CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme JULIANE Kokott

présentées le 7 juillet 2005 (1)

Affaire C-514/03

Commission des Communautés européennes

contre

Royaume d’Espagne

«Liberté d’établissement (article 43 CE) et libre prestation des services (article 49 CE) – Services de sécurité privée – Condition de revêtir la forme d’une personne morale – Capital social minimal – Caution – Nombre minimal de collaborateurs – Exigence d’une autorisation préalable pour le personnel de sécurité – Reconnaissance des qualifications professionnelles (directives 89/48/CEE et 92/51/CEE)»





I –    Introduction

1.     Dans le cadre du présent recours en manquement, la Commission des Communautés européennes fait grief au Royaume d’Espagne de ce que ses dispositions législatives et réglementaires relatives aux entreprises de sécurité privée ne sont pas en conformité avec le principe de liberté d’établissement et celui de libre prestation des services ainsi qu’avec les dispositions communautaires en matière de reconnaissance réciproque des qualifications professionnelles.

2.     Il s’agit en substance de savoir si on peut imposer aux entreprises étrangères de sécurité privée comme condition pour exercer leurs activités en Espagne d’être constituées sous la forme d’une personne morale, d’avoir un capital social minimum spécifique, de verser une caution et d’employer un nombre minimum de collaborateurs et de savoir si on peut exiger que le personnel d’une entreprise étrangère de sécurité privée obtienne une nouvelle autorisation spécifique en Espagne, même si ce personnel a déjà obtenu une autorisation comparable dans l’État membre d’établissement de cette entreprise.

3.     La présente procédure est une suite de l’affaire C-114/97, dans laquelle le Royaume d’Espagne a déjà été condamné pour manquement concernant ses dispositions relatives aux entreprises de sécurité privée (2). Elle présente en outre sur le fond une connexité avec d’autres procédures en manquement relatives aux activités des entreprises de sécurité privée dans le cadre desquelles sont déjà intervenus des arrêts contre le Royaume de Belgique (3), la République italienne (4), la République portugaise (5) et le Royaume des Pays-Bas (6).

II – Le cadre juridique

A –    Le droit communautaire

4.     Le cadre juridique communautaire en l’espèce est constitué par les articles 43 CE et 49 CE ainsi que par la directive 92/51/CEE (7). La Commission s’appuie également sur la directive 89/48/CEE (8).

5.     L’article 43, premier alinéa, CE dispose:

«Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s’étend également aux restrictions à la création d’agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d’un État membre établis sur le territoire d’un État membre.»

6.     L’article 49, premier alinéa, CE est libellé ainsi:

«Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation.»

7.     Conformément à l’article 1er, sous c), de la directive 92/51 constitue une «‘attestation de compétence’: tout titre:

–       qui sanctionne une formation ne faisant pas partie d’un ensemble constituant un diplôme au sens de la directive 89/48/CEE ou un diplôme ou un certificat au sens de la présente directive,

ou

–       délivré à la suite d’une appréciation des qualités personnelles, des aptitudes ou des connaissances du demandeur, considérées comme essentielles pour l’exercice d’une profession par une autorité désignée conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives d’un État membre, sans que la preuve d’une formation préalable ne soit requise».

8.     En vertu de l’article 1er, sous e), de la directive 92/51, on entend par «‘profession réglementée’: l’activité ou l’ensemble des activités professionnelles réglementées qui constituent cette profession dans un État membre».

9.     L’article 1er, sous f), première phrase, de la directive 92/51 définit comme «‘activité professionnelle réglementée’: une activité professionnelle dont l’accès ou l’exercice, ou l’une des modalités d’exercice dans un État membre, est subordonné, directement ou indirectement par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives, à la possession d’un titre de formation ou d’une attestation de compétence».

B –    Le droit national

10.   La législation espagnole applicable aux services de sécurité privée se compose de la loi n° 23/1992, du 30 juillet 1992, sur la sécurité privée (Ley de Seguridad privada, ci-après la «loi sur la sécurité privée») (9) et du décret royal n° 2364/199 portant approbation du règlement sur la sécurité privée (Reglamento de Seguridad Privada, ci-après le «règlement sur la sécurité privée») (10).

11.   L’article 5, paragraphe 1, de la loi sur la sécurité privée énumère limitativement les prestations de services qui peuvent être fournies par les entreprises de sécurité. Il s’agit des formes habituelles de protection des personnes et des biens.

12.   En vertu de l’article 7 de la loi sur la sécurité privée, une entreprise qui veut fournir de telles prestations de services doit obtenir une autorisation sous la forme d’une inscription dans un registre tenu par le ministère de l’Intérieur.

13.   Cette inscription est subordonnée entre autres conditions à celle que l’entreprise soit une société anonyme, une société à responsabilité limitée, une «sociedad anonima laboral» (11) ou une coopérative [article 7, paragraphe 1, sous a), de la loi sur la sécurité privée en liaison avec l’article 5 du règlement sur la sécurité privée].

14.   L’annexe du règlement sur la sécurité privée impose en outre encore d’autres conditions aux entreprises qui veulent fournir des services de sécurité privée. D’une part, y sont énumérés, en fonction de la nature des activités exercées, différents montants minimums de capital social, lesquels sont de plus hiérarchisés pour certaines activités spécifiques selon l’ampleur du champ d’action géographique de l’entreprise. D’autre part, il faut justifier d’une caution dont le montant varie selon le type d’activité et le champ d’action géographique; cette caution doit être déposée entre les mains d’un organisme espagnol, la Caja General de Depósitos.

15.   S’ajoute, pour les entreprises de sécurité privée qui veulent se consacrer au transport d’objets de valeur, d’objets dangereux ou d’explosifs, l’exigence de disposer d’un nombre minimal de vigiles et de véhicules blindés; parallèlement, il est prévu, dans le domaine de l’installation et la maintenance de systèmes d’alarme et de sécurité, un nombre minimal de techniciens et d’installateurs (voir l’annexe du règlement sur la sécurité privée).

16.   Le personnel affecté à la sécurité des entreprises de sécurité privée doit obtenir une autorisation du ministère de l’Intérieur (article 10 de la loi sur la sécurité privée en liaison avec l’article 53 du règlement sur la sécurité privée). Les candidats à une telle autorisation doivent être majeurs, ne pas avoir atteint, le cas échéant, une limite d’âge fixée par des dispositions réglementaires et avoir réussi les épreuves requises attestant des connaissances et aptitudes nécessaires à l’exercice de leur fonction; ils doivent également posséder les aptitudes physiques et psychiques nécessaires à l’exercice de leur fonction.

17.   En ce qui concerne l’activité de détective privé, l’article 54, point 5, sous c), du règlement sur la sécurité privée exige en outre que les personnes concernées soient en possession d’un diplôme spécial de détective privé (12), pour lequel il faut avoir suivi les cours et passé les examens visés par d’autres dispositions réglementaires prises par le ministère de la Justice et de l’Intérieur (13).

18.   À l’origine, seules les entreprises espagnoles pouvaient exercer des activités de sécurité privée et le personnel de sécurité de ces entreprises devait être de nationalité espagnole (14). Cette disposition a toutefois été entre-temps modifiée (15). Désormais, il suffit d’être ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen.

19.   Concernant la reconnaissance des qualifications professionnelles, les dispositions législatives espagnoles applicables sont le décret royal nº 1665/1991 transposant en droit espagnol la directive 89/48 et le décret royal nº 1386/1995 transposant la directive 92/51. Ces deux décrets énumèrent les professions entrant dans leurs champs d’application respectifs. Les activités dans le domaine de la sécurité privée qui nous intéressent ici n’y sont toutefois pas énumérées.

III – Les faits et la procédure précontentieuse

20.   La Commission avait, en raison de diverses dispositions de la loi et du règlement sur la sécurité privée, déjà en 1997, introduit contre le Royaume d’Espagne un recours en manquement qui a abouti à la condamnation du Royaume d’Espagne par la Cour (16). Dans cet arrêt, la Cour a notamment jugé que, en réservant l’octroi de l’autorisation d’exercer des activités de sécurité privée aux entreprises espagnoles et en posant comme condition à l’obtention d’une licence par le personnel de sécurité de ces entreprises d’être de nationalité espagnole, le Royaume d’Espagne avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE.

21.   En amont de la présente procédure, la Commission a fait savoir au gouvernement espagnol par lettre du 23 novembre 1999 que les dispositions législatives et réglementaires espagnoles applicables persistaient à violer le droit communautaire, notamment les articles 43 CE et 49 CE, ainsi que, concernant la reconnaissance des qualifications professionnelles, les directives 89/48 et 92/51.

