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Astrid Epiney
Troisième séance de travail — Les perspectives
du concept de citoyenneté — qu’il ne s’agit plus seulement d’un droit
«isolé», mais en quelque sorte d’un droit plus «central» ou «global». Il
semble que cette qualification ait en particulier des implications pour
la délimitation du champ d’application des traités au sens de l’article 18
TFUE ainsi que pour définir les conditions sous lesquelles il est pos-
sible de perdre la citoyenneté européenne ou de déduire du droit des
citoyens européens de circuler et de séjourner librement sur le terri-
toire des États membres un droit équivalent pour des ressortissants
d’États tiers. La question se pose toutefois de savoir dans quelle mesure
cette caractérisation de la citoyenneté représente véritablement une
plus-value qualitative par rapport aux droits préalablement conférés
aux citoyens européens et, partant, aux principes déjà énoncés dans
l’arrêt
Van Gend en Loos
(
10
).
—— Alors que les droits individuels conférés par le traité étaient, dans unpre-
mier temps, conçus essentiellement comme des «droits économiques»,
le concept de la citoyenneté a considérablement élargi le nombre et la
nature de ceux-ci. Le droit de circuler et de séjourner librement sur le
territoire des États membres semble ainsi indéniablement constituer
aujourd’hui un véritable droit fondamental — désigné d’ailleurs par la
CJUE comme «liberté fondamentale» (
11
), ce qui s’explique avant tout
par le fait qu’une telle liberté lie pleinement les États membres (
12
) —
susceptible de s’appliquer (dans certaines constellations) également en
l’absence de tout lien d’extranéité [par exemple dans les situations dans
lesquelles des mesures nationales ont pour effet de priver le citoyen
de l’Union de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés
par ce statut (
13
)]. Le caractère plus «global» des droits conférés aux
citoyens européens, par rapport aux droits plus «isolés» de caractère
économique, implique par ailleurs — en se référant à l’effet utile —
que des mesures nationales ne touchant qu’indirectement les citoyens
européens (par exemple l’interdiction de séjour pour des membres de
la famille du citoyen européen) peuvent, dans certains cas, être consi-
(
10
) Voir à ce propos encore les remarques sous IV.
(
11
) Voir par exemple CJUE, aff. C-375/98 (Yiadom), Rec. 2000, I-9265, points 23 ss.
(
12
) Contrairement aux droits fondamentaux qui s’adressent aux États membres uniquement
lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union, article 51, alinéa 1, de la charte des droits
fondamentaux.
(
13
) CJUE, aff. C-34/09
(Ruiz Zambrano),
arrêt du 8 mars 2011, point 42; CJUE, aff. C-256/11
(Dereci),
arrêt du 15 novembre 2011, point 64.