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Paolo Gori
Première séance de travail — L’arrêt
véritable humaniste qui, tout en enseignant un droit essentiellement forma-
liste comme le droit de la procédure civile, aimait aller au-delà des aspects
formels des phénomènes juridiques pour rechercher la réalité humaine sous-
jacente. En parlant de la décision judiciaire, il nous disait qu’elle est le résultat
d’un procédé complexe, dans lequel jouent un rôle non seulement les notions
juridiques, qui sont naturellement toujours et en toute première ligne bien
présentes à l’esprit du juge, mais également les principes moraux et les idéaux
de ce dernier, tels que, par exemple, ses conceptions de la justice, de l’équité,
de la solidarité sociale, et cetera, car ils concernent des valeurs fondamentales
qui influencent inévitablement son interprétation de la loi. Une telle position
était, à l’époque, il y a soixante ans, bien différente de la conception positiviste
encore dominante parmi les juristes italiens, selon laquelle, dans chaque cas,
en adoptant la méthode d’interprétation correcte de la loi, la décision judi-
ciaire en découlerait presque automatiquement. Cette tentative de déperson-
naliser les décisions judiciaires en vue d’en assurer le maximum d’objectivité
visait sans doute un objectif louable, mais malheureusement utopique.
Je trouvai une confirmation indirecte du bien-fondé de la conception prag-
matique du professeur Calamandrei dans l’étude d’un philosophe, le profes-
seur Guido Calogero, sur la logique du juge. En examinant l’articulation du
syllogisme qui est à la base de la décision judiciaire, cet auteur a démontré que
le choix des prémisses de ce syllogisme ne peut pas être neutre, mais qu’il est
effectué nécessairement en fonction de la conclusion à laquelle on veut aboutir.
Pour ceux qui aimeraient connaître cette démonstration, je renvoie à l’étude
de cet auteur, «La logica del giudice e il giudizio in Cassazione», publiée il y a
une soixantaine d’années à Padoue.
La position de Piero Calamandrei ne signifie nullement que les décisions
judiciaires seraient de ce fait entachées de partialité, mais simplement que le
processus de la prise de décision comporte naturellement une interprétation
du droit, et que dans ce processus jouent non seulement des éléments de pure
logique formelle, mais également, et incontournablement, des «valeurs» qu’on
a pu qualifier d’éléments métajuridiques, mais qui, au demeurant, appar-
tiennent à cette même réalité humaine que le droit vise à régler.
Après ces considérations liminaires, revenons en 1963, époque à laquelle
les États membres, contrairement aux espérances de ceux qui avaient promu
le processus de l’intégration européenne, ne semblaient pas être d’accord
pour promouvoir des progrès rapides sur la voie de l’intégration. C’est donc
au niveau de l’interprétation du traité qu’il fallait mettre à profit toutes les