CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. L. A. GEELHOED

présentées le 7 mars 2002 (1)

Affaire C-99/01

Gottfried Linhart

contre

Unabhängiger Verwaltungssenat Wien

et

Hans Biffl

contre

Unabhängiger Verwaltungssenat im Land Niederösterreich

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche)]

«Articles 28 CE et 30 CE - Interprétation de l'article 6, paragraphe 3, de la directive 76/768/CEE sur les produits cosmétiques - Directive 84/450/CEE sur la publicité trompeuse - Dispositions nationales interdisant, sauf autorisation préalable du ministre, la référence à des expertises médicales lors de la mise sur le marché de produits cosmétiques»

I - Introduction

1.
    Le Verwaltungsgerichtshof a saisi la Cour de deux questions en raison de la relative sévérité du droit autrichien lorsqu'il applique la notion de tromperie aux cas où un effet médicinal est attribué à des produits cosmétiques. Le litige porte sur l'indication «testé dermatologiquement» figurant sur des savons et des shampoings, à savoir des produits cosmétiques destinés à entrer en contact avec la peau. Le juge de renvoi souhaite s'entendre dire si le droit communautaire admet une réglementation nationale interdisant une telle indication lorsqu'elle n'est pas accompagnée d'informations concernant les propriétés examinées et le résultat de l'examen, ou lorsque le recours à l'indication n'a pas fait l'objet d'une autorisation du ministre. Selon nous, la Cour trouvera la réponse à ces questions dans sa jurisprudence antérieure.

II - Cadre juridique

A - Droit communautaire

2.
    La directive 76/768/CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques (2), dispose en son article 6, paragraphe 3, que:

«Les États membres prennent toute disposition utile pour que dans l'étiquetage, la présentation à la vente et la publication concernant les produits cosmétiques, le texte, les dénominations, marques, images ou autres signes figuratifs ou non ne soient pas utilisés pour attribuer à ces produits des caractéristiques qu'ils ne possèdent pas. [...]»

3.
    En application de l'article 4 de la directive 84/450/CEE du Conseil, du 10 septembre 1984, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de publicité trompeuse (3), «[l]es États membres veillent à ce qu'il existe des moyens adéquats et efficaces pour contrôler la publicité trompeuse dans l'intérêt des consommateurs aussi bien que des concurrents et du public en général». Son article 7 dispose que la directive 84/450 ne fait pas obstacle au maintien ou à l'adoption par les États membres de dispositions visant à assurer une protection plus étendue des personnes précitées.

B - Droit national

4.
    L'espèce s'articule autour du Bundesgesetz über den Verkehr mit Lebensmitteln, Verzehrprodukten, Zusatzstoffen, Kosmetischen Mitteln und Gebrauchsgegenständen (Lebensmittelgesetz 1975) (4) (loi fédérale sur la mise dans le commerce de denrées alimentaires, de produits destinés à la consommation humaine, d'additifs, de produits cosmétiques et d'objets d'utilisation courante, ci-après le «LMG»), du 23 février 1975. Conformément à l'article 26, paragraphe 1, sous d), du LMG, il est interdit de mettre sur le marché des produits cosmétiques incorrectement désignés.

5.
    En vertu de l'article 26, paragraphe 2, du LMG, l'article 8, sous a), b) et f), s'applique par analogie (à la mise sur le marché de produits cosmétiques) et l'article 9 s'applique sous réserve que des indications non trompeuses relatives à des effets physiologiques ou pharmacologiques ainsi que des représentations graphiques expliquant le domaine d'utilisation sont licites. Si de tels effets sont attribués à un produit, il y a lieu d'en communiquer aux autorités, à leur demande, les composants actifs.

6.
    En vertu de l'article 8, sous f) (en combinaison avec l'article 26, paragraphe 2), du LMG, les produits cosmétiques sont désignés de manière incorrecte lorsqu'ils sont commercialisés avec des indications susceptibles d'être trompeuses et relatives à des éléments essentiels en vertu des usages, notamment au regard des attentes des consommateurs, tels la nature, la provenance, le domaine d'utilisation, la conservation, la date de fabrication, la qualité, la teneur en éléments déterminants, la quantité, les dimensions, le nombre ou le poids, ou sous une forme ou une présentation susceptible de l'être ou avec des indications illicites ayant trait à la santé (article 9).

7.
    En vertu des dispositions combinées des articles 9, paragraphe 1, et 26, paragraphe 2, du LMG, il est interdit lors de la commercialisation de produits cosmétiques:

«a)    de faire référence à la prévention, au soulagement ou à la guérison de maladies ou de symptômes de maladie, ou à des effets physiologiques ou pharmacologiques, notamment des effets qui conservent la jeunesse, ralentissent les symptômes du vieillissement, font maigrir ou conservent la santé, ou de donner l'impression d'un tel effet;

b)    de faire référence à des récits de malades, à des recommandations de médecins ou à des expertises médicales;

[...]»

