QD30136442AC - page 200

194
Hélène Ruiz Fabri
Troisième séance de travail — Les perspectives
sur des acteurs économiques qui ne tiraient aucun bénéfice de l’interdiction
d’importation de la viande aux hormones et pour lesquels ces sanctions repré-
sentaient donc une pénalité pure et simple. La reconnaissance d’un effet direct
aux obligations en cause aurait permis à ces acteurs économiques de deman-
der au juge européen de contraindre l’Union européenne soit à leur verser des
compensations, soit à une mise en œuvre à laquelle elle résiste. Cela aurait pu
avoir pour effet (
17
) de ne pas faire peser injustement sur certaines personnes
privées le poids économique de la résistance à l’exécution, mais cette dernière
serait devenue doublement coûteuse puisqu’aux sanctions internationales se
seraient ajoutées les indemnisations versées au niveau interne. Au surplus, et
alors même que l’on sait pertinemment que certaines dispositions du droit de
l’OMC remplissent techniquement les conditions qui leur permettraient d’ac-
céder à un effet direct, une consécration judiciaire en l’occurrence aurait fait
de l’Union européenne le seul membre de l’OMC à admettre un tel effet direct
qui est globalement refusé dans son principe même [y compris par l’Union
européenne (
18
)].
Une voie moyenne, suggérée par Joseph Weiler, consisterait à distinguer
au sein des obligations internationales entre celles dont les parties n’ont pas eu
l’occasion de défendre leur interprétation lors d’une procédure de règlement
des différends et pour lesquelles il est dès lors logique de ne pas admettre d’ef-
fet direct, et celles pour lesquelles les voies de recours internationales ont été
épuisées et qui ont été à cette occasion interprétées. La résistance à l’exécution
consacre alors non seulement une violation du traité mais aussi une violation
de la chose jugée et, dès lors qu’elle débouche à l’OMC sur des sanctions com-
merciales qui frappent des personnes privées «innocentes», on peut considérer
que la reconnaissance d’un effet direct serait une réponse adéquate à l’injus-
tice de la situation. Une brèche serait cependant ainsi ouverte, ce qu’on a sug-
géré d’éviter avec une autre solution, également refusée par la Cour de justice,
consistant à admettre une responsabilité sans faute de l’Union européenne.
Au-delà de l’apaisement politique qu’une telle option aurait pu permettre,
mais à raison de son coût, elle suscite d’intéressantes questions relatives à
la marge de manœuvre dont les États (et l’Union) disposent dans la mise en
œuvre de leurs obligations internationales, dans un temps du droit interna-
tional où celui-ci n’est plus exclusivement dévolu à la régulation des relations
(
17
) Dans l’hypothèse où le juge aurait admis la responsabilité de l’Union, ce qui n’est pas le cas.
Voir CJCE,
Établissements Biret et C
ie
SA/Conseil de l’Union européenne,
30 septembre 2003,
aff. C-94/02 P, Rec. p. I-10565.
(
18
) CJCE,
Portugal/Conseil,
aff. C-149/96, 23 novembre 1999, Rec. p. I-8395.
1...,190,191,192,193,194,195,196,197,198,199 201,202,203,204,205,206,207,208,209,210,...328
Powered by FlippingBook