22.   Ce faisant, la Commission soulevait essentiellement le fait que la nationalité espagnole soit une condition d’exercice d’activités dans le domaine de la sécurité privée, qu’il soit fait obligation aux entreprises de sécurité privée étrangères pour exercer leurs activités en Espagne d’être organisées sous la forme d’une personne morale, d’avoir un capital social minimum spécifique sans tenir compte des dispositions différentes dans l’État d’origine et d’employer un nombre minimal de salariés. La Commission faisait en outre grief de ce qu’il était fait obligation aux membres du personnel des entreprises de sécurité privée étrangères d’obtenir une autorisation spécifique en Espagne, même lorsqu’ils ont déjà obtenu dans l’État d’origine une autorisation comparable et de ce que les professions du secteur de la sécurité privée n’aient pas été soumises au régime communautaire de reconnaissance des qualifications professionnelles.

23.   Faute d’avoir obtenu dans le délai imparti une réponse de la part du gouvernement espagnol, la Commission a émis le 24 juillet 2000 un avis motivé dans lequel elle a répété ces griefs et mis le Royaume d’Espagne en demeure de prendre les mesures nécessaires.

24.   Par lettre du 15 novembre 2000, les autorités espagnoles ont proposé diverses modifications législatives. La Commission a répondu le 31 janvier 2001, faisant savoir que les modifications proposées n’étaient pas suffisantes et invitant le Royaume d’Espagne à revoir encore sa législation.

25.   En mai 2001, les autorités espagnoles ont tout d’abord adressé à la Commission un projet de décret royal par lequel n’était supprimée que la condition de nationalité espagnole dans le règlement sur la sécurité privée. Peu de temps après, elles ont fait savoir que d’autres réformes législatives étaient prévues. La Commission a alors, par lettre du 1er août 2001, invité les autorités espagnoles à lui transmettre un projet concret de réforme et un calendrier. En l’absence de réaction du Royaume d’Espagne, la Commission a adressé le 7 janvier 2002 une dernière lettre dans laquelle elle faisait le point sur la situation et rappelant qu’elle restait dans l’attente d’un projet de réforme et d’un calendrier. Entre-temps toutefois, la suppression annoncée de la condition de nationalité était intervenue par l’adoption du décret royal nº 1123/2001 (17) .

26.   Par lettre adressée à la Commission le 19 juin 2002, les autorités espagnoles ont répété les propositions que la Commission avait déjà jugées comme insuffisantes et indiqué que la réforme ne pourrait, dans le meilleur des cas, pas intervenir avant la fin de l’année 2003.

27.   Cette réponse lui étant apparue comme insuffisante, le 8 décembre 2003 la Commission a introduit contre le Royaume d’Espagne, sur le fondement de l’article 226 CE, le présent recours.

IV – Conclusions des parties

28.   La Commission demandait à l’origine à ce qu’il plaise à la Cour:

1)      constater que, en imposant:

–      aux entreprises de services de sécurité privée et aux membres de leur personnel, dans les dispositions d’exécution, l’obligation de posséder la nationalité espagnole;

–      aux entreprises de sécurité privée, dans le cadre du régime d’inscription des étrangers, l’obligation:

a)      d’être une personne morale dans tous les cas,

b)      de posséder un capital social spécifique, sans tenir compte du fait que cette entreprise n’est pas soumise aux mêmes obligations dans son pays d’établissement,

c)      de déposer un cautionnement à la Caja General de Depósitos, sans tenir compte du versement éventuel d’un cautionnement dans l’État membre d’origine,

d)      d’employer un nombre minimal de salariés;

–      au membre du personnel d’une entreprise étrangère de services de sécurité privée, l’obligation d’obtenir une nouvelle autorisation spécifique en Espagne, alors qu’il a déjà obtenu une autorisation comparable dans l’État membre d’établissement de ladite entreprise, et en ne soumettant pas les professions du secteur de la sécurité privée au régime communautaire de reconnaissance des qualifications professionnelles,

le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions des articles 43 CE et 49 CE et des directives 89/48 et 92/51;

2)       condamner le Royaume d’Espagne aux dépens de l’instance.

29.   Au cours de la procédure écrite devant la Cour, la Commission a, par mémoire en date du 3 mai 2004, retiré le premier grief soulevé dans sa requête, tiré de la condition de nationalité des entreprises de sécurité privée et des membres de leur personnel.

30.   En conséquence, la Commission conclut donc à ce qu’il plaise à la Cour:

1)      constater que, en imposant:

–      aux entreprises de sécurité privée, dans le cadre du régime d’inscription des étrangers, l’obligation:

a)      d’être une personne morale dans tous les cas,

b)      de posséder un capital social spécifique, sans tenir compte du fait que cette entreprise n’est pas soumise aux mêmes obligations dans son pays d’établissement,

c)      de déposer un cautionnement à la Caja General de Depósitos, sans tenir compte du versement éventuel d’un cautionnement dans l’État membre d’origine,

d)      d’employer un nombre minimal de salariés;

–      au membre du personnel d’une entreprise étrangère de services de sécurité privée, l’obligation d’obtenir une nouvelle autorisation spécifique en Espagne, alors qu’il a déjà obtenu une autorisation comparable dans l’État membre d’établissement de ladite entreprise, et en ne soumettant pas les professions du secteur de la sécurité privée au régime communautaire de reconnaissance des qualifications professionnelles,

le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions des articles 43 et 49 CE et des directives 89/48 et 92/51;

2)      condamner le Royaume d’Espagne aux dépens de l’instance.

31.   Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

1)      rejeter le recours,

2)      condamner la Commission aux dépens.

Ces conclusions ont été maintenues par le Royaume d’Espagne après le retrait partiel du recours par la Commission.

V –    Recevabilité du recours

32.   Avant d’examiner les différents griefs soulevés par la Commission dans cette affaire, il convient en premier lieu d’aborder la question de la recevabilité du recours.

33.   En vertu des articles 21, paragraphe 1, du statut de la Cour de justice et 38, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour, toute requête doit contenir l’objet du litige et un exposé sommaire des motifs invoqués. Il en résulte selon la jurisprudence constante que, dans le cas d’un recours en manquement sur le fondement de l’article 226 CE, la Commission est tenue d’indiquer les griefs précis sur lesquels la Cour est appelée à se prononcer, ainsi que, de manière à tout le moins sommaire, les éléments de droit et de fait sur lesquels ces griefs sont fondés  (18).

Sur la rédaction des conclusions de la requête en général

34.   En l’espèce, la Commission demande de manière globale qu’il soit constaté que le Royaume d’Espagne «a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions des articles 43 CE et 49 CE et des directives 89/48 et 92/51» en ce qu’il impose aux entreprises de sécurité privée et à leurs personnels certaines obligations. Certes, lesdites obligations sont précisément énumérées dans la requête, mais la manière dont la demande est formulée (19) ne fait pas ressortir clairement quels sont, parmi les griefs soulevés, ceux tirés d’une violation des articles 43 CE et 49 CE et ceux tirés d’une violation des directives 89/48 et 92/51. Cette manière de rédiger une requête manque singulièrement de clarté et de transparence.

35.   Ce n’est qu’après avoir lu les conclusions de la requête en liaison avec sa motivation et en l’interprétant au vu de cette dernière qu’il apparaît que: ce n’est qu’au moyen des cinq premiers griefs restants que la Commission invoque une violation des articles 43 CE et 49 CE et que ce n’est donc que celui, devenu désormais le sixième et dernier grief (20), qui porte sur une violation des directives 89/48 et 92/51 (21). C’est ainsi que l’on parvient, nonobstant le manque de clarté de la formulation, à rattacher les différents griefs, d’une part, aux articles 43 CE et 49 CE, et, d’autre part, aux directives 89/48 et 92/51. En fin de compte, en dépit de son manque de transparence, il ne subsiste pas de doutes décisifs quant à la recevabilité du recours en ce qui concerne la présentation générale des demandes formulées.

Sur le sixième grief en particulier

36.   Par contre, un examen plus attentif par la suite du sixième et dernier grief fait naître des doutes quant à sa recevabilité. En effet, par ce grief, la Commission invoque un manquement, à la fois, à la directive 89/48 et à la directive 92/51.

37.   Certes, en principe, il n’est pas exclu qu’un État membre puisse manquer simultanément à l’une et l’autre de ces deux directives (22). Toutefois, afin d’obtenir de la Cour qu’elle fasse ce constat, encore faudrait-il que la Commission expose dans sa requête, en détail et de façon circonstanciée, dans quelle mesure l’état du droit ou l’application du droit dans cet État constitue un manquement à l’une et l’autre de ces deux directives (23). En effet, même si les deux directives sont étroitement liées, reposent sur les mêmes principes et comportent, mutatis mutandis, les mêmes règles (24), de manière à mettre en place par leur biais un régime général de reconnaissance réciproque des qualifications professionnelles, chacune de ces directives a cependant un champ d’application différent. Alors que la directive 89/48 porte sur les diplômes universitaires sanctionnant des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans, la directive 92/51 a trait pour l’essentiel aux attestations de compétence professionnelle reposant sur une formation d’une durée plus courte.

