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Henri Labayle
Troisième séance de travail — Les perspectives
directeurs, dont certains ont été constitutionnalisés par le traité de Lisbonne,
malgré les réticences initiales et persistantes des États membres à l’encontre de
la Cour de justice dans ce domaine.
Beaucoup reste encore à faire cependant, les potentialités de la jurispru-
dence
Van Gend en Loos
n’ayant pas été complètement explorées dans un ELSJ
pris entre le marteau des droits fondamentaux et l’enclume des questions ins-
titutionnelles. Au point que certains, parmi lesquels des organisateurs de cette
journée, n’hésitent pas à caresser l’idée d’un «nouvel» arrêt
Van Gend en Loos
propre à ce domaine.
D’où un doute persistant, conduisant à une question. En passant l’ELSJ
au tamis de la jurisprudence de 1963, est-on bien certain que ce «patrimoine
juridique» des individus, qui est vraisemblablement son principal apport, a
réellement été constitué en la matière?
1.
Un doute
En affirmant la nouveauté de l’ordre juridique au profit duquel les États
avaient «limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souve-
rains», la Cour de justice ouvrait une voie que la réalisation de l’ELSJ n’em-
prunte pas aussi facilement que l’on croit. Point par point, il est facile de s’en
convaincre.
Venue du droit international, l’entraide répressive demeure marquée par
son empreinte intergouvernementale, autant que les politiques migratoires
le demeurent par la vision souveraine des États membres. Un quart de siècle
après la fondation de cet espace, à la fin des années 1980, la «limitation» des
droits souverains des États n’a pas encore pleinement produit ses effets. Le
«patrimoine juridique» des particuliers concernés ne s’est donc pas enrichi
autant qu’on pouvait l’imaginer et quand bien même la matière paraissait s’y
prêter de façon idéale.
Sans doute est-ce la conséquence de ce qu’ici le droit régissant l’ELSJ est,
par hypothèse, moins «indépendant de la législation des États membres» que
l’était son prédécesseur relatif au marché intérieur. Le «fonder» sur la recon-
naissance mutuelle et l’animer en matière pénale par une méthode de «coopé-
ration» comme le propose le traité de Lisbonne réserve logiquement une place
importante au droit interne. Le placer par la force des choses sous l’emprise