8.
    En vertu des dispositions combinées des articles 9, paragraphe 3, et 26, paragraphe 2, du LMG, le ministre autorise par arrêté, sur demande, des indications ayant trait à la santé pour certains produits cosmétiques lorsque cela est compatible avec la protection des consommateurs contre la tromperie.

9.
    En vertu de l'article 74, paragraphe 1, du LMG, quiconque - entre autres - désigne de manière incorrecte des produits cosmétiques ou commercialise des produits cosmétiques désignés de manière incorrecte se rend coupable d'une infraction administrative («Verwaltungsübertretung»).

III - Faits, procédure et question préjudicielle

10.
    Par décision de l'Unabhängige Verwaltungssenat Wien du 22 février 1999, M. Linhart a été reconnu coupable d'une infraction administrative aux dispositions combinées des articles 74, paragraphe 1, 9, paragraphe 1, sous a), et 8, sous f), du LMG au motif qu'il était responsable de la livraison à la Billa AG, par la Colgate Palmolive Gesellschaft mbH, du produit «Palmolive flüssige Seife Prima Antibakteriell» portant l'indication «testé dermatologiquement» (5). Cette indication a éveillé chez le consommateur l'impression d'un effet prophylactique et, selon l'Unabhängige Verwaltungssenat, le produit a donc été désigné de manière incorrecte.

11.
    Par décision de l'Unabhängige Verwaltungssenat im Land Niederösterreich du 9 mai 2000, M. Biffl a été reconnu coupable d'une infraction administrative aux dispositions combinées des articles 74, paragraphe 1, 9, paragraphe 1, sous b), et 8, sous f), du LMG au motif qu'il était responsable de la mise sur le marché, par Haarkos Parfumeriewaren und Kosmetika GmbH, du produit cosmétique «Keralogie Creme-Peeling Anti Schuppen regulierendes Haarbad» dont le conditionnement (bouteille en plastique) porte l'indication «testé dermatologiquement», pour laquelle aucune autorisation n'avait été délivrée (6).

12.
    Dans les recours introduits devant le Verwaltungsgerichtshof contre ces jugements, les demandeurs ont invoqué l'arrêt rendu par la Cour le 28 janvier 1999, Unilever (7), pour faire valoir, entre autres, que la législation nationale concernée est contraire au droit communautaire, notamment parce qu'une réglementation nationale interdisant la publicité pour des produits cosmétiques comportant des indications ayant trait à la santé qui ne sont pas trompeuses dépasse les limites de la marge d'appréciation que l'article 6, paragraphe 3, de la directive 76/768 confère aux États membres.

13.
    Le Verwaltungsgerichtshof a déjà été appelé à plusieurs reprises à se prononcer sur la licéité des indications «testé cliniquement» et «testé dermatologiquement» dans des affaires antérieures à l'adhésion de la république d'Autriche à l'Espace économique européen et à l'Union européenne.

14.
    Selon cette jurisprudence nationale, l'article 9, paragraphe 1, sous b), du LMG n'autorise pas les références à des expertises médicales lors de la mise sur le marché de cosmétiques si lesdites références n'expliquent pas quelles propriétés du produit ont été examinées et avec quel résultat. L'élément déterminant à cet égard a été l'opinion selon laquelle la référence à une expertise médicale par le biais de la mention d'un test clinique ou dermatologique peut susciter chez le consommateur, du moins inconsciemment, la vague impression d'un effet sur la santé lorsque cette référence n'est accompagnée d'aucune explication.

15.
    En revanche, la référence à des expertises médicales («testé cliniquement», «testé dermatologiquement») lors de la mise sur le marché de produits cosmétiques a été considérée comme licite au regard de l'article 26, paragraphe 2, du LMG, lorsqu'elle précisait que l'examen - indépendamment des conséquences qui en découlent pour la santé humaine - avait trait à certains effets physiologiques et pharmacologiques du produit concerné, comme c'est par exemple le cas de la mention «tolérance de l'épiderme et élimination des poils et des racines testées cliniquement» pour la mise sur le marché d'un dépilatoire.

16.
    Le juge de renvoi estime que la jurisprudence de la Cour, notamment l'arrêt Unilever et l'arrêt du 13 janvier 2000, Estée Lauder (8), n'ont pas complètement répondu à la question de savoir si la réglementation autrichienne applicable aux litiges au principal est compatible avec le droit communautaire.