38.   Il ne suffit donc en aucun cas, dans un recours sur le fondement de l’article 226 CE, de se borner à citer les deux directives l’une à côté de l’autre et d’alléguer de manière globale un manquement aux deux directives. Or, c’est précisément ce que, une fois de plus (25), la Commission a fait en l’espèce.

39.   La Commission n’a rien exposé dans sa requête qui laisserait apparaître que les qualifications dont doivent, le cas échéant, justifier le personnel de sécurité et les détectives privés en Espagne supposent qu’ils aient accompli une formation universitaire de trois ans au minimum ou que celle-ci entre, d’une autre manière, dans le champ d’application de la directive 89/48. Il n’est ainsi d’emblée même pas possible de voir en quoi le Royaume d’Espagne aurait manqué aux obligations lui incombant en vertu de cette directive. Dans la mesure où elle invoque une violation de la directive 89/48, la requête de la Commission n’expose pas suffisamment les éléments de droit et de fait sur lesquels elle fonde ce grief (26).

40.   En résumé, le recours doit être rejeté pour irrecevabilité en tant qu’il allègue d’une violation de la directive 89/48. Pour le surplus, il ne subsiste pas, en dépit de son manque de transparence, de doutes décisifs quant à la recevabilité du recours.

VI – Sur le bien-fondé du recours

41.   Parmi les griefs restants soulevés par la Commission, le premier grief et une partie des deuxième et cinquième griefs portent sur des problèmes sur lesquels la Cour a déjà eu à se pencher par le passé (27). Par contre, des griefs, tels que les troisième, quatrième et sixième griefs soulevés ici, n’ont pas encore fait l’objet d’une décision de la Cour.

A –    Remarques introductives

Sur la distinction entre libre prestation de services et liberté d’établissement

42.   Le point de départ de la présente procédure en manquement consiste en des activités indépendantes exercées à titre onéreux en Espagne par des entreprises de sécurité privée et des cabinets de détectives privés ayant leurs sièges dans d’autres États membres. Si ces activités sont exercées de manière provisoire, c’est-à-dire sans participation stable et continue dans la vie économique de l’Espagne, c’est le principe de libre prestation des services (articles 49 CE et 50 CE en liaison avec les articles 48 CE et 55 CE) qui s’applique à elles, sinon – par exemple en cas de constitution d’une succursale ou d’une filiale – c’est celui de la liberté d’établissement (article 43, en liaison avec l’article 48 CE) (28).

Sur l’absence d’harmonisation au niveau communautaire

43.   À plusieurs occasions, le Royaume d’Espagne justifie les dispositions législatives et réglementaires critiquées par la Commission en se référant à l’absence d’harmonisation au niveau communautaire et insiste sur le fait que ce serait pour ce motif qu’il serait permis de faire prévaloir en Espagne des conditions plus strictes que dans les autres États membres.

44.   À cet égard, il convient d’observer que les libertés fondamentales reposent sur le principe de reconnaissance réciproque. Une reconnaissance réciproque ne présuppose en aucun cas que le législateur communautaire ait créé pour certains secteurs économiques particuliers des normes communes. Au contraire, c’est précisément dans les domaines qui n’ont pas été harmonisés et pour lesquels il n’existe donc pas même une norme communautaire minimale commune que ce principe s’applique (29).

45.   En l’absence de normes communes, les États membres restent, en principe, compétents pour définir les conditions matérielles et procédurales d’une activité comme celle exercée par le personnel de sécurité des entreprises de sécurité privée. Ils peuvent ce faisant partir d’un niveau de protection différent (30). Il n’en reste pas moins qu’ils doivent exercer leurs compétences en respectant à la fois la libre prestation de services et la liberté d’établissement (31). Cela implique de tenir compte des conditions que le personnel de sécurité remplit déjà dans son pays d’origine (32).

Sur les exceptions prévues aux articles 45 CE et 46 CE

46.   En tant que le Royaume d’Espagne opère un rapprochement entre les activités des entreprises de sécurité privée et les exceptions tirées de raisons d’ordre public et de sécurité publique ainsi que de l’exercice de l’autorité publique, il a déjà été jugé que les articles 45, premier alinéa, et 46, paragraphe 1, CE ne s’appliquent pas dans des cas tels que celui de la présente espèce (33).

B –    Sur le premier grief: incompatibilité avec les articles 43 CE et 49 CE de l’exigence de revêtir la forme d’une personne morale

47.   Ce premier grief soulevé par la Commission porte sur le fait qu’il est exigé en Espagne que les entreprises de sécurité privée revêtent une des quatre formes juridiques énumérées à l’article 7, paragraphe 1, sous a), de la loi sur la sécurité privée (34).

48.   L’obligation pesant sur les entreprises de sécurité privée de revêtir la forme d’une personne morale est de nature à gêner l’activité transfrontalière de prestataires de services établis dans des États membres autres que le Royaume d’Espagne et qui y fournissent légalement de telles prestations. Une telle exigence empêche en effet les personnes physiques établies à l’étranger de fournir en Espagne des prestations de services dans le domaine de la sécurité privée. Elle constitue dès lors une restriction au sens de l’article 49 CE (35).

49.   En outre, une telle disposition constitue une restriction au sens de l’article 43 CE. En effet, elle empêche les opérateurs communautaires qui sont des personnes physiques de créer un établissement secondaire en Espagne (36).

50.   Pour justifier cette restriction, le Royaume d’Espagne invoque la protection des destinataires de services et du reste de la population. Selon lui, il serait nécessaire à cette fin de soumettre les entreprises de sécurité privée à des exigences particulières au regard de l’entreposage des armes, de la communication interne de l’entreprise et de la formation du personnel de sécurité, par exemple sous forme d’exercices réguliers de tir.

51.   Toutefois, selon la jurisprudence constante, les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité ne sont admises que si elles remplissent quatre conditions: qu’elles s’appliquent de manière non discriminatoire, qu’elles se justifient par des raisons impérieuses d’intérêt général, qu’elles soient propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et qu’elles n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (37).

52.   En l’espèce, l’obligation de revêtir la forme d’une personne morale n’est même pas adaptée pour réaliser les objectifs poursuivis. Comme l’a fait à juste titre observer la Commission, le choix de la forme d’une entreprise peut, certes, avoir une incidence notamment sur les moyens dont disposent les actionnaires pour exercer une influence au sein de la société ainsi que sur les intérêts financiers des actionnaires et des tiers. En revanche, aucun des aspects de la protection des destinataires de services et du reste de la population invoqués par le royaume d’Espagne ne dépend de la forme que revêtent les entreprises concernées. Cette protection dépend en effet uniquement de ce que les entreprises, et notamment les personnes physiques qui y travaillent, respectent concrètement les obligations pesant sur les services de sécurité; il convient ainsi que les armes soient utilisées et conservées dans le respect de règles déterminées, que la communication interne de l’entreprise soit adaptée le cas échéant au caractère dangereux de l’activité exercée et que le personnel de sécurité suive les formations nécessaires. À cet égard, le Royaume d’Espagne, sur lequel pèse la charge de prouver qu’il serait en l’espèce justifié de déroger aux libertés fondamentales en cause, n’a pas exposé les motifs pour lesquels une personne morale serait plus à même de respecter ces obligations qu’une entreprise dirigée par un commerçant exerçant en nom propre.

53.   Il convient donc de faire droit au premier grief.

C –    Sur les deuxième et troisième griefs: incompatibilité avec les articles 43 CE et 49 CE de l’exigence d’avoir un capital social déterminé et de verser une caution déterminée

54.   Les deuxième et troisième griefs soulevés par la Commission portent sur le fait que, pour être autorisées à exercer leurs activités en Espagne dans certains domaines particuliers, les entreprises de sécurité privée sont tenues d’avoir un capital social minimum dont le montant est fixé de manière détaillée et de déposer à la Caja General de Depósitos une caution dont le montant est également fixé de manière détaillée.

Sur le deuxième grief: capital social minimum

55.   L’exigence d’un capital social minimum déterminé en fonction du type et du champ d’action géographique de l’activité est de nature à gêner l’activité transfrontalière de prestataires de services établis dans des États membres autres que le Royaume d’Espagne et qui y fournissent légalement de telles prestations. En effet, les prestataires de services étrangers dont le capital social est inférieur au montant minimum en vigueur en Espagne sont empêchés de fournir leurs services en Espagne. Il en résulte une restriction à la libre prestation de services au sens de l’article 49 CE (38).

