s'agit d'une aide au fonctionnement, nous rappellerons que, selon une jurisprudence constante de la Cour (96), les aides au fonctionnement ne peuvent en aucun cas être considérées, en application de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, comme compatibles avec le marché commun, étant donné qu'elles comportent par leur nature même un risque d'altération des conditions du commerce dans une mesure contraire à l'intérêt commun. En outre, selon le point 1.3 des lignes directrices, les aides au fonctionnement sont incompatibles avec le marché commun.

174.
    La requérante fait valoir ensuite que, tout en se référant aux lignes directrices de 1992, la Commission a appliqué celles de 1994 (97),

ainsi qu'il ressort du texte de la décision attaquée. Elle fait valoir également qu'il ressort de la version allemande que les conditions qu'elles prévoient (au point 1.3) doivent être remplies de manière cumulative et non de manière alternative afin de pouvoir déterminer quand il y a aide au fonctionnement. En effet, la conjonction alternative «ou» manque dans la version allemande, qui existe uniquement dans l'édition de 1994 (98).

175.
    Nous pensons qu'il serait plus correct de dire, ainsi qu'il résulte également du but de ce texte (99), qu'il suffit que les conditions qu'il prévoit soient remplies alternativement. Outre le fait que d'autres versions linguistiques (100) prévoient qu'il suffit que ces conditions soient

remplies alternativement, cela découle de l'interprétation téléologique du point litigieux. Dans un cas contraire, toutes les conditions prévues alternativement seraient rarement remplies et il en résulterait seulement dans des cas rares qu'on peut considérer que de telles aides sont incompatibles avec le marché commun parce qu'il y a (ou parce qu'il pourrait y avoir) distorsion de la concurrence, ce qui fait que la réalisation des buts de la politique commune de la pêche est compromise et, plus généralement, que le fonctionnement correct du marché commun et le maintien du système de concurrence libre et sans distorsions dans le domaine de la pêche seraient compromis.

176.
    Eu égard à ce qui précède, nous pensons que, bien que la décision attaquée cite le texte (point 1.3) des lignes directrices de 1994, et non de celles de 1992, comme elle aurait dû le faire, la décision n'est pas invalide pour ce motif, parce que le contenu des deux textes est en substance le même.

177.
    Le dernier élément sur lequel nous voudrions insister est que l'octroi d'une garantie, c'est-à-dire l'octroi d'une aide à Jadekost, ne s'est pas accompagné d'obligations précises quant à l'utilisation de cette aide, selon les critères sur la base desquels les différentes catégories d'aides sont considérées comme compatibles avec le marché commun. Ces critères sont énoncés au point 2.3 des lignes directrices, qui concerne les aides en faveur de la transformation et de la commercialisation dans le secteur de la pêche.

178.
    Plus précisément, ainsi qu'il ressort des éléments du dossier, il ne s'agissait pas, dans le cas de Jadekost, d'une aide octroyée pour la réalisation d'investissements (point 2.3.3 des lignes directrices) ou pour l'exécution de travaux en vue de promouvoir la qualité des produits (point 2.3.4 des lignes directrices). Bien qu'il y ait eu un plan financier, visant à démontrer que le crédit, pour lequel la garantie a été donnée, serait utilisé dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise, cela ne peut pas être considéré comme satisfaisant à l'obligation, pour le bénéficiaire, d'utiliser l'aide, au sens du point 1.3, lu en combinaison avec le point 2.3 des lignes directrices. En effet, ainsi que nous l'avons déjà analysé, le crédit pour lequel la garantie a été donnée a été utilisé pour couvrir des dépenses générales d'exploitation, exposées par Jadekost dans le cadre de ses activités habituelles. Par conséquent, l'appréciation de la Commission selon laquelle l'aide litigieuse n'est pas compatible avec le marché commun n'est pas manifestement erronée.

179.
    Par conséquent, nous proposons de rejeter intégralement le quatrième moyen d'annulation.

VI — Conclusion

180.
    Eu égard à ce qui précède, nous proposons à la Cour:

«1)    de rejeter le recours formé par la République fédérale d'Allemagne,

2)    de condamner la requérante aux dépens».


1: Langue originale: le grec.


2: —     JO L 246, du 27 septembre 1996, p. 43.