17.
    Selon le Verwaltungsgerichtshof, les dispositions combinées des articles 9, paragraphe 1, sous b), et 26, paragraphe 2, du LMG spécifient une catégorie de références à des activités médicales que le législateur considère dans leur ensemble, en raison de leur imprécision, comme trompeuses, car elles visent à éveiller les impressions les plus diverses quant aux propriétés et aux modes d'action du produit cosmétique, associées à l'activité médicale. Selon le juge de renvoi, rien n'indique que cette conception - basée sur l'attente probable d'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé - soit inexacte. Le Verwaltungsgerichtshof ne voit pas pourquoi il serait interdit au législateur de l'État membre de qualifier de trompeuse, dans le cadre d'une réglementation générale, une catégorie d'informations publicitaires bien déterminées en raison de leur imprécision et de leur lien avec l'activité médicale, si une appréciation individuelle du caractère trompeur devrait mener au même résultat. Des références à des expertises médicales qui sont suffisamment explicitées au sens de l'article 26, paragraphe 2, du LMG et qui ne sont pas de nature à tromper le consommateur sont en effet déjà autorisées indépendamment de cela.

18.
    Le Verwaltungsgerichtshof souligne en outre que l'interdiction figurant à l'article 9, paragraphe 1, du LMG n'est pas absolue; elle peut en effet être levée par le biais d'une autorisation au titre de l'article 9, paragraphe 3, du LMG. Pour les produits cosmétiques, le ministre doit autoriser par arrêté, sur demande, des indications ayant trait à la santé lorsque cela est compatible avec la protection des consommateurs contre la tromperie. L'article 9, paragraphe 3, du LMG aurait donc permis aux demandeurs d'obtenir une autorisation d'apporter des références (non trompeuses) aux expertises médicales et donc d'éviter une amende.

19.
    En conséquence, le Verwaltungsgerichtshof, par ordonnance du 29 janvier 2001 parvenue au greffe de la Cour le 28 février 2001, a saisi celle-ci d'une demande de décision préjudicielle portant sur les questions suivantes:

«1)    Les articles 28 CE et 30 CE, la directive 76/768/CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques, telle que modifiée par les directives 88/667/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, et 93/35/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, en particulier son article 6, paragraphe 3, et la directive 84/450/CEE du Conseil, du 10 septembre 1984, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de publicité trompeuse, en particulier ses articles 4 et 7, s'opposent-ils à la réglementation d'un État membre interdisant lors de la mise sur le marché de produits cosmétiques la référence à des expertises médicales - en particulier l'utilisation de la mention ‘testé cliniquement’ ou ‘testé dermatologiquement’ - lorsque, faute d'indications sur l'objet et le résultat de l'expertise, cette référence est susceptible de susciter chez le consommateur des idées fausses quant à la composition et au mode d'action du produit?

2)    Les articles 28 CE et 30 CE, la directive 76/768, en particulier son article 6, paragraphe 3, et la directive 84/450, en particulier ses articles 4 et 7, s'opposent-ils à la réglementation d'un État membre qui n'autorise l'utilisation d'indications au sens de la question sous 1) que sous réserve d'une autorisation préalable délivrée par le ministre compétent?»

        

20.
    Des observations écrites ont été présentées par MM. Linhart et Biffl, par le gouvernement autrichien et par la Commission des Communautés européennes. Il n'y a pas eu de procédure orale.

IV - Appréciation

A - Observations liminaires

21.
    MM. Linhart et Biffl et la Commission ont exprimé des critiques quant à la manière dont la demande préjudicielle du Verwaltungsgerichtshof a été motivée et formulée.

22.
    Ces critiques sont en partie de nature factuelle. M. Linhart a affirmé que des informations complémentaires figurent bel et bien sur le conditionnement du savon concerné à côté de l'indication «testé dermatologiquement». Sous l'inscription «Schutz gegen Bakterien» (protection contre les bactéries), des informations relatives à l'objet et au résultat des tests dermatologiques figureraient sur le produit. MM. Linhart et Biffl ont en outre fait valoir que l'indication «testé dermatologiquement» figurant sur leurs produits est en soi correcte et ne saurait non plus, contrairement à ce que suggère la première question, induire le consommateur en erreur, étant donné la manière dont l'indication a été apportée sur le conditionnement.

23.
    À cet égard, nous pouvons nous borner à relever qu'il appartient au juge national de constater les faits du litige au principal et d'apprécier la pertinence des questions à poser à la Cour (9). La portée de la notion de tromperie constitue d'ailleurs justement un élément central de la première question.

