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CONCLUDING REMARKS
Le professeur Weiler a décrit, dans l’introduction à la conférence, l’impact
pragmatique, systémique et conceptuel de l’arrêt
Van Gend en Loos
. Il a mis
en évidence le trio inséparable «effet direct, primauté et renvoi préjudiciel».
Comme on le sait, les gouvernements qui sont intervenus dans l’affaire (aux-
quels s’ajouterait, dans
Costa/ENEL
, le gouvernement italien) contestaient le
fait qu’un individu lésé dans ses droits puisse invoquer un remède en quelque
sorte parallèle à l’action en manquement mue par la Commission, défenseur
de l’intérêt général. Il convenait que la Cour réfute de façon exemplaire les
thèses des gouvernements et, pour y répondre d’une manière positive et du-
rable, transforme l’objectif de la procédure de renvoi préjudiciel en faisant de
celle-ci une arme dans les mains de l’individu pour la défense de ses droits.
Les auteurs du traité n’avaient pas en vue un tel usage de la procédure de ren-
voi préjudiciel. Le professeur De Witte a rappelé les trois fonctions du renvoi
préjudiciel: le renvoi en interprétation d’un article du traité ou d’un acte de
droit dérivé, c’est-à-dire celui qu’avaient clairement à l’esprit les rédacteurs
de l’article 177 du traité CEE, le renvoi demandant à la Cour de se prononcer
sur l’effet direct d’une disposition et, enfin, celui l’invitant à permettre au juge
national de trancher un conflit entre droit communautaire/de l’Union et droit
interne. C’est, en définitive, le cas de conflit présumé qui est le plus fréquent.
Il est possible de remarquer que, devant le juge national, juge de droit com-
mun du droit de l’Union, l’effet direct paraît effectivement très souvent ne pas
faire de problème. Pour certains auteurs, cette indifférence serait une lacune,
condamnable du point de vue de la démocratie (
12
).
L’accent mis sur l’octroi de droits individuels — qualifiés de droits sub-
jectifs dans la version italienne non officielle de l’arrêt ainsi que l’a rappelé le
professeur Ziller, et cela pour le motif indiqué par le professeur Gori (
13
) — au
(
12
) Voir, déjà à ce sujet, Vandaele, A., et Claes, E., «L’effet direct des traités internationaux. Une
analyse en droit positif et en théorie du droit axée sur les droits de l’Homme», Koninklijke
Universiteit Leuven, Institut de droit international, Working Paper, n
o
15, décembre 2001,
(aussi publié dans la RBDI/
BTIR, 2001), p. 23-24, quant à «l’absence de vision réfléchie de l’effet direct» dans la
jurisprudence belge, celui-ci étant alors reconnu «de façon implicite».
(
13
) La différence entre droits subjectifs et intérêts protégés réglerait l’allocation respective de
compétence au juge judiciaire ou aux juridictions administratives. Cet impact procédural
de l’existence ou non de droits subjectifs n’est pas propre à l’Italie, voir Vandaele et Claes,
op. cit., p. 15, n
o
26. Ainsi, comme le signale le professeur Waelbroeck, M., dans
Traités
internationaux et juridictions internes dans les pays du Marché commun
, Bruxelles, CIDC,
1969, p. 188, le Conseil d’État italien avait, par arrêt du 7 novembre 1962,
Foro it.
, 1963, III,
143, admis que l’article 31 du traité CEE, fort semblable à l’article 12, devait s’appliquer
indépendamment du fait de savoir s’il était une source de droit pour les particuliers, et cela
sans faire de renvoi à la Cour de justice; mais il s’agissait d’une juridiction administrative.