56.   En outre, une telle condition constitue une restriction au sens de l’article 43 CE (39). En effet, elle empêche un opérateur communautaire dont le capital social est inférieur au montant minimum en vigueur en Espagne de constituer une filiale ou une succursale sur le territoire espagnol.

57.   Comme la Cour l’a déjà jugé, une telle condition ne saurait être justifiée par le motif de la protection des créanciers, dans la mesure où il existe d’autres moyens d’atteindre tout aussi efficacement un tel objectif tout en restreignant de manière moindre la libre prestation de services et la liberté d’établissement, tels que la constitution d’une garantie (40) ou la souscription d’un contrat d’assurance (41).

58.   Les mêmes considérations s’appliquent à l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel un capital social minimum constituerait une garantie complémentaire pour les destinataires des prestations et pour la protection des intérêts du reste de la population. Ici aussi, il convient d’observer qu’un cautionnement ou la souscription d’un contrat d’assurance suffisent et gêneraient moins les opérateurs économiques des autres États membres.

59.   Il se peut certes – comme le soutient pour sa défense le Royaume d’Espagne – que, dans certains cas particuliers, il ne soit pas possible d’obtenir des compagnies d’assurances une couverture suffisante. Mais, dans un tel cas, les entreprises de sécurité privée concernées ont toujours la possibilité de constituer une garantie. En tout état de cause, en prévoyant impérativement de devoir justifier d’un capital social minimum déterminé sans autoriser d’autres moyens alternatifs tels que des contrats d’assurance ou des cautionnements, la réglementation espagnole va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi.

60.   Il convient donc de faire droit au deuxième grief.

Sur le troisième grief: caution

61.   En ce qui concerne la condition déjà évoquée de déposer une caution, elle constitue, elle aussi, une restriction à la libre prestation de services et à la liberté d’établissement (articles 49 CE et 43 CE), dans la mesure où elle rend la fourniture de prestations de services ou la constitution d’une filiale ou d’un établissement secondaire en Espagne plus onéreuse et donc moins attrayante pour les entreprises de sécurité privée des autres États membres.

62.   La question se pose donc de savoir si cette restriction peut se justifier. Dans ce contexte, il convient de souligner que la Cour a déjà expressément jugé que l’exigence du dépôt d’une caution constituait un moyen moins restrictif de garantir la protection des créanciers, par rapport à la fixation d’un capital social minimum (42).

63.   Selon la disposition espagnole litigieuse en l’espèce, la caution doit notamment garantir le recouvrement des amendes en cas d’infractions commises par des entreprises de sécurité privée. Il s’agit donc, en fin de compte, de garantir la protection des autorités publiques espagnoles en tant que créancières d’éventuelles amendes.

64.   La Commission ne critique pas l’exigence d’un tel cautionnement en général, mais uniquement le fait que cette caution doit être déposée entre les mains d’une institution espagnole, la Caja General de Depósitos. En exigeant que la caution soit dans tous les cas déposée entre les mains d’une institution espagnole déterminée, le gouvernement espagnol fait obstacle à ce que des garanties données dans d’autres États membres, notamment dans l’État d’origine de l’entreprise de sécurité privée, puissent être prises en compte.

65.   Une telle exigence va au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer la protection des créanciers. Il est certes légitime que les autorités de l’État d’accueil vérifient si l’étendue de la garantie constituée dans l’État d’origine est suffisante pour assurer, également dans l’État d’accueil, la protection des créanciers. Il ne saurait cependant être justifié de ne pas prendre en compte a priori de telles garanties ou d’exiger que l’entreprise constitue une autre garantie supplémentaire pour chacun des États membres dans lequel elle veut exercer ses activités.

66.   Certes, le Royaume d’Espagne s’est déclaré prêt, au demeurant après expiration du délai imparti par la Commission, à accepter de tenir également compte des cautions déposées entre les mains d’autres institutions financières de la Communauté (43). L’existence d’un manquement doit cependant être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé (44). Les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (45). À titre surabondant, rappelons que, pour éliminer un manquement au traité, des dispositions législatives contraignantes sont nécessaires et que de simples pratiques administratives, par nature modifiables au gré de l’administration et dépourvues d’une publicité adéquate, ne sauraient être considérées comme constituant une exécution valable des obligations du traité (46).

67.   Par conséquent, le troisième grief est également fondé.

D –    Sur le quatrième grief: incompatibilité avec les articles 43 CE et 49 CE de l’obligation d’employer un nombre minimum de salariés

68.   Le quatrième grief soulevé par la Commission porte sur le fait que, en vertu des points I.4.1, sous b), I.4.2, sous b), et I.5.2, sous a), de l’annexe du règlement sur la sécurité privée, il est imposé, pour les activités liées au transport d’objets de valeur, d’objets dangereux et d’explosifs qui y sont énumérées, un nombre minimal de vigiles ainsi qu’un nombre minimal de techniciens pour l’installation et la maintenance de systèmes d’alarme et de surveillance.

69.   Dans la motivation de la requête (47), la Commission désigne en outre l’obligation en vigueur en Espagne de disposer d’un nombre minimum de véhicules blindés pour le transport d’objets dangereux et d’objets de valeur comme incompatible avec l’article 49 CE. Cependant, comme la Commission ne forme curieusement sur ce point aucune demande de condamnation du Royaume d’Espagne (48), cet aspect ne sera pas abordé ci-après et le quatrième grief ne sera examiné qu’au regard de l’obligation d’employer un nombre minimum de salariés.

70.   En ce qui concerne ce nombre minimum, il constitue une restriction de la libre prestation de services (article 49 CE) puisque les entreprises de sécurité privée étrangères ayant peu de personnel sont ainsi empêchées d’offrir leurs services sur le marché espagnol. En outre ce nombre minimum rend la constitution d’établissements secondaires ou de filiales en Espagne plus onéreuse et moins attrayante pour les entreprises de sécurité privée étrangères; cela constitue une restriction de la liberté d’établissement (article 43 CE).

71.   Ces restrictions m’apparaissent justifiées en tant qu’elles s’appliquent au transport d’explosifs. En l’absence d’harmonisation sur le plan communautaire, les États membres conservent un pouvoir d’appréciation du niveau de protection qu’ils entendent atteindre sur leur territoire (49). En l’espèce, le Royaume d’Espagne renvoie de manière convaincante aux dangers que peut présenter pour la collectivité le transport d’explosifs, en particulier en Espagne du fait de menaces terroristes accrues. Cela aurait pour conséquence que les transports d’explosifs ne peuvent pas y être exécutés par une personne seule, mais par deux vigiles au moins (50), et que le personnel affecté au transport doit avoir certaines connaissances dans le maniement des explosifs. La Commission n’a pas réfuté de manière circonstanciée cette argumentation. Il convient donc dans cette mesure de rejeter le quatrième grief.

72.   Le législateur espagnol jouit certes également dans tous les autres domaines d’un pouvoir d’appréciation quant au niveau de protection à atteindre en Espagne. Il appartenait toutefois au Royaume d’Espagne sur lequel pèse la charge de prouver qu’il existerait en l’espèce un motif de déroger aux libertés fondamentales en cause, de démontrer de façon circonstanciée que le nombre minimal de membre du personnel actuellement en vigueur est propre à garantir la réalisation de ce niveau de protection et ne va pas au delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. Or, en l’espèce, il ne l’a pas fait. Bien au contraire, le royaume d’Espagne s’est lui même déclaré disposé à réduire de 50 % les minima de personnel évoqué. Ce faisant il admet en même temps que les exigences actuellement en vigueur de la législation espagnole ne sont pas nécessaires pour atteindre l’objectif poursuivi, à savoir garantir le niveau recherché de sécurité en matière de transports d’objets de valeur et d’objets dangereux ainsi que d’installation et maintenance de systèmes de sécurité et d’alarme.

73.    Il incomberait au demeurant également au Royaume d’Espagne de démontrer, de manière circonstanciée, dans quelle mesure le nombre minimal de personnel, réduit à l’avenir de 50 %, peut être justifié par des motifs impérieux d’intérêt général. Concernant la présente procédure en manquement, l’examen de cet aspect de l’affaire n’a pas lieu d’être puisque l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé. Les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (51). De simples annonces de changement futur de la législation nationale ne peuvent en aucun cas être pris en compte.

74.   En conclusion, il convient de faire droit au quatrième grief en tant qu’il porte sur l’obligation pesant en Espagne sur les entreprises de sécurité privée étrangères d’employer un nombre minimum de collaborateurs dans le domaine du transport d’objets de valeur et d’objets dangereux ou dans le domaine de l’installation et de la maintenance de systèmes d’alarme et de protection.

