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Hélène Ruiz Fabri
Troisième séance de travail — Les perspectives
pas les corollaires qu’il a en droit de l’Union, en particulier le mécanisme de la
question préjudicielle qui a pour effet que, une fois la question de l’effet direct
d’une disposition tranchée par la Cour de justice, la solution s’impose de façon
homogène à l’ensemble des États membres. Dans la mesure où la très grande
majorité des traités internationaux ne règle pas la question, celle-ci est suscep-
tible de recevoir autant de réponses qu’il y a de parties à ces traités, avec l’effet
d’asymétrie qui en découle sur le degré de contrainte des obligations. On en
connaît les conséquences: d’une part, la partie au traité soumise à l’effet direct
de ses engagements et dont, de ce fait, la responsabilité est doublement sus-
ceptible d’être recherchée (au niveau international et au niveau interne) tendra
à être plus exigeante vis-à-vis de ses partenaires (en particulier si le traité en
cause est assorti d’un mécanisme de règlement des différends); d’autre part,
elle sera plus méfiante à l’égard de la conclusion d’accords ultérieurs dans un
contexte où l’on sait déjà l’acquisition d’accords multilatéraux très difficile.
Par ailleurs, par le rôle qu’il confère au juge interne, l’effet direct modifie
l’équilibre des pouvoirs au niveau interne (
11
). Or, la marge de décision du
juge interne est largement indéterminée puisque, s’il est admis en droit in-
ternational qu’une convention internationale ne peut se voir reconnaître un
effet direct que si ses parties le veulent (
12
), cette volonté reste le plus souvent
informulée et les conventions internationales sont généralement muettes sur
la question. Sous réserve mais aussi indépendamment de la satisfaction des
conditions de précision et d’inconditionnalité de la norme, ce qui est en effet
fondamentalement en cause dans le choix opéré par le juge est l’invocabilité
de la norme internationale par les justiciables, avec l’hypothèse vraisemblable
que cette norme leur confère des droits dont ils sont autrement privés. On
rencontre là principalement un argument de justice.
Il ramène vers la question de savoir si, et, en cas de réponse positive, dans
quelles circonstances, l’on doit donner à chaque citoyen, à côté des États
membres, le pouvoir de surveiller le respect par l’Union européenne de ses
obligations internationales et développer ce que certains appellent
compliance
pull
(
13
)? Même formulée à l’aune de l’idéal démocratique, la réponse est nuan-
cée. D’abord, parce qu’on ne peut partir du principe ni qu’un État (ou l’Union
(
11
) Le phénomène a été suffisamment analysé concernant la Cour de justice pour qu’il ne soit
pas nécessaire d’y insister. Voir Vauchez, A., «“Integration through Law” —Contribution to
a Socio-History of EU Political Commonsense»,
EUI Working Papers,
RSCAS, 2008/10.
(
12
) CPJI,
Compétence des tribunaux de Dantzig,
série B, n
o
15, p. 18.
(
13
) Franck, T., et Becker, I.,
The Power of Legitimacy among Nations
, Oxford University Press,
1990, p. 42 et suiv.
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