ORDONNANCE DE LA COUR

2 mars 1999 (1)

«Renvoi préjudiciel - Irrecevabilité»

Dans l'affaire C-422/98,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le tribunal de première instance de Bruxelles (Belgique) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Colonia Versicherung AG Zweigniederlassung München e.a. ,

et

État belge,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 30 du traité CE,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, P. J. G. Kapteyn, J.-P. Puissochet, G. Hirsch et P. Jann (rapporteur), présidents de chambre, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida, C. Gulmann, J. L. Murray, D. A. O. Edward, H. Ragnemalm, L. Sevón et M. Wathelet, juges,

avocat général: M. G. Cosmas,

greffier: M. R. Grass,

l'avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

1.
    Par jugement du 10 novembre 1998, parvenu à la Cour le 26 novembre suivant, le tribunal de première instance de Bruxelles a posé, en application de l'article 177 du traité CE, une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 30 du même traité.

2.
    Ce jugement a été rendu dans le cadre d'un litige opposant Colonia Versicherung AG Zweigniederlassung München e.a. à l'État belge.

3.
    Estimant que le litige qui lui était soumis soulevait une question d'interprétation d'une disposition communautaire, la juridiction nationale a sursis à statuer et posé à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Le paragraphe 210 de l'arrêté ministériel du 22 janvier 1948, en imposant à l'importateur en Belgique de tabacs manufacturés munis de bandelettes fiscales, lorsqu'ils sont impropres à la consommation, la destruction des produits en Belgique sous le contrôle des autorités douanières belges et en refusant la valeur probante à des documents établis par les autorités douanières d'un autre pays membre établissant cette destruction, ne constitue-t-il pas une mesure d'effets équivalents à une restriction quantitative?»

4.
    Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que la nécessité de parvenir à une interprétation du droit communautaire qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s'insèrent les questions qu'il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées (voir, notamment, arrêt du 26 janvier 1993,Telemarsicabruzzo e.a., C-320/90 à C-322/90, Rec. p. I-393, point 6; ordonnances du 19 mars 1993, Banchero, C-157/92, Rec. p. I-1085, point 4; du 30 juin 1997, Banco de Fomento e Exterior, C-66/97, Rec. p. I-3757, point 7; du 30 avril 1998, Testa et Modesti, C-128/97 et C-137/97, Rec. p. I-2181, point 5, et du 8 juillet 1998, Agostini, C-9/98, Rec. p. I-4261, point 4).

5.
    A cet égard, il convient de souligner que les informations fournies dans les décisions de renvoi ne servent pas seulement à permettre à la Cour de donner des réponses utiles, mais également à donner aux gouvernements des États membres ainsi qu'aux autres parties intéressées la possibilité de présenter des observations conformément à l'article 20 du statut CE de la Cour de justice (ordonnance Agostini, précitée, point 5).

6.
    Or, en l'occurrence, le jugement de renvoi ne contient pas d'indication suffisante pour répondre à ces exigences. Le juge national se contente de poser la question préjudicielle sans fournir quelque indication que ce soit sur son fondement. Il ne décrit ni le cadre factuel du litige, ou les hypothèses factuelles sur lesquelles il se fonde, ni le cadre réglementaire national, ni les raisons précises qui le conduisent à s'interroger sur l'interprétation du droit communautaire et à estimer nécessaire de poser une question préjudicielle à la Cour.

7.
    Au demeurant, le juge national tient pour reproduits dans son jugement les conclusions des demanderesses, l'exposé des faits, les thèses et arguments tels que développés par les parties au principal en leurs conclusions.

8.
    A cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l'article 20 du statut CE de la Cour de justice, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux parties intéressées (ordonnance Testa et Modesti, précitée, point 6). Dès lors, le fait pour le juge national de se référer aux observations des parties au principal, qui, par ailleurs, sont susceptibles de contenir des présentations divergentes du litige pendant devant ce dernier, n'est pas à même de sauvegarder la possibilité de présenter des observations dont disposent les parties en cause conformément à cette disposition.

9.
    L'absence de toute indication sur les situations de fait et de droit auxquelles se réfère le juge national ne permet pas à la Cour de donner une interprétation utile du droit communautaire.

10.
    Dans ces conditions, il convient de constater, en application des articles 92 et 103, paragraphe 1, du règlement de procédure, que la question préjudicielle posée à la Cour est manifestement irrecevable.

Sur les dépens

11.
    La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR

ordonne:

La demande de décision préjudicielle présentée par le tribunal de première instance de Bruxelles, par jugement du 10 novembre 1998, est irrecevable.

Fait à Luxembourg, le 2 mars 1999.

Le greffier

Le président

R. Grass

G. C. Rodríguez Iglesias


1: Langue de procédure: le français.