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Third working session — The future prospects
qu’ils pourraient devenir des «avocats généraux privés» (
7
) aptes à stimuler
l’ordre juridique européen là où les États membres manquent de volonté pour
le faire, quelles que soient les causes de ce manque de volonté (absence d’inté-
rêt ou, au contraire, intérêt à ne pas respecter les engagements internationaux).
Un deuxième argument met en avant la culture juridique européenne (
8
), très
attachée au respect du droit, avec une quasi-sacralisation, presque une «théo-
logie politique» (
9
), que l’on relie aisément au fait que le droit est un instru-
ment privilégié de la construction européenne. Cela conduit les Européens à
être tentés d’exporter cette idée du droit qui leur a réussi, avec une préférence
forte pour un système international fondé sur des règles
(rules-based system)
par opposition à un système fondé sur la puissance
(power-based system),
une croyance dans les vertus du multilatéralisme qui va de pair avec un goût
prononcé pour l’universalisme, dès lors notamment que sont en cause des
valeurs considérées comme fondamentales, au cœur desquelles se situent au
premier chef la paix, les droits de l’homme et l’adhésion à l’idée de hiérarchie
des normes, à celle de communauté internationale, au rôle du juge (
10
). Un
troisième argument, assez proche, souligne que c’est une manière de prendre
le droit international au sérieux et d’être en cohérence avec les engagements
internationaux pris tout en accroissant leur effectivité.
Mais là, surgit la question téléologique: quel(s) objectif(s) poursuit-on? ou,
formulée plus crûment: qu’est-ce que l’Union européenne pourrait gagner
de davantage d’effet direct du droit international? Car, dès lors qu’on ne peut
considérer comme un postulat que le développement de l’effet direct est auto-
matiquement un progrès (ce qui relève d’un jugement de valeur), réfléchir sur
son caractère souhaitable suppose de réfléchir sur le projet politique qui sous-
tend l’entreprise et, partant, d’examiner le revers des arguments favorables.
On ne peut d’abord oublier que l’effet direct qu’on envisage ici ne comporte
(
7
) Ou «a policeman of his or her country’s compliance with their obligations». Voir
Weiler, J. H. H., «The WTO: Already the Promised Land?», dans Cassese, A. (ed.),
Realizing
Utopia, The Future of International Law,
Oxford University Press, 2012, p. 423.
(
8
) Wood, M., «AEuropean vision of International Law: for what purpose?», dans Ruiz Fabri, H.,
Jouannet, E., et Tomkiewicz, V. (ed.),
Proceedings of the Second Biennial Conference of the
European Society of International Law,
Hart Publishing, 2007, p. 151-164; Ruiz Fabri, H.,
«Nécessité d’une approche européenne du droit international? Ni oui, ni non, ni blanc, ni
noir», dans SFDI/Société allemande de droit international,
Droit international et diversité
des cultures juridiques,
Paris, Pedone, 2008, p. 223-240.
(
9
) Koskenniemi, M., «International Law in Europe: Between Tradition and Renewal»,
EJIL,
vol. 16, 2005, p. 120.
(
10
) Dupuy, P.-M., «Some Reflections on Contemporary International Law and the Appeal to
Universal Values: A Response to Martti Koskenniemi»,
EJIL,
vol. 16, 2005, p. 137.
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