3: —     Arrêt du 15 juin 1993 (C-225/91, Rec. p. I-3203, point 24).


4: —     Voir également les solutions similaires (en ce qui concerne l'étendue des pouvoirs de la Commission au titre de l'article 92, paragraphe 3) qui ont été données dans les arrêts, plus anciens, du 24 février 1987, Deufil/Commission (310/85, Rec. p. 901, point 18); du 14 février 1990, France/Commission (C-301/87, affaire Boussac, Rec. p. I-307, point 49); du 21 mars 1990, Belgique/Commission (C-142/87, Rec. p. I-959, point 56), et du 21 mars 1991, Italie/Commission (C-303/88, Rec. p. I-1433, point 34).


5: —     Voir aussi le point A, in fine, des conclusions de l'avocat général M. Gand sous l'arrêt du 8 février 1966, Acciaierie e Ferriere Pugliesi/Haute autorité de la CECA (8/65, Rec. p. 1).


6: —     JO C 152 du 17 juin 1992, p. 2.


7: —    JO C 201 du 5 août 1995, p. 6.


8: —     Elle explique aussi (cinquième alinéa) que l'élément d'aide dans une telle garantie correspond en règle générale à la différence entre le taux d'intérêt aux conditions normales du marché et celui qui est effectivement fixé pour l'octroi de la garantie, sous déduction de toutes les primes d'assurance.


9: —     Selon le rapport d'expertise de C&L Treuarbeit du 29 mars 1994.


10: —     Selon ce qui ressort du rapport d'expertise de C&L Treuarbeit du 29 mars 1994.


11: —     Voir, à titre d'exemple, l'arrêt du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a. (C-39/95 P, Rec. p. I-5373, point 21).


12: —     Voir, à titre d'exemple, l'arrêt du 10 juillet 1986, Belgique/Commission (40/85, Rec. p. I-2321, point 28).


13: —     Voir, à titre d'exemple, l'arrêt du 14 février 1990, France/Commission, précité dans la note 3 (point 30).


14: —     Arrêt Boussac (point 31). Voir également l'arrêt du 11 novembre 1987, France/Commission (259/85, Rec. p. 4393, point 13).


15: —     Dans cette affaire, la République française avait demandé l'annulation d'une décision de la Commission, relative aux aides accordées par le gouvernement français au fabricant de textiles d'habillement et de produits à base de papier Boussac Saint Frères.


16: —     C'est ce qui ressort du télex envoyé par la Commission au gouvernement allemand le 1er septembre 1994 et joint en annexe B3 au mémoire en défense. Dans ce télex, la Commission demandait à la requérante de lui faire parvenir des informations supplémentaires quant à la concurrence par les prix et la couverture des frais d'exploitation de Jadekost.


17: —     La Commission souligne que les données qui ressortent des lettres des concurrents ont été examinées avec la requérante lors des entretiens des 31 août 1994 et 28 novembre 1995.


18: —     Voir également les lettres des 30 juin 1994 et 20 février 1995, jointes en annexe (B1 et B6) au mémoire en défense de la Commission.


19: —     Lettres datées des 2 novembre 1994 et 13 avril 1995, jointes en annexe (B5 et B7) au mémoire en défense de la Commission.


20: —     Cette communication se référait aux lignes directrices de 1994 et non à celles de 1992, mais cela ne veut pas dire que les intéressés ne savaient pas sur la base de quelles règles la Commission avait établi l'existence d'une violation du droit communautaire.


21: —     Des éléments de ces lettres figurent dans la deuxième partie, in fine, de la décision attaquée.


22: —     La Commission joint cette lettre en annexe (B.14) à son mémoire en défense.


23: —     La Commission joint cette lettre en annexe (B.15) à son mémoire en défense.


24: —     La Commission joint cette lettre en annexe (B.16) à son mémoire en défense.


25: —     Rappelons que la procédure de faillite de la société Jadekost a débuté le 31 mars 1995.


26: —     Cette société dit, dans la même lettre, qu'elle avait également fait part au gouvernement du Land, par sa lettre du 2 mars 1994, de ses réserves quant au montant de la garantie que justifiait le chiffre d'affaires escompté de Jadekost, garantie qui ne devait pas dépasser les 4 à 5 millions de DM.