24.
    Par ailleurs, la Commission a observé à juste titre que la référence, visée dans les questions préjudicielles, à l'indication «testé cliniquement» est sans rapport avec les deux affaires au principal, dans lesquelles seule l'indication «testé dermatologiquement» est en litige. La jurisprudence nationale s'est cependant déjà penchée sur l'indication «testé cliniquement» de la manière décrite dans l'ordonnance de renvoi. Peut-être le Verwaltungsgerichtshof souhaite-t-il que la Cour porte une appréciation plus large concernant la compatibilité de sa jurisprudence actuelle ou antérieure avec le droit communautaire (10). Il est cependant de jurisprudence constante que la Cour n'est pas compétente pour répondre à des questions lorsqu'il n'existe aucun rapport entre le droit communautaire et les faits concernés (11). Étant donné que l'indication «testé cliniquement» est sans rapport avec les faits au principal, cet élément peut être écarté pour la suite de l'examen.

25.
    Le juge de renvoi souhaite donc que la Cour précise si le droit communautaire s'oppose à une réglementation nationale interdisant, telle qu'interprétée par la jurisprudence nationale, l'indication «testé dermatologiquement», dans les cas où: a) ces tests n'ont pas été explicités et il n'a pas été précisé quelles propriétés du produit ont été examinées avec quel résultat, et b) aucune autorisation n'a été demandée (12).

26.
    Les deux questions préjudicielles concernent l'interprétation des articles 28 CE et 30 CE, de la directive 76/768, ainsi que de la directive 84/450. En conséquence, il convient d'examiner en premier lieu la relation mutuelle entre ces trois composantes du droit communautaire par rapport au droit national interdisant l'indication «testé dermatologiquement» sur les produits cosmétiques.

27.
    La Cour a constaté à plusieurs reprises que la directive 76/768 a procédé à une harmonisation exhaustive des règles nationales d'emballage et d'étiquetage des produits cosmétiques (13). Lorsqu'un régime harmonisé a été établi au niveau communautaire dans un domaine déterminé, toute mesure nationale y relative doit être appréciée au regard des dispositions de cette mesure d'harmonisation et non pas de celles - pertinentes en l'espèce - des articles 28 CE à 30 CE (14). Dès lors, selon nous, il y a lieu d'apprécier la réglementation nationale exclusivement au regard de l'article 6, paragraphe 3, de la directive 76/768 et non pas au regard des articles 28 CE et 30 CE, même si cette disposition de la directive, comme toute règle de droit dérivé, doit être interprétée à la lumière des règles du traité relatives à la libre circulation des marchandises (15). Comme nous le verrons ci-après, ce dernier point est important pour déterminer la portée de l'article 6, paragraphe 3, de la directive 76/768 et la marge d'appréciation dont disposent les États membres en vertu de ces dispositions.

28.
    Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour en matière d'étiquetage et de publicité des produits cosmétiques n'est pas tout à fait cohérente à cet égard. Dans ses arrêts Clinique et Estée Lauder, précités, la Cour a apprécié les réglementations nationales en cause tant au regard des articles 28 CE et 30 CE qu'au regard de la disposition concernée de la directive 76/768. Dans l'arrêt Unilever, précité, en revanche, la réglementation nationale n'a été appréciée, à juste titre selon nous, qu'au regard de la directive et non pas du droit primaire, bien que le juge de renvoi autrichien eût également sollicité dans cette affaire une interprétation de l'article 28 CE (16).

29.
    S'agissant du rapport entre la directive 76/768 et la directive 84/450, c'est selon nous à juste titre que la Commission et MM. Linhart et Biffl ont fait valoir que l'article 6, paragraphe 3, de la directive 76/768 prime, en vertu du principe «lex specialis derogat legi generali», les dispositions de la directive 84/450. Dès lors, nous pensons qu'il n'y a pas lieu pour la Cour d'impliquer dans sa réponse la directive 84/450. Cette directive comporte des obligations formulées de manière très générale définissant en des termes relativement vagues ce qu'il y a lieu d'entendre par tromperie. Par contre, la directive 76/768 fournit en son article 6, paragraphe 3, une disposition spécifique interdisant les indications trompeuses sur le conditionnement et l'étiquetage des produits couverts par la directive. Eu égard à la nature exhaustive de l'harmonisation en la matière, les États membres ne peuvent pas déroger aux conditions établies dans cette disposition. Ainsi, le consommateur ne saurait se voir offrir un degré plus élevé de protection contre la tromperie, même à invoquer l'article 7 de la directive 84/450, qui admet une protection plus étendue (17).

B - La première question

30.
    Pour répondre à la première question, il y a lieu d'apprécier si l'article 6, paragraphe 3, de la directive 76/768 laisse aux États membres une marge pour interdire l'indication générale «testé dermatologiquement» sur les produits cosmétiques destinés à entrer en contact avec la peau, car elle attribuerait à ces produits des caractéristiques qu'ils ne possèdent pas.

