Affaire C-228/03
The Gillette Company et Gillette Group Finland Oy
contre
LA-Laboratories Ltd Oy
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Korkein oikeus)
«Marques – Directive 89/104/CEE – Article 6, paragraphe 1, sous c) – Limitations de la protection conférée par la marque – Usage par un tiers de la marque lorsqu’elle est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service»
Sommaire de l’arrêt
1. Rapprochement des législations – Marques – Directive 89/104 – Limitation des effets de la marque – Usage de la marque par un tiers afin d’indiquer la destination d’un produit – Condition de licéité – Caractère nécessaire de l’usage – Critères d’appréciation – Vérification par le juge national – Application des mêmes critères aux accessoires et pièces détachées qu’aux autres catégories de destinations possibles
(Directive du Conseil 89/104, art. 6, § 1, c))
2. Rapprochement des législations – Marques – Directive 89/104 – Limitation des effets de la marque – Usage de la marque par un tiers afin d’indiquer la destination d’un produit – Condition de licéité – Usage conforme aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale – Critères d’appréciation – Vérification par le juge national
(Directive du Conseil 89/104, art. 6, § 1, c))
3. Rapprochement des législations – Marques – Directive 89/104 – Limitation des effets de la marque – Usage de la marque par un tiers afin d’indiquer la destination d’un produit – Commercialisation non seulement de pièces détachées ou d’accessoires, mais également du produit principal – Conditions de licéité – Caractère nécessaire et conformité avec les usages honnêtes en matière industrielle et commerciale de l’usage de la marque
(Directive du Conseil 89/104, art. 6, § 1, c))
1. Le caractère licite de l’utilisation d’une marque par un tiers pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la première directive 89/104 sur les marques, dépend du point de savoir si cette utilisation est nécessaire pour indiquer la destination du produit. Tel est le cas lorsqu’une telle utilisation constitue en pratique le seul moyen pour fournir au public une information compréhensible et complète sur cette destination afin de préserver le système de concurrence non faussé sur le marché de ce produit. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si cette condition est remplie, en tenant compte de la nature du public auquel est destiné le produit commercialisé par le tiers en cause.
Ladite disposition ne faisant, par ailleurs, aucune distinction entre les destinations possibles des produits lors de l’appréciation du caractère licite de l’utilisation de la marque, les critères d’appréciation du caractère licite de l’utilisation de la marque, notamment en ce qui concerne des accessoires ou pièces détachées, ne sont donc pas différents de ceux qui sont applicables aux autres catégories de destinations possibles des produits.
(cf. point 39, disp. 1)
2. La condition d’«usage honnête», au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive 89/104 sur les marques, constitue en substance l’expression d’une obligation de loyauté à l’égard des intérêts légitimes du titulaire de la marque.
L’usage de la marque n’est pas conforme aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale, notamment lorsque:
- il est fait d’une manière telle qu’il peut donner à penser qu’il existe un lien commercial entre le tiers et le titulaire de la marque;
- il affecte la valeur de la marque en tirant indûment profit de son caractère distinctif ou de sa renommée;
- il entraîne le discrédit ou le dénigrement de ladite marque,
- ou que le tiers présente son produit comme une imitation ou une reproduction du produit revêtu de la marque dont il n’est pas le titulaire.
Le fait qu’un tiers utilise la marque dont il n’est pas le titulaire afin d’indiquer la destination du produit qu’il commercialise ne signifie pas nécessairement qu’il présente celui-ci comme étant d’une qualité égale ou comme ayant des caractéristiques équivalentes à celles du produit revêtu de cette marque. Une telle présentation dépend des faits de l’espèce et il appartient à la juridiction de renvoi d’en apprécier l’existence éventuelle en fonction des circonstances de l’affaire. équivalentes à celles du produit de la marque dont il est fait usage constitue un élément que la juridiction de renvoi doit prendre en considération lorsqu’elle vérifie que cet usage est fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale.
L’éventualité d’une présentation du produit commercialisé par le tiers comme étant d’une qualité égale ou comme ayant des caractéristiques équivalentes à celles du produit de la marque dont il est fait usage constitue un élément que la juridiction de renvoi doit prendre en considération lorsqu’elle vérifie que cet usage est fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale.
(cf. point 49, disp. 2)
3. Dans le cas où un tiers utilisant une marque dont il n’est pas le titulaire commercialise non seulement une pièce détachée ou un accessoire, mais aussi le produit même avec lequel l’utilisation de la pièce détachée ou de l’accessoire est prévue, un tel usage entre dans le champ d’application de l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive 89/104 sur les marques pour autant qu’il soit nécessaire pour indiquer la destination du produit commercialisé par celui-ci et qu’il soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale.
(cf. point 53, disp. 3)