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First working session — The judgment
possibilités légitimes pour favoriser le développement du système constitu-
tionnel communautaire. Les cours constitutionnelles (et la Cour de justice
agissait ici en cette qualité) s’inspirent souvent du principe «magis ut valeat»
pour interpréter la Constitution au mieux de sa capacité expansive. Aux yeux
d’un Européen convaincu tel que le juge Lecourt, cette approche s’imposait.
Quant au juge Trabucchi, qui, dans sa carrière de civiliste, s’était intéressé
davantage aux aspects concernant les droits individuels, on peut comprendre
qu’il optât pour une interprétation du système constitutionnel communau-
taire de nature à favoriser l’élargissement du domaine des droits individuels et
des possibilités de leur sauvegarde. Les voies de recours directs des particuliers
devant la Cour de justice étant limitées, ce n’était qu’en ouvrant largement aux
particuliers la voie d’un accès indirect par le biais des questions préjudicielles
qu’on pouvait atteindre ce but, qui allait de pair avec l’exigence d’assurer en
fait l’égalité de traitement des citoyens vis-à-vis de l’application du droit com-
mun, en se prévalant de la précieuse coopération des juges nationaux pour
assurer le respect de ce droit dans les ordres juridiques internes. Or, ce résultat
ne pouvait être atteint que si l’on reconnaissait largement l’effet direct de ce
droit, même dans les cas où ses normes ne s’adressaient qu’aux États.
Si la note en délibéré du juge Trabucchi, que j’ai mentionnée au début de
mon exposé, a dévoilé le rôle de tout premier plan que ce juge a joué dans cette
affaire, je me souviens très bien que le juge Lecourt a contribué de manière
tout autant décisive à son issue, et cela, grâce à son éloquence lors de la dis-
cussion orale de la note du juge Trabucchi au sein du plenum de la Cour ainsi
qu’au stade de la formulation des motifs de la décision. Je pense même que,
s’il n’avait pas pu compter sur le soutien du juge Lecourt, M. Trabucchi aurait
hésité à prendre officiellement une position aussi critique dans sa substance
vis-à-vis de la position fortement majoritaire qui s’était déjà dégagée au sein
de la Cour.
Voilà ce que je peux dire, pour autant que je me souvienne, quant à la
genèse de la décision
Van Gend en Loos
. Direz-vous alors que ce fut une déci-
sion politique? C’est justement pour prévenir cette objection que j’ai exposé
en prémisse ce que je pense quant au procédé logique de la décision judiciaire,
considéré non pas d’un point de vue abstrait, mais sur le plan de la réalité et
des nécessités de la pratique. Fait-il de la politique le juge constitutionnel qui
tient compte des conséquences économiques et sociales de ses décisions? Si
la considération des effets de ses décisions peut et, à mon sens, doit être prise
en compte par le juge dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire pour évi-
ter de produire des dégâts majeurs dans la société, il faut également admettre
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