31.
    Pour commencer, il est constant que les produits litigieux - savon et shampoing - sont des produits cosmétiques au sens de l'article 1er de la directive 76/768 et que l'indication reprochée, «testé dermatologiquement», relève du champ d'application de l'article 6, paragraphe 3, de la directive. Nous partirons dès lors de l'idée qu'ils ne doivent pas être considérés comme des médicaments, auquel cas ce serait la réglementation communautaire en matière de médicaments qui serait applicable et non pas la directive 76/768. Il ne ressort pas non plus des éléments du dossier que les produits - à part l'indication contestée - aient été mis sur le marché de manière irrégulière.

32.
    Selon une jurisprudence antérieure, la directive 76/768 tend à assurer la libre circulation desdits produits. L'article 6, paragraphe 3, définit les mesures à prendre dans l'intérêt de la défense des consommateurs et de la loyauté des transactions commerciales, qui figurent au nombre des exigences impératives sur la base desquelles des entraves à la libre circulation des marchandises au sens de l'article 28 CE sont tolérées selon la jurisprudence de la Cour. Il poursuit également un objectif de protection de la santé des personnes, au sens de l'article 30 CE, dans la mesure où une information trompeuse sur les caractéristiques de ces produits peut avoir une incidence sur la santé publique (18).

33.
    Les mesures prises par les États membres pour mettre en oeuvre cette disposition doivent toutefois respecter le principe de proportionnalité (19). Pour apprécier, d'une part, le risque que le consommateur soit induit en erreur et, d'autre part, les exigences de la libre circulation des marchandises, la Cour a extrait du principe de proportionnalité un critère fondé sur un certain type de consommateur. Pour déterminer si une dénomination, une marque ou une indication publicitaire sont trompeuses ou non, il y a lieu de se fonder sur «l'attente présumée d'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé» qui pense à tort que le produit possède certaines caractéristiques (20).

34.
    Cette image du «consommateur moyen» s'applique également en matière de vente de produits cosmétiques. La Cour a explicitement lié son application dans ce cas à la condition qu'«une erreur sur les caractéristiques du produit ne saurait porter atteinte à la santé publique» (21). Tout comme dans les affaires Clinique, Unilever et Estée Lauder, précitées, les circonstances de l'espèce ne concernent pas non plus la santé des personnes. Ces affaires concernent des indications pouvant donner aux consommateurs l'impression fallacieuse qu'ils possèdent certaines vertus médicinales. Des mesures visant à prévenir l'éventualité d'une telle tromperie ou confusion auprès des acheteurs ne sont pas liées, selon nous, à la protection de la santé publique, mais à la protection du consommateur et à la loyauté des transactions commerciales. Cette distinction est importante en ce qui concerne l'application du principe de proportionnalité qui ne constitue pas, selon nous, une notion statique, mais doit être appréciée au regard de l'objectif poursuivi (22).

35.
    Dans l'application du critère du consommateur moyen, il y a lieu de tenir compte des circonstances pertinentes de l'espèce. La jurisprudence montre que, lorsqu'il s'agit de déterminer si une certaine indication ou publicité est trompeuse au sens de la directive 76/768, la Cour est très critique des réglementations nationales interdisant un énoncé en soi correct. Le principe de proportionnalité fait rapidement obstacle à de telles réglementations. Un risque abstrait de tromperie ne suffit pas; ce n'est que lorsque le consommateur peut réellement être induit en erreur sur un point substantiel que sont permises des mesures en vertu desquelles le négoce d'un produit est soumis à des conditions complémentaires.

36.
    Ainsi, la Cour a déjà dit pour droit que la dénomination «Clinique» pour des produits cosmétiques ne saurait être de nature à tromper le consommateur au motif qu'elle attribuerait auxdits produits un effet thérapeutique qu'ils ne possèdent pas (23). Dans son arrêt Estée Lauder, elle a dit pour droit que, à première vue, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ne devrait pas s'attendre à ce qu'une crème faciale raffermissante pour la peau dénommée «Monteil Firming Action Lifting Extreme Creme» produise, en raison de l'usage du mot «lifting», le même effet durable qu'une intervention chirurgicale (24). L'affaire Unilever, précitée, concernait l'interdiction autrichienne d'une publicité pour le dentifrice «Odol-Med 3 (Samtweiß)» selon laquelle le produit prévenait la formation de tartre et la parodontose, dès lors que, dans sa composition, aucune des substances actives énumérées dans cette réglementation comme pouvant atteindre un tel résultat n'était présente. Tout comme en l'espèce, la réglementation en question touchait entre autres aux articles 9 et 26 du LMG. Cette liste de substances était reprise dans une annexe à la Kosmetikverordnung. Cette annexe ne comportait cependant pas toutes les substances pouvant prévenir la formation de tartre ou la parodontose. Il était donc possible que la publicité pour certains dentifrices soit interdite alors qu'elle n'induisait pas le consommateur en erreur. La Cour a donc dit pour droit que l'article 6, paragraphe 3, de la directive 76/768 s'opposait à l'application d'une telle réglementation. La possibilité d'échapper à l'interdiction en obtenant une autorisation était sans incidence à cet égard (25).