27: —     Voir le point 24 des conclusions de l'avocat général M. Jacobs sous l'arrêt France/Commission, précité dans la note 3.


28: —     Voir les arrêts du 26 septembre 1996, France/Commission (C-241/94, Rec. p. I-4551, point 33); du 10 juillet 1986, Belgique/Commission (234/84, Rec. p. 2263, point 16), et du 20 mars 1984, Allemagne/Commission (84/82, Rec. p. 1451).


29: —     Voir le point 8, in fine, de ses conclusions sous l'arrêt du 14 octobre 1987, Allemagne/Commission (248/84, Rec. p. 4013).


30: —     Voir, à titre d'exemple, l'arrêt France/Commission, précité dans la note 27 (points 36 et 37).


31: —     Concrètement, la quatrième phrase du sixième alinéa de la partie III de la décision attaquée dit que «l'entreprise disposant de peu de biens pouvant servir de gage lors de la phase de démarrage, elle s'est efforcée d'obtenir une garantie du Land sur le crédit de fonctionnement qui lui avait été accordé par sa banque habituelle, la Bayerische Hypotheken- und Wechselbank AG».


32: —     Ainsi que la Commission le souligne par ailleurs, la requérante a dit dans sa lettre du 19 juillet 1994 (jointe en annexe B2 au mémoire en défense) que «pour couvrir les besoins en capitaux de fonctionnement, les banques exigeaient que le Land de Basse-Saxe garantisse la créance de 35 millions DM à raison de 80 %».


33: —     La Commission joint cette lettre en annexe (B9) à son mémoire en défense.


34: —     Selon le point 1.3 des directives précitées, auxquelles la Commission renvoie au point 46 de son mémoire en défense, une demande de garantie doit être approuvée par la Commission budgétaire du parlement (local) au cas où il serait prévu de déroger partiellement aux directives.


35: —     A l'audience, la requérante a répété, en invoquant la communication de la Commission (96/C 68/06, communication relative aux aides de minimis; JO C 68 du 6 mars 1996, p. 6) que, lorsqu'il existe des sûretés importantes, l'aide ne peut pas atteindre 100 % du montant pour lequel la garantie a été accordée.


36: —     Arrêt du 14 février 1990, France/Commission, précité dans la note 3 (point 39).


37: —     Il s'agissait d'apports de capitaux, d'octroi de prêts à taux bonifiés et de réduction des charges sociales.


38: —     La communication de la Commission (96/C 68/06), invoquée par la requérante, n'est qu'une forme de directive dont la caractéristique essentielle consiste dans le fait qu'elles clarifient la politique de la Commission dans différents secteurs [en ce qui concerne le sens de la directive, en particulier dans le droit administratif français, voir, à cet égard, Prokopios Pavlopoulos, «La directive en droit administratif», Paris, L.G.D.J., 1978 (dans la série «Bibliothèque de Droit Public», tome 128, XX et 268 pages), passim, Jean Boulouis, «Sur une catégorie nouvelle d'actes juridiques: les 'directives‘», article dans «Recueil d'Études en hommage à Charles Eisenmann», Paris, édition Cujas, 1977 (p. 191 à 203), et Pierre Delvolvé, «La notion de directive», article dans A.J.D.A., 1974 (p. 459 à 473)]. En outre, nous pensons qu'on ne peut pas déduire sur la base de cette communication que les constatations et l'appréciation faites par la Commission sont manifestement erronées, dans la mesure où, ainsi que nous l'avons déjà analysé, le risque pour le garant était considéré comme très élevé en raison de la situation économique de l'entreprise Jadekost.

    Nous rappellerons que, dans cette communication, il est dit que, pour les garanties de prêts, l'équivalent subvention pour une année donnée peut être calculé 1) de la même façon que l'équivalent — subvention d'un prêt à taux bonifié, déduction faite des primes payées, la bonification d'intérêt représentant la différence entre le taux de référence et celui obtenu grâce à la garantie de l'État, 2) soit comme étant la différence entre a) le montant garanti restant dû multiplié par le coefficient de risque (probabilité de

non-remboursement) et b) toute prime versée, soit: (montant garanti x risque) — prime.