E –    Sur le cinquième grief: incompatibilité avec les articles 43 CE et 49 CE de la nécessité d’obtenir une autorisation spéciale pour le personnel affecté à la sécurité exerçant son activité en Espagne

75.   Par son cinquième grief, la Commission critique le fait que les membres du personnel d’une entreprise de sécurité privée établie dans un autre État membre doivent obtenir une autorisation spéciale pour exercer une activité en Espagne sans tenir compte, le cas échéant, de ce qu’ils ont déjà obtenu une autorisation comparable de l’État du siège de leur entreprise.

76.   Il est déjà établi dans la jurisprudence qu’une réglementation nationale qui subordonne l’exercice de certaines prestations de services par une entreprise établie dans un autre État membre, à la délivrance d’une autorisation administrative constitue une restriction à la libre prestation de services (52). L’exigence d’une autorisation administrative pour le personnel employé par une telle entreprise constitue pareillement une restriction à la libre prestation de services de cette entreprise (53). De même, la constitution d’une filiale ou d’un établissement secondaire peut être rendue plus difficile pour les entreprises de sécurité privée étrangères si celles-ci doivent obtenir une autorisation administrative pour le personnel de sécurité qu’elles y emploient; la législation espagnole constitue donc également une restriction de la liberté d’établissement.

77.   Il est de jurisprudence constante que les mesures nationales qui sont susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité ne sont licites qu’à quatre conditions: elles ne doivent pas être appliquées de manière discriminatoire, elles doivent être justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général, elles doivent être propres à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et elles ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (54).

78.   Comme je l’ai déjà exposé à une autre occasion, eu égard aux dangers particuliers liés aux activités de sécurité privée, rien ne s’oppose en principe à la nécessité d’un contrôle préventif de ces entreprises et de leurs personnels par les pouvoirs publics. Un tel contrôle peut prendre la forme d’une procédure d’autorisation administrative (55). Ce point ne semble pas être en l’espèce litigieux entre la Commission et le Royaume d’Espagne.

79.   Par contre, il existe un désaccord sur le point de savoir dans quelle mesure les autorités de l’État d’accueil doivent prendre en compte les exigences auxquelles le personnel de sécurité est déjà soumis dans son pays d’origine. La réponse à cette question suppose un examen différencié, à commencer en distinguant selon que c’est la liberté d’établissement (article 43 CE) ou la libre prestation de services (article 49 CE) qui est en cause.

80.   Ainsi, il ne peut être exigé d’un prestataire de services qui n’exerce qu’occasionnellement ses activités dans un autre État membre qu’il remplisse toutes les conditions requises pour un établissement dans cet État membre, sinon la libre prestation de services serait privée de tout effet utile (56). Une restriction à la libre prestation de services n’est envisageable que dans la mesure où un intérêt légitime n’est pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire de services est soumis dans son État d’origine (57).

81.   Par conséquent, lorsqu’une autorisation administrative pour le personnel d’une entreprise de sécurité privée a déjà été obtenue dans le pays d’origine, le principe de libre prestation de services oblige l’État d’accueil à en tenir compte. Une nouvelle procédure d’autorisation administrative ne peut alors être justifiée que dans des cas exceptionnels, à savoir à condition que le contrôle du personnel affecté à la sécurité déjà opéré dans l’État d’origine ne soit pas en substance équivalent (58).

82.   Dans la mesure où la législation espagnole exige que le personnel de sécurité des entreprises de sécurité privée doit toujours et sans exception obtenir une autorisation d’une autorité espagnole, elle rend impossible la prise en compte des obligations auxquelles ce personnel est déjà soumis dans d’autres États membres et viole ainsi le principe de libre prestation de services (59).

83.   En revanche, une entreprise est par principe tenue, en cas d’établissement dans un autre État membre, par le biais de la constitution d’une filiale ou d’un établissement secondaire, de remplir les mêmes conditions que celles qui valent pour les ressortissants de l’État d’accueil (60). Une entreprise de sécurité privée qui s’établit en Espagne doit donc en principe obtenir toutes les autorisations qui y sont exigées pour pouvoir entreprendre et exercer cette activité, y compris les autorisations nécessaires pour le personnel qu’elle emploie en Espagne. Cela suppose bien évidemment que les dispositions en cause ne soient pas appliquées de manière discriminatoire, soient justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général, propres à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et qu’elles n’aillent pas au-delà de ce qui nécessaire pour atteindre cet objectif (61).

84.   En l’espèce, il n’y a pas lieu de soulever d’objections de principe à l’encontre du caractère justifié de la procédure d’autorisation administrative. Néanmoins, il est possible qu’une entreprise de sécurité privée, qui constitue en Espagne une filiale ou un établissement secondaire, souhaite employer du personnel de sécurité étranger (ou bénéficiant d’une habilitation à l’étranger). Dans ce cas, il convient au regard de la liberté d’établissement que l’État d’accueil prenne en compte, dans le cadre de la procédure d’autorisation, les conditions que chacun des membres du personnel remplit déjà dans l’État d’origine et vérifie l’équivalence de ces conditions (62). Par conséquent, s’il a déjà été constaté dans le pays d’origine, dans le cadre d’une procédure en substance comparable, que les personnes concernées remplissent les conditions pour les activités en cause, l’entreprise concernée doit pouvoir l’invoquer en Espagne (63).

85.   Dans la mesure où elle ne permet pas de prendre en compte des conditions que les différents membres du personnel de sécurité remplissent déjà dans leur État d’origine, la législation espagnole est par conséquent contraire à la liberté d’établissement (64).

86.   Même en tenant compte des dangers particuliers liés aux activités des entreprises de sécurité privée, l’état du droit espagnol, tel qu’il se présente en l’espèce, n’est pas justifié. Il va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi de garantir un contrôle strict du personnel des entreprises de sécurité privée affecté à la sécurité (65).

87.   Il convient donc de faire droit au cinquième grief.

F –    Sur le sixième grief: violation des directives 89/48 et 92/51 du fait de l’absence de reconnaissance des qualifications professionnelles

88.   Comme nous l’avons déjà démontré ci-dessus (66), le sixième grief n’est recevable que dans la mesure où il a trait à la directive 92/51.

89.   Par ce dernier grief, la Commission fait valoir que ni les catégories générales des activités exercées par les entreprises de sécurité privée ni celle de détective privé ne sont comprises dans les dispositions espagnoles relatives à la reconnaissance des attestations de compétence étrangères bien que, selon les lois espagnoles, l’autorisation pour exercer une activité au sein d’une entreprise de sécurité privée est subordonnée à différentes connaissances et aptitudes et que l’exercice de la profession de détective privé nécessite un diplôme spécial. Le Royaume d’Espagne n’aurait ainsi pas satisfait à son obligation de transposer la directive 92/51.

Sur l’activité du personnel de sécurité des entreprises de sécurité privée

90.   Pour que la directive 92/51 soit applicable, encore faut-il en premier lieu que l’activité du personnel de sécurité des entreprises de sécurité privée constitue une professionréglementée.

91.   En vertu de l’article 1er, sous e) et f), de la directive 92/51, constitue une profession réglementée une activité ou un ensemble d’activités dont l’accès ou l’exercice est réglé directement ou indirectement par des dispositions de nature juridique, à savoir par des dispositions législatives réglementaires ou administratives. L’accès à une profession ou son exercice doit être considéré comme directement régi par des dispositions juridiques lorsque des dispositions législatives réglementaires ou administratives de l’État membre d’accueil établissent un régime qui a pour effet de réserver expressément cette activité professionnelle aux personnes qui remplissent certaines conditions et d’en interdire l’accès à celles qui ne les remplissent pas (67).

92.   L’article 53 du règlement sur la sécurité privée exige, notamment, que les membres du personnel des entreprises de sécurité privée soient majeurs et qu’ils disposent des aptitudes physiques et psychiques nécessaires à l’exercice de leurs fonctions, en particulier de ne pas souffrir d’une maladie pouvant les gêner dans l’accomplissement de leurs tâches. Comme l’a, à juste titre et sans que cela soit contesté, exposé la Commission, le personnel de sécurité des entreprises de sécurité privée exerce en Espagne une profession réglementée au sens de l’article 1er, sous e) et f), de la directive 92/51.

93.   Le simple constat qu’il s’agit d’une profession réglementée ne suffit toutefois pas pour faire application de la directive 92/51 dans un cas comme celui de la présente espèce. Il faut en effet vérifier en outre s’il est exigé du personnel de sécurité des entreprises de sécurité privée de justifier d’une attestation de compétence au sens de cette directive.