37.
    Eu égard aux éléments qui précèdent, il y a lieu d'examiner d'abord en l'espèce si l'indication «testé dermatologiquement» peut d'une quelconque manière induire les acheteurs en erreur, avant d'examiner éventuellement la proportionnalité de la mesure nationale tendant à la protection du consommateur et de la loyauté des transactions commerciales. Bien qu'il appartienne en fin de compte au juge national de vérifier cela et bien que le juge de renvoi n'ait pas fourni à la Cour d'indications concernant les circonstances dans lesquelles les produits litigieux ont été commercialisés, nous estimons que la Cour dispose des informations nécessaires pour apporter au juge national les précisions suivantes.

38.
    Des produits cosmétiques tels que le savon et le shampoing sont destinés à entrer en contact avec la peau. On a donc forcément testé, avant leur première mise sur le marché, leurs effets pour la peau. C'est en substance à cela que renvoie l'indication «testé dermatologiquement». La dermatologie est la science qui s'occupe de la recherche en matière d'affections cutanées. Le recours à l'indication «testé dermatologiquement» implique donc que l'on a vérifié si la peau supporte ce produit.

39.
    Or, une telle communication sur l'étiquetage, sur le conditionnement ou dans la publicité pour ces produits peut difficilement être considérée, par nature, comme étant source de confusion. Étant donné les caractéristiques intrinsèques du savon et du shampoing, nous ne saurions concevoir que le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé pense, en raison de l'indication «testé dermatologiquement», que le produit présente certaines caractéristiques qu'il ne possède pas. L'indication «testé dermatologiquement» tend à exprimer l'idée que le produit a été soigneusement examiné en ce qui concerne tout effet nocif pour la peau. Il s'agit cependant en soi d'une communication superflue, car, en application des dispositions combinées des articles 2 et 3 de la directive 76/768, les produits cosmétiques dont l'usage normal présente un danger pour la santé humaine ne peuvent de toute façon pas être mis sur le marché.

40.
    Le juge de renvoi a indiqué que, selon la jurisprudence nationale, une référence à une expertise médicale, par le biais de la mention d'un test dermatologique, peut éveiller chez le consommateur, du moins de manière inconsciente, une vague impression d'un effet pour la santé si cette référence n'est pas explicitée. Toutefois, même si l'indication «testé dermatologiquement» peut susciter chez certains consommateurs une vague association médicale - par exemple en raison de l'origine grecque du mot «dermatologique» - cela ne suffit pas à lui assigner un effet trompeur, de nature à justifier l'interdiction de l'indication si, par ailleurs, les produits sont régulièrement mis sur le marché. Selon nous, il ne s'agit toujours pas d'un danger réel de confusion ou de tromperie du consommateur moyen. En outre, il n'est à première vue pas compatible avec le principe de proportionnalité d'interdire seulement l'indication «testé dermatologiquement». En effet, des publicités fournissant des informations plus étendues et donc plus suggestives, comme «tolérance de l'épiderme et élimination des poils et des racines testées dermatologiquement» lors de la mise sur le marché d'un dépilatoire sont pour leur part autorisées (26).

41.
    Du point de vue de la portée de l'article 6, paragraphe 3, de la directive 76/768, il n'est en conséquence pas nécessaire à la protection du consommateur et de la loyauté des transactions commerciales d'interdire l'usage de l'indication «testé dermatologiquement» pour les deux produits concernés. L'argument du gouvernement autrichien selon lequel la législation nationale autorise dans certaines circonstances des indications non trompeuses est naturellement sans incidence à cet égard.

C - La seconde question

42.
    Étant donné ce qui précède, il n'y a plus lieu d'analyser en détail la seconde question. Le point de savoir si le droit communautaire s'oppose à une réglementation d'un État membre n'autorisant le recours à l'indication «testé dermatologiquement» qu'après autorisation préalable du ministre compétent ressort en effet déjà implicitement de la réponse à la première question. Étant donné que l'indication concernée ne saurait induire le consommateur en erreur au sens de l'article 6, paragraphe 3, de la directive 76/768, l'exigence d'une autorisation préalable pour apposer l'indication concernée n'est évidemment pas justifiée non plus.

