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Jean-Victor Louis
CONCLUSIONS générales
traité UE, comme une réserve de souveraineté. Cependant, le plus grand défi
posé à l’approche pluraliste est de trouver un régime susceptible de résoudre
les conflits de normes entre deux entités qui revendiquent l’autonomie, une
règle permettant de trancher en cas d’antinomie irréductible (
23
). Les réponses
à ce défi n’ont pas manqué. Elles reposent souvent sur le respect mutuel et
la coopération nécessaire. Nous ne pouvons les passer en revue. Toutes sont
confrontées, même si leurs auteurs ne le reconnaissent pas nécessairement, à
la nécessité de trouver une légitimation à la primauté de la règle commune.
Cette légitimation de l’ordre juridique autonome est enracinée, pour le pro-
fesseur Pernice, dans la volonté des citoyens des États membres qui sont, en
même temps, citoyens de l’Union et ont consenti par la voie démocratique
à la création d’un
multilevel constitutionalism
. Celui-ci est proposé comme
base théorique donnant une signification à l’interdépendance entre États et
Union. Il est aussi censé réconcilier le pluralisme avec les exigences d’unité
et
d’égalité. D’où l’adhésion du professeur Pernice à l’idée d’un
Constitutional
compound (Verfassungsverbund),
en tant qu’appréciation in concreto en vue
de comprendre l’UE du point de vue juridique sur la base du
multilevel consti-
tutionalism.
Ce sont les deux piliers qui fondent l’approche proposée.
Parmi les mérites de cette approche, il faut noter, en particulier, l’accent
sur des ordres juridiques qui se doivent considération et sont appelés à colla-
borer en raison de leurs liens d’interdépendance: l’Union a besoin des États
membres; ceux-ci sont en charge de la mise en œuvre du droit de l’Union, et
les États ont besoin de joindre leurs forces au sein de l’Union pour faire face
à des défis majeurs, souvent planétaires, que seuls, ils ne peuvent maîtriser. Il
faut aussi souligner la fonction reconnue au concept d’autonomie en tant que
séparation des ordres juridiques qui distinguent l’ordre juridique de l’Union
d’un ordre fédéral: ni l’UE, ni les États, et particulièrement, leurs juridictions,
ne peuvent statuer sur la validité d’un acte de l’autre pouvoir public. Il n’est pas
de règle «
Bundesrecht bricht Landesrecht»
au niveau de l’Union (
24
).
(
23
) Voir, à ce sujet, Louis, J.-V., «La primauté, un concept dépassé?»,
Mélanges Jean Paul Jacqué
,
op. cit., p. 443-461.
(
24
) Voir, à ce sujet, la tentative de consacrer un principe de cette nature, par Grabitz, E.,
Gemeinschaftsrecht bricht nationales Recht
, Hamburg, 1966. Cet auteur était, à l’époque,
loin d’être isolé. Voir, à cet égard, les auteurs cités par Louis, J.-V.,
Les règlements de la
Communauté économique européenne
, Presses Universitaires de Bruxelles, 1969, p. 395 et
suiv., en particulier, la note 7, p. 444.