94.   La notion d’attestation de compétence peut être conçue de manière large et n’inclut, en vertu de l’article 1er, sous c), de la directive 92/51, pas seulement un titre sanctionnant une formation ne faisant pas partie d’un ensemble constituant un diplôme, mais également tout titre délivré à la suite d’une appréciation des qualités personnelles, des aptitudes ou des connaissances du demandeur.

95.   Contrairement à ce que semble laisser entendre la Commission (68), il ne s’agit pas en l’espèce de savoir si la décision relative à l’accès à la profession prise finalement par les autorités espagnoles (autorisation en vertu de l’article 10 de la loi sur la sécurité privée en liaison avec l’article 53 du règlement sur la sécurité privée) constitue une attestation de compétence, mais de savoir s’il est exigé des personnes concernées de justifier d’une attestation de compétence en tant que condition de l’octroi de cette autorisation.

96.   Le Royaume d’Espagne conteste que l’octroi des autorisations au personnel de sécurité des entreprises de sécurité privée est subordonné à la présentation de telles attestations de compétence.

97.   Dans ce contexte, il appartenait à la Commission d’établir de manière probante quelles sont précisément, selon elle, les attestations exigées par les autorités espagnoles qui entrent en l’espèce dans le champ d’application de la directive 92/51. En effet, il est de jurisprudence constante que, dans le cadre d’une procédure en manquement, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué et d’apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans que la Commission puisse se fonder sur une présomption quelconque (69).

98.   La requête de la Commission ne répond pas à ces conditions.

99.   L’article 53, sous b), du règlement sur la sécurité privée auquel la Commission fait référence se borne à prévoir que le personnel de sécurité des entreprises de sécurité privée doit posséder les aptitudes physiques et psychiques nécessaires à l’exercice de la profession (70). Or, l’argumentation de la Commission ne laisse pas apparaître de quelle manière l’existence de ces conditions est vérifiée avant d’octroyer l’autorisation. On ne sait notamment pas si les autorités espagnoles exigent la présentation d’une quelconque attestation établissant l’existence de ces qualités, aptitudes et connaissances personnelles – la directive 92/51 ne serait applicable que dans cette hypothèse – ou bien si celles-ci sont vérifiées en même temps demanière informelle dans le cadre de la procédure d’autorisation des personnes en cause. La Commission n’indique même pas si, en Espagne même, de telles attestations sont délivrées aux personnes qui souhaitent exercer une activité au sein du personnel de sécurité d’une entreprise de sécurité privée (71).

100. Par conséquent, la Commission n’a même pas démontré de manière probante que la directive 92/51 s’appliquerait en l’espèce. Dans ces conditions, la Cour ne peut pas constater que le Royaume d’Espagne n’aurait, en ce qui concerne le personnel des entreprises de sécurité privée, pas respecté les obligations qui lui incombent au titre de la transposition de la directive 92/51.

101. Dans un simple souci d’exhaustivité, je rappelle que, nonobstant la question de l’applicabilité des directives 89/48 et 92/51, les États membres auraient évidemment l’obligation directement dérivée des libertés fondamentales (articles 39 CE, 43 CE et 49 CE), de vérifier l’équivalence des qualifications acquises à l’étranger et, le cas échéant, de les reconnaître. De même, les États membres sont tenus de prendre en compte les examens d’aptitude professionnelle que les personnes concernées ont déjà passés dans d’autres États membres (72).

Sur la profession de détective privé

102. En ce qui concerne l’activité de détective privé, l’article 54, point 5, sous b), du règlement sur la sécurité privée subordonne l’octroi de l’autorisation administrative à la possession d’un «diplôme» de détective privé, pour lequel il faut avoir suivi les cours et passé les examens visés par d’autres dispositions réglementaires prises par le ministère de la Justice et de l’Intérieur

103. L’activité de détective privé constitue donc une profession réglementée au sens de l’article 1er, sous e) et f), de la directive 92/51 (73).

104. Ledit «diplôme» entre également dans le champ d’application de la directive 92/51. Certes, il ne s’agit pas, selon les informations fournies, d’un diplôme au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 92/51, puisqu’il n’est pas exigé une durée minimale de formation d’un an. Toutefois, tel que l’article 54, point 5, sous b), du règlement sur la sécurité privée est formulé, il s’agit, ou bien d’un certificat au sens de l’article 1er, sous b), dans la mesure où la formation requise constitue une formation professionnelle au sens de la directive, ou alors tout au moins d’une attestation de compétence au sens de l’article 1er, sous c), premier tiret, de la directive 92/51, si les cours suivis pour obtenir ce diplôme n’ont pas les caractéristiques nécessaires pour être considérés comme une formation.

105. Par conséquent, la directive 92/51 s’applique à l’activité de détective privé en Espagne. Selon que ce qui est exigé par l’article 54, point 5, du règlement sur la sécurité privée constitue au sens de la directive 92/51 un certificat ou une attestation de compétence, soit un système de reconnaissance mutuelle conformément à l’article 6 de cette directive, soit un système particulier de reconnaissance d’autres qualifications conformément à l’article 8 de cette directive serait nécessaire.

106. Selon les informations fournies par la Commission et non contestées, il n’existe en Espagne pour la profession de détective privé aucun système de reconnaissance mutuelle au sens de la directive 92/51, de sorte qu’il y a violation du traité au sens de l’article 228, paragraphe 1, CE.

Conclusion intermédiaire

107. Dans ces conditions, il convient de faire droit au sixième grief soulevé par la Commission en ce que le Royaume d’Espagne n’a, en ce qui concerne la profession de détective privé, pas pris les dispositions nécessaires pour répondre aux exigences de la directive 92/51 concernant la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l’exercice de l’activité de détective privé. Pour le surplus, ce grief n’est pas fondé et le recours doit être rejeté.

VII – Sur les dépens

108. En ce qui concerne le retrait du premier grief soulevé à l’origine par la Commission (74), les deux parties ont demandé que l’autre partie soit condamnée aux dépens (75). Il résulte de l’article 69, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour que la requérante doit être condamnée aux dépens, à moins qu’il n’apparaisse justifié de mettre les dépens à la charge de la défenderesse en vertu de l’attitude de cette dernière.

109. En l’espèce, le Royaume d’Espagne n’a modifié son règlement sur la sécurité privée en ce qui concerne la condition de nationalité espagnole qu’après expiration du délai imparti par la Commission dans son avis motivé (76). L’existence d’un manquement devant cependant être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé (77), au vu d’un examen sommaire, le premier grief soulevé à l’origine par la Commission aurait prospéré. En n’ayant que tardivement modifié le règlement sur la sécurité privée, le Royaume d’Espagne a fourni un motif pour le recours de la Commission. Dans ces conditions, il apparaît justifié de mettre à la charge du Royaume d’Espagne les dépens relatifs au grief qui a été retiré.

110. Néanmoins, puisque par ailleurs il n’y a lieu de donner pleinement gain de cause à la Commission que relativement à quatre des six griefs restants et que, pour les deux autres, elle n’obtient gain de cause qu’en partie, il conviendrait que la Cour répartisse les dépens, conformément à l’article 69, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure.

111. Partant, le Royaume d’Espagne devrait être condamné à ses propres dépens ainsi qu’aux trois quarts des dépens de la Commission. Pour le surplus, la Commission devrait supporter ses propres dépens.

VIII – Conclusion

112. Au vu de ce qui précède, je propose qu’il plaise à la Cour:

1)      juger que, en ce qu’il impose dans le cadre de la loi nº 23/1992, du 30 juillet 1992, concernant les entreprises de sécurité privée et du décret royal n° 2364/1994, du 9 décembre 1994, portant approbation du règlement sur la sécurité privée:

a)      également aux entreprises de sécurité privée des autres États membres:

–      de revêtir la forme d’une personne morale,

–      de posséder un capital social spécifique, même si elles ne sont pas soumises à cette obligation dans leur pays d’établissement,

–      de déposer entre les mains d’une institution espagnole, la Caja General de Depósitos, une caution sans tenir compte du versement éventuel d’une caution dans l’État membre d’origine, ainsi que

–      d’employer un nombre minimum de salariés, dans la mesure où l’entreprise exerce son activité dans le domaine du transport d’objets de valeur et d’objets dangereux ou celui de l’installation et la maintenance de système de sécurité et d’alarme,

b)      aux membres du personnel de sécurité des entreprises de sécurité privée des autres États membres d’être titulaires d’une nouvelle autorisation spéciale, même s’ils disposent déjà dans l’État membre d’établissement de l’entreprise d’une autorisation comparable,

le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions des articles 43 CE et 49 CE;

2)      juger que le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations de transposition qui lui incombent en vertu de la directive 92/51/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles, qui complète la directive 89/48/CEE, en ce qu’il n’a pas pris les dispositions nécessaires pour répondre aux exigences de ladite directive concernant la reconnaissance des attestations de compétence professionnelle pour l’exercice de l’activité de détective privé;

3)      rejeter le recours pour le surplus;

4)      condamner le Royaume d’Espagne à supporter la charge de ses propres dépens, ainsi que celle de trois quarts des dépens de la Commission des Communautés européennes. Pour le surplus, condamner la Commission à supporter la charge de ses propres dépens.