43.
    Le gouvernement autrichien a indiqué que, en application de l'article 9, paragraphe 3, du LMG, le ministre autorise par arrêté les informations ayant trait à la santé à condition que la preuve de l'exactitude des messages publicitaires lors de la commercialisation initiale du produit cosmétique soit apportée et les expertises médicales correspondantes produites. Selon le gouvernement autrichien, cette procédure est compatible avec l'arrêt Unilever, précité, dans la mesure où la Cour y a considéré qu'une réglementation prévoyant un contrôle de l'exactitude des messages publicitaires constituait une mesure proportionnée, à la différence d'une interdiction automatique de la publicité.

44.
    Cette affirmation repose sur une lecture erronée de l'arrêt Unilever, précité, et ne saurait être acceptée. Il a été affirmé dans cet arrêt, en ce qui concerne la même législation nationale, qu'une autorisation peut certes être demandée, mais que la nécessité d'obtenir cette autorisation constitue une entrave à la libre circulation du produit en cause, selon la Cour, privée de toute justification (27). L'exigence d'une autorisation équivaut en effet à une interdiction automatique de la publicité, étant donné que les indications soumises à l'exigence d'une autorisation qui figureraient sur des produits cosmétiques sans l'accord du ministre ne sont pas admises. Dans l'arrêt Unilever, précité, la Cour a fait état de mesures alternatives garantissant l'objectif de la directive 76/768 et moins restrictives de la libre circulation des marchandises. Elle n'a nullement toléré un régime d'autorisation. En cas de doute sur la véracité des indications ayant trait à la santé, il suffit pour la Cour que l'État membre impose à l'opérateur responsable du produit cosmétique de prouver l'exactitude de ses expertises médicales. Cela ne présentera aucune difficulté dans le cas d'une indication aussi peu prétentieuse que «testé dermatologiquement». La législation autrichienne le prévoit d'ailleurs déjà. Comme l'observe à juste titre M. Linhart, les autorités peuvent, en vertu de l'article 26, paragraphe 2, du LMG, inviter le fabricant ou distributeur à communiquer les éléments actifs pour vérifier que l'attribution d'effets physiologiques ou pharmacologiques au produit n'est pas trompeuse.

45.
    Enfin, on peut encore ajouter que l'autorisation concernée, en tant que mesure tendant à la protection des consommateurs et de la loyauté des transactions commerciales, est encore plus disproportionnée si l'affirmation de M. Biffl selon laquelle des frais sont liés à la procédure de l'article 9, paragraphe 3, du LMG est fondée.

V - Conclusion

46.
    Eu égard aux éléments qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre aux questions posées par le Verwaltungsgerichtshof de la manière suivante:

«1)    L'article 6, paragraphe 3, de la directive 76/768/CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques, s'oppose à l'application d'une loi nationale interdisant, dans son interprétation selon la jurisprudence nationale, lors de la commercialisation de produits cosmétiques à appliquer sur la peau, une indication générale telle que ‘testé dermatologiquement’, lorsqu'il n'est pas indiqué quelles propriétés du produit ont été testées et avec quel résultat, et que le fabricant ou distributeur des produits concernés n'est pas mis en mesure de prouver l'exactitude de cette déclaration.

2)    L'article 6, paragraphe 3, de la directive 76/768 s'oppose également à une réglementation nationale n'admettant le recours à l'indication ‘testé dermatologiquement’ qu'après autorisation préalable du ministre compétent.»


1: -     Langue originale: le néerlandais.


2: -     JO L 262, p. 169, telle que modifiée à plusieurs reprises, entre autres, par la directive 88/667/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988 (JO L 382, p. 46), et par la directive 93/35/CEE du Conseil, du 14 juin 1993 (JO L 151, p. 32).


3: -     JO L 250, p. 17, telle que modifiée.


4: -     BGBl. 86.


5: -     Le Verwaltungsgerichtshof ne s'est pas exprimé sur l'origine des produits cosmétiques litigieux. Dans ses observations écrites, M. Linhart a déclaré que le produit «Palmolive flüssige Seife Prima Antibakteriell» a été fabriqué en Italie.


6: -     Il nous semble qu'il s'agit là d'un shampoing antipelliculaire.


7: -     C-77/97, Rec. p. I-431.


8: -     C-220/98, Rec. p. I-117.


9: -     Voir le récent arrêt du 4 avril 2000, Darbo (C-465/98, Rec. p. I-2297, point 19).


10: -     Cela pourrait également expliquer pourquoi l'article 9, paragraphe 1, sous a), du LMG, à savoir la disposition que M. Linhart aurait enfreinte, n'est plus soulevée dans le cadre de l'exposé de la situation juridique existante en matière d'indications ayant trait à la santé, comme nous l'avons mentionné aux points 13 à 15 de nos conclusions. Manifestement, la jurisprudence du Verwaltungsgerichtshof en la matière est notamment fondée sur l'article 9, paragraphe 1, sous b), du LMG.


