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Jean-Victor Louis
CONCLUSIONS générales
Van Gend en Loos
était en cours, constituait la préfiguration de l’arrêt dans
cette dernière affaire (
2
). Dans les deux cas, ce sont les positions candidement
protectionnistes des gouvernements en cause qui ont, pour une bonne part,
expliqué la motivation de type constitutionnel adoptée par la Cour. Il s’agis-
sait, en effet, de la part des États défendeurs, d’une résistance frontale aux
conséquences qui résultaient pour ces États de l’adhésion à la CEE. Un coup
d’arrêt était indispensable face à ces tendances destructrices de l’ordre juri-
dique nouveau. L’arrêt
Van Gend en Loos
a constitué cette réaction nécessaire.
Le professeur Pescatore justifie ainsi la démarche de la Cour: «La principale
idée neuve véhiculée par le processus d’intégration communautaire était qu’il
convenait, dans l’interprétation des traités, de prendre les États “au mot” et
de tirer les conséquences d’engagements intrinsèquement interétatiques, mais
en raisonnant dans la logique propre d’un système à dimension constitution-
nelle, c’est-à-dire “en fonction de son potentiel normatif”» (
3
).
Dans la période actuelle, marquée par une crise, d’abord financière, puis
budgétaire et économique, d’une grande gravité, le repli sur soi est, pour cer-
tains, une tentation difficilement résistible. C’est sans doute dans ce contexte
qu’il faut comprendre les affirmations fortes en faveur de la primauté du droit
de l’intégration et la référence à la «primauté, unité et effectivité» du droit
de l’Union que l’on trouve dans des décisions ayant fait quelque bruit, pro-
noncées dans les affaires
Melloni
(
4
) et
Akerberg-Fransson
(
5
). Ne pourrait-on
pas penser, faute de réaction, que l’ordre juridique de l’Union a deux juges
suprêmes, celui de Luxembourg et tel autre juge constitutionnel? D’aucuns ne
sont pas loin de le penser, en dehors des milieux scientifiques. Il en sera ques-
tion dans la suite de ces conclusions.
Après quelques développements sur l’arrêt lui-même et ses retombées, les
présentes conclusions porteront sur le concept d’autonomie de l’ordre juri-
dique de l’Union et, enfin, seront mentionnées quelques perspectives, le tout
(
2
) Voir «
Van Gend en Loos
, 3 February 1963 — A View from Within», The Past and Future of
EU Law, Poiares Maduro, M., et Azoulai, L. (ed.), Hart Publishing, Oxford and Portland
Oregon, 2010, p. 3-8, spécialement p. 4.
(
3
) Voir Simon, D., «Hommage à Pierre Pescatore», [en référence à la préface de sa thèse:
L’interprétation juridictionnelle des traités d’organisations internationales,
Pedone, Paris,
1981, p. IX],
Revue de la faculté de droit de Liège
, 2010, 4, p. 423 et suiv., spécialement p. 426.
(
4
) Arrêt du 26 février 2013, C-399/11,
Stefano Melloni/Ministerio Fiscal
.
(
5
) Arrêt du 26 février 2013, C-617/10,
Aklagaren/Hans Akerberg Fransson
.
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