    Dans la présente affaire, la garantie consentie correspondait à 80 % du crédit de 35 000 000 DM qui a été accordé à Jadekost. Après déduction des frais de constitution de dossier et de gestion de la garantie, l'équivalent subvention net représentait 98,7 % du montant de 25 600 000 DM, auquel correspondait la garantie. Si on applique l'équivalent subvention net d'un montant de 98,7 %, on obtient 25 267 200 DM. Sur ce montant, 10 688 025 DM (soit 42,3 %) correspondent aux produits à base de poisson.


39: —     Elle produit une lettre, du 22 juillet 1994, qui lui a été adressée par la requérante (annexe B2 au mémoire en défense).


40: —     Dans cette demande, jointe en annexe (B19) au mémoire en défense de la Commission, cette qualification est décrite comme l'utilisation prévue du crédit: «Betriebsmittelkredit für das Umlaufvermögen».


41: —     Elle est citée à l'alinéa 6, in fine, de la partie III de la décision attaquée.


42: —     Cette décision figure en annexe B2 au mémoire en défense de la Commission; selon elle, cette qualification ressort aussi de l'acceptation de la garantie à la date du 2 mai 1994.


43: —     Huitième alinéa de la partie III et neuvième alinéa de la partie IV de la décision attaquée.


44: —     Rappelons que, dans son arrêt du 14 novembre 1984, Intermills (23/82, Rec. p. 3809, point 32), la Cour a souligné que «... l'octroi d'aides ... ne saurait être considéré comme étant automatiquement contraire aux dispositions du traité. Quelle que soit donc la forme sous laquelle les aides sont accordées ... il appartient à la Commission d'examiner si de telles aides se trouvent en conflit avec l'article 92, alinéa 1, et, dans l'affirmative, d'apprécier si elles peuvent éventuellement être exemptées en vertu de l'alinéa 3 du même article, en motivant sa décision en conséquence».


45: —     Voir Christian Gavalda et Gilbert Parléani, «Droit des affaires de l'Union Européenne», Paris, Litec, deuxième édition, 1995, p. 394 et suiv. (paragraphe 737).


46: —     Voir Bellamy & Child, «Common Market Law of Competition», quatrième édition, 1993, p. 911, n° 18-004.


47: —     Voir les arrêts du 2 juillet 1974, Italie/Commission (173/73, Rec. p. 709), et du 17 septembre 1980, Philip Morris (730/79, Rec. p. 2671).


48: —     Arrêt Philip Morris, précité dans la note 46 (point 11).


49: —     Arrêt du 11 novembre 1987, France/Commission, précité dans la note 13 (point 24).


50: —     Ainsi, selon l'arrêt du 13 juillet 1988, France/Commission (102/87, Rec. p. 4067, point 19), une aide à une entreprise peut être de nature à affecter les échanges entre les États membres et à fausser la concurrence même si cette entreprise se trouve en concurrence avec des produits en provenance d'autres États membres sans participer elle-même aux exportations. Une telle situation peut également se présenter lorsqu'il n'y a pas de surcapacité dans le secteur en cause.


51: —     Arrêt du 21 mars 1990, Belgique/Commission (142/87, Rec. p. I-959, point 35).


52: —     Arrêt du 24 octobre 1996 (C-329/93, C-62/95 et C-63/95, Rec. p. I-5151, point 49 de nos conclusions).


53: —     Arrêt précité dans la note 46.


54: —     Arrêt Philip Morris, précité dans la note 46 (point 11).


55: —     Arrêt précité dans la note 3 (point 43).


56: —     Arrêt précité dans la note 3 (point 27).


57: —     Voir également le point 19 des conclusions de l'avocat général M. Van Gerven sous l'arrêt Italie/Commission, précité dans la note 3.


58: —     Il s'agit des lignes directrices pour l'examen des aides nationales dans le secteur de la pêche (88/C 313/09), JO 1988, C 313, p. 21.


59: —     Arrêt du 15 octobre 1996 (C-311/94, Rec. p. I-5023, points 36 à 44) et les points 34 à 52 des conclusions de l'avocat général M. Lenz sous cet arrêt.