11: -     Voir, entre autres, arrêt du 18 octobre 1990, Dzodzi (C-297/88 et C-197/89, Rec. p. I-3763, point 40).


12: -     Par souci d'exhaustivité, observons que la Cour est actuellement saisie de plusieurs affaires préjudicielles analogues dans lesquelles des juridictions autrichiennes ont posé des questions concernant la compatibilité des dispositions du LMG avec le droit communautaire. En outre, la Commission a invité la Cour à constater, dans le cadre d'une procédure en manquement, que cette même loi est contraire au droit communautaire en ce qui concerne l'étiquetage des denrées alimentaires et notamment les indications liées à la santé (affaire C-221/00).


13: -    Arrêts du 23 novembre 1989, Parfümerie-Fabrik 4711 (C-150/88, Rec. p. 3891, point 28); du 2 février 1994, Verband Sozialer Wettbewerb, dit «Clinique» (C-315/92, Rec. p. I-317, point 11); Unilever, précité à la note 7, point 24, et Estée Lauder, précité à la note 8, point 23.


14: -     Récemment confirmé dans l'arrêt du 13 décembre 2001, DaimlerChrysler (C-324/99, non encore publié au Recueil, point 32).


15: -     Arrêt Clinique, précité à la note 13, point 12.


16: -     La Cour a ainsi suivi les conclusions de l'avocat général Cosmas dans cette affaire. Il a extensivement analysé, aux points 52 à 59, la question de savoir si, à côté de l'application de l'article 6, paragraphe 3, de la directive 76/768, il subsiste une marge pour l'application des articles 28 CE et 30 CE.


17: -     La Commission a affirmé à raison que la directive 84/450 peut, dans d'autres cas, avoir une tout autre portée pour les produits cosmétiques. L'étendue de la notion de publicité au sens de l'article 2, point 1, de la directive 84/450 est en effet particulièrement large et embrasse davantage de formes de publicité que les «dénominations, marques, images ou autres signes figuratifs» au sens de l'article 6, paragraphe 3, de la directive 76/768.


18: -     Voir arrêts Clinique, précité à la note 13, point 15; Unilever, précité à la note 7, point 26, et Estée Lauder, précité à la note 8, point 25.


19: -     Voir, entre autres, arrêts Clinique, précité à la note 13, point 16; Unilever, précité à la note 7, point 27, et Estée Lauder, précité à la note 8, point 26.


20: -     S'agissant de cette caractérisation du consommateur, voir notamment arrêts du 16 juillet 1998, Gut Springenheide et Tusky (C-210/96, Rec. p. I-4657, point 31), et Estée Lauder, précité à la note 8, point 27.


21: -     Arrêt Estée Lauder, précité à la note 8, point 28.


22: -     Voir également le point 47 de nos conclusions du 13 décembre 2001 dans l'affaire Hahn (C-121/00), pendante devant la Cour. On peut imaginer des situations dans lesquelles l'étiquetage ou le conditionnement d'un produit cosmétique comportent des indications directement liées à la santé des personnes, par exemple des modes d'emploi ou des avertissements contre des réactions allergiques pouvant être provoquées par certains ingrédients du produit. Dans la mesure où d'autres dispositions de la directive 76/768 ne le prévoient pas, il incombe aux États membres, conformément à l'article 6, paragraphe 3, de la directive 76/768, de prendre toute mesure utile pour protéger le consommateur vulnérable contre la tromperie, car la santé publique est en jeu. À cet égard, comparer, s'agissant d'avertissements contre des substances chimiques dans des teintures capillaires et des indications obligatoires prévues par l'article 6, paragraphe 1, sous d), de la directive, arrêt du 13 septembre 2001, Schwarzkopf (C-169/99, Rec. p. I-5901).


23: -     Arrêt Clinique, précité à la note 13, points 21 à 23. D'ailleurs, cette affaire concernait l'interprétation de l'article 6, paragraphe 2, de la directive 76/768.


24: -     Arrêt Estée Lauder, précité à la note 8, points 28 à 30. Il appartenait au juge national de vérifier si c'était effectivement le cas en tenant compte de facteurs sociaux, culturels ou linguistiques.


25: -     Arrêt Unilever, précité à la note 7, points 28 à 37.


26: -     Sur la base de la jurisprudence antérieure du Verwaltungsgerichtshof, voir point 15 des conclusions.


27: -     Arrêt Unilever, précité à la note 7, point 34. Les caractères italiques sont de notre fait.