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CONCLUDING REMARKS
L’autonomie du droit communautaire
Le professeur Pernice a rappelé, dans le texte substantiel adressé aux rap-
porteurs et aux intervenants, que si, formellement, le mot «autonomie» pour
qualifier l’ordre juridique communautaire n’apparaît pas dans l’arrêt
Van
Gend en Loos
, l’on y trouvait l’affirmation selon laquelle le droit communau-
taire était «indépendant de la législation des États membres» et, en tout cas,
l’arrêt
Costa
se référait expressément au droit né du traité, comme étant «issu
d’une source autonome». Notre éminent collègue note que le concept d’auto-
nomie, d’abord censé délimiter le droit communautaire du droit internatio-
nal, a subi une évolution caractérisée essentiellement par sa mise en cause
par les juridictions constitutionnelles. Celles-ci ont revendiqué la possibilité
d’exercer leur contrôle et beaucoup d’auteurs ont vu la solution des rapports
entre les ordres juridiques dans le recours au concept de «
pluralist system
of
competing legal orders
», alors que notre collègue Weiler défendait le concept
de «tolérance constitutionnelle» qui le faisait s’opposer au défunt et regretté
Traité établissant une Constitution pour l’Europe.
Au départ d’idées développées dans les années 1990, par le philosophe
écossais du droit Neil MacCormick, les doctrines pluralistes se sont propagées
au début de ce siècle, en trouvant à l’Institut européen de Florence à la fois un
terrain favorable et quelques rares critiques. Au sujet du débat pluraliste, je
voudrais faire deux réflexions: il y a autant de pluralismes que d’exposants de
la doctrine, comme le démontrent les patients travaux de Matej Avbelj et Jan
Komarek, cités par le professeur Pernice, et l’appréciation formulée par un très
bon observateur, en 2008 (
22
), me paraît rester vraie. Celui-ci soulignait qu’une
grande partie du monde académique attentif aux questions européennes ne
participe pas à ce débat. Ceux qui y ont contribué ont en commun, comme
le relève le professeur Pernice, une conception qui repose sur «
the non-
hierarchical co-existence of a plurality of self-referential orders
». Mais l’auteur
ajoute, à la suite de René Barents, qu’après l’arrêt
Van Gend en Loos
, l’État
n’est plus la seule autorité sur son territoire, et la Constitution n’est plus la
norme suprême et ultime de l’État. De telles vues se distinguent de celles de
bon nombre de tenants de la doctrine «pluraliste» dont certains ont tendance
à considérer la clause de respect de l’identité nationale de l’article 4 (2) du
contrôle parlementaire du principe de subsidiarité. Droit belge, néerlandais et luxembourgeois
,
Larcier, Bruxelles, 2013, spécialement, p. 59 et suiv.
(
22
) Voir Baquero Cruz, J., dans Avbelj, M., et Komarek, J.,
Four Visions of Constitutional
Pluralisms
, EUI Working Papers, LAW, 2008, p. 13-14.