60: —     Voir également l'arrêt du 29 juin 1995, Espagne/Commission (C-135/93, Rec. p. I-1651, point 24). Dans l'arrêt IJssel-Vliet, la Cour a souligné que (point 37) «les lignes directrices sont fondées sur l'article 93, paragraphe 1, du traité et, dès lors, représentent un élément de cette obligation de coopération régulière et périodique dont ni la Commission ni les États membres ne peuvent s'affranchir. Par ailleurs, les lignes directrices se conforment précisément — du moins à l'égard des rapports entre la Commission et le royaume des Pays-Bas — à l'esprit de coopération régulière et périodique que ledit article du traité envisage entre la Commission et les États membres».


61: —     Dans le cas du gouvernement néerlandais, par lettres des 30 mars et 6 mai 1988.


62: —     Cette lettre est datée du 30 novembre 1988.


63: —     La Cour a ensuite précisé, dans le même point 40, que: «En effet, la Commission a, dans cette lettre, invité le gouvernement néerlandais à lui donner l'assurance que les critères fixés dans les lignes directrices seraient respectés pour toutes les aides au secteur. En réponse, le gouvernement néerlandais a, par lettre du 31 janvier 1989, confirmé à la Commission que les aides octroyées au secteur de la pêche respectaient les lignes directrices ... Lors de cette confirmation, le gouvernement néerlandais appliquait le régime d'aide national, qui doit donc être considéré comme visé par ladite confirmation.»


64: —     En outre, dans l'arrêt du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission (C-313/90, Rec. p. I-1125, point 35), la Cour a reconnu une force obligatoire à une «discipline» ayant la même nature juridique que les lignes directrices et dont les règles ont été acceptées par les États membres. Dans le cas de cette discipline, il s'agissait de règles appliquées aux aides octroyées par les États à un secteur déterminé (celui des fibres synthétiques), exposées par la Commission dans une communication relative à sa politique à l'égard de cette question et qui ont été admises par les États membres; voir également l'arrêt Ijssel-Vliet, précité dans la note 46 (point 42).


65: —     La requérante est en désaccord avec le point de vue de la Commission selon lequel, sans garantie, aucun crédit ne pourrait être obtenu. Elle estime que la Commission a suivi d'une manière confuse (peu claire) et contradictoire deux approches différentes. Tout d'abord, la Commission considère l'avantage au niveau des prix perçus par cette entreprise et, ensuite, elle détermine si et dans quelle mesure l'entreprise pourrait obtenir un autre financement, compte tenu des garanties existantes.


66: —     La requérante fait une distinction entre une question de principe, celle de savoir quelle importance a l'existence de sûretés pour déterminer le montant de l'aide, d'une part, et les questions concernant la valeur concrète des sûretés existantes, d'autre part, parce que, finalement, l'avantage dont bénéficie le débiteur en cas de cautionnement est moins élevé que celui dont bénéficie le titulaire d'une subvention.


67: —     Arrêt du 8 juin 1995 (T-459/93, Rec. p. II-1675).


68: —     En outre, la requérante soutient que: c) l'argument de la Commission selon lequel l'octroi de la garantie a entraîné une baisse des coûts de production de l'ordre de 100 % est dénué de pertinence; et d) c'est à tort que la Commission a estimé que le cautionnement du Land a faussé la concurrence dans la mesure où Jadekost a pu offrir ses produits à des prix artificiellement plus bas que ceux du marché. L'apparition de Jadekost qui produisait de petites quantités, n'a pas influencé la tendance constante à la baisse des prix des produits surgelés à base de poisson, qui avait débuté bien avant sur ce marché. En outre, du fait du faible pourcentage que représentait la production de Jadekost au niveau européen, la distorsion de la concurrence ne se concevait pas. La requérante prétend que sa part dans la production totale des États membres est inférieure à 24 %, tandis qu'elle ne détient qu'une part de 1,5 % sur le marché européen.


69: —     Ces questions sont réglées par le règlement (CEE) n° 3759/92 du Conseil, du 17 décembre 1992, portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture; JO L 388 du 31 décembre 1992, p. 1.


70: —     La Commission prétend que cela peut aussi résulter du fait que la décision attaquée parle d'indications qui lui ont été fournies par de nombreuses entreprises concurrentes et par des organisations professionnelles des États membres.


71: —     Voir les arrêts Italie/Commission et Philip Morris, précités dans la note 46.