1 – Langue originale: l’allemand.


2 – Arrêt du 29 octobre 1998, Commission/Espagne (Rec. p. I-6717).


3 – Arrêt du 9 mars 2000, Commission/Belgique (C‑355/98, Rec. p. I-1221).


4 – Arrêt du 31 mai 2001, Commission/Italie (C‑283/99, Rec. p. I-4363).


5 – Arrêt du 29 avril 2004, Commission/Portugal (C‑171/02, Rec. p. I‑5645).


6 – Arrêt du 7 octobre 2004, Commission/Pays-Bas (C‑189/03, Rec. p. I‑9289), et mes conclusions du 22 juin 2004.


7 – Directive du Conseil, du 18 juin 1992, relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles, qui complète la directive 89/48/CEE (JO L 209, p. 25), modifiée en dernier lieu par la directive 2001/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 14 mai 2001 (JO L 206, p. 1), ci-après la «directive 92/51».


8 – Directive du Conseil, du 21 décembre 1988, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans (JO L 19, p. 16), modifiée en dernier lieu par la directive 2001/19 (ci-après la «directive 89/48»).


9 – Boletín Oficial del Estado nº 186, p. 27116.


10 – Real Decreto du 9 décembre 1994 (BOE nº 8, p. 779).


11 – Société anonyme créée par ses employés.


12 – «Diploma de detective privado» en espagnol.


13 – Il faut en outre, en vertu de l’article 54, point 5, sous a), du règlement sur la sécurité privée, avoir un certain niveau de formation qui peut être établi au moyen de divers titres («titulo de bachillerato unificado polivalente, bachiller, formacion profesional de secundo grado, tecnico de las profesiones o cualificaciones que se determinen, u otros equivalentes o superiores»). La Commission n’ayant, hormis dans l’exposé du cadre juridique, formulé aucune observation sur ces titres, il est présumé qu’elle n’entendait pas faire entrer ce point dans l’objet du litige. Il ne sera donc pas non plus discuté plus amplement ici. En tout état de cause, il n’aurait pas suffi pour que le recours soit recevable de citer sans autres commentaires une telle disposition dans l’exposé du cadre juridique, sans porter une appréciation juridique quelconque sur celle-ci (voir arrêt du 29 novembre 2001, Commission/Italie, C‑202/99, Rec. p. I-9319, point 21).


14 – Voir arrêt Commission/Espagne (précité note 2, points 4 et 6).


15 – Encore avant l’introduction du présent recours en manquement, la loi sur la sécurité privée a été modifiée par le Real Decreto-Ley nº 2/1999, du 29 janvier 1999 (BOE nº 26, p. 4327). Au cours de la procédure précontentieuse de la présente affaire, le règlement sur la sécurité privée a également été modifié par le Real Decreto nº 1123/2001, du 19 octobre 2001 (BOE nº 281, p. 43034).


16 – Voir arrêt rendu Commission/Espagne, précité à la note 2.


17 – Voir point 18 ci-dessus.


18 – Voir arrêts du 13 décembre 1990, Commission/Grèce (C‑347/88, Rec. p. I-4747, point 28); du 31 mars 1992, Commission/Danemark (C‑52/90, Rec. p. I-2187, point 17); du 23 octobre 1997, Commission/Grèce (C‑375/95, Rec. p. I‑5981, point 35, première phrase), et du 29 novembre 2001, Commission/Italie (précité à la note 13, point 20).


19 – Voir point 30 ci-dessus, où la demande est reproduite.


20 – Dernier membre de phrase, deuxième tiret, sous 1), des conclusions modifiées (reproduit au point 30 ci-dessus).


21 – Il n’est fait référence dans les points 25 à 60 de la requête qu’aux articles 43 CE et 49 CE, alors qu’aux points 61 à 71 seules les deux directives sont mentionnées.


22 – Voir, pour la jurisprudence la plus récente, arrêts du 14 octobre 2004, Commission/Espagne (C‑55/03, non publié au Recueil, point 33), et du 20 janvier 2005, Commission/France (C‑198/04, non publié au Recueil, point 11).


23 – Voir, dans le même sens, en substance arrêt du 14 octobre 2004, Commission/Espagne (précité note 22, point 29).


24 – Voir cinquième considérant de la directive 92/51.


25 – Voir, par exemple, l’acte introductif de la Commission dans l’affaire Commission/Pays-Bas (arrêt précité note 2, point 12, dernier tiret).


26 – Par contre, en ce qui concerne la directive 92/51, la Commission a indiqué – même si c'est sous une forme particulièrement succincte – que, selon elle, les professions du domaine de la sécurité privée et celle de détective constituent en Espagne des professions réglementées, qu’il faut justifier pour ces professions de qualifications mais qu’un régime de reconnaissance de ces qualifications au sens de cette directive fait défaut. Dans cette mesure, les conditions minimales requises pour qu’une requête soit régulière sont remplies. Toutes les autres questions relèvent du bien-fondé du recours.


27 – En ce qui concerne le premier et le second grief, voir en particulier arrêt Commission/Portugal (précité note 5, points 41 à 44 et 53 à 57); en ce qui concerne le cinquième grief, voir en particulier arrêt Commission/Pays-Bas (précité note 6, points 17 à 20 et 31) ainsi qu’arrêts Commission/Belgique (précité note 3, points 35 à 38) et du Commission/Portugal (précité note 5, points 60 et 61).


28 – Sur la distinction entre liberté d’établissement et libre prestation des services, voir en particulier arrêts du 30 novembre 1995, Gebhard (C-55/94, Rec. p. I-4165, points 25 à 28); du 11 décembre 2003, Schnitzer (C-215/01, Rec. p. I-14847, points 27 à 33), et Commission/Portugal (précité note 5, points 24 à 27).


29 – Il s’agit d’une jurisprudence constante depuis l’arrêt du 20 février 1979, Rewe-Zentral, dit «Cassis de Dijon» (120/78, Rec. p. 649, point 8). Voir, récemment, arrêt du 11 mars 2004, Commission/France (C‑496/01, Rec. p. I-2351, point 55 et la jurisprudence y citée). Voir, également, dans le même sens arrêt du 9 mars 1999, Centros (C‑212/97, Rec. p. I-1459, point 28).


30 – Le simple fait qu'un État membre impose des règles moins strictes que celles applicables dans un autre État membre ne signifie pas en soi que ces dernières sont disproportionnées et, partant, incompatibles avec le droit communautaire. Voir arrêts du 10 mai 1995, Alpine Investments (C‑384/93, Rec. p. I-1141, point 51); du 12 décembre 1996, Reisebüro Broede (C‑3/95, Rec. p. I-6511, point 42); du 1er février 2001, Mac Quen e.a. (C‑108/96, Rec. p. I‑837, points 33 et 34), et du 11 juillet 2002, Gräbner (C‑294/00, Rec. p. I-6515, points 46 et 47).


31 – Voir arrêts du 3 octobre 2000, Corsten (C‑58/98, Rec. p. I-7919, point 31), et du 11 mars 2004, Commission/France (précité note 29, point 55).


32 – Voir arrêts du 25 juillet 1991, Säger (C‑76/90, Rec. p. I-421, point 15); du 9 août 1994, Vander Elst (C‑43/93, Rec. p. I-3803, point 16), et Corsten (précité note 31, point 35).


33 – Voir arrêts du 29 octobre 1998, Commission/Espagne (précité note 2, points 37 à 39, 45 et 46); Commission/Belgique (précité note 3, points 24 à 26, 28, et 30) et du 31 mai 2001, Commission/Italie (précité note 4, points 20 à 22).


34 – Voir point 13 ci-dessus.


35 – Voir arrêt Commission/Portugal (précité note 5, point 41).


36 – Arrêt Commission/Portugal (précité note 5, point 42); voir aussi arrêts du 12 juillet 1984, Klopp (107/83, Rec. p. 2971, point 19), et du 7 juillet 1988, Stanton (143/87, Rec. p. 3877, point 11).


