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Fabrice Picod
Deuxième séance de travail — Les retombées
nationalité des personnes physiques, servait à déterminer leur rattachement à
l’ordre juridique d’un État (
19
).
Bien évidemment, les revendications des personnes morales doivent être
adaptées à la nature du droit revendiqué. Ainsi, on ne saurait a priori consi-
dérer que les articles du traité relatifs à la libre circulation des travailleurs
font naître des droits au profit de personnes morales telles que les sociétés,
mais il y a lieu d’approfondir la question. En effet, dans son arrêt
Clean Car,
la
Cour de justice a observé que, si les droits de libre circulation des travailleurs
existent
«indubitablement dans le chef des personnes visées, les travailleurs»,
rien n’indiquait qu’ils ne pouvaient être invoqués
«par autrui, en particulier
par les employeurs».
La Cour s’est référée à l’effet utile du droit des travailleurs
qui
«doit nécessairement avoir pour complément le droit des employeurs de les
engager dans le respect des règles en matière de libre circulation des travail-
leurs»
(
20
). Cette prise de position a été récemment confirmée dans ses arrêts
Caves Krier
(
21
) et
Las
(
22
). De même, on ne saurait exclure que les droits de
libre circulation des travailleurs puissent être invoqués par des syndicats vi-
sant à défendre les intérêts des travailleurs.
La reconnaissance de droits au profit de personnes morales de droit pu-
blic est en revanche porteuse d’ambiguïtés, ne serait-ce que parce que ce sont
de telles personnes qui sont tenues, à titre principal, au respect des obliga-
tions imposées par le droit de l’Union européenne. Pourtant, ces qualités ne
sont pas radicalement exclusives l’une de l’autre. On pourrait ainsi fort bien
imaginer qu’une entreprise publique se prévale d’une liberté de circulation
à l’encontre d’un État membre ou qu’une collectivité territoriale se prévale
du non-respect d’une obligation imposée à l’État membre. Bien évidemment,
de telles revendications ne pourront être admises que si elles portent sur des
droits qui n’ont pas exclusivement été conçus comme des droits protégeant
la personne humaine, tels que le droit à la vie ou les droits liés à la famille.
La jurisprudence de la Cour de justice devrait être plus explicite au sujet des
droits reconnus aux personnes de droit public.
La reconnaissance de droits au profit de personnes qui sont des ressortis-
sants des États tiers soulève des difficultés bien connues en droit de l’Union
(
19
) CJCE, 29 avril 1999,
Royal Bank of Scotland,
aff. C-311/97, Rec. p. I-2651, point 23.
(
20
) CJCE, 7 mai 1998,
Clean Car,
aff. C-350/96, Rec. p. I-2521, points 19 et 20.
(
21
) CJUE, 13 décembre 2012,
Caves Krier Frères,
aff. C-379/11, points 28 et 29.
(
22
) CJUE, 16 avril 2013,
Las,
aff. C-202/11, point 18.