72: —     Dixième et onzième alinéas de la partie IV du texte de la décision attaquée dans la version française et douzième, treizième et quatorzième alinéas de la partie IV de la décision attaquée dans la version allemande, qui est la seule faisant foi.


73: —     Arrêt du 15 mai 1997 (C-278/95 P, Rec. p. I-2507, point 18).


74: —     La Cour a donc considéré comme correct le raisonnement du Tribunal, qui avait admis dans l'arrêt du 8 juin 1995, Siemens/Commission (note 72), que (point 77) tant les aides en faveur des campagnes de publicité et des études de marché que celles en faveur de l'achat de matériel à louer «sont destinées à la commercialisation des produits Siemens». Le Tribunal a poursuivi comme suit: «La commercialisation étant une activité normale et courante des entreprises, ces aides constituent des aides au fonctionnement de l'entreprise qui, d'une part, ne facilitent le 'développement‘ d'aucun secteur économique et, d'autre part, procurent à la requérante un support financier artificiel qui fausse de façon durable le jeu de la concurrence et affecte les échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun».


75: —     Voir, à titre indicatif, l'arrêt du 6 novembre 1990, Italie/Commission (C-86/89, Rec. p. I-3891, point 18), et l'arrêt France/Commission, précité dans la note 3 (point 49).


76: —     Dans l'arrêt France/Commission, précité dans la note 3, la Cour a admis (point 54), en ce qui concerne les interventions financières du gouvernement français en faveur de la société Boussac, qu'elles avaient pour objectif de proroger artificiellement son activité, alors que cette entreprise se trouvait dans une situation de faillite et que, dans un avenir proche, on ne pouvait pas escompter qu'elle fonctionne sur une base viable. Les interventions en question ne visaient pas non plus à moderniser cette entreprise ni à rétablir sa compétitivité perdue depuis des années. La Cour en a déduit (point 57) que ces aides ne pouvaient pas bénéficier des dérogations prévues à l'article 92, paragraphe 3, du traité.


77: —     Cette disposition ajoute que ces aides sont compatibles avec le marché commun dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser les désavantages économiques causés par cette division. Depuis la réunification de la République fédérale d'Allemagne, cette disposition n'a plus qu'un intérêt historique.


78: —     Point 67, arrêt précité dans la note 3.


79: —     Voir l'arrêt Siemens/Commission, précité dans la note 72 (point 18).


80: —     Voir, à titre d'exemple, les arrêts du 14 juillet 1994, Grèce/Conseil (C-353/92, Rec. p. I-3411, point 19); du 13 octobre 1992, Portugal et Espagne/Conseil (C-63/90 et C-67/90, Rec. p. I-5073, point 16), et du 9 novembre 1995, Atlanta Fruchthandelsgesellschaft e.a. (C-466/93, Rec. p. I-3799, point 16).


81: —     Arrêt du 13 mars 1985, royaume des Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek BV/Commission (296/82 et 318/82, Rec. p. 809, point 19).