37 – Voir arrêts Gebhard (précité note 28, point 37); Corsten (précité note 31, point 35); du 31 mars 1993, Kraus (C‑19/92, Rec. p. I-1663, point 32), et du 21 avril 2005, Commission/Grèce (C‑140/03, Rec. p. I‑3177, point 34).


38 – Voir arrêt Commission/Portugal (précité note 5, point 53).


39 – Voir arrêts Commission/Portugal (précité, point 54) et du 30 septembre 2003, Inspire Art (C‑167/01, Rec. p. I-10155, points 100 et 101).


40 – Voir, sur ce point également, ci-dessous aux points 61 à 65.


41 – Voir arrêt Commission/Portugal (précité, point 55).


42 – Voir arrêt (Commision/Portugal (précité, point 55) et, dans un sens comparable, arrêt du 7 mai 1998, Clean Car Autoservice (C-350/96, Rec. p. I-2521, point 36).


43 – Voir les lettres en date des 15 novembre 2000, 9 juillet 2001 et 19 juin 2002, adressées à la Commission par le gouvernement espagnol. Le gouvernement espagnol continue au demeurant d’exiger que les entreprises de sécurité privée déposent une caution particulière pour leurs activités en Espagne.


44 – Jurisprudence constante: voir, notamment, arrêts du 16 janvier 2003, Commission/Royaume-Uni (C‑63/02, Rec. p. I-821, point 11); du 16 décembre 2004, Commission/Italie (C‑313/03, non publié au Recueil, point 9), et du 14 avril 2005, Commission/Allemagne (C‑341/02, Rec. p. I‑2733, point 33).


45 – Voir arrêts du 18 novembre 2004, Commission/Irlande (C-482/03, non publié au Recueil, point 11), et Commission/Allemagne (précité note 44, point 33).


46 – Voir, entre autres, arrêts du 9 mars 2000, Commission/Italie (C-358/98, Rec. p. I‑1255, point 17), et Commission-Pays Bas (précité note 6, point 19).


47 – Voir points 51 à 55 de la requête.


48 – Voir conclusions de la requête reproduites au point 30 des présentes conclusions.


49 – Voir ci-dessus, point 45, et la jurisprudence citée à la note 30, selon laquelle le simple fait qu'un État membre impose des règles moins strictes que celles applicables dans un autre État membre ne signifie pas en soi que ces dernières sont disproportionnées et, partant, incompatibles avec le droit communautaire.


50 – Il est exigé au point I.4.2, sous b), de l’annexe du règlement sur la sécurité privée que, pour le transport d’explosifs chaque véhicule ait un équipage composé d’au moins deux vigiles spécialisés dans ce type de transport.


51 – Voir point 66 ci-dessus et la jurisprudence constante y citée.


52 – Voir arrêts Säger (précité note 32, point 14); Vander Elst (précité note 32, point 15); Commission/Belgique (précité note 3, point 35); Commission/Portugal (précité note 5, point 60) et Commission/Pays-Bas (précité note 6, point 17).


53 – Voir arrêt Commission/Pays-Bas (précité, points 17, 18 – dernière phrase – et 20), dans lequel il était question de la nécessité d’obtenir une autorisation pour les dirigeants d’entreprises de sécurité privée; pour les autres membres du personnel, voir arrêts Vander Elst (précité, point 15) et du 21 octobre 2004, Commission/Luxembourg (C‑445/03, Rec. p. I‑10191, points 23, 24 et 30).


54 – Voir jurisprudence citée note 37.


55 – Voir points 32 à 34, et 44, de mes conclusions du 22 juin 2004 dans l’affaire Commission/Pays-Bas (précitées note 6). Voir, dans le même sens, arrêt du 11 mars 2004, Commission/France (précité note 29, point 70), par lequel il a été jugé que la protection de la population dans des domaines sensibles – dans ce cas la santé et la garantie de la qualité des prestations médicales – peut justifier des contrôles préventifs sous la forme de procédure d’autorisation.


56 – Voir arrêts Säger (précité note 32, point 13), Vander Elst (précité note 32, point 17) et Corsten (précité note 31, point 43).


57 – Voir arrêts Corsten (précité note 31, point 31 et la jurisprudence y citée); du 11 mars 2004, Commission/France (précité note 29, point 71), et Commission/Luxembourg (précité note 53, point 35).


58 – Voir, sur ce point, points 38 et 53 de mes conclusions du 22 juin 2004 dans l’affaire Commission/Pays-Bas (précitées note 6).


59 – Voir en ce sens les arrêts Commission/Belgique (précité note 3, point 38) et Commission/Portugal (précité note 5, point 66).


60 – Voir arrêt Gebhard (précité note 28, point 36, première phrase).


61 – Voir point 77 ci-dessus.


62 – Voir, en ce sens, la jurisprudence constante concernant les qualifications professionnelles, arrêts du 7 mai 1991, Vlassopoulou (C‑340/89, Rec. p. I-2357, points 16 et suiv.); du 16 mai 2002, Commission/Espagne (C‑232/99, Rec. p. I‑4235, point 21); du 13 novembre 2003, Morgenbesser (C‑313/01, Rec. p. I‑13467, point 57), et du 7 octobre 2004, Markopoulos e.a., (C‑255/01, Rec. p. I‑9077, point 63). Sur les conditions quant à la procédure, voir arrêt Kraus (précité note 37, points 38 à 41):


63 – Voir point 53 de mes conclusions du 22 juin 2004 dans l’affaire Commission/Pays-Bas (précitées note 6).


64 – Voir, en ce sens, arrêts Commission/Belgique (précité note 3, point 38) et Commission/Portugal (précité note 5, point 66).


65 – Voir, dans le même sens, arrêts Commission/Belgique (précité note 3, points 35 à 38) et Commission/Portugal (précité note 5, point 66).


66 – Voir points 32 à 40 ci-dessus.


67 – Voir arrêts du 1er février 1996, Aranitis (C‑164/94, Rec. p. I-135, points 18 et 19); du 8 juillet 1999, Fernández de Bobadilla (C‑234/97, Rec. p. I‑4773, points 16 et 17); du 11 juillet 2002, Gräbner (C‑294/00, Rec. p. I‑6515, points 31 et 32), et du 7 octobre 2004, Commission/France (C‑402/02, non publié au Recueil, point 30); voir aussi arrêt Morgenbesser (précité note 62, point 49).


68 – Voir observations de la Commission du 3 mai 2004, en particulier points 53 et 56.


69 – Voir arrêts du 25 mai 1982, Commission/Pays-Bas (96/81, Rec. p. 1791, point 6); du 20 mars 1990, Commission/France (C‑62/89, Rec. p. I-925, point 37); du 29 mai 1997, Commission/Royaume-Uni (C‑300/95, Rec. p. I-2649, point 31); du 9 septembre 1999, Commission/Allemagne (C‑217/97, Rec. p. I-5087, point 22); du 14 avril 2005, Commission/Allemagne (C-341/02, Rec. p. I‑2733, point 35), et du 12 mai 2005, Commission/Belgique (C-287/03, Rec. p. I‑3761, point 27).


70 – En vertu de l’article 53, sous a), du règlement sur la sécurité privée, les personnes en cause doivent en outre être majeures. À côté de ce critère tiré de l’âge et des exigences relatives aux capacités intellectuelles et physiques, l’article 53 du règlement sur la sécurité privée contient diverses autres conditions relatives aux antécédents judiciaires et prévoit en outre que les employés ne doivent pas avoir exercé dans les deux années précédentes certaines professions ou activités. La Commission n’ayant toutefois pas inclus ces différentes exigences dans l’objet du litige, je ne reviendrai pas sur celles-ci par la suite.


71 – La Commission ne fait pas la moindre observation dans la motivation de son recours sur l’article 10 de la loi sur la sécurité privée. Le simple fait d’évoquer une telle disposition dans l’exposé du cadre juridique de l’espèce ne suffit pas à fonder sur celle-ci un grief dans le cadre d’une procédure en manquement (voir, en ce sens, arrêt du 29 novembre 2001, Commission/Italie (précité note 13, point 21).


72 – Voir ci-dessus, points 76 à 86.


73 – Sur les différentes conditions, voir point 92 ci-dessus.


74 – Ce premier grief soulevé à l’origine portait sur la condition de nationalité des entreprises de sécurité privée et des membres de leur personnel affectés à la sécurité. Il a été retiré par la Commission au point 8 de ses conclusions du 3 mai 2004. Voir point 29 ci-dessus.


75 – Voir conclusions du 3 mai 2004 de la Commission et du 1er juillet 2004 du Royaume d’Espagne, dans lesquelles les demandes de condamnation de l’autre partie aux dépens ont été maintenues.


76 – Voir point 25 ci-dessus.


77 – Voir jurisprudence constante citée note 44.