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Jean-Paul Jacqué
Troisième séance de travail — Les perspectives
consolidation d’un acquis qui, à l’exception du droit de vote aux élec-
tions européennes et municipales, ne devait emporter aucun élément
nouveau puisque les principaux droits conférés au citoyen figuraient
déjà dans les traités ou dans le droit dérivé en ce qui concernaient ces
éléments fondamentaux que sont la libre circulation et la non-discri-
mination. Les États n’avaient pas anticipé la manière dont la Cour se
saisirait de la citoyenneté pour en faire un concept unificateur de sa
jurisprudence. Alors qu’elle aurait pu poursuivre sa tâche en se fon-
dant sur sa jurisprudence passée, elle s’est saisie de la citoyenneté pour
la placer au cœur de sa démarche en faisant de celle-ci, selon la for-
mule de l’arrêt
Grzelczyk
(
1
), le statut fondamental des ressortissants
des États membres de l’Union européenne. La Cour, dans ce contexte,
a fait œuvre constitutionnelle en donnant vie à la citoyenneté, à la sur-
prise, et parfois à la colère, des États membres, notamment lorsqu’elle
a condamné, au nom de la discrimination, les «numerus clausus» pour
l’accès aux études de santé en Autriche et en Belgique ou lorsqu’elle
est intervenue dans la législation flamande ou encore dans l’expulsion
d’un citoyen européen vers son État membre d’origine. Mais elle a su
également tempérer certains effets qu’aurait pu avoir un usage extensif
de la notion en subordonnant l’octroi de certains avantages à l’exis-
tence d’un lien d’intégration avec l’État (
2
). Compte tenu de la diversité
des situations qui peuvent être soumises à la Cour, il est difficile de pré-
voir les interférences que peut permettre l’utilisation de la notion avec
les mesures nationales. Le concept n’a pas sans doute produit tous ses
effets. On sait que certains universitaires ont même envisagé d’utiliser
la notion pour sanctionner les atteintes graves aux droits fondamen-
taux commises par un État membre en dehors du champ d’application
du droit de l’Union (
3
). Même si une telle perspective reste fort peu
probable dans un avenir proche, elle témoigne du caractère dynamique
que l’usage de la notion peut conduire à envisager.
2) La question de la place du droit international en droit interne est un des
classiques de la doctrine du droit constitutionnel depuis le XIX
e
siècle,
(
1
) Arrêt du 20 septembre 2001, Grzelczyk (C184/99, Rec. p. I6193).
(
2
) Voir, pour un cas récent, arrêt du 18 juillet 2013, Prinz (C523/11 et C585/11, non encore
publié au Recueil).
(
3
) Von Bogdandy, A., Kottmann, M., Antpöhler, C., Dickschen, J., Hentrei, S., Smrkolj, M.,
«Reverse Solange–Protecting the essence of fundamental rights against EUMember States»,
Common Market Law Review,
2012, pp. 489–519.