82: —     La jurisprudence exposée lors de l'analyse des moyens relatifs à la distorsion de la concurrence et l'affectation des échanges intracommunautaires conduit à la conclusion qu'une aide doit être présumée de nature à fausser la concurrence et à affecter les échanges intracommunautaires [voir à cet égard Jacques Biancarelli, «Le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes en matière d'aides publiques, L'actualité juridique — Droit administratif», 1993, (p. 412 à 436), à la p. 412 et, en particulier, à la p. 422, et Claude Blumann, «Régime des aides d'État: jurisprudence récente de la Cour de justice», 1989-1992, «Revue du Marché Commun et de l'Union Européenne», n° 361, 1992 (p. 721 à 739), à la p. 726]. Cela ne veut toutefois pas dire que l'appréciation quant au fait que ces deux conditions sont remplies ne doit pas être motivée conformément à l'article 190 du traité. C'est ainsi que, dans l'arrêt Intermills, précité dans la note 43 (point 38), la Cour a jugé que la décision de la Commission devait être annulée parce que, en ce qui concerne la distorsion de la concurrence à l'intérieur du marché commun, «les considérants y relatifs se bornent à faire état d'objections soulevées par les gouvernements de trois États membres, deux organisations professionnelles et une entreprise du secteur intéressé. Sauf cette allusion, la décision ne donne aucune indication concrète sur la nature des atteintes portées à la concurrence». Dans l'arrêt Leeuwarder Papierwarenfabriek, précité dans la note 80, la Cour a annulé la décision de la Commission qui ne contenait aucune motivation pour ce qui est de l'appréciation de la question de savoir si l'aide concernée affectait les échanges entre États membres et faussait ou menaçait de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Ainsi qu'elle l'a observé (point 23) «les considérants de la décision, après avoir rappelé les préoccupations exprimées par les gouvernements de deux États membres ainsi que par deux organisations professionnelles du secteur, relatives aux distorsions de concurrence qui résulteraient de l'intervention du gouvernement néerlandais, se bornent à une simple répétition du texte de l'article 92, paragraphe 1, du traité et ne contiennent aucune indication de fait». Dans le même arrêt (point 24), elle a admis qu'il peut ressortir des circonstances mêmes dans lesquelles l'aide a été accordée qu'elle est de nature à affecter les échanges entre États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence. Toutefois, selon la Cour, «il incombe à tout le moins à la Commission d'évoquer ces circonstances dans les motifs de sa décision. En l'espèce, elle a omis de le faire, la décision litigieuse ne comportant pas la moindre indication relative à la situation du marché considéré, la part de LPF (bénéficiaire de l'aide) sur ce marché, les courants d'échanges des produits en cause entre les États membres et les exportations de l'entreprise».


83: —     Voir l'arrêt Leeuwarder Papierwarenfabriek, précité dans la note 80 (points 19 et suiv.), et l'arrêt république fédérale d'Allemagne e.a./Commission, précité dans la note 51 (point 52).


84: —     Voir également l'arrêt du 8 mars 1988, Exécutif régional wallon et SA Glaverbel/Commission (62/87 et 72/87, Rec. p. 1573, point 18).


85: —    Voir l'arrêt Allemagne e.a./Commission, précité dans la note 51 (point 53).


86: —     Arrêt du 18 mai 1993 (C-356/90 et C-180/91, Rec. p. 2323).


87: —     Concrètement, il s'agissait de la décision 90/627/CEE de la Commission, du 4 juillet 1990, concernant des crédits octroyés par les autorités belges à un armateur pour l'achat d'un navire LPG de 34 000 m3 et de deux navires réfrigérés (JO L 338, p. 21), et de la décision 91/375/CEE de la Commission, du 13 mars 1991, concernant des crédits octroyés par les autorités belges à différents armateurs pour la construction de neuf navires (JO L 203, p. 105).


88: —     Directive 87/167/CEE du Conseil, du 26 janvier 1987, concernant les aides à la construction navale (JO L 69, p. 55).


89: —     La Cour avait d'abord souligné (point 30) que «le Conseil, conformément à la ratio de l'article 92, paragraphe 3, en partant de la constatation de l'incompatibilité des aides à la construction navale, a pris en compte une série d'exigences d'ordre économique et social qui l'ont conduit à faire usage de la faculté, reconnue par le traité, de considérer néanmoins ces aides comme compatibles avec le marché commun, à condition qu'elles satisfassent aux critères de dérogation contenus dans la directive», c'est-à-dire la directive 87/167.


90: —     Elle a également précisé, au même point 31, que ce plafond constitue ce que le Conseil a considéré comme le point d'équilibre entre les exigences contradictoires du respect des règles du marché commun et du maintien d'un niveau suffisant d'activité dans les chantiers navals européens ainsi qu'à la survie d'une industrie européenne de la construction navale efficace et concurrentielle.


91: —     Plus précisément, elle souligne que la décision attaquée ne contient aucune constatation concernant les éléments importants suivants: a) le montant d'une prime proportionnelle au risque encouru et ses effets sur la fixation du montant de l'aide, b) les sûretés constituées en vue de l'octroi d'un crédit qui sont déterminantes pour l'appréciation du montant de l'élément d'aide en question, c) l'existence d'une autre possibilité de financement, bien que la Commission admette l'idée d'une prime de risque.


