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Henri Labayle
Troisième séance de travail — Les perspectives
Présentée comme l’alpha et l’oméga de l’ELSJ par le législateur comme par
la Cour, qui n’a pas craint de l’élargir à la politique d’asile (
8
), à tort à notre
avis, la confiance ne saurait être aveugle dans un milieu encore hétérogène.
Les statistiques des violations des dispositions de la CEDH par des États
membres de l’UE démontrent, si besoin en était, que la présence dans le Conseil
de l’Europe ne vaut pas davantage brevet démocratique que l’appartenance à
l’Union. À l’instant où, par choix politique ou par contrainte économique,
certains États membres ne parviennent plus à se conformer aux standards
sans lesquels cette confiance n’a plus de sens, l’attitude de la Cour est observée.
À dire vrai, elle n’emporte pas une adhésion absolue à ce jour.
La logique de 2003 expliquait vraisemblablement la proclamation d’un
principe de confiance mutuelle entre États membres. L’équilibre aurait dû
conduire, depuis, à s’interroger sur sa portée à l’égard des individus. Au moins
autant que les États, les citoyens de l’Union sont en effet en droit de nourrir
une confiance minimale dans les systèmes juridiques nationaux que l’Union
s’efforce de rapprocher et de coordonner dans la lutte contre le crime.
Or, en l’état du droit et de la jurisprudence, tel n’est pas le cas. Lorsque,
dans des affaires récentes relatives au mandat d’arrêt européen, la possibi-
lité existe de ne pas délivrer une lecture intégriste de la confiance mutuelle,
la Cour ne la saisit pas, malgré les ouvertures de ses avocats généraux (
9
).
Lorsqu’un juge constitutionnel l’a interrogée récemment sur la possibilité de
retenir une lecture plus avantageuse des garanties fondamentales, en vertu
de l’article 53 de la charte, elle a fait prévaloir les impératifs de la primauté du
droit de l’Union (
10
).
Construire la confiance réciproque des États membres malgré la défiance
croissante des citoyens à l’encontre d’une confiance mutuelle mal balisée
constitue donc un défi à la mesure des enjeux en cause. Affirmer l’autonomie
du droit produit dans le cadre de l’ELSJ et y adapter l’action du juge serait une
façon de le relever utilement.
(
8
) CJUE, grande chambre, 21 décembre 2011,
N. S
. (C-411/10) et
M. E. et autres
(C-493/10).
(
9
) CJUE, grande chambre, 16 novembre 2010,
Gaetano Mantello
, aff. C-261/09, Rec. 2010,
p. I-11477; CJUE, grande chambre, 29 janvier 2013,
Radu
, aff. C-396/11.
(
10
) CJUE, 26 février 2013,
Procédure pénale/Stefano Melloni
, aff. C-399/11.