92: —     Il faut rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, qui s'est formée dans le cadre des conditions spécifiques d'adoption de décisions relatives à l'apurement des comptes, lorsque l'État membre a été associé à tous les stades d'élaboration de la procédure administrative qui a débouché sur la décision prise à son encontre, il suffit que la motivation soit succincte, c'est-à-dire non détaillée, et cela précisément en raison de la nature et de l'étendue de cette participation; voir, à titre indicatif, l'arrêt du 14 janvier 1981, République fédérale d'Allemagne/Commission (819/79, Rec. p. 21, points 20 et 21), concernant une décision relative à l'apurement des comptes présentés par la République fédérale d'Allemagne au titre des dépenses financées par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «garantie». Voir également l'arrêt République fédérale d'Allemagne e.a./Commission, précité dans la note 51 (point 31).


93: —     Rappelons que l'absence de ces éléments avait conduit la Cour à considérer que la motivation d'une décision de la Commission était insuffisante dans ses arrêts République fédérale d'Allemagne e.a./Commission, précités dans la note 51 (points 53 et 54).


94: —     A l'appui de ses allégations, la requérante souligne ce qui suit: a) Jadekost exerçait son activité dans une région qui pouvait bénéficier d'aides au développement en tant que région à faible produit intérieur brut par habitant et à taux de chômage élevé; b) eu égard au point de vue de la requérante quant à une approche/appréciation globale de l'aide octroyée, la condition relative au développement de la région économique, requise par l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, était remplie dans le cas de Jadekost. La garantie visait à assurer le financement d'une nouvelle entreprise et non le maintien d'une entreprise qui existait depuis longtemps; c) l'octroi de la garantie à Jadekost n'a pas modifié les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt général.


95: —     Arrêt précité dans la note 46. Voir également le point 49 de l'arrêt France/Commission, précité dans la note 3.


96: —     Voir, à titre indicatif, les arrêts Italie/Commission, précité dans la note 74 (point 18), et France/Commission, précité dans la note 3 (point 49).


97: —     Publiées au JO C 368 du 23 décembre 1994, p. 12.


98: —     Le texte allemand de 1994 utilise l'abréviation «bzw», c'est-à-dire «beziehungsweise» qui correspond à la conjonction «ou».


99: —     La Cour a souligné que «les diverses versions linguistiques d'un texte communautaire doivent être interprétées de façon uniforme et que, dès lors, en cas de divergence entre ces versions, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l'économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément»; voir, à titre indicatif, les arrêts du 28 mars 1985, Commission/Royaume-Uni (100/84, Rec. p. 1169, point 17); du 17 octobre 1991, Commission/Danemark (C-100/90, Rec. p. I-5089, point 8), et du 7 décembre 1995, Rockfon (C-449/93, Rec. p. I-4291, point 28).


100: —     Cette différence dans la version allemande existe aussi, par exemple, dans la version anglaise, mais pas dans les textes français, italien, espagnol, portugais et grec. En outre, la Cour s'est déjà penchée sur la question de l'existence de divergences linguistiques dans les termes ou les expressions des textes législatifs des institutions communautaires; elle a jugé, par exemple dans l'arrêt du 12 novembre 1969, Stauder (29/69, Rec. p. 419, point 3), que: «lorsqu'une décision unique est adressée à tous les États membres, la nécessité d'une application et dès lors d'une interprétation uniformes exclut que ce texte soit considéré isolément dans une de ses versions, mais exige qu'il

soit interprété en fonction, tant de la volonté réelle de son auteur que du but poursuivi par ce dernier, à la lumière notamment des versions établies dans toutes les langues». Comparer l'arrêt du 5 décembre 1967, Van der Vecht (19/67, Rec. p. 445). La Cour a souligné ensuite qu'«on ne saurait en outre admettre que les auteurs de la décision aient voulu, dans certains pays membres, imposer des obligations plus strictes que dans d'autres» (arrêt Stauder, point 4). D'ailleurs, dans l'arrêt du 27 mars 1990, Cricket St Thomas (C-372/88, Rec. p. I-1345, point 18), la Cour a affirmé que la version dans une des langues communautaires (en l'espèce l'anglais) «ne saurait servir de base unique à l'interprétation de cette disposition ou se voir attribuer, à cet égard, un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. Une telle approche serait en effet incompatible avec l'exigence d'uniformité